M. JEAN-CYRIL SPINETTA,
PRÉSIDENT DIRECTEUR GÉNÉRAL
ET M. JOËL CATHALA, DIRECTEUR DE LA SÛRETÉ
DU
GROUPE AIR FRANCE
JEUDI 30 AVRIL 1998
M. LE
PRÉSIDENT
. - Nous allons entendre M. le Président Directeur
Général d'Air France, qui n'était pas prévu dans le
calendrier initial mais dont l'audition s'est avérée
nécessaire compte tenu des difficultés que nous avons
récemment notées en ce qui concerne le rapatriement
d'étrangers en situation irrégulière sur le territoire et
qui étaient frappés d'un arrêté de reconduite
à la frontière.
Je remercie Monsieur Spinetta ainsi que M. Cathala Directeur de la
Sûreté du groupe Air France, d'être présents
aujourd'hui pour répondre à notre préoccupation.
Nous devons vous entendre sous la foi du serment.
(M. le Président donne lecture des dispositions de l'article 6
de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ; M. Jean-Cyril Spinetta et
Joël Cathala prêtent serment).
M. LE PRÉSIDENT
. - Monsieur le Rapporteur, pouvez-vous engager le
débat ?
M. LE RAPPORTEUR
. - Monsieur Spinetta, pouvez-vous exposer les
difficultés que vous avez recensées à l'embarquement et
à l'arrivée des vols d'Air France comprenant des étrangers
reconduits ?
Quels sont les problèmes de sécurité qui ont pu se poser
au cours de ces vols ?
M. SPINETTA
. - Air France a enregistré plusieurs séries
d'incidents, qui ne sont pas récents. Ils peuvent être
classés selon le moment du vol où ils se situent.
D'abord, à partir de 1994, sur des destinations particulièrement
sensibles comme le Mali, le Zaïre ou la Chine, des incidents se sont
produits au moment de l'embarquement des reconduits. La presse les a parfois
relatés. Il s'agit d'interpellation des passagers, de disputes parfois
de bagarres.
C'est donc une première série d'incidents au moment de
l'embarquement des passagers. Pour y répondre, une mesure a
été prise à partir de 1994 de préembarquer les
reconduits sur les avions pour éviter ces phénomènes au
moment de l'embarquement.
Ensuite, à partir de 1996, des incidents se sont passés au moment
du roulage de l'avion, c'est-à-dire quand il quitte la passerelle et se
dirige vers la piste pour décoller. Nous avons connu plusieurs
incidents. Un est survenu le 5 octobre 1996 sur un vol vers Bamako partant de
Paris Roissy. Deux passagers reconduits se sont levés, ont ouvert la
porte arrière gauche de l'appareil et ont tenté de sauter de
l'appareil au moment du roulage. Ils ont été
maîtrisés par les policiers d'escorte, mais l'incident aurait pu
être grave puisqu'un des policiers a failli être
précipité par la porte.
D'une part l'avion roulait, d'autre part il faut compter 5 mètres entre
la porte de l'avion et la piste, et les conséquences auraient pu
être relativement préoccupantes.
Le troisième type d'incidents sont ceux qui se produisent entre les
reconduits et les membres de l'équipage. Parfois il arrive -ce fut le
cas une fois- que l'intégrité physique des membres de
l'équipage ait été mise en cause. Sur un vol le
19 juillet 1997, un chef de cabine a reçu un coup de tête de
la part d'un des passagers reconduits, ce qui a eu pour lui des
conséquences médicales relativement lourdes.
Le quatrième type d'incidents se produit à l'arrivée du
vol dans le pays, au moment où l'avion se pose dans le pays où
sont reconduits les personnes présentes sur le vol. Parmi ces incidents,
un a été particulièrement lourd. Il concernait un vol
affrété par le Ministère de l'Intérieur le 27
février 1997. C'était un avion de la filiale d'Air France, Air
Charter qui comptait 77 ressortissants maliens escortés par 42
fonctionnaires de police. A l'arrivée du vol, à Bamako, s'est
produit une véritable mutinerie. La presse en a assez longuement
parlé. L'appareil a été très très
sérieusement endommagé, voire partiellement détruit avec,
pour l'équipage, des dommages physiques assez lourds compte tenu de
l'intensité des disputes à bord de l'appareil.
Enfin, des incidents peuvent survenir à bord, pendant le vol. Le dernier
cas est celui qui a été le plus relaté sur un vol Air
France, le 1er avril 1998 sur Bamako avec 7 personnes reconduites et une
escorte de 16 policiers. Des passagers présents sur le vol ont pris fait
et cause pour les personnes reconduites. Une véritable bataille
rangée a eu lieu à l'arrière de l'appareil, mais au moment
où l'avion n'était pas posé, c'est-à-dire dans les
10 minutes qui précédaient l'atterrissage de l'avion. Dans cette
phase toujours très délicate d'un vol qui est celle de
l'atterrissage, ce type d'événement peut avoir des
conséquences très significatives. J'ajoute que les hôtesses
et les stewards avaient été obligés de se réfugier
à l'avant de l'appareil. Les mesures de sécurité les
concernant, à savoir le fait d'être assis et sanglés, n'ont
pas pu être observées. Des sièges et même des hublots
en plastique intérieurs de l'appareil ont été
brisés.
Voilà donc les catégories d'incidents que nous rencontrons
à l'embarquement, pendant le roulage, à l'arrivée de
l'appareil et pendant le temps de vol juste avant l'arrivée de
l'appareil au pays de destination.
Ces incidents concernent essentiellement quelques pays tels que le Mali, le
Zaïre qu'Air France ne dessert plus en ce moment le Congo et la Chine. Sur
les autres destinations, nous n'avons pas connu d'incidents notables.
