MM. GÉRARD NICKLAUS ET ÉRIC TOURNAIRE,
COMMANDANTS DE BORD À AIR FRANCE
MARDI 12 MAI 1998

M. MASSON, président - Chers collègues, la séance est ouverte.

Je dois excuser M. le rapporteur Balarello, tributaire d'un avion de ligne, et qui a semble-t-il quelque retard...

M. ALLOUCHE - C'est Air France !

M. LE PRÉSIDENT - Je me garderai de faire allusion à une quelconque compagnie !

Je dois également présenter les excuses de MM. Blaizot, Camoin, Debarge, Duffour, Mahéas, Plasait, Poirier, Mme Pourtaud et M. Schosteck.

Nous devons entendre ce matin MM. Gérard Nicklaus et TOURNAIRE, commandants de bord à Air France.

J'espère que M. Nicklaus sera présent d'ici quelques minutes.

M. Tournaire, je vous souhaite bienvenue au Sénat. Vous êtes devant une commission d'enquête C'est une procédure que vous n'avez certainement pas l'habitude de pratiquer.

Il s'agit d'une institution qui existe dans le Parlement français, aussi bien à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. C'est une procédure très formelle, un peu solennelle, qui a pour objectif de permettre aux parlementaires de se faire une idée des conditions dans lesquelles le Gouvernement gouverne, et qui est à la discrétion de la majorité d'une assemblée, dans le cadre des lois et règlements.

En l'espèce, c'est une ordonnance -celle du 17 novembre 1958- qui définit le fonctionnement des assemblées parlementaires, et notamment les conditions dans lesquelles les commissions d'enquête sont pratiquées.

Je rappelle que ces commissions d'enquête peuvent entendre qui elles souhaitent...

Je salue l'arrivée de M. Gérard Nicklaus...

... Ces commissions d'enquête sont publiques, sauf si, pour des raisons de commodité, nous décidions le huis clos, mais nous avons, tout au long de cette série d'auditions, pensé qu'il était préférable que les choses se fassent publiquement. Le public est donc présent et l'enregistrement des débats peut être communiqué à toute personne qui le souhaiterait.

Nous devons vous entendre sous la foi du serment.

(M. le Président donne lecture des dispositions de l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958 ; MM. Gérard Nicklaus et Eric Tournaire prêtent serment).

C'est en principe M. Balarello, rapporteur, qui doit vous interroger, mais en son absence, je vais vous poser des questions à sa place. Il prendra le relais lorsqu'il arrivera...

Messieurs, pouvez-vous exposer les difficultés que vous avez recensées à l'embarquement, au cours des vols et à l'arrivée lorsque, parmi les passagers, figurent des étrangers reconduits ?

Nous avons eu vent d'un certain nombre d'incidents. Je ne dis pas qu'ils se sont produits sur vos vols mais, d'une façon générale, pouvez-vous nous dire ce que les pilotes et vous-mêmes ressentez face à ce type de problèmes ?

Quel est le droit à cet égard et quelle est la responsabilité d'un chef de bord ? A quel moment cette responsabilité commence-t-elle à s'exercer ? Est-ce à partir du moment où les portes sont fermées ? A quel moment se dégage-t-elle ? Est-ce au moment où les passagers sont descendus ?

La parole est à M. Gérard Nicklaus...

M. NICKLAUS, commandant de bord à Air France - Je suis commandant de bord sur Airbus 310. L'Airbus 310 est un avion affecté d'une manière assez spécifique sur le réseau africain -Afrique de l'ouest et ancien empire colonial français. Beaucoup de vols s'effectuent sur ces destinations. Des liens très étroits nous unissent à ces pays et il existe donc de forts mouvements de populations.

Je suis particulièrement confronté à des problèmes de sûreté et de sécurité. Le code de l'aviation civile définit les droits et les devoirs du commandant de bord. Les devoirs sont sanctionnables pénalement et civilement en cas de manquement, notre responsabilité étant entièrement engagée.

J'en vécu personnellement certains incidents à bord. Des collègues de ce secteur m'en ont rapporté quelques-uns. Ces incidents engagent directement la sécurité de nos clients, du matériel de la compagnie et des équipages. C'est à ce niveau que j'ai désiré apporter mon témoignage.

Il existe un problème général de sécurité des vols. Ce problème a plusieurs facettes. Il est d'abord posé par le comportement des passagers expulsés qui ont déjà tenté d'ouvrir la porte durant le roulage pour sauter de l'appareil et qui ont tenté de jeter un policier d'une hauteur de cinq mètres.

