PJLC Nouvelle-Calédonie
GIRAULT (Jean-Marie)
RAPPORT 522 (97-98) - COMMISSION DES LOIS
Table des matières
- LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
-
EXPOSÉ GÉNÉRAL
- I. UN CHEMINEMENT DIFFICILE JUSQU'À LA SOLUTION CONSENSUELLE
- II. LE CONTENU DE L'ACCORD SIGNÉ À NOUMÉA LE 5 MAI 1998
- III. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ET L'ÉCONOMIE DU PROJET DE LOI
- EXAMEN DES ARTICLES
- TABLEAU COMPARATIF
- ANNEXES
-
ANNEXE 1
L'ACCORD DE NOUMÉA SIGNÉ LE 5 MAI 1998 -
ANNEXE 2
PROGRAMME DE LA MISSION
DE LA COMMISSION DES LOIS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
DU 10 AU 13 JUIN 1998
N°
522
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 juin 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi constitutionnelle, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, relatif à la Nouvelle-Calédonie ,
Par M.
Jean-Marie GIRAULT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Simon Loueckhote, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les
numéros :
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Départements et territoires d'outre mer. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 24 juin 1998 sous la présidence de M.
Jacques Larché, président, la commission des Lois a
examiné en première lecture, sur le rapport de M. Jean-Marie
Girault, le projet de loi constitutionnelle relatif à la
Nouvelle-Calédonie.
Après avoir rappelé que les accords de Matignon avaient permis de
restaurer une paix durable et que l'accord de Nouméa signé le 5
mai 1998, fruit de négociations longues et difficiles, proposait une
solution consensuelle appelée des voeux de tous évitant un
" référendum couperet ", M. Jean-Marie Girault,
rapporteur, a observé que le sentiment dominant en
Nouvelle-Calédonie était celui du soulagement et de la
satisfaction. Il a cependant indiqué que les différents
interlocuteurs rencontrés sur place par la délégation de
la commission des Lois s'interrogeaient sur la réponse qui serait
apportée par la loi organique à certaines interrogations portant
notamment sur la conciliation, au sein des nouvelles institutions, de
l'autorité coutumière et du pouvoir politique, sur
l'aménagement d'un équilibre des pouvoirs dans le respect de
l'identité provinciale et sur la poursuite de l'effort de
rééquilibrage entrepris au cours des dix dernières
années.
Après avoir présenté le contenu de l'accord de
Nouméa rendant nécessaire une révision constitutionnelle
ainsi que l'économie du projet de loi, il a approuvé la
modification effectuée par l'Assemblée nationale tendant à
introduire les dispositions spécifiques à la
Nouvelle-Calédonie dans le corps de la Constitution, cette modification
lui étant apparue d'emblée préférable au dispositif
résultant du projet de loi initial proposant l'adoption d'une loi
constitutionnelle autonome.
A l'issue d'un large débat auquel ont pris part M. Jacques
Larché, président, M. Jean-Marie Girault, rapporteur, et MM. Guy
Allouche, Robert Badinter, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard,
Jean-Jacques Hyest, Simon Loueckhote, Lucien Lanier, Paul Masson, Daniel
Millaud et Robert Pagès, et au cours duquel a été
soulignée la difficulté qu'il y aurait à traduire en
termes juridiques, dans la loi organique, les orientations politiques
tracées par l'accord de Nouméa, la commission des Lois a
adopté conforme le projet de loi constitutionnelle relatif à la
Nouvelle-Calédonie.
EXPOSÉ GÉNÉRAL
Mesdames, Messieurs,
Le projet de loi constitutionnelle relatif à la
Nouvelle-Calédonie aujourd'hui soumis à votre examen a
été adopté par l'Assemblée nationale en
première lecture le 17 juin 1998.
Ce texte constitue la première étape de la traduction dans notre
ordonnancement juridique de l'accord de Nouméa conclu le 21 avril 1998
et signé par l'ensemble des partenaires le 5 mai 1998 dont la mise en
oeuvre sera assurée par l'adoption d'une loi organique fixant le statut
de la Nouvelle-Calédonie pour une période d'au moins quinze ans.
Conformément à la tradition selon laquelle votre commission des
Lois effectue une mission d'information lorsqu'un projet de révision
statutaire lui est soumis, une délégation constituée de
six de ses membres et conduite par M. le Président Jacques
Larché s'est rendue sur le territoire du 10 au 13 juin 1998
((
*
)1)
. Le programme
((
*
)2)
de
ce bref séjour de trois jours et demi fut particulièrement dense
: la délégation a pu rencontrer les principaux responsables
politiques, économiques et coutumiers locaux au cours d'une vingtaine
d'entretiens et effectuer un déplacement dans chacune des trois
provinces.
Le
sentiment unanime
exprimé par l'ensemble des interlocuteurs
fut celui d'un grand
soulagement
à la suite de la conclusion de
l'accord de Nouméa : ce terme de " soulagement " est revenu
comme un leitmotiv au cours des discussions, illustrant a posteriori la
difficulté du chemin parcouru pour aboutir à une solution
consensuelle sur l'avenir de la Nouvelle-Calédonie, souhaitée par
tous.
Les responsables politiques rencontrés ont indiqué à la
délégation qu'ils s'attelaient désormais à un
travail d'information pour faire connaître à la population locale
le contenu de l'accord conclu, en soulignant que, contrairement aux accords de
Matignon ayant en 1988 suscité des réactions d'hostilité,
l'accord de Nouméa rencontrait l'assentiment des ressortissants
calédoniens en dépit de quelques marques d'impatience
manifestées en particulier par les jeunes générations
critiquant la durée de la période transitoire définie.
Tous se sont accordés à reconnaître que les accords de
Matignon, signés à Paris le 26 juin 1988, avaient ouvert pendant
dix ans une période de paix civile et de stabilité pour la
Nouvelle-Calédonie dont il était possible aujourd'hui de
récolter les fruits.
Au-delà des discussions relatives au projet de loi constitutionnelle
révélant un sentiment de satisfaction, la
délégation a pu constater que l'euphorie du début du mois
de mai liée à l'aboutissement des négociations
était déjà retombée pour laisser place à
un certain nombre d'interrogations
auxquelles la loi organique mettant
en oeuvre les orientations de l'accord devra répondre.
Ces interrogations portent pour l'essentiel sur les points suivants :
-
la conciliation au sein des futures institutions de l'autorité
coutumière et du pouvoir politique
: l'élaboration d'un
dispositif cohérent sera d'autant plus délicat que la
portée de l'autorité coutumière varie selon les provinces,
les interférences entre celle-ci et l'exercice du pouvoir politique
étant particulièrement importantes dans la Province des Iles bien
que les sources de légitimité soient fondamentalement
différentes.
Du point de vue du droit applicable, statut civil de droit commun et statut
civil coutumier devront pouvoir cohabiter sans compromettre la stabilité
des situations juridiques et dans le respect des garanties dues à chaque
individu. De même, la définition du régime foncier devra
s'attacher à concilier droit coutumier et droit commun pour
éviter l'insécurité juridique et ne pas freiner le
développement des investissements nécessaires au
rééquilibrage économique.
-
le maintien d'un équilibre des pouvoirs dans le respect de
l'identité provinciale
: la réalité provinciale
constituant une donnée essentielle du paysage politique
calédonien, le nouveau dispositif statutaire devra veiller à
préserver les prérogatives des trois provinces
créées par la loi référendaire du 9 novembre 1988.
- l'adoption de mesures permettant
la poursuite de l'effort de
rééquilibrage
dans le prolongement de la mise en oeuvre des
accords de Matignon : les responsables politiques rencontrés ont
fréquemment regretté qu'aucune mention relative aux clés
de répartition des ressources entre le territoire, ou plutôt la
nouvelle entité créée, et les provinces ne figure dans le
document d'orientation de l'accord de Nouméa.
Le point 4.2.1 de cet accord se contente en effet de stipuler que
" des
contrats de développement pluriannuels seront conclus avec
l'État. Ils pourront concerner la Nouvelle-Calédonie, les
provinces et les communes et tendront à accroître l'autonomie et
la diversification économiques "
. En dépit du
caractère laconique de ce texte sur les moyens à mettre en oeuvre
pour poursuivre le rééquilibrage amorcé, des garanties en
la matière devront figurer dans le nouveau statut.