M. LE RAPPORTEUR
. - Le directeur de la DICCILEC vient de nous
l'indiquer, il y a un instant.
Quelles mesures spécifiques avez-vous prises pour prévenir et
remédier aux difficultés rencontrées ?
M. SPINETTA
. - Je vais brosser un rapide historique de la situation
depuis 1994.
Premièrement le Ministère de l'Intérieur centralise
désormais les opérations de reconduite dans les rapports avec les
transporteurs, en tout cas avec la compagnie nationale Air France, tandis
qu'auparavant le BUREL de la DICCILEC s'en chargeait.
Deuxièmement une convention a été signée le 15
septembre 1994 avec le Ministère de l'Intérieur. Elle porte la
date du 28 juillet, mais j'ai vu que la date de signature était bien
celle du 15 septembre 1994. Elle définit une procédure et, pour
les différentes catégories de reconduits à la
frontière, les modalités de cette reconduction avec escorte ou
sans escorte, en distinguant les avions gros porteurs d'une capacité
supérieure à 100 places avec 2 couloirs, des avions moyens
porteurs d'une capacité supérieure à 100 places avec un
seul couloir.
Cette convention a prévu les règles d'accompagnement ou de non
accompagnement des reconduites à la frontière. Elle est toujours
d'application. Elle est renouvelable annuellement par tacite reconduction et
elle peut être résiliée par l'une des deux parties par
lettre recommandée avec un préavis de 3 mois.
Cette convention s'est appliquée. Suite au dernier incident concernant
ce vol sur Bamako le 1er avril, et compte tenu des problèmes de
sécurité qui auraient pu se poser, nous avons pris une mesure
conservatoire en date du 2 avril 1998, donc au lendemain des incidents, mais il
s'agissait bien d'une mesure conservatoire. Elle consiste à poser un
embargo sur les passagers avec ou sans escorte à destination de Bamako.
Pendant la durée de cette mesure conservatoire qui, à
l'époque, n'était pas fixée, Air France n'accepte plus sur
les vols Paris/Bamako de reconduit avec ou sans escorte.
M. LE PRÉSIDENT
. - Est-ce conforme à la convention ?
M. SPINETTA
. - Non puisque la convention prévoyait des mesures
différentes. Mais je vais y revenir.
Nous avons limité sur le reste du réseau, à un seul
reconduit avec escorte, les possibilités que nous acceptions sur les
avions d'Air France.
Quel problème une compagnie aérienne doit résoudre,
à quelles difficultés doit-elle faire face ?
Il existe une contradiction entre une convention signée qui
prévoit un certain nombre de règles et les responsabilités
propres de l'entreprise, notamment du commandant de bord en matière de
sécurité et de sûreté des vols.
Le code de l'aviation civile, dans trois de ses articles L 322-4, L 422-2 et L
422-3, définit précisément les responsabilités du
commandant de bord et énumère qu'il a la faculté de
débarquer toute personne pouvant présenter un danger pour la
sécurité ou le bon ordre de l'aéronef ;
Qu'il est responsable de l'exécution de la mission ;
Qu'il a autorité sur toutes les personnes embarquées et a la
faculté de demander à toute personne de l'équipage ou des
passagers, qui peut présenter un danger pour la sécurité,
de ne pas être présent à bord du vol.
M. LE RAPPORTEUR
. - Pourriez-vous nous laisser un exemplaire de la
convention ?
M. SPINETTA
. - Bien entendu.
La convention prévoyait des escortes. Dans le cas des avions gros
porteurs, notamment à destination des pays d'Afrique où, en
général, ce sont des A 310, elle prévoyait une
escorte de 2 fonctionnaires de police pour 4 à 6 reconduits, 3
fonctionnaires de police pour 7 à 9 reconduits, 4 fonctionnaires pour 10
à 12 reconduits et 5 pour 13 à 15 reconduits.
Quand j'ai évoqué l'incident du 1er avril sur Bamako, j'ai fait
état de 7 personnes reconduites et de 16 fonctionnaires de police. Au
moment de la signature de la convention, le 15 septembre 1994, elle
définissait des règles qui, à l'évidence, doivent
s'adapter à la réalité de la situation, aux circonstances
et aux problèmes rencontrés. Sans une demande particulière
de la part d'Air France, le Ministère de l'Intérieur avait
considéré que, pour certaines destinations
particulièrement sensibles, il devait décider de mesures
restrictives plus fortes.
M. LE RAPPORTEUR
. - Avez-vous eu un échange de
télégramme sur le renforcement des effectifs avec le
Ministère de l'Intérieur ?
M. CATHALA
. - La police décide elle-même d'un renforcement
d'effectifs.
Sur le vol dont parlait M. Spinetta, sur lequel nous avons connu un incident en
vol grave, l'escorte comptait 16 policiers pour 7 reconduits. Je rappelle que
l'émeute qui s'est produite à bord n'a pu être
maîtrisée que grâce à la présence de 3 agents
de sûreté d'Air France, qui se trouvaient à bord. Ce sont
des agents de société privée à qui nous faisons
appel pour renforcer nos mesures de sécurité. Ils sont intervenus
car la bagarre était devenue générale à bord de
l'avion.
Au total, l'on pouvait compter 19 personnes pour 7 reconduits. C'est pourquoi
nous en avons conclu que la sécurité n'était plus
assurée, malgré une escorte dépassant largement ce qui est
prévu par la convention car, normalement, elle n'aurait dû compter
que 3 policiers. Avec 19 personnes, nous avons tout juste maîtrisé
l'émeute.
M. LE RAPPORTEUR
. - C'est après cet incident que vous avez
demandé au Ministère de l'Intérieur de n'embarquer plus
qu'une personne.