On déplore parfois également des bris de matériel, comme les sièges. Les hublots -partie importante de l'aéronef ont également fait l'objet de tentatives de dégradations. D'autres parties vitales, accessibles de la cabine, pourraient également mettre en jeu la sécurité...

Le comportement des expulsés ne répond plus à la raison, et il est hors de question de les calmer. J'ai vécu une émeute à bord avant le décollage, et il est évident qu'il est alors impossible de raisonner qui que ce soit.

M. LE PRÉSIDENT - Au sol, vous n'êtes pas responsable ?

M. NICKLAUS - Il est précisé dans les textes sur l'aviation civile ou dans les instructions d'Air France que la responsabilité prend effet au début de la mission.

Dans le passé, le début de la mission était clairement indiqué par la DGDT 42, qui précisait une heure de début de mission. Cette DGDT 42 n'a pas été reprise lors de la refonte d'Air France, et il est aujourd'hui impossible de faire dire à la direction de la compagnie quand commence la mission du commandant de bord.

Il y a là une grosse lacune. Les textes officiels de l'aviation civile ne le définissent pas non plus précisément. On parle de début de mission, mais sans fixer de lieu ni d'heure. Il est dit que les passagers sont sous la responsabilité du commandant dès lors qu'ils sont à bord...

En l'occurrence, lorsque les passagers sont à bord au sol et qu'il se produit une émeute, la responsabilité du commandant me paraît engagée, aussi bien envers les passagers expulsés qu'envers les passagers ordinaires ou l'équipage.

L' autre problème est celui posé par les autres passagers en cabine, africains ou même quelquefois européens, qui prennent fait et cause pour les passagers expulsés, sans davantage d'informations. Il existe différentes catégories de passagers : passagers non admis à l'entrée sur le territoire qui n'ont pas de visas en règle ou qui détiennent des passeports falsifiés, personnes expulsées pour présence illégale sur le territoire ou à la suite d'un délit. Bien évidemment, les passagers, à bord, ne font pas la différence.

Tout récemment, des passagers, arrivés à la frontière française en possession de documents falsifiés ou de visas qui n'étaient pas en règle, se sont vu refuser l'accès au territoire. Selon les règles, la police les a placés dans le premier avion disponible, et la compagnie a dû payer une amende.

Or, les passagers de l'avion en question ont pris fait et cause pour ces non-admis. Ceci laisserait à penser qu'il n'existe plus de frontières ! En tout état de cause, les passions se déchaînent, et l'on arrive à des situations incohérentes...

Il y a un peu plus de deux ans, l'un de nos collègues a dû se poser à Marseille. Un autre a dû faire une approche précipitée sur Bamako, à cause d'une émeute en vol.

On rejoint là le problème de la sécurité des vols, toute approche précipitée présentant en effet des risques. En outre, les conditions météorologiques pourraient ne pas permettre l'atterrissage. En Afrique, les orages sont fréquents et il est hors de question de se poser sous un orage ! La situation pourrait donc dégénérer...

En troisième lieu, la sécurité en cabine n'est plus assurée. Dernièrement, sur Bamako, le personnel navigant commercial chargé d'assurer la sécurité en cabine n'a pu rester à son poste, en particulier le personnel féminin, qui a dû se réfugier dans le cockpit. Si une intervention s'était révélée nécessaire pour traiter un feu ou réaliser une évacuation d'urgence à l'atterrissage, le personnel navigant commercial n'aurait pu remplir sa mission, et l'on aurait pu déplorer des victimes.

De plus, ce personnel est agressé verbalement -voir frappé. Sa mission devient donc impossible...

Si le commandant de bord ou l'officier pilote -indispensables à la conduite du vol- venaient eux aussi à être agressés, il s'ensuivrait également un risque majeur.

Or, ceci n'est plus à exclure. Il est donc recommandé que le commandant de bord reste dans le cockpit, de façon à pouvoir continuer à diriger l'avion. Les passagers ne le comprennent pas toujours, et cela donne parfois lieu à des plaintes.

Il existe aussi un problème d'ordre psychologique : ce genre de situation, même si l'on essaie de ne pas y être impliqué directement, crée un stress important, entraîne une dispersion des moyens et perturbe le bon déroulement des tâches.

Or, il est reconnu que la sécurité des vols passe par l'amélioration de la vigilance de l'équipage. Une telle situation va à l'encontre de cet impératif ! Ceci peut en effet provoquer des oublis et engendrer des incidents, voire des accidents.