En effet, l'effort engagé au cours des dix dernières
années s'est appuyé sur un ensemble d'instruments novateurs tels
que la création des provinces, l'instauration d'une
péréquation de la ressource fiscale et budgétaire, la mise
en oeuvre de contrats de développement entre l'État, le
territoire et les provinces, la conclusion du contrat de ville de Nouméa
et la mise en place de structures telles que l'Agence de développement
rural et d'aménagement foncier (A.D.R.A.F.), l'Institut
calédonien de participation (I.C.A.P.) ou l'Agence de
développement économique de la Nouvelle-Calédonie
(A.D.E.C.A.L.).
A l'instar du constat dressé par le rapport d'information établi
à la suite de la mission effectuée par votre commission de
Finances au mois de septembre 1996, votre commission des Lois se
félicite du chemin parcouru depuis 1988 en matière de
développement des infrastructures publiques et de niveau d'instruction
de la population, même si l'objectif de rééquilibrage
économique n'est pas encore atteint.
Enfin, les personnalités rencontrées ont observé que les
longs mois de négociation et d'incertitude avaient plongé
l'économie calédonienne dans une situation d'attentisme et que,
si à la suite de la conclusion de l'accord de Nouméa un
frémissement était perceptible, le redémarrage ne pourrait
devenir effectif que lorsque la Nouvelle-Calédonie connaîtrait
définitivement son sort, c'est-à-dire lorsque le nouveau statut
serait adopté. C'est pourquoi votre commission des Lois invite le
Gouvernement à saisir le Parlement du projet de loi organique dès
que l'accord aura été approuvé par la consultation
référendaire locale devant intervenir avant la fin de
l'année.
Pour l'heure, se félicitant de l'accord conclu à Nouméa
après un cheminement laborieux, elle exprime le souhait que la
révision constitutionnelle relative à la
Nouvelle-Calédonie soit adoptée dans les meilleurs
délais.
I. UN CHEMINEMENT DIFFICILE JUSQU'À LA SOLUTION CONSENSUELLE
La
durée d'application des accords de Matignon ayant été
fixée à dix ans
((
*
)1)
, M. Jacques
Lafleur, président du RPCR, a proposé dès le printemps
1991 la recherche d'une "
solution consensuelle
" qui
permettrait d'éviter un "
référendum
couperet
".
Ce n'est ensuite qu'en décembre 1995 que M. Roch Wamytan, nouveau
président du FLNKS, et M. Jacques Lafleur ont présenté
leurs projets institutionnels respectifs, le FLNKS prônant la mise en
place d'un pays indépendant, la Kanaky, dès 1998, le RPCR
étant favorable à une "
émancipation dans
l'appartenance à la France
".
La première réunion tripartite sur l'évolution
institutionnelle de la Nouvelle-Calédonie s'est tenue le 15
février 1996 mais, dès le 19 avril 1996, le FLNKS suspendait les
négociations, trois de ses quatre composantes posant comme
préalable à la reprise des discussions la définition d'une
solution permettant de garantir l'accès à la ressource
minière pour la construction d'une usine de traitement du nickel en
Province nord. Ce "
préalable minier
" a
provoqué la suspension des négociations pendant près de
deux ans.
Le processus d'élaboration d'un accord fut laborieux malgré le
vote unanime du Congrès, en novembre 1996, en faveur de la
création de l'usine du nord par la société SMSP
(société minière du sud Pacifique) en partenariat avec la
société canadienne Falconbridge. La viabilité du projet
était en effet subordonnée à la réalisation d'un
échange de massifs miniers entre la SMSP et la société
Eramet dont est filiale la SLN (société Le Nickel) qui exploite
l'usine métallurgique de la province sud implantée à
Doniambo, près de Nouméa. Les dirigeants d'Eramet, soucieux de
préserver les intérêts de ses actionnaires minoritaires et
en dépit des pressions exercées par les autorités
gouvernementales françaises, se montrant réticentes, le Premier
ministre, M. Lionel Jospin a été conduit, au mois de juillet
1997, à confier à un médiateur, M. Philippe Essig, la
mission de procéder à une évaluation des perspectives
économiques et industrielles du projet de construction d'une usine en
province nord. Après avoir élaboré un rapport
d'étape, rendu public le 20 septembre, considérant comme
" crédible " le projet présenté par la SMSP, M.
Philippe Essig a remis le 1er novembre 1997 son rapport définitif
préconisant une solution d'échange minier et de création
d'une usine dans le nord.
Des tensions sont alors apparues au sein du FLNKS, certains de ses membres
entrant en dissidence en réfutant le préalable minier pour
créer le 26 décembre 1997 un " comité de coordination
indépendantiste " (CCI) destiné à reprendre les
discussions politiques avec le RPCR sur l'avenir politique du territoire. Dans
le même temps, le FLNKS, condamnant vigoureusement cette initiative,
entreprenait des actions sur le terrain en organisant des barrages routiers et
menaçait de se retirer du dossier minier si aucun accord n'intervenait
avant la fin du mois de janvier. Pour répondre à cette exigence,
un protocole d'accord prévoyant l'échange des massifs miniers de
Koniambo et de Poum entre les sociétés Eramet et SMSP
était enfin signé le 1er février 1998 au ministère
de l'Économie et des Finances, ces accords de Bercy permettant la
reprise des discussions politiques sur l'avenir institutionnel du territoire.
Le 14 février 1998, lors de son dix septième congrès,
reporté à plusieurs reprises, le FLNKS réaffirmait la
volonté du mouvement indépendantiste "
de faire aboutir
par la négociation son projet d'État associé avec la
France en 1998
".
Suspendues depuis le mois d'avril 1996, les négociations politiques ont
en définitive pu reprendre le 24 février 1998, une réunion
à Paris étant organisée à l'invitation conjointe du
Premier ministre et du secrétaire d'État à l'outre-mer
afin de dresser un bilan des accords de Matignon et de déterminer un
calendrier et une méthode de travail. Les partenaires ont reconnu le
avancées enregistrées depuis dix ans en matière
économique et sociale et dans le domaine de l'enseignement tout en
observant qu'une ample tâche restait à accomplir.
Le FLNKS a alors formulé trois souhaits : le règlement du
contentieux colonial, la mise en place d'institutions permettant aux
Calédoniens de prendre progressivement en main leur destinée et
la définition de nouveaux liens de partenariat avec la France dans le
cadre d'un État associé. Le RPCR rejetant ce concept
d'association, les délégations se sont séparées en
formulant le souhait qu'un accord puisse être trouvé pour le 4 mai
1998, date prévue pour l'inauguration du Centre culturel Jean-Marie
Tjibaou.
Le Gouvernement s'étant officiellement engagé à discuter
avec le FLNKS du contentieux colonial sans que cette question puisse constituer
un nouveau préalable, il a été décidé que
les discussions reprendraient à Nouméa au mois de mars pour se
poursuivre ensuite à Paris.
MM. Alain Chrisnacht, conseiller auprès du Premier ministre pour
l'outre-mer, et Thierry Lataste, directeur de cabinet du secrétaire
d'État à l'outre-mer se sont ainsi rendus en
Nouvelle-Calédonie à la fin du mois de mars pour préparer
la reprise des discussions tripartites. A Paris, début avril, les trois
partenaires des accords de Matignon ont réaffirmé leur
volonté de parvenir, dans le respect du calendrier fixé, à
une solution négociée. Les discussions ayant buté à
Paris sur la question de la durée du statut devant succéder
à celui défini par la loi référendaire du 9
novembre 1998, elles ont repris à Nouméa le 15 avril.
Après une dernière semaine au cours de laquelle les
négociations et la mise au point d'un texte se sont
déroulées dans le plus grand secret, l'accord de Nouméa a
en définitive été conclu le 21 avril. Il a
été signé le 5 mai par l'ensemble des partenaires, le
Premier ministre étant arrivé en Nouvelle-Calédonie le 4
mai pour l'inauguration du Centre culturel Jean-Marie Tjibaou. L'accord a
été publié au Journal officiel du 27 mai 1998
((
*
)1)
.
II. LE CONTENU DE L'ACCORD SIGNÉ À NOUMÉA LE 5 MAI 1998
L'accord est constitué d'un préambule et d'un document d'orientation qui définit le cadre de l'évolution institutionnelle et politique de la Nouvelle-Calédonie.
A. LE PRÉAMBULE
Dans le
préambule, sont retracées les circonstances historiques de
l'appropriation de ce territoire par la France, la prise de possession ayant eu
lieu le 24 septembre 1853.
Le texte constate le caractère unilatéral de cette prise de
possession et décrit les conséquences de la colonisation pour la
population kanak (privation des terres ancestrales, perte des repères
identitaires, mouvements démographiques provoquant un bouleversement de
l'organisation sociale, marginalisation politique et culturelle).