M. SPINETTA
. - Nous avons demandé un embargo sur les destinations
à titre conservatoire.
M. BALARELLO
. - Comment l'avez-vous demandé ?
M. CATHALA
. - Nous en avons informé le Ministère de
l'Intérieur.
M. LE RAPPORTEUR
. - Pouvez-vous nous procurer les documents, la
convention initiale, ensuite votre demande faite, le cas échéant,
au Ministère de l'Intérieur ?
M. CATHALA
. - Ce n'est pas une demande. En tant que transporteur
aérien, la compagnie est responsable de la sécurité de ses
vols, des passagers et de l'équipage. Nous avons décidé
cette mesure car nous ne pouvions plus assurer la sécurité de nos
passagers, de nos équipages dans ces conditions d'escorte.
Il fallait donc les revoir et en discuter de nouveau avec le Ministère
de l'Intérieur. Le temps de cette discussion, nous avons pris cette
mesure conservatoire.
M. LE RAPPORTEUR
. - Vous l'avez notifié.
M. CATHALA
. - Oui, nous l'avons notifiée par
télégramme.
M. LE RAPPORTEUR
. - Vous avez notifié au Ministère de
l'Intérieur que vous suspendiez l'application de la convention.
M. SPINETTA
. - Oui, en attendant que de nouvelles conditions soient
définies d'acceptation des passagers.
M. LE PRÉSIDENT
. - Quelle a été la réaction
du Ministre de l'Intérieur ?
M. SPINETTA
. - Deux réunions ont suivi cette décision,
peut-être 3. Elles ont abouti à la fixation de règles
nouvelles à titre transitoire pour une durée de 6 mois. Nous
sommes convenus avec le Ministère de l'Intérieur de nous
réunir mensuellement pour faire le point sur la mise en oeuvre de ces
mesures décidées à titre transitoire pour une durée
de 6 mois et voir dans quelle mesure il y aura lieu de les maintenir, de les
adapter compte tenu des circonstances.
M. LE RAPPORTEUR
. - Quelle a été la réaction des
personnels navigants suite à ces incidents ?
M. SPINETTA
. - Je rappelais les articles du Code de l'Aviation Civile,
qui donnent aux personnels navigants une responsabilité
particulière en matière de sécurité des vols et
d'appréciation du caractère dangereux d'une situation
provoquée notamment par des personnes, par des passagers. C'est
évidemment une préoccupation permanente des personnels navigants
techniques que sont les pilotes et des personnels navigants commerciaux, qui
doivent parfois gérer des situations délicates.
Les syndicats des personnels navigants ou les personnels eux mêmes n'ont
pas réagi officiellement. Bien entendu, toutes ces affaires sont suivies
de manière extrêmement régulière et suscitent chez
eux beaucoup d'inquiétude.
La décision que nous avons prise à titre conservatoire a
été comprise par l'ensemble des personnels de l'entreprise,
faisant suite à ces incidents lourds du vol du 1er avril. Avant de
mettre en oeuvre les nouvelles mesures transitoires pour une durée de 6
mois, qui s'appliquent depuis le 27 avril, nous avons pris contact avec les
organisations syndicales des personnels navigants. Ils ont estimé que
ces mesures transitoires nouvelles étaient frappées de bons sens
et donc elles pouvaient s'appliquer.
Je vais vous donner ces nouvelles règles.
M. LE RAPPORTEUR
. - Vous voudrez bien nous donner les textes ?
M. SPINETTA
. - Bien entendu. Les nouvelles règles font, comme
habituellement, la distinction entre les reconduits frontière avec
escorte et les reconduits frontière sans escorte.
La première règle que nous avons établie conjointement
avec le Ministère de l'Intérieur est que, sur un même vol,
les reconduits avec escorte ne seront plus embarqués avec des reconduits
sans escorte.
La deuxième règle est que nous limitons à 2 personnes par
vol les reconduits sans escorte, avec une exception sur la liaison
Cayenne/Haïti où 3 reconduits sans escorte sont admis.
La troisième règle est que nous limitons à 3 reconduits
avec escorte par vol sur l'ensemble du réseau le nombre de reconduits
avec escorte sauf sur la destination de Bamako où un seul reconduit avec
escorte sera admis. Sur Bamako, 4 agents composent l'escorte.
Le nombre d'agents d'escorte selon les destinations sera le suivant :
Pour l'Afrique, en dehors du Maghreb et de la Chine et je viens d'annoncer la
règle particulière concernant Bamako, 1 reconduit avec escorte
2 agents d'escorte, 2 reconduits avec escorte 6 agents d'escorte, 3
reconduits avec escorte 9 agents d'escorte.
Sur les autres destinations, pour 1 reconduit avec escorte 2 agents d'escorte,
pour 2 reconduits avec escorte 5 agents d'escorte, pour 3 reconduits avec
escorte 7 agents d'escorte.
Voilà les règles qui s'appliquent depuis le 27 avril.
M. LE RAPPORTEUR
. - L'embargo était en vigueur jusqu'à
lundi.
M. SPINETTA
. - Jusqu'à lundi, l'embargo était en vigueur
sur Bamako et un seul reconduit sur les autres destinations. Jusqu'au 1er
avril, la convention de 1994 s'appliquait, mais modulée compte tenu les
circonstances par une décision antérieure. Entre le 1er et le 27
avril, embargo sur Bamako et un seul reconduit sur les autres destinations.
Depuis le 27 avril, ce sont les règles que je viens de citer.
M. LE RAPPORTEUR
. - La réaction de certains passagers vous
paraît-elle isolée ou traduit-elle un sentiment plus
général d'hostilité ?
