II. LES ABUS CONSTATÉS TIENNENT AUTANT AUX RELATIONS QU'ENTRETIENNENT FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS QU'À L'IMPRÉCISION DU DROIT APPLICABLE

A. DES ABUS QUI TROUVENT LEUR ORIGINE DANS LA NATURE DES RELATIONS QU'ENTRETIENNENT FOURNISSEURS ET DISTRIBUTEURS

Comme cela a été précisé précédemment, dans un contexte de concurrence exacerbée, la recherche d'économies à travers la politique des achats ou la course à la taille peut s'avérer insuffisante. L'augmentation du chiffre d'affaires doit également être obtenue à travers une dynamisation des ventes.

Cette dimension commerciale recouvre largement la fonction " marketing " dans la politique des entreprises. Plus précisément, on peut considérer que le marchandisage est la partie du marketing englobant les techniques marchandes qui permettent de présenter dans les meilleures conditions possibles, matérielles et psychologiques, le produit ou le service à vendre à l'acquéreur éventuel.

On peut également considérer que le marchandisage tend à substituer, à une présentation passive du produit, une présentation active faisant appel à tout ce qui peut le rendre plus attractif : conditionnement, emballage, exposition, étalage...

Le recours à ces techniques de vente particulières repose sur l'idée que nombre de produits de consommation ne font pas l'objet d'une demande " naturelle " ou " spontanée ". Le consommateur doit être convaincu ou séduit pour que se déclenche l'acte d'achat.

Dans le cadre de la relation distributeur/fournisseur, le marchandisage a pu apparaître comme un terrain d'entente possible, distinct de la négociation sur les prix, à travers la " mise à disposition de personnel ".

Contrairement à ce que sous-entend le terme, le salarié " marchandiseur " n'est pas chargé de la démonstration des produits vendus. Il n'a aucune activité commerciale ou promotionnelle et il n'est pas en relation avec la clientèle. Son travail consiste à regarnir les rayons de l'hypermarché de produits de certaines marques qu'il va chercher dans les réserves des magasins, ce travail correspond par certains aspects à celui " d'employé de libre service " défini par la convention collective des magasins d'alimentation et d'approvisionnement général applicable aux hypermarchés.

Le salarié " marchandiseur " n'est pas employé par le distributeur mais soit par le fournisseur, soit par l'intermédiaire d'un prestataire de service. Son intervention dans les rayons n'est donc pas facturée au distributeur, elle est à la charge des fournisseurs, que celui-ci réalise cette prestation en interne en développant sa propre force de vente ou qu'il ait recours à un prestataire de service.

La pratique du marchandisage s'est largement répandue depuis quelques années. Elle s'est également diversifiée. Il existe toujours un marchandisage de qualité qui consiste à apporter une valeur ajoutée à l'acte de vente en mettant en oeuvre des techniques de ventes spécifiques. Ce marchandisage est surtout le fait des forces de vente propres des fournisseurs qui sont dépêchées dans les hypermarchés. Mais à côté de cette activité, s'est développée une autre forme de marchandisage pratiquée essentiellement par des prestataires de service, qui est, quant à elle, à l'origine de l'essentiel des abus constatés. Le marchandisage se rapproche dans ce cas d'une opération de prêt de main d'oeuvre ou marchandage, laquelle est interdite par le code du travail.

Le recours à cette forme de marchandage est motivé par le souci de faciliter la négociation entre le fournisseur et le distributeur.

Les salariés marchandiseurs constituent une force d'appoint non négligeable pour le distributeur, de plus celle-ci ne lui coûte rien puisqu'elle est prise en charge par le fournisseur. En contrepartie, ces salariés permettent au fournisseur de pouvoir espérer augmenter le volume de ses ventes, ce qui peut l'amener à accepter de réduire ses prix.

La " mise à disposition " du personnel constitue ainsi une modalité de résolution des conflits d'intérêts qui opposent fournisseurs et distributeurs.

Les abus apparaissent du fait que le recours à cette forme de marchandisage est motivé par la recherche d'une " monnaie d'échange " pour conclure la transaction entre fournisseur et distributeur. Dans ces conditions, la tentation est grande de maintenir ces salariés marchandiseurs dans une situation de précarité comme cela a pu être constaté à de multiples reprises sur le terrain depuis plusieurs années.

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