Tout en actant cette "
atteinte à la dignité du peuple
kanak et la confiscation de son identité
", le préambule
reconnaît que les communautés venues d'ailleurs ont
contribué au développement du territoire et que, devenues
indispensables à son équilibre social et à son
fonctionnement économique et institutionnel, elles doivent y demeurer.
Il affirme la nécessité de "
poser les bases d'une
citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie
", la
"
refondation d'un contrat social entre toutes les
communautés
" devant être précédée
de la "
pleine reconnaissance de l'identité kanak
"
(définition précise du statut coutumier des personnes, place des
structures coutumières et création d'un Sénat coutumier,
mise en place de nouveaux mécanismes juridiques et financiers en
matière foncière, adoption de symboles identitaires).
Il indique que la solution négociée
" définit pour
vingt années l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie et
les modalités de son émancipation
", l'équilibre
institutionnel imaginé traduisant la nouvelle étape vers la
souveraineté (délibérations du congrès ayant valeur
législative, création d'un exécutif local, reconnaissance
progressive d'une citoyenneté propre, transfert progressif et
irréversible des compétences selon un calendrier défini
par le congrès) qui sera soumise, au terme d'une période de vingt
ans, à l'approbation des populations intéressées.
Le préambule précise enfin que, compte tenu de
l'étroitesse du marché du travail, "
des dispositions
seront définies pour favoriser l'accès à l'emploi local
des personnes durablement établies en
Nouvelle-Calédonie
".
La Nouvelle-Calédonie bénéficiera pendant toute la
période de quinze à vingt ans de l'aide de
l'État.
B. LE DOCUMENT D'ORIENTATION
Ce
document est constitué de six volets distincts :
- l'identité Kanak
- les institutions
- les compétences
- le développement économique et social
- l'évolution de l'organisation politique
- la procédure de mise en oeuvre de l'accord
1. l'identité kanak
a) Le statut civil particulier
•
Il est prévu que, par dérogation à l'article 75 de la
Constitution
((
*
)1)
, toute personne pouvant
relever du statut coutumier qui y aurait renoncé ou s'en trouverait
privée pourra en retrouver le bénéfice.
Le statut civil particulier, désormais dénommé
" statut coutumier ", distinguera les " terres
coutumières ", obéissant aux règles d'appropriation
et de dévolution résultant de la coutume, et les autres terres,
soumises au droit commun.
b) Droit et structures coutumières
Un
statut juridique du procès-verbal de palabre sera redéfini et le
rôle des aires coutumières sera valorisé, la
délimitation de ces aires pouvant influencer le découpage
communal.
Le statut des autorités coutumières sera précisé,
leur rôle en matière de médiation pénale
étant reconnu.
Le Conseil coutumier de la Nouvelle-Calédonie deviendra un
" Sénat coutumier ", obligatoirement consulté sur les
sujets intéressant l'identité kanak.
c) Le patrimoine culturel
•
La promotion du patrimoine culturel :
Les noms de lieux kanak seront rétablis et les sites sacrés
juridiquement protégés.
L'État favorisera le retour en Nouvelle-Calédonie des objets
culturels kanak.
Les langues kanak seront, avec le Français, des langues d'enseignement
et de culture (enseignement primaire, secondaire et universitaire). Une
académie des langues kanak sera mise en place.
• Le développement culturel :
La culture kanak sera valorisée dans les formations artistiques et
dans les médias.
• Le Centre culturel Jean-Marie Tjibaou :
L'État s'engage à apporter durablement l'assistance technique et
financière nécessaire au fonctionnement du Centre culturel
Jean-Marie Tjibaou.
Un accord particulier sera conclu sur ces questions relatives au patrimoine
culturel.
d) La terre
L'accord
souligne que "
l'identité kanak se définit d'abord en
référence à une terre
".
Un bilan du rôle et des conditions de fonctionnement de l'ADRAF (agence
de développement rural et d'aménagement foncier) sera
établi.
Les terres coutumières seront cadastrées et de nouveaux outils
juridiques et financiers seront mis en place pour favoriser le
développement des terres coutumières dont la définition
sera élargie. Le statut des baux portant sur ces terres sera
défini par le Congrès, en accord avec le Sénat coutumier.
Les domaines de l'État et du Territoire seront redistribués
à d'autres collectivités ou à des propriétaires
coutumiers ou privés, en vue de rétablir des droits ou de
réaliser des aménagements d'intérêt
général.
e) Les symboles
Les signes identitaires du " pays " (nom, drapeau, hymne, devise, graphisme des billets de banque) seront recherchés en commun et exprimeront l'identité kanak. Une mention du nom du " pays " pourra être apposée sur les documents d'identité.
2. Les institutions
L'accord
reconnaît une citoyenneté de la Nouvelle-Calédonie,
traduisant la communauté de destin choisie. Cette citoyenneté
sera commuée en nationalité au terme de la période si
l'accès à l'indépendance est approuvé.
"
La notion de citoyenneté fonde les restrictions
apportées au corps électoral pour les élections aux
institutions du pays et pour la consultation finale
". Elle servira de
"
référence pour la mise au point des dispositions qui
seront définies pour préserver l'emploi
local
".
a) Les assemblées
Les
assemblées de province seront composées des membres du
Congrès et de membres supplémentaires dont le nombre est
fixé par l'accord.
Le mandat des membres du Congrès et des assemblées provinciales
est de cinq ans.
Certaines délibérations du Congrès,
dénommées par l'accord "
lois du pays
", auront
valeur législative et pourront être contestées devant le
Conseil constitutionnel.
Le Sénat coutumier sera obligatoirement saisi des projets de loi du pays
et des délibérations qui concerneront l'identité kanak. En
cas de vote non conforme de ce Sénat, une nouvelle
délibération du Congrès statuera définitivement.
Un Conseil économique et social comprenant des représentants du
Sénat coutumier sera obligatoirement consulté sur les
délibérations à caractère économique et
social du Congrès.
Le périmètre d'une commune ne devra pas chevaucher la
délimitation de deux provinces.
b) Le corps électoral
•
Pour les consultations relatives à l'organisation de la
Nouvelle-Calédonie au terme de la période d'application de
l'accord, le corps électoral est constitué de la façon
suivante :
- les personnes inscrites sur les listes électorales aux dates de ces
consultations ayant été admises à participer au scrutin
prévu à l'article 2 de la loi du 9 novembre 1988 ou remplissant
les conditions pour y participer ;
- celles qui pourront justifier que les interruptions dans la continuité
de leur domicile en Nouvelle-Calédonie étaient dues à des
raisons professionnelles ou familiales ;
- celles qui, relevant du statut coutumier ou nées en
Nouvelle-Calédonie, y ont le centre de leurs intérêts
matériels et moraux ;
- celles qui, nées ailleurs, ont un parent qui est né en
Nouvelle-Calédonie et y ont le centre de leurs intérêts
matériels et moraux ;
- les jeunes inscrits sur les listes électorales qui, s'ils sont
nés avant 1988 auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de
1988 à 1998 ou, s'ils sont nés après 1988, ont eu un de
leur parents remplissant les conditions pour voter au scrutin de 1998 ;
- ceux qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile continu en
Nouvelle-Calédonie.
• Pour les élections au Congrès et aux assemblées
de provinces, la composition du corps électoral est la suivante :
- les personnes qui remplissaient les conditions pour voter au scrutin de 1998 ;
- ceux qui, inscrits au tableau annexe, rempliront une condition de domicile de
dix ans à la date de l'élection ;
- ceux qui, atteignant la majorité après 1998, justifieront de
dix ans de domicile à cette date, auront un parent remplissant les
conditions pour être électeur au scrutin de 1998 ou auront un
parent inscrit au tableau annexe justifiant d'une durée de domicile de
dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date du scrutin.
c) L'exécutif
Il
s'agira d'un exécutif collégial dont la composition sera
fixée par le Congrès. Ses membres seront élus par celui-ci
au scrutin proportionnel et l'exécutif sera responsable devant le
Congrès. Il est prévu une incompatibilité entre la
qualité de membre du Congrès ou des assemblées
provinciales et celle de membre de l'exécutif.
Le représentant de l'État assistera aux
délibérations du Gouvernement et pourra demander une seconde
délibération.
d) Les communes
Leurs compétences pourront être élargies (urbanisme, développement local, distribution d'électricité, fiscalité locale) et elles pourront bénéficier de transferts domaniaux.