M. SPINETTA
. - Nous rencontrons des problèmes
particulièrement sur certaines lignes et sur certaines destinations. Les
difficultés sont les plus criantes sur le Mali. Souvent, mais pas
systématiquement, les passagers font preuve de solidarité avec
les reconduits.
M. LE PRÉSIDENT
. - Des passagers de nationalité malienne,
je suppose ?
M. SPINETTA
. - Le plus souvent, mais pas seulement. De la part des
européens, nous recevons des lettres de protestations ou de
réclamations indiquant ne pas comprendre ces mesures.
D'une façon générale, sur le plan de l'ambiance et de
l'agrément du vol, les passagers trouvent souvent un peu
désagréable, pour ne pas utiliser un mot plus fort, d'être
confrontés à ce type d'incident, de dispute ou de violence alors
qu'ils ont acheté un billet commercial.
M. LE PRÉSIDENT
. - Ces incidents surviennent aussi chez les
concurrents ?
M. SPINETTA
. - Je suppose que des problèmes analogues se posent
chez les concurrents. Mais peu importe. Quand vous êtes passagers sur une
ligne commerciale, ces circonstances sont vécues difficilement par les
clients, sur un plan commercial.
M. LE PRÉSIDENT
. - Quand Sabena affrète un vol à
destination de Bamako, ces aléas se posent sans doute par les passagers
de la même façon.
M. LE RAPPORTEUR
. - Les allemands, avec les Kurdes notamment, ne
sont-ils pas confrontés aux mêmes problèmes ?
M. SPINETTA
. - Je n'ai pas de renseignement à ce sujet.
M. LE RAPPORTEUR
. - Au point de vue technique, n'est-il pas possible de
poser une séparation avec la queue de l'appareil ?
M. SPINETTA
. - Une séparation physique entre la cabine avec les
passagers commerciaux et l'endroit où sont les reconduits avec ou sans
escorte, a été envisagée. Ces systèmes ne peuvent
être que temporaires. Il est hors de question d'en équiper de
manière permanente les appareils.
C'est une procédure illusoire. C'est un rideau mobile ou un paravent
pour isoler les gens, mais il ne permet pas d'éviter au reste de la
cabine les désagréments s'ils se produisent pour ce type de
reconduits à la frontière. Ce système a été
essayé, mais les résultats n'ont pas paru pertinents.
M. LE RAPPORTEUR
. - Il n'y a aucune espèce de
séparation ?
M. SPINETTA
. - Non.
M. LE RAPPORTEUR
. - Le statut d'Air France vous semble-t-il, Monsieur le
Président, de nature à lui imposer des obligations
spécifiques pour faciliter l'exécution des mesures
d'éloignement du territoire ?
M. LE PRÉSIDENT
. - La notion de service public s'impose-t-elle au
sein d'Air France, à la demande des autorités ?
M. SPINETTA
. - Nous sommes liés par la convention de 1994. J'ai
rappelé qu'elle prévoyait des modalités de
résiliation de la part de l'entreprise ou de la part du Ministère
de l'Intérieur.
Pour l'instant, cette convention exprime un accord des parties : le
Ministère de l'Intérieur et la compagnie nationale Air France. Il
est tout à fait clair que cette dernière, pour des
problèmes exclusivement liés à la sécurité
et à la sûreté des vols, a la possibilité que lui
offre le code de l'aviation civile d'interrompre les opérations, si elle
estime que la sécurité est en cause.
C'est ce qui a été fait dans le cadre des mesures conservatoires
du 2 avril. Il n'existe pas d'obligation du service public au sens strict, qui
ferait obligation à Air France de se trouver dans une situation
particulière par rapport aux autres compagnies aériennes.
M. LE PRÉSIDENT
. - Le statut public d'Air France ne crée
pas une situation particulière par rapport à des compagnies
aériennes à statuts privés ?
M. SPINETTA
. - Tout à fait.
M. LE RAPPORTEUR
. - Quelle appréciation portez-vous sur les
relations de votre compagnie avec les services de police pour la mise en oeuvre
des mesures d'éloignement ? L'entente est-elle bonne ?
M. SPINETTA
. - J'ai suivi les discussions qui ont eu lieu entre le 2 et
le 27 avril pour des mesures s'appliquant maintenant. La prise en
considération est réelle par les services de police des
difficultés qu'ils connaissent et auxquelles ils doivent faire face en
premier lieu. Ils les comprennent, les admettent.
Le fait que nous nous soyons mis d'accord sur les dispositions transitoires que
je viens de rappeler montre que les services de police comprennent nos
difficultés et les mesurent mieux que personne.
Sur le plan des relations quotidiennes, je laisserai la parole à
M Cathala.
M. CATHALA
. - Quand une mesure d'éloignement est prise, nous en
sommes informés à travers la réservation de vol qui est
faite par Wagon-lits, l'opérateur sous contrat avec le Ministère
de l'Intérieur. Il est signalé que le vol va comprendre un
reconduit. Nous en informons le commandant de bord. La Direction de la
Sûreté dont j'ai la responsabilité fait l'interface avec
les services de police pour organiser au mieux.
Nous restons vigilants sur les modalités d'embarquement, qui ont
été déterminées par le Ministère de
l'Intérieur. Nous préembarquons les reconduits,
c'est-à-dire avant les autres passagers. Ils sont placés
plutôt au fond de l'appareil. Des procédures de place sont prises
dans l'avion.
Ceci étant, nous veillons au respect des quotas prévus dans nos
accords. Les commandants de bord y veillent également puisque c'est leur
responsabilité. C'est au moment de l'embarquement que se produisent ou
pas, selon les cas, des incidents. Il s'en produit avec les reconduits, mais
aussi parfois avec des passagers non-admis. Ce sont des étrangers qui
ont été refoulés, à l'arrivée sur le
territoire, que la police ne laisse pas rentrer et donc qui doivent repartir.
