I. UNE PROGRAMMATION DES INFRASTRUCTURES FERROVIAIRES DÉFAILLANTE
A. UN SCHÉMA AMBITIEUX
L'élaboration d'un schéma directeur national des liaisons ferroviaires à grande vitesse a été décidée par le conseil des ministres du 31 janvier 1989 et a été engagée par arrêté du 29 décembre 1989 du ministre de l'Équipement, du Logement, des Transports et de la Mer. Il s'agissait là du premier schéma directeur étudié en vertu des dispositions de la loi n° 82-1153 du 30 décembre 1982 d'orientation des transports intérieurs qui disposait dans son article 14 que, dans le cadre des orientations nationales de la planification et de l'aménagement du territoire, des schémas directeurs d'infrastructures sont établis par l'Etat en consultation avec les régions " pour assurer la cohérence à long terme des réseaux définis pour les différents modes de transport et pour définir les priorités en matière de modernisation, d'adaptation et d'extension des réseaux ".
1. Un schéma conçu dans une période poussant à la surenchère
L'élaboration du schéma directeur national des
liaisons ferroviaires à grande vitesse a fait l'objet d'une
procédure de consultation menée dans une "
période
d'euphorie
" selon les termes utilisés par une
personnalité auditionnée par votre commission d'enquête.
Les propositions du schéma ont été examinées
à partir de 1990 par les régions et les professionnels du
transport. Après avis des conseils régionaux, des comités
régionaux des transports et du conseil national des transports, le
comité interministériel d'aménagement du territoire du 14
mai 1991 a adopté le schéma directeur qui a été
publié par un décret en date du 1er avril 1992.
L'élaboration de ce schéma a été menée dans
un contexte marqué par le succès commercial et technique du train
à grande vitesse. Il est, en effet, très significatif que cet
effort de planification des infrastructures ferroviaires ne concerne que les
seules lignes à grande vitesse, faiblesse à laquelle la loi
d'orientation du 4 février 1995 devait remédier.
En effet, le train à grande vitesse est apparu comme
une prouesse
technologique de l'industrie française
. Rappelons que le TGV
détenait depuis 1990 le record de vitesse mondial sur rail
(513,3 kilomètres/heure).
Les succès à l'exportation confortèrent les
premières réussites commerciales rencontrées par la SNCF
dans l'exploitation des lignes à grande vitesse
. L'ouverture de la
liaison TGV Paris-Lyon se traduisit, au-delà d'une perte de parts de
marché pour le transport aérien et d'un arrêt de la
progression du trafic sur l'autoroute A6, par une augmentation des trafics
supérieure aux reports de la route et de l'avion vers le rail, ce qui
dépassait les prévisions de la SNCF. Par ailleurs, les
résultats du TGV Atlantique s'avéraient satisfaisants.
La grande vitesse ferroviaire semblait
particulièrement
adaptée
à la
géographie française
et
européenne
caractérisée par une concentration de la
population dans de grandes agglomérations situées à des
distances moyennes sur lesquelles elle permet une offre compétitive par
rapport aux autres modes de transport.
Par ailleurs, le TGV a été considéré comme
un
nouvel outil d'aménagement du territoire
. La perspective d'effets
bénéfiques sur le développement local incitèrent,
en effet, de nombreuses collectivités locales à souligner
l'intérêt d'une desserte TGV. Les années 1989 et 1990
furent marquées par de nombreuses prises de position et
déclarations en faveur d'un développement des liaisons à
grande vitesse. Le schéma directeur apparaît pour une large part
comme le résultat de ces demandes.
Répondant à des attentes locales multiples, la planification
ferroviaire privilégiait donc le transport de voyageurs entre les
grandes agglomérations, ce choix reposant sur des conditions techniques
nouvelles susceptibles d'améliorer la compétitivité d'un
mode de transport souffrant depuis de longues années de la concurrence
de la route et, plus marginalement, de l'avion. La part modale du fer dans les
trafics nationaux de voyageurs qui s'élevait en 1971 à 28 %
avait été ramenée en 1992 à 19 %.