3. Les compétences
Un
calendrier des transferts de compétences de l'État vers le
territoire sera dressé, dont le Congrès pourra demander la
modification, sauf en ce qui concerne le transfert des compétences
régaliennes susceptible d'intervenir à l'issue de la consultation
de 2013.
Ces transferts donneront lieu à compensation financière qui sera
garantie par la loi constitutionnelle.
a) Les compétences transférées
•
Les compétences transférées immédiatement sont :
- le droit à l'emploi : des garanties particulières seront mises
en place en liaison avec l'État, confortant la réglementation sur
l'entrée des personnes non établies en
Nouvelle-Calédonie
.
Pour les professions indépendantes, le droit d'établissement
pourra être restreint pour les personnes non établies en
Nouvelle-Calédonie.
Pour les salariés du secteur privé et les fonctionnaires
territoriaux, une réglementation locale privilégiera
l'accès à l'emploi des habitants.
- les principes directeurs du droit du travail et le droit au travail des
ressortissants étrangers ; les principes directeurs de la formation
professionnelle.
- le commerce extérieur (réglementation des importations et des
investissements étrangers).
- les communications extérieures (poste,
télécommunications).
- la navigation et les dessertes maritimes internationales ; la desserte
aérienne n'ayant pour escale en France que la Nouvelle-Calédonie.
- l'exploration, l'exploitation et la conservation des ressources naturelles de
la zone économique exclusive (ZEE), le domaine public maritime
étant transféré aux provinces.
- la médiation pénale coutumière et la définition
de peines contraventionnelles pour les infractions aux lois du pays.
- les règles relatives à l'administration provinciale.
- les programmes de l'enseignement primaire, la formation des maîtres et
le contrôle pédagogique.
• Les compétences transférées ultérieurement
seront :
- l'état civil ;
- la police et la sécurité de la circulation aérienne et
maritime ; la sécurité civile ;
- le régime comptable et financier des collectivités publiques et
de leurs établissements publics ainsi que leur contrôle
administratif ;
- les règles relatives à l'administration communale ;
- le droit civil et le droit commercial ;
- les principes directeurs de la propriété foncière et des
droits réels ;
- la législation relative à l'enfance délinquante et
à l'enfance en danger ;
- l'enseignement du second degré et les règles applicables aux
maîtres de l'enseignement privé sous contrat.
Ces transferts interviendront au cours des second et troisième mandats
du Congrès (entre la 5ème et la 15ème
année).
b) Les compétences partagées
Les compétences partagées entre l'État
et la Nouvelle-Calédonie sont :
- Les relations internationales et régionales :
La France associera la Nouvelle-Calédonie aux négociations
internationales et en particulier à la renégociation du statut
d'association des PTOM à la Communauté européenne.
La Nouvelle-Calédonie pourra être membre de certaines
organisations internationales et être représentée dans les
pays de la zone Pacifique et auprès de l'Union européenne. Elle
pourra conclure des accords avec ces pays dans ses domaines de
compétence.
Ses relations avec Wallis-et-Futuna feront l'objet d'un accord particulier.
- Les étrangers : l'exécutif calédonien sera
associé à la mise en oeuvre de la réglementation relative
à l'entrée et au séjour des étrangers.
- L'audiovisuel : l'exécutif sera consulté par le CSA pour toute
décision propre à la Nouvelle-Calédonie (convention).
- Le maintien de l'ordre : l'exécutif sera informé par le
représentant de l'État des mesures prises.
- La réglementation minière : les compétences
réservées à l'État pour les hydrocarbures, les sels
de potasse, le nickel, le chrome et le cobalt seront transférées.
Un Conseil des mines sera consulté sur les projets de
délibération du Congrès (définition des
règles) et des provinces (mise en oeuvre) en matière
minière.
- Les dessertes aériennes : l'exécutif sera associé aux
négociations menées par l'État.
- L'enseignement supérieur et la recherche : l'État associera
l'exécutif à la préparation des contrats conclus avec les
organismes de recherche implantés en Nouvelle-Calédonie et avec
l'Université.
c) Les compétences régaliennes
La justice, l'ordre public, la défense, la monnaie et les affaires étrangères resteront de la compétence de l'État jusqu'à l'expiration de la période, mais les Calédoniens seront formés et associés à l'exercice de ces responsabilités.
4. Le développement économique et social
a) La formation
Les
formations devront mieux prendre en compte les réalités locales,
l'environnement régional et les impératifs de
rééquilibrage.
L'Université devra répondre aux besoins de formation et de
recherche propres à la Nouvelle-Calédonie et un programme de
formation des cadres moyens et supérieurs sera soutenu par l'État
(contrats de développement). Un programme prendra le relais du programme
" 400 cadres " pour les enseignements secondaire et supérieur
et l'enseignement professionnel.
b) Le développement économique
Des
contrats pluriannuels seront conclus avec l'État pour accroître
l'autonomie et la diversification économiques. Un schéma de mise
en valeur des richesses minières sera élaboré.
Le financement de l'économie sera modernisé : en particulier,
l'exécutif sera consulté sur les décisions de politique
monétaire et la Nouvelle-Calédonie sera représentée
au sein de l'Institut d'émission.
c) La politique sociale
L'effort en faveur du logement social sera poursuivi avec le concours de l'État et une couverture sociale généralisée sera mise en place.
d) Le contrôle des outils de développement
La Nouvelle-Calédonie sera mise à même, au cours de la période, d'accéder à une maîtrise suffisante des principaux outils de son développement. Les établissements publics nationaux propres à la Nouvelle-Calédonie deviendront des établissements publics de la Nouvelle-Calédonie (Office des postes et télécommunications, Agence de développement rural et d'aménagement foncier, ...).
5. L'évolution de l'organisation politique
Au cours
du quatrième mandat du Congrès, une consultation
électorale sera organisée, portant sur le transfert à la
Nouvelle-Calédonie des compétences régaliennes,
l'accès à un statut international de pleine responsabilité
et l'organisation de la citoyenneté en nationalité.
Si le résultat de la consultation est négatif, le tiers des
membres du Congrès pourra provoquer une nouvelle consultation au cours
de la deuxième année suivante. Si la réponse est à
nouveau négative, cette procédure pourra être
réitérée. Si la réponse est encore identique, les
partenaires politiques se réuniront pour examiner la situation.
Pendant tout ce temps, l'organisation politique résultant de l'accord de
1998 restera en vigueur (irréversibilité constitutionnellement
garantie).
Une partie de la Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule
à la pleine souveraineté ou conserver des liens différents
avec la France.
L'État reconnaît la vocation de la Nouvelle-Calédonie
à bénéficier, à la fin de la période, d'une
complète émancipation.
6. Application de l'accord
Si la
révision constitutionnelle engagée par le Gouvernement ne pouvait
aboutir, les partenaires se réuniraient pour en examiner les
conséquences sur l'équilibre général de l'accord.
Il est prévu une consultation des organisations politiques,
coutumières, économiques et sociales sur l'accord conclu.
Pour le scrutin référendaire devant être organisé
avant la fin de l'année, la loi constitutionnelle doit permettre que ne
se prononcent que le corps électoral défini par l'article 2 de la
loi du 9 novembre 1988.
Des élections aux assemblées de province et au Congrès
auront lieu dans les six mois suivant l'adoption des textes relatifs à
l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie.
Un comité de signataires sera mis en place pour prendre en compte les
avis formulés par les organismes locaux consultés sur l'accord,
participer à la préparation des textes de mise en oeuvre de
l'accord et veiller au suivi de son application.
III. LA NÉCESSITÉ D'UNE RÉVISION CONSTITUTIONNELLE ET L'ÉCONOMIE DU PROJET DE LOI
A. LA NÉCESSITÉ DE RÉVISER LA CONSTITUTION
La mise
en oeuvre des dispositions figurant dans le document d'orientation de l'accord
de Nouméa appelle une révision de la Constitution : certaines de
ces orientations entrent en effet en contradiction avec des principes de valeur
constitutionnelle.
L'accord de Nouméa prévoit la naissance d'une collectivité
territoriale d'un type nouveau, au statut évolutif. Si cette seule
novation n'exigeait pas une révision constitutionnelle dans la mesure
où l'article 72 de la Constitution du 4 octobre 1958 donne
compétence à la loi pour créer toute collectivité
territoriale qui ne serait ni une commune, ni un département, ni un
territoire d'outre-mer, plusieurs dispositions de l'accord comportent des
dérogations à des principes à valeur constitutionnelle :
• l'accord stipule que les
transferts de compétence
intervenant tout au long de la période de quinze ans ont un
caractère irréversible
.