Cette catégorie est hors quotas car c'est la convention de Chicago qui
nous l'impose.
Nous sommes en contact permanent avec les services de police pour faire en
sorte que les procédures que nous avons définies ensemble soient
respectées.
M. LE PRÉSIDENT
. - Quand êtes-vous prévenus en
général ?
M. CATHALA
. - 24 heures avant l'embarquement.
M. LE RAPPORTEUR
. - Estimez-vous que les difficultés
rencontrées à la fin du mois de mars et au début du mois
d'avril à l'aéroport de Roissy-Charles de Gaulle sont ponctuelles
ou, au contraire, traduisent-elles une difficulté plus
générale à mener à bien l'éloignement
d'étrangers en situation irrégulière par la voie
aérienne ?
M. SPINETTA
. - Je ne crois pas que l'on puisse dire que ces
difficultés sont ponctuelles.
En ce qui concerne les catégories d'incidents auxquelles Air France
avait été confrontée, je suis remonté en 1994. Ils
se produisent essentiellement sur les destinations du Mali. Nous nous trouvons
confrontés à une situation qui n'est pas conjoncturelle. Sur la
destination de Bamako, c'est une situation d'incidents
répétitifs.
Nous avons recensé 116 incidents de toute nature dans des vols avec
reconduits, à bord de nos avions, depuis le 16 novembre 1996 et au
départ du seul aéroport de Roissy-Charles de Gaulle.
M. LE PRÉSIDENT
. - Sur le Mali ?
M. SPINETTA
. - Non, sur l'ensemble du réseau.
M. LE RAPPORTEUR
. - Avec une majorité sur Bamako ?
M. SPINETTA
. - En termes statistiques peut-être pas, mais en terme
d'intensité des incidents oui. Ce sont ceux que le commandant de bord ou
le chef de cabine signale. Il peut s'agir d'incidents relativement
bénins, mais aussi plus lourds. Par conséquent, la situation ne
me paraît pas conjoncturelle.
M. LE PRÉSIDENT
. - Lors d'une précédente audition,
je parle sous contrôle de M. le rapporteur, je me souviens avoir entendu
parler de 10 à 15 reconduites à la frontière, tous
les jours de Roissy, par vol aérien.
Je ne sais pas si cette multiplication est vraie, toutefois si vous multipliez
10 par 360 jours, cela donne 3 600 qui, sur 2 ans, font 7 200
rapportés à 116. Le pourcentage apparaît effectivement
faible.
M. SPINETTA
. - Comme nous l'avons vu dans la convention entre Air France
et le Ministère de l'Intérieur, par vol, en règle
générale, il y avait plusieurs reconduits. En comptant 6 à
8 personnes par vol, l'on peut en recenser environ 700 toutes compagnies
aériennes confondues.
M. LE RAPPORTEUR
. - De nouveaux incidents graves pourraient-ils fonder
une nouvelle décision de suspendre les reconduites sur certains
vols ?
M. SPINETTA
. - Nous aurons maintenant à apprécier les
choses et à les suivre. Les mesures et les dispositions transitoires qui
ont été arrêtées me paraissent de nature à
pouvoir effectuer ces opérations dans les meilleures conditions du point
de vue de la sécurité, qui est le seul domaine dans lequel Air
France a une responsabilité propre, qu'elle se doit d'exercer. Quand une
disposition transitoire est arrêtée, il me semble que les
problèmes de sécurité doivent être
maîtrisés.
Si les faits relatés n'étaient pas de nature à remettre en
cause la sécurité des passagers et des vols, qui est le seul
domaine où Air France doit s'interroger légitimement, je ne vois
aucune raison de remettre en cause les dispositions arrêtées.
J'insiste sur le fait que toutes les mesures prises par Air France sont
fondées uniquement sur l'aspect sécurité des vols,
sécurité des passagers et sécurité des
équipages. C'est notre ligne de conduite. Je crois qu'il ne peut pas y
en avoir d'autres.
Nous avons apprécié la situation de cette manière et nous
continuerons de le faire ainsi.
M. LE PRÉSIDENT
. - Vous ne voyez aucune difficulté
croissante ?
M. SPINETTA
. - Tous les mois, les dispositions transitoires
arrêtées feront l'objet d'une réunion avec les responsables
du Ministère de l'Intérieur pour vérifier que les
conditions de leur mise en oeuvre sont acceptables du point de vue de la
sécurité. Nous allons suivre ce dossier avec le Ministère
de manière très régulière.
Si le dispositif trouve son point d'équilibre, je ne vois aucune raison
de prendre des mesures nouvelles. Je répète que la
sécurité est l'angle d'attaque de la Compagnie Air France et sur
lequel, en informant le Ministère de l'Intérieur, nous pouvons
être amenés à décider de dispositions
particulières.
M. LE PRÉSIDENT
. - Les intéressés sont-ils
menottés dans l'avion ?
M. SPINETTA
. - Je crois qu'il existe tous les cas de figure. Prenons un
incident qui s'est produit samedi dernier. Il ne s'agissait pas de reconduits,
mais de 3 non-admis sur un vol sur Bamako. Un était sans escorte et les
deux autres avec une escorte de 4 policiers. Ceux qui étaient sous
escorte ont donné lieu dans l'avion à une contestation assez
violente de la part de passagers, qui ont pris fait et cause pour eux. Les
policiers ont estimé qu'il valait mieux ne pas insister, quitter le vol
et interrompre les opérations. Par contre, le non admis sans escorte est
resté à bord du vol et est parti à Bamako sans
difficulté.
M. LE PRÉSIDENT
. - Ils n'ont pas été
menottés ?
M. SPINETTA
. - Non, je ne crois pas. Mais je vais laisser
répondre M. Cathala.
M. CATHALA
. - Les services de police apprécient s'il faut
entraver ou pas les non-admis. L'attitude des passagers reconduits varient,
certains sont très violents, d'autres ne le sont pas.
D'abord il faut l'accord du commandant de bord qui, à bord de l'avion,
est responsable de la sécurité et du bon ordre. Il peut
lui-même demander que ces passagers soient entravés ou qu'ils ne
le soient plus pour des raisons de sécurité. L'escorte reste
soumise in fine à sa décision.
M. LE RAPPORTEUR
. - Vous n'avez jamais eu connaissance de personne
bâillonnée ou droguée ?
M. CATHALA
. - Non. S'ils étaient drogués, ils ne seraient
pas violents. Pas un cas de personne bâillonnée ne nous a
été signalé. Parfois, nos équipages nous ont
parlé de gens entravés, mais ce n'est pas très
fréquent.
M. LE RAPPORTEUR
. - Compte tenu des derniers incidents,
l'affrètement de vols spécifiques pour l'éloignement
d'étrangers en situation irrégulière n'apparaît-il
pas plus efficace et plus sûr ?
M. SPINETTA
. - J'hésite à me prononcer. Je ne me
prononcerai pas d'ailleurs. J'ai rappelé tout à l'heure que l'un
des incidents les plus lourds s'était produit le 27 février 1997
à l'arrivé sur Bamako. L'avion a été très
largement détruit et incendié.
Il s'agissait d'un Boeing 737 d'Air Charter, filiale d'Air France
affrété par le Ministère de l'Intérieur pour
reconduire au Mali 77 ressortissants Maliens escortés par 42
fonctionnaires de police. Une véritable mutinerie s'est
déclenchée à Bamako.
Air France a l'expérience, à travers sa filiale Air Charter non
seulement, mais également sur des vols affrétés, de
circonstances difficiles.
J'ajoute un point qui n'a pas été signalé dans les
questions que vous m'avez posées, Monsieur le rapporteur. Ce n'est pas
systématique, mais il peut arriver notamment au Mali, que nos
équipages qui sont en attente parfois pendant quelques jours dans le
pays, soient soumis localement à des pressions ou à des menaces
assez fortes de la part d'une partie de la population. Tout ceci crée
des tensions vives.
Sur les vols affrétés, nous avons donc connu un incident
extrêmement lourd.
M. LE RAPPORTEUR
. - Avec les autorités locales à Bamako,
il n'existe aucune difficulté ?
M. SPINETTA
. - Non.
M. LE RAPPORTEUR
. - Les deux dernières questions sont les
suivantes :
Comment est traitée la question de l'éloignement par voie
aérienne chez nos principaux partenaires, les européens en
particulier ?
Quelle est la nature des difficultés rencontrées par les
compagnies aériennes étrangères et comment celles-ci
sont-elles traitées ?
M. LE PRÉSIDENT
. - Etes-vous en concertation avec elles ?
M. SPINETTA
. - Je dois avouer mon ignorance de la manière dont
ces problèmes sont traités par les autres pays européens,
dans les relations avec leurs compagnies aériennes. Je vais laisser la
parole à M. Cathala.
M. CATHALA
. - Il n'existe pas de concertation avec les autres compagnies
aériennes pour savoir comment elles traitent ce problème.
Quand nous avons connu cet incident sur le vol du 1er avril et que nous avons
pris une mesure d'embargo, la compagnie Air Afrique qui a connu elle aussi des
incidents à l'embarquement à Roissy nous a contactés pour
signifier qu'elle ne prenait plus personne. Ils se sont alignés sur la
mesure d'Air France. Nous les avons informés que nous modifions nos
mesures depuis lundi. Ils sont absolument indépendants des autres
opérateurs. Ils ne savent pas quelle décision ils vont prendre.
Quant à Sabena, un incident est survenu à Bruxelles où
l'escorte française a été prise en partie pendant le
transit à Bruxelles. C'était un vol Paris/Bruxelles,
Bruxelles/Bamako. Mon homologue de la Sabena m'a contacté pour
connaître les dispositions que nous décidions. Je lui ai
rappelé notre position, qui ne préjuge pas du fond du
problème, mais simplement de la sécurité des vols, de nos
équipages et de nos passagers. Sabena est en train de
réfléchir à ce problème.
Mais il n'existe pas de concertation précise entre les compagnies
aériennes sur ce problème.
M. LE RAPPORTEUR
. - Sabena rencontre-t-elle les mêmes
difficultés avec les étrangers qui immigrent en Belgique, ceux
qui viennent de l'ex-Congo par exemple ?
M. CATHALA
. - Je ne saurais pas vous répondre.
M. LE PRÉSIDENT
. - Il apparaît utile d'engager cette
concertation avec les différentes compagnies amies et voisines, et qui
se trouvent situées dans les mêmes conditions que vous. Vous
n'ignorez pas le traité d'Amsterdam, ni les positions que la commission
doit prendre au terme des traités, de mener une politique de
l'immigration communautaire dans les 5 années qui suivent la
ratification du traité.
Il est bien évident que ce problème se posera à
l'échelon européen et non plus national, au tout début du
siècle prochain. N'est-ce pas une bonne occasion de concertation avec
les Anglais, les Hollandais qui comptent de nombreux ressortissants de ce qui
était, il y a encore un demi-siècle, les Indes
Néerlandaises ?