Ce principe d'irréversibilité consacre le désaisissement
du législateur national, l'accord indiquant que le Congrès de la
Nouvelle-Calédonie, à la majorité des trois
cinquièmes, pourra demander à modifier l'échéancier
des transferts prévu par la loi organique définissant le nouveau
statut. Or, les collectivités territoriales ne disposent pas, à
l'instar de l'État, d'un pouvoir normatif initial et autonome
insusceptibles de toute remise en cause. Aux termes de la jurisprudence du
Conseil constitutionnel, le législateur peut à tout moment se
substituer à l'autorité délibérante locale. Tel ne
sera plus le cas pour la Nouvelle-Calédonie puisque non seulement les
compétences transférées le seront de façon
définitive mais également
certaines
délibérations du Congrès ne pourront être
contestées que devant le Conseil constitutionnel
qui, à ce
jour, est juge des lois votées par le Parlement.
Ces orientations consacrant un domaine de compétences propre et
insusceptible d'être remis en cause ainsi qu'un pouvoir normatif autonome
au bénéfice de l'autorité délibérante
calédonienne se heurte à l'article premier de la Constitution
proclamant le
caractère indivisible de la République
.
• L'accord prévoit la reconnaissance d'une
citoyenneté
propre
de la Nouvelle-Calédonie "
fondant les restrictions
apportées au
corps électoral
pour les élections aux
institutions du pays et pour la consultation finale
",
c'est-à-dire le scrutin d'autodétermination.
Qu'il s'agisse des élections aux assemblées de province ou au
Congrès de la Nouvelle-Calédonie ou de la consultation
référendaire sur l'accession à la souveraineté
devant intervenir à l'issue de la période d'application de
l'accord de Nouméa, les conditions d'accès au droit de suffrage
sont définies de telle façon que cet accès soit
réservé aux habitants, au sens large, de la
Nouvelle-Calédonie. Or, la définition d'un corps électoral
restreint
déroge à l'article 3 de la Constitution
dont le
quatrième alinéa dispose que "
sont électeurs,
dans les conditions déterminées par la loi, tous les nationaux
français majeurs des deux sexes, jouissant de leurs droits civils et
politiques
".
• Il est enfin admis d'une part, que des mécanismes
spécifiques pourront être mis en place pour
préserver
l'emploi local
, et d'autre part, que le bénéfice du statut
coutumier sera à nouveau ouvert aux personnes qui l'auraient perdu.
Les mesures restrictives de la liberté d'établissement et
privilégiant les habitants de la Nouvelle-Calédonie pour
l'accès à l'emploi local introduisant une discrimination au
détriment des autres citoyens français et étant
en
contradiction avec le principe d'égalité
, il paraissait
nécessaire d'inscrire expressément cette dérogation dans
la Constitution.
Concernant le retour au statut civil particulier, dénommé dans
l'accord de Nouméa "
statut coutumier
", il est
contraire à l'esprit, sinon à la lettre, de l'article 75 de la
Constitution et à l'application qu'ont pu en faire les tribunaux pour
refuser à certains demandeurs relevant du statut civil de droit commun
le bénéfice de ce statut coutumier.
B. LE PROJET DE LOI
Le
projet de loi soumis à votre examen comprend trois articles qui,
initialement, avaient vocation à constituer une loi constitutionnelle
autonome, existant en marge de notre loi fondamentale.
L'Assemblée nationale a fort opportunément
réinséré ces dispositions dans la Constitution du 4
octobre 1958, en rétablissant l'ancien titre XIII qui était
consacré à la Communauté et dont les dispositions furent
abrogées en 1995. Elle a donc réécrit à cet effet
l'article premier du projet de loi en reprenant les dispositions qui y
figuraient aux articles 2 et 3 qui rétablissent respectivement, au sein
du titre XIII, les articles 76 et 77.
Ainsi, le titre XIII est-il intitulé " Dispositions transitoires
à la Nouvelle-Calédonie ".
L'article 76 définit, par référence à l'article 2
de la loi référendaire du 9 novembre 1988, le corps
électoral qui sera amené à se prononcer avant la fin de
l'année 1998 sur les dispositions de l'accord signé à
Nouméa le 5 mai 1998.
L'article 77 énumère les points de droit sur lesquels la loi
organique devra intervenir " pour assurer l'évolution de la
Nouvelle-Calédonie dans le respect des orientations définies par
cet accord " : transferts de compétences et compensation
corrélative des charges afférentes ; règles statutaires
d'organisation et de fonctionnement des institutions ; procédure de
contrôle par le Conseil constitutionnel de certaines catégories
d'actes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie entre leur adoption
et leur publication ; règles relatives à la citoyenneté,
au régime électoral, à l'emploi et au statut civil
coutumier ; modalités selon lesquelles les populations
intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront amenées
à se prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté
à l'issue de la période transitoire définie comme celle
relative à la mise en oeuvre de l'accord de Nouméa.
Consciente que le butoir du 31 décembre 1998 fixé pour
l'intervention de la consultation référendaire locale relative
à l'approbation de l'accord de Nouméa est désormais
très proche, votre commission des Lois, qui s'est assurée au
cours de sa mission d'information sur le Territoire que le projet de loi
constitutionnelle ne suscitait aucune objection, souligne l'urgence de
réviser la Constitution.
Aussi vous propose-t-elle d'adopter conforme le projet de loi
constitutionnelle relative à la Nouvelle-Calédonie.
EXAMEN DES ARTICLES
Article premier
Rétablissement d'un titre XIII
dans la Constitution
Dans le
projet de loi initial, l'article premier posait le principe selon lequel
l'évolution de la Nouvelle-Calédonie devrait être
assurée selon les orientations définies par l'accord signé
à Nouméa le 5 mai 1998 et publié au Journal officiel le 27
mai 1998. Cette disposition constituait le premier article d'un texte ayant
vocation à devenir une loi constitutionnelle autonome, spécifique
à la Nouvelle-Calédonie.
Il convient en premier lieu d'observer que la Nouvelle-Calédonie est ici
désignée en tant que telle : il reviendra à la loi
organique de définir la nature de cette collectivité territoriale
qui ne devrait plus figurer dans la catégorie des territoires
d'outre-mer.
En second lieu, l'article premier consacre l'accord de Nouméa comme
texte de référence pour guider l'évolution de la
Nouvelle-Calédonie. Seules les orientations définies par cet
accord constitué de deux volets, le préambule et le document
d'orientation, sont visées. S'agissant d'un texte de nature politique,
les orientations y sont formulées sous une forme plus ou moins
précise, plus ou moins normative. Il reviendra à la loi organique
d'en assurer la traduction juridique.
La commission des Lois de l'Assemblée nationale a proposé de
réintégrer les dispositions consacrées à la
Nouvelle-Calédonie au sein même de la Constitution
, en
réutilisant la " coquille " de l'ancien
titre XIII
relatif à la Communauté, dont les dispositions ont
été abrogées par l'article 14 de la loi constitutionnelle
n° 95-880 du 4 août 1995. Cette proposition a été
adoptée par l'Assemblée nationale avec l'assentiment du
Gouvernement qui avait initialement préféré les regrouper
dans une loi constitutionnelle autonome en considérant que ces
dispositions concernaient une seule collectivité et revêtaient un
caractère transitoire.
Votre commission des Lois ne peut qu'approuver pleinement cette modification
tendant à faire figurer les dispositions relatives à la
Nouvelle-Calédonie dans le corps de notre Constitution, tant cette
solution lui était apparue d'emblée préférable
à celle proposée par le projet de loi initial.
En effet :
- la procédure consacrée à la révision de la
Constitution est celle de l'article 89, article unique du titre XVI
intitulé " De la révision ". Cette procédure
vise la seule Constitution ; elle ne paraît pas formellement
adaptée à l'adoption de lois autonomes qui lui seraient en
quelque sorte annexées. Aucne des dix lois constitutionnelles
adoptées depuis 1958 ne comportait des dispositions qui seraient
restées " extérieures " à la Consitution.
- la Nouvelle-Calédonie ayant vocation à demeurer, pendant le
délai de quinze à vingt ans défini par l'accord de
Nouméa, une collectivité territoriale de la République, il
paraissait nécessaire d'intégrer les dispositions la concernant
dans la Constitution. La représentation de cette collectivité
nouvelle au sein des institutions de la République et en particulier au
Sénat devra être prévue, ce qui nécessitera la
modification de l'ordonnance n° 59-259 du 4 février 1959
complétant et modifiant l'ordonnance n° 58-1097 du 15 novembre
1958 portant loi organique relative à la composition du Sénat et
à la durée du mandat des sénateurs dont l'article 2
dispose que "
le nombre de sénateurs est de quatre pour les
territoires d'outre-mer
".