Le problème Kurde sera incontournable dans les 10 années qui
viennent, qu'ils soient de Turquie, d'Irak ou d'Iran. Ne parlons pas du
problème chinois, que nous avons devant nous et que les compagnies
aériennes doivent traiter avec les difficultés que vous
connaissez.
N'est-ce pas l'occasion pour une réflexion de fond entre les compagnies,
qui ne sont qu'agents prestataires, mais où elles ont des
intérêts communs et une sécurité à assurer,
en même temps qu'une concurrence à éviter ?
M. SPINETTA
. - Vous avez raison, Monsieur le Président, cette
réflexion peut être envisagée pour savoir comment les
problèmes se passent dans les autres compagnies européennes.
M. LE PRÉSIDENT
. - Schengen nous l'a imposé avec
l'obligation de payer pour un passager qui se serait introduit de façon
irrégulière et dont vous auriez à assumer le transport.
Une disposition légale a été prise à ce sujet. Les
mêmes obligations sont affectées aux compagnies concurrentes.
M. LE RAPPORTEUR
. - J'en ai terminé.
M. LE PRÉSIDENT
. - Merci Monsieur le rapporteur.
Avez-vous des questions, chers collègues ?
M. MAMAN
. - Premièrement, puisque les départs sont
nombreux, est-il possible de les espacer ?
Deuxièmement, quels sont les moyens mis à la disposition de
l'escorte à bord ? Jusqu'où peut-elle agir ? Par
exemple, a-t-elle des armes ? Je suppose que non, mais jusqu'où
peut-elle utiliser la violence pour limiter l'action des personnes qui sont
rapatriées ?
M. SPINETTA
. - D'abord concernant les réservations par le
Ministère de l'Intérieur, via le bureau spécialisé
de la DICCILEC et via Wagon-lits distributeur du Ministère, la
convention de 1994 indique que l'administration bénéficie pour
ces places d'une priorité pour accéder au quota de places
disponibles.
C'est la règle. C'est l'article 7 de la convention. Une règle de
priorité est donnée pour que l'administration puisse
bénéficier des places dont elle a besoin : "
Air
France privilégiera la réservation de places pour les
éloignés présentés par l'administration dans le
respect des quotas
". Les quotas sont ceux de l'escorte, que
j'évoquais précédemment.
Ensuite, concernant les modalités de comportement des forces de police,
Air France n'intervient pas. Vous avez évoqué le problème
des armes. Il n'y en a pas à bord des avions. Cette règle
s'applique à ces opérations comme à d'autres. Le
commandant de bord n'a pas à intervenir sauf s'il estime que la
sécurité du vol est menacée par une bagarre, une dispute,
des cris, bref une ambiance non propice à un vol se déroulant
dans de bonnes conditions. A ce moment précis, il peut réclamer
des mesures particulières pour que le vol continue dans de bonnes
conditions.
Les personnels de l'entreprise n'interviennent pas dans la nature des
décisions prises par l'escorte. Les reconduits sont placés sous
sa responsabilité et c'est à elle de prendre les mesures qu'elles
estiment nécessaires pour que le vol se déroule le mieux
possible.
M. ALLOUCHE
. - Dans l'hypothèse la plus favorable,
c'est-à-dire un nombre de reconduits avec un minimum d'incidents, vous
est-il possible de nous fournir une estimation du nombre de reconduites
possibles par Air France, ses filiales ? Et quelles sont, d'après
vous, les compagnies aériennes européennes et amies qui
pourraient nous aider dans cette tâche, en tenant compte des conventions
passées, des escortes nécessaires et des conditions de
sécurité primordiales ?
Quel peut être le chiffre optimum ?
M. SPINETTA
. - Je ne suis pas capable de répondre à cette
question parce que les destinations sur lesquelles il y a des reconduits sont
relativement peu nombreuses. Nous ne tenons pas à jour de chiffres
statistiques relatifs au nombre d'opérations de reconduites
effectuées par Air France. Aussi étrange que cela puisse
paraître, il n'existe pas de chiffre statistique précis permettant
de préciser le nombre total de personnes qui ont été, dans
le cadre de l'application de la convention de 1994, reconduites sur les vols
d'Air France.
Dix à 15 personnes par jour, 3 650 par an sont des ordres de
grandeur possibles.
Compte tenu des nouvelles dispositions prises à titre transitoire pour
une durée de 6 mois, il est probable que le nombre de reconduits sera
inférieur à ce qu'il était précédemment.
Mais sans base statistique permettant de comparer la situation ancienne
à la situation nouvelle, j'ai du mal à répondre à
votre question.
M. DEMUYNCK
. - Quand des éloignés sont
débarqués parce qu'ils perturbent un vol, quel est le
comportement d'Air France pour un autre retour éventuel sur un autre
vol ? Décidez-vous que ces passagers, ayant mis en cause la
sécurité des passagers, ne doivent plus être
représentés ou acceptez-vous qu'ils repartent sur un autre
vol ?
Par ailleurs, votre convention comporte-t-elle un article qui prévoit
des conditions tarifaires ?
M. SPINETTA
. - Je prends l'exemple le plus récent. Il ne
concernait pas des reconduits, mais des gens non-admis. Un incident un peu
lourd s'est passé samedi dernier. Sur le premier vol de samedi, les
policiers eux-mêmes ont estimé que les conditions n'étaient
pas réunies pour qu'il se déroule dans de bonnes conditions. Donc
ils ont décidé d'en descendre. La reconduite s'est
effectuée le lendemain sur le vol d'Air France sur Bamako, qui partait
à 11 heures du matin.
M. DEMYNCK
. - Ce sont des non-admis donc vous avez obligation de les
reconduire.