- l'emplacement choisi, situé entre le titre XII relatif aux
collectivités territoriales et le titre XIV relatif aux accords
d'association semble parfaitement adapté car il permet de souligner la
spécificité de la situation calédonienne.
- l'intégration des dispositions concernées dans le corps
même de la Constitution permet d'éviter toute
interprétation sur leur valeur juridique effective : cela coupe court
à tout débat sur l'existence éventuelle d'une
hiérarchie des normes au sein même du bloc de
constitutionnalité.
- l'intégration dans la Constitution offre une sécurité
juridique maximale : l'exigence d'une telle garantie figure d'ailleurs à
plusieurs reprises dans le texte de l'accord de Nouméa. Cette solution
est donc davantage respectueuse des engagements pris. La
délégation de la commission des Lois qui s'est rendue en
Nouvelle-Calédonie a d'ailleurs pu constater qu'elle recueillait
l'approbation des principaux responsables politiques calédoniens. En
outre, comme l'a souligné Mme Catherine Tasca au cours des débats
à l'Assemblée nationale, cette solution a une portée
symbolique forte.
- Enfin, l'argument selon lequel le caractère transitoire des
dispositions concernées auraient justifié une loi
constitutionnelle autonome ne paraît pas recevable. En effet, jusqu'en
1995, la Constitution du 4 octobre 1958 comportait un titre XV regroupant des
dispositions transitoires. Au surplus, le caractère transitoire des
dispositions relatives à la Nouvelle-Calédonie doit être
relativisé : la période transitoire définie par l'accord
de Nouméa est en effet d'une durée de quinze ans au moins.
Pour toutes ces raisons, votre commission vous propose d'adopter conforme
l'article premier tendant à rétablir dans la Constitution un
titre XIII intitulé " Dispositions transitoires relatives à
la Nouvelle-Calédonie ".
Article 2
Principe et modalités du scrutin
portant sur l'accord de
Nouméa
L'article 2 du projet de loi initial pose le principe de
l'organisation d'un référendum local, avant le 31 décembre
1998, sur l'accord de Nouméa. Il revient ainsi sur le premier
alinéa de l'article 2 de la loi n° 88-1028 du 9 novembre 1988
portant dispositions statutaires et préparatoires à
l'autodétermination de la Nouvelle-Calédonie en 1998 qui
prévoyait entre le 1er mars et le 31 décembre 1998 un scrutin
d'autodétermination sur le maintien du territoire dans la
République ou sur son accession à l'indépendance.
Conformément au point 6.3 de cet accord, il prévoit que le corps
électoral admis à participer à ce scrutin est celui
défini au second alinéa de l'article 2 de la loi du 9 novembre
1988 précitée. Aux termes de cet article, sont électeurs
les personnes inscrites sur les listes électorales du territoire
à la date de la consultation et qui y ont leur domicile depuis la date
du référendum approuvant la loi statutaire de 1988. Sont en outre
réputées avoir leur domicile sur le territoire, alors même
qu'elles accomplissent le service national ou poursuivent un cycle
d'études ou de formation continue hors du territoire, les personnes qui
avaient antérieurement leur domicile sur le territoire.
La Constitution, hormis les cas de cession, d'échange ou d'adjonction de
territoire prévus par son article 53, ne prévoyant pas la
possibilité d'organiser une consultation référendaire
à laquelle ne serait admise à participer qu'une partie du corps
électoral national, cette précision relative à la
détermination des personnes susceptibles d'exercer leur droit de
suffrage au référendum de 1998 devait être
intégrée dans la Constitution.
L'article 2 est complété in fine par une disposition renvoyant
à un décret en Conseil d'État la définition des
autres modalités d'organisation de la consultation.
L'Assemblée nationale, sur proposition de sa commission des Lois, a
approuvé ce dispositif en l'intégrant sous un article 76,
rétabli au sein du titre XIII.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter conforme
l'article 2.
Article 3
Champ de la loi organique définissant,
pour une période de vingt ans, le statut de la
Nouvelle-Calédonie
L'article 3 du projet de loi initial prévoit
qu'après
approbation de l'accord de Nouméa par voie de consultation
référendaire prévue à l'article 2 et devant
intervenir avant la fin de l'année 1998, une loi organique
déterminera le nouveau statut de la Nouvelle-Calédonie
"
dans la mesure nécessaire à la mise en
oeuvre
" de l'accord de Nouméa. Cette loi organique sera prise
"
après avis de l'assemblée délibérante de
la Nouvelle-Calédonie
", c'est-à-dire, selon le statut
actuel, après avis du Congrès de la Nouvelle-Calédonie.
Cette précision procédurale peut paraître
superfétatoire dans la mesure où, tant que le nouveau statut
n'est pas adopté, les procédures doivent continuer à
s'appliquer faute de quoi la Nouvelle-Calédonie se trouverait
confrontée à un vide juridique entre l'adoption de la
révision constitutionnelle et celle de la loi organique.
Les différents points composant le statut relevant de cette loi
organique sont ensuite énumérés :
- les compétences de l'État qui seront transférées,
de façon définitive, aux institutions de la
Nouvelle-Calédonie ainsi que le calendrier et les modalités de
ces transferts, en particulier la répartition des charges en
résultant ;
- les règles d'organisation et de fonctionnement des institutions, et
notamment la procédure selon laquelle certaines catégories
d'actes de la nouvelle assemblée locale pourront être soumises
" au contrôle préalable " du Conseil constitutionnel ;
- les règles relatives à la citoyenneté, au régime
électoral, à l'emploi et au statut civil coutumier ;
- les autres conditions et les délais dans lesquels les populations
intéressées de la Nouvelle-Calédonie auront à se
prononcer sur l'accession à la pleine souveraineté.
Les autres mesures nécessaires à la mise en oeuvre de l'accord de
Nouméa sont renvoyées à une loi simple.
• Concernant
la répartition et les transferts de
compétences
, le point 3 de l'accord de Nouméa distingue,
en procédant par voie d'énumération, trois
catégories : les compétences transférées, avec
celles faisant l'objet d'un transfert immédiat et celles
transférées dans une seconde étape ; les
compétences partagées entre l'État et la
Nouvelle-Calédonie ; les compétences régaliennes (justice,
ordre public, défense, monnaie et affaires étrangères) qui
ne pourront être transférées que lors de
l'éventuelle accession à la souveraineté.
Il est en outre prévu que l'assemblée délibérante
puisse demander à la majorité qualifiée des trois
cinquièmes, d'une part, la modification de cet échéancier,
et d'autre part, une compensation financière des charges
afférentes à ces nouvelles compétences, le principe de
cette compensation devant être constitutionnellement garanti.
Le point 5 de l'accord prévoit enfin le caractère
irréversible de la nouvelle organisation politique progressivement mise
en place, cette irréversibilité bénéficiant
également d'une garantie constitutionnelle.
Ces deux garanties figurent bien au deuxième alinéa de
l'article 3 du projet de loi qui dispose que les compétences
transférées le seront de façon définitive et que la
loi organique devra fixer la répartition des charges. On observera
cependant que, bien qu'inscrit dans la Constitution, ce principe
d'irréversibilité n'est pas exclu du champ de la révision
constitutionnelle contrairement à "
la forme républicaine
du Gouvernement
", aux termes du dernier alinéa de l'article 89.
• Concernant
les règles d'organisation et de fonctionnement
des nouvelles institutions et le régime applicable à certaines
catégories d'actes
de l'assemblée délibérante,
le point 2 de l'accord apporte un certain nombre de précisions : il
modifie la composition des assemblées provinciales ; il fixe à
cinq ans la durée du mandat des membres du Congrès et des
assemblées de province ; il prévoit l'instauration d'un
Sénat coutumier et d'un conseil économique et social
obligatoirement consulté sur les délibérations à
caractère économique et social du Congrès ; il
précise que l'exécutif sera confié à un
gouvernement collégial, élu à la proportionnelle par le
Congrès et responsable devant lui. L'accord de Nouméa
prévoit en outre que "
certaines délibérations du
Congrès auront le caractère de loi du pays et de ce fait ne
pourront être contestées que devant le Conseil constitutionnel
avant leur publication, sur saisine du représentant de l'État, de
l'Exécutif de la Nouvelle-Calédonie, d'un président de
province, du président du Congrès ou d'un tiers des membres du
Congrès
".
Comme l'avait suggéré le Président et le rapporteur de
votre commission des Lois, l'Assemblée nationale a adopté sur le
deuxième alinéa de l'article 3 un amendement tendant à
préciser que le
contrôle exercé par le Conseil
constitutionnel sur certains actes de l'assemblée
délibérante
ne pourra intervenir qu'entre leur adoption
par cette assemblée et leur publication
. Il avait en effet
semblé à votre commission que la rédaction du projet de
loi initial pouvait laisser présumer que ce contrôle
interviendrait en amont de la procédure, avant même le vote
d'adoption.
Cette procédure, concernant des actes pris par une assemblée
locale, est tout à fait novatrice. Elle consacre l'apparition d'une
nouvelle hiérarchie des normes, spécifique à la
Nouvelle-Calédonie, certains actes que la loi organique devra
définir étant soumis au contrôle du Conseil constitutionnel
à l'instar des lois adoptées par le Parlement. La traduction de
ce dispositif dans la loi organique statutaire sera un exercice délicat
car il faudra distinguer entre ces actes, désignés dans l'accord
de Nouméa sous la dénomination de "
lois du
pays
", et ceux qui demeureront des actes de nature administrative.
Quel que soit le degré de précision de la loi organique, un tel
dispositif laisse entrevoir le développement d'une jurisprudence
constitutionnelle relative au contentieux de la recevabilité.
• Concernant
les règles relatives à la
citoyenneté, au régime électoral, à l'emploi et au
statut civil coutumier
qui devront être définies par la loi
organique, l'accord de Nouméa énonce un certain nombre de
principes et de modalités.
Aux termes du point 2 de cet accord, "
l'un des principes de l'accord
politique est la reconnaissance d'une
citoyenneté
de la
Nouvelle-Calédonie
" qui "
traduit la communauté
de destin choisie
". Cette citoyenneté se commuerait en
nationalité à la fin de la période d'application de
l'accord, en cas d'accession à la souveraineté. Il est
précisé qu'au cours de cette période "
la notion
de citoyenneté fonde les restrictions apportées au corps
électoral pour les élections aux institutions du pays et pour la
consultation finale
" et constitue "
une
référence pour la mise au point des dispositions qui seront
définies pour préserver l'emploi local
".
Ce même point de l'accord de Nouméa précise la composition
du
corps électoral
en distinguant les consultations relatives
à l'organisation politique de la Nouvelle-Calédonie intervenant
à l'expiration de la période d'application de l'accord et les
élections aux assemblées de provinces et au Congrès.
Concernant la consultation finale
, appartiendront au corps
électoral les personnes inscrites sur les listes électorales
à la date de la consultation remplissant les conditions alternatives
suivantes :
- avoir été admis à participer à la consultation
référendaire de 1998, ce qui nécessite d'être
inscrit sur les listes électorales à cette date et de pouvoir
justifier alors d'une domiciliation en Nouvelle-Calédonie depuis la date
du référendum ayant approuvé la loi statutaire du 9
novembre 1988,
ou
avoir rempli les conditions pour participer à cette consultation de
1998, sauf à pouvoir justifier que les interruptions dans la
continuité de la domiciliation résultent de contraintes
professionnelles ou familiales ;
- les personnes relevant du statut coutumier ou nées en
Nouvelle-Calédonie qui y ont le centre de leurs intérêts
matériels et moraux ;
- celles qui, ayant le centre de leurs intérêts matériels
et moraux en Nouvelle-Calédonie, n'y sont pas nées mais ont un de
leurs parents qui y est né ;
- les jeunes atteignant la majorité électorale qui, s'ils sont
nés avant 1988, auront eu leur domicile en Nouvelle-Calédonie de
1988 à 1998 ou, s'ils sont nés après 1988, ont eu un de
leurs parents qui remplissait ou aurait pu remplir les conditions pour voter au
scrutin de 1998 ;
- les personnes qui pourront justifier, en 2013, de vingt ans de domicile
continu en Nouvelle-Calédonie.
Concernant les élections aux assemblées de provinces et au
Congrès
, le corps électoral est ainsi composé :
- les personnes remplissant les conditions pour participer au scrutin de 1998 ;
- les personnes qui rempliront une condition de domiciliation d'une
durée de dix ans en Nouvelle-Calédonie à la date de
l'élection ;
- les personnes atteignant l'âge de la majorité pour la
première fois après 1998 et qui, soit justifieront de dix ans de
domicile en 1998, soit, auront eu un parent remplissant les conditions pour
être électeur au scrutin de 1998, soit, ayant eu un parent inscrit
sur un tableau annexe, justifieront d'une durée de domicile de dix ans
en Nouvelle-Calédonie à la date de l'élection.
La référence constitutionnelle au régime électoral
s'avérait nécessaire dans la mesure où la
possibilité de définir un corps électoral restreint
déroge au principe fondamental de l'égalité de tous les
citoyens français devant le droit de suffrage. Il convient de
préciser, comme l'ont observé certains responsables politiques
locaux lors de la mission de la commission des Lois en
Nouvelle-Calédonie, que la définition du corps électoral
relative aux élections locales aura pour effet de priver du droit de
participer à ces élections des personnes ayant voté en
1995.
Le point 3 de l'accord de Nouméa place en tête des
compétences immédiatement transférées
le droit
à l'emploi
. Il précise que "
la
Nouvelle-Calédonie mettra en place, en liaison avec l'État, des
mesures destinées à offrir des garanties particulières
pour le droit à l'emploi de ses habitants
", la
réglementation sur l'entrée des personnes non établies en
Nouvelle-Calédonie devant être confortée et le droit
d'établissement pour les professions indépendantes pouvant
être restreint concernant ces mêmes personnes. Il prévoit
également que "
pour les salariés du secteur privé
et pour la fonction publique territoriale, une réglementation locale
sera définie pour privilégier l'accès à l'emploi
des habitants
".
Ces restrictions en matière d'accès à l'emploi et de
liberté d'établissement rendait indispensable une mention dans la
Constitution permettant de déroger au principe d'égalité.
Le point 1 de l'accord de Nouméa tend à prévoir une
exception au principe posé par l'article 75 de la Constitution aux
termes duquel "
les citoyens de la République qui n'ont pas le
statut civil
de droit commun (...) conservent leur statut personnel tant
qu'ils n'y ont pas renoncé
". Il s'agit de permettre à
toute personne susceptible de relever du statut coutumier (jusqu'alors
dénommé statut civil particulier) qui y aurait renoncé ou
en aurait été privée à la suite d'une renonciation
faite par ses ancêtres, par mariage ou par toute autre cause, d'en
bénéficier à nouveau.
On peut observer que si dans son esprit l'article 75 avait pour objet de faire
progressivement accéder tous les citoyens de la République au
statut civil de droit commun, sa lettre n'interdit pas aux personnes relevant
de ce statut de droit commun de retrouver le bénéfice du statut
coutumier. La mention de cette dérogation dans la Constitution ne
paraissait donc pas indispensable. En revanche, la mise au point d'un
dispositif relatif à l'accès au statut coutumier dans la loi
organique sera délicate : il paraît en effet nécessaire
d'éviter qu'une même personne puisse changer de statut civil
à plusieurs reprises car cela créerait des situations juridiques
inextricables et serait source d'un contentieux abondant.
• Concernant
l'accession à la pleine souveraineté
à l'issue de la période d'application de l'accord de
Nouméa, l'article 3 du projet de loi renvoie à la loi organique
la définition des conditions et des délais dans lesquels les
populations intéressées seront amenées à se
prononcer.
Le point 5 de l'accord prévoit qu'au cours du quatrième mandat du
Congrès de la Nouvelle-Calédonie, c'est-à-dire pendant la
période quinquennale suivant la quinzième année, une
consultation électorale sera organisée. La date en sera
déterminée par le Congrès à la majorité
qualifiée des trois cinquièmes et, à défaut d'avoir
été fixée par celui-ci avant la fin de la dix
neuvième année, il reviendrait à l'État de
l'arrêter, la consultation ayant alors lieu au cours de la
vingtième année.
L'objet de la consultation est défini de la façon suivante :
"
le transfert à la Nouvelle-Calédonie des
compétences régaliennes, l'accès à un statut
international de pleine responsabilité et l'organisation de la
citoyenneté en nationalité
", c'est-à-dire
l'accès à la pleine souveraineté.