M. SPINETTA
. - Nous n'intervenons pas sur les problèmes
d'appréciation a priori de dangerosité de telle ou telle
personne. C'est à la police qu'il appartient de le faire. Elle fixe les
règles. Nous n'intervenons que si le vol lui-même est
perturbé dans les conditions de sécurité.
Je reviens toujours à cette règle, mais notre
responsabilité s'arrête -elle est importante- à tout ce qui
concerne la sécurité du vol. Si une opération se passe mal
avec telle ou telle personne elle peut se dérouler de manière
plus normale dès lors que les fonctionnaires de police ont traité
le problème d'une manière différente.
Pour ce qui concerne les conditions commerciales, le tarif applicable aux
étrangers à éloigner du territoire métropolitain
est le tarif le plus bas existant sur la relation concernée, sans qu'il
soit tenu compte des conditions requises pour l'application de ce tarif. C'est
l'article 8 de la convention relatif aux conditions tarifaires.
M. DUFFOUR
. - Vous expliquez que, pour la prochaine année, c'est
un chiffre optimum mais admettons 3 650 reconduites éventuelles.
Vous avez rajouté que ce chiffre serait certainement plus bas.
A partir des données que vous avez précisées à
propos des mesures de sécurité, combien de fonctionnaires vont
être mobilisés pour accompagner tous ces gens dans leur pays
d'origine ?
M. SPINETTA
. - Je ne l'ai pas calculé, mais le nombre de
fonctionnaires sera sûrement important.
Je ne suis déjà pas capable de calculer le nombre de reconduits
qui vont être sur la Compagnie sur Air France, alors a fortiori sur le
nombre de fonctionnaires qui seront nécessaires... Il existe des
règles.
M. LE PRÉSIDENT
. - Le rapport établira le calcul et le
coût de l'opération apparaîtra dans les conclusions.
M. CATHALA
. - 12 000 policiers ne sont pas nécessaires pour
reconduire 3 000 étrangers. Ce n'est pas une estimation en nombre,
mais en temps qu'il convient de faire. C'est le temps consacré par ces
fonctionnaires qui doit être estimé.
M. LE PRÉSIDENT
. - Les trois destinations les plus difficiles
sont Brazzaville, Bamako et Pékin.
M. MAMAN
. - En Chine, les incidents vont-ils jusqu'à des actes de
violence vis-à-vis du personnel ?
M. CATHALA
. - Nous avons enregistré pour des ressortissants
chinois, Maliens ou de l'ex-Zaïre des gens qui cassent des sièges
ou qui commettent des dégâts à bord de l'avion, et les
Chinois également.
M. LE PRÉSIDENT
. - Ces incidents ont lieu à Pékin
ou au départ ?
M. CATHALA
. - Au départ.
Mme POURTAUD
. - Monsieur le président, lorsque des passagers avec
ou sans escorte faisant l'objet d'une mesure de reconduite sont prévus
à bord d'un appareil, puisque vous en êtes informés les
autres passagers le sont-ils également avant le départ où
découvrent-ils le fait en montant à bord ?
Deuxièmement, avez-vous pu d'une manière ou d'une autre, si tant
est que vous l'ayez recherché, évalué si ces reconduites
présentaient des conséquences commerciales pour la compagnie sur
ces destinations ?
M. SPINETTA
. - Les passagers ne sont pas informés. Nous sommes
prévenus 24 heures à l'avance par le Ministère de
l'Intérieur des opérations qui seront faites, en règle
générale. Nous n'avons pas le temps matériellement
d'informer les passagers, de la présence sur le vol de reconduits
à la frontière.
Quant aux conséquences commerciales, oui il y en a et nous les mesurons
parfaitement à travers le courrier que nous recevons de la part de
passagers présents sur des vols sur lesquels les incidents se sont
produits et qui témoignent assez fréquemment de leur
incompréhension face aux événements. C'est parfois
davantage que de l'incompréhension.
Honnêtement, nous n'arrivons pas à le mesurer en termes de
chiffres de trafic commercial sur ces lignes. Le plus souvent, les choses se
passent sans reconduits et, même quand il y en a, le plus souvent sans
incident.
J'ai annoncé 116 incidents depuis 1996. Nous ne détectons pas,
sur le plan commercial, des clients qui ne nous seraient plus fidèles
par crainte d'être confrontés à des situations de ce genre
sur un vol qu'ils prennent, vers l'Afrique ou ailleurs. Ce n'est pas
significatif.
M. LE RAPPORTEUR
. - Comment procèdent les Etats-Unis, par exemple
avec l'immigration chinoise ou vietnamienne ? Est-ce un éloignement
par avion ? Vous n'avez aucun renseignement à ce sujet ?
M. SPINETTA
. - Non.
M. LE PRÉSIDENT
. - Il nous appartiendra peut-être de
rechercher comment procèdent les autres. Dans ces matières, nous
sommes toujours très hexagonaux, nous sommes très gaulois !
Nous détenons à nous seuls la vérité et nous
agissons.
D'autres rencontrent les mêmes problèmes. Je ne vois pas pourquoi
les Etats-Unis n'auraient pas, vis-à-vis de la Jamaïque ou
d'Haïti, des problèmes de rapatriement, je sais même qu'il y
en a de féroces.
Monsieur le Président Directeur Général je crois
être l'interprète de tout le monde pour vous dire combien nous
avons apprécié votre contribution à notre recherche, sur
un thème ingrat, vous nous l'accorderez, et combien nous avons
été heureux de vous entendre. Nous vous remercions de vos
réponses qui sont, me semble-t-il, tout à fait simples, claires
et appréciées.
Je remercie également M. CATHALA qui nous a fourni des informations
précises et techniques sur les problèmes qui nous importent.
M. SPINETTA
. - Je vous remercie Monsieur le Président.