Il est précisé qu' "
une partie de la
Nouvelle-Calédonie ne pourra accéder seule à la pleine
souveraineté ou conserver seule des liens différents avec la
France, au motif que les résultats de la consultation électorale
y auraient été différents du résultat
global
". Le destin des trois provinces sera donc solidaire quelles
que soient les disparités dans les réponses à la question
posée susceptibles de résulter des différences de
majorités politiques.
Si la réponse à la première consultation était
négative, les électeurs se prononçant majoritairement
contre l'accession à la souveraineté, le tiers du Congrès
pourra provoquer l'organisation d'une nouvelle consultation au cours de la
deuxième année suivant ce premier scrutin. Si la réponse
était à nouveau négative, une troisième
consultation pourrait être organisée aux mêmes conditions de
procédure et de délais. En cas de nouvel échec, les
partenaires politiques se réuniraient pour examiner la situation.
Pendant toute cette période, la Nouvelle-Calédonie continuerait
à être régie par l'organisation politique mise en place en
application de l'accord de Nouméa.
Le dispositif proposé est donc clairement orienté vers une
émancipation, à terme, de la Nouvelle-Calédonie, sous
réserve de la consultation de ses habitants.
Outre la clarification déjà signalée concernant la
procédure de contrôle de certaines catégories d'actes de
l'assemblée délibérante calédonienne par le Conseil
constitutionnel, l'Assemblée nationale a également
précisé par voie d'amendement que les dispositions de la loi
organique devraient avoir pour objectif d'assurer l'évolution de la
Nouvelle-Calédonie "
dans le respect des
orientations
définies par (l') accord et selon les
modalités nécessaires à sa mise en oeuvre
" et
pas seulement "
dans la mesure nécessaire à la mise en
oeuvre de (l') accord
" comme le prévoyait le projet de loi
initial.
Cette modification reprend les termes figurant initialement à l'article
premier et tend à permettre que le contrôle exercé par le
Conseil constitutionnel sur la loi organique inclue la vérification du
respect par ses dispositions des orientations de l'accord de Nouméa.
Par coordination avec le rétablissement du titre XIII au sein de la
Constitution, l'Assemblée nationale a également
intégré sous un article 77 les dispositions figurant à
l'article 3 du projet de loi.
Votre commission des Lois vous propose d'adopter conforme
l'article 3.
TABLEAU COMPARATIF
ANNEXES
Annexe 1
: L'accord de Nouméa signé le 5 mai 1998
Annexe 2 : Programme de la mission d'information
ANNEXE 1
L'ACCORD DE NOUMÉA SIGNÉ LE 5
MAI 1998
ANNEXE 2
PROGRAMME DE LA MISSION
DE LA
COMMISSION DES LOIS
EN NOUVELLE-CALÉDONIE
DU 10 AU 13 JUIN
1998
La
délégation, conduite par M. Jacques Larché,
président, était composée de MM. Jean-Marie Girault,
rapporteur, Guy Allouche, Jean-Jacques Hyest, Lucien Lanier et Robert
Pagès.
Mercredi 10 juin 1998 :
06 h 15 Arrivée à l'aérodrome de Tontouta
Accueil par M. Dominique BUR, Haut-Commissaire de la République
Transfert à l'hôtel
09 h 30 Entretien avec M. Jean LEQUES, maire de Nouméa
10 h 30 Entretien avec M. Simon LOUECKHOTE, Sénateur de la
Nouvelle-Calédonie et Président du congrès
11 h 30 Entretien avec M. Dominique BUR
12 h 30 Déjeuner à la Résidence du Haut-Commissariat
15 h 00 Entretien avec M. Bernard PAUL, Président du Comité
économique et social (C.E.S.)
16 h 00 Entretien avec M. Roch WAMYTAN, Président du FLNKS
17 h 00 Entretien avec une délégation de l'UNCT (Une Nouvelle-
Calédonie pour Tous)
19 h 30 Réception à l'hôtel en présence de M. Jean
LEQUES
Jeudi 11 juin 1998 :
06 h 30 Départ de l'hôtel
06 h 50 Départ en hélicoptère de l'aérodrome de
Magenta
08 h 00 Accueil à l'aérodrome de Koné par M. Bernard
GUERIN, Commissaire délégué
08 h 05 Réunion de travail à la résidence du Commissaire
délégué
08 h 45 Réunion de travail avec trois maires de la côte ouest
- M. Marcel NEDIA, maire de Koné (UC : Union calédonienne)
- M. Robert FROUIN, maire de Koumac (divers loyaliste)
- M. Alain LEVANT, maire de Kaala-Gomen (UC-CCI, comité de
coordination indépendantiste)
09 h 40 Départ pour le siège de la Province nord, la
délégation étant accompagnée par M. Riou, adjoint
du Commissaire délégué
09 h 50 Coutume présentée aux autorités coutumières
de Baco (case de l'assemblée provinciale)
10 h 00 Entretien avec M. Léopold JORÉDIÉ,
Président de l'assemblée de la Province nord
10 h 50 Retour à l'aéroport de Koné et départ pour
Tiendanite
11 h 40 Arrivée à Tiendanite et accueil par M. Daniel FISDIEPAS,
maire de Hienghène, M. Eric MARCHAL, capitaine de la gendarmerie de
Poindimié et Mme Yvelyne DALY, collaboratrice du Commissaire
délégué
11 h 50 Arrivée au village de Tiendanite et accueil par le Grand Chef
André THEAIN-HIOUEN de l'aire coutumière de Hoot Ma Whaap, le
Grand Chef de Tendo et le Petit Chef Vianney TJIBAOU de la tribu de Tiendanite
Recueillement sur la tombe de Jean-Marie TJIBAOU et sur la tombe des dix
victimes de la fusillade du 5 décembre 1984
Échange avec les membres de la tribu et du conseil municipal à
la maison commune de Tiendanite
12 h 50 Départ en hélicoptère pour Poindimié
13 h 15 Arrivée à Poindimié et déjeuner avec le
maire
15 h 30 Départ pour Nouméa via Koné
18 h 00 Arrivée à l'aérodrome de Magenta et retour
à l'hôtel
20 h 00 Dîner à la Résidence du Haut-Commissariat
Vendredi 12 juin 1998 :
07 h 15 Départ de l'hôtel pour l'aérodrome de Magenta
07 h 45 Départ pour l'île de Maré avec l'avion du
Haut-Commissariat, M. Martin JAEGER, Commissaire délégué
de la Province des Iles accompagnant la délégation
08 h 30 Arrivée à Maré et coutume d'accueil avec le Grand
Chef SINEWAMI
09 h 30 Réunion avec M. Nidoish NAISSELINE, Président de la
Province des Iles, des élus provinciaux et les conseillers municipaux
de Maré
11 h 15 Départ pour Tadine
11 h 45 Inauguration de la salle omnisports de Tadurem
12 h 45 Déjeuner en présence de M. Nidoish NAISSELINE
14 h 30 Départ pour Nouméa
15 h 45 Arrivée à l'aérodrome de Magenta et retour
à l'hôtel suivi d'une visite du centre ville
17 h 15 Entretien avec M. Bergé KAWA, Président du Conseil
consultatif coutumier
18 h 30 Entretien avec M. Gaston HMEUN, Conseiller économique et social
et Secrétaire général de l'USOENC
19 h 30 Retour à l'hôtel
20 h 15 Dîner à l'hôtel en compagnie de M. Simon LOUECKHOTE
Samedi 13 juin 1998 :
08 h 00 Départ de l'hôtel
08 h 15 Réunion de travail à la résidence du
Haut-Commissariat
09 h 30 Visite du Centre culturel Jean-Marie TJIBAOU
11 h 45 Départ pour l'aérodrome de la Tontouta
13 h 25 Départ pour Paris
(1)
La délégation était
constituée de M. Jacques Larché, Président, de M.
Jean-Marie Girault, rapporteur, et de MM. Guy Allouche, Jean-Jacques Hyest,
Lucien Lanier et Robert Pagès.
(2)
Le programme de la mission d'information figure en annexe du
rapport.
(1) L'article 2 de la loi référendaire du 9 novembre 1988 dispose : " Entre le 1er mars et le 31 décembre 1998, les populations intéressées de la Nouvelle-Calédonie seront appelées à se prononcer par un scrutin d'autodétermination, conformément aux dispositions de l'article 53 de la Constitution, sur le maintien du territoire dans la République ou sur son accession à l'indépendance ".
(1)
Document joint en annexe du rapport.
(1)
Article 75 : " Les citoyens de la République qui
n'ont pas le statut civil de droit commun seul visé à l'article
34 conservent leur statut personnel tant qu'ils n'y ont pas
renoncé ".