Même si le commandant de bord a certains droit, la police des différents Etats du monde en a également. Or, le commandant est soumis au pouvoir de la police. L'un de nos collègues a ainsi connu quelques problèmes à Conakry, parce qu'il a voulu appliquer les consignes en vigueur à un ministre guinéen ! Ce collègue, ainsi qu'un agent de la sûreté, a été emmené manu militari dans une salle de l'aéroport où, pendant deux heures, on a tenté, sous la menace, de lui extorquer sa signature au bas d'un document !

La police est toute-puissante dans n'importe quel pays, et nous sommes soumis au bon vouloir des autorités et la police.

M. LE PRÉSIDENT - Dans le cadre des règlements...

M. NICKLAUS - Certes, mais les règlements ne sont pas les mêmes partout !

... Certaines opérations, dans notre métier, sont plus délicates que d'autres et exigent une concentration plus importante, ainsi qu'un travail de l'équipage très pointu. Il en va ainsi de la phase de mise en route, de décollage, d'approche, etc. Dans certaines de ces phases, comme un arrêt de décollage, les réactions doivent pouvoir avoir lieu dans la seconde.

Il faut également noter une pression très déstabilisante des autorités de police pour inciter le commandant à embarquer ces passagers. Il est difficile d'y résister...

Les autres points, qui relèvent du domaine de la sûreté à Air France, ne peuvent être exposés en public...

M. LE PRÉSIDENT - Si la commission en est d'accord, nous vous entendrons à huis clos à la fin de cette matinée.

Vous pouvez poursuivre...

M. NICKLAUS - Par ailleurs, depuis peu, la Sabena, momentanément chargée du transport des personnes expulsées, est victime d'un boycott de la part des prestataires locaux -qui sont souvent imposés- chargés d'assister ses avions lors des escales.

J'essaie d'être un citoyen respectueux des lois. Je pense qu'il faut soit les faire appliquer, soit les changer, si elles posent un problème.

J'ai ici des coupures de la presse malienne, dans lesquelles on affirme que le Premier ministre français n'a pas honoré la parole donnée au Mali. Certains articles assimilent les équipages d'Air France à la police. Selon moi, la sécurité des équipages d'Air France va devenir localement problématique.

Les acteurs de première ligne que nous sommes sont devenus des otages, parce que des personnes ont cru que la loi ne leur serait pas appliquée et qu'ils ne seraient pas expulsés. La désillusion est grande après coup, et leurs réactions sont à la mesure de leur dépit.

M. LE PRÉSIDENT - Vous pensez qu'on leur a dit le contraire ?

M. NICKLAUS - ... Je pense en effet qu'ils ont compris le contraire.

On arrive aujourd'hui à inverser les données du problème : on ne parle pas de clandestin, mais de sans-papiers. Il y a là une nuance extrême.

M. LE PRÉSIDENT - C'est la presse qui en parle !

M. NICKLAUS - Tout à fait... Etre clandestin, par définition, c'est être répréhensible. Lorsqu'on est sans-papier, la faute en revient aux autorités !

Ceci participe des malentendus et des problèmes. Aussi est-il normal que les passagers se rangent du côté des "sans-papiers", c'est compréhensible. J'ai aussi entendu des hommes politiques, s'exprimant sur le sujet, parler de "sans-papiers". Il ne s'agit donc pas seulement de la presse !

Sur un vol Conakry-Bamako-Paris, on s'est rendu compte après le décollage que, malgré les mesures de sécurité, on avait un passager clandestin. Il s'agissait d'un ghanéen, que l'on a fini par identifier, qui s'était débarrassé de son faux passeport dans les toilettes de l'avion, afin qu'on ne puisse pas établir d'où il venait. Si l'on se débarrasse de ses papiers, on devient en effet "sans-papiers".

Les équipages d'Air France sont directement confrontés à l'insécurité, qui ne pourra à mon sens se réduire que par une action politique.

Enfin, je tiens à dire que nous transportons également dans nos avions des expulsés d'autres pays -Danemark, Hollande, etc...- qui sont bien sûr également accompagnés, et avec qui les choses se passent fort bien !

M. LE PRÉSIDENT - M. Tournaire, avez-vous quelque chose à ajouter ?

M. TOURNAIRE, commandant de bord à Air France - Vous demandiez à quel moment la responsabilité du commandant de bord était engagée.

Même si les textes ont été modifiés et ne sont pas très précis sur ce sujet, à partir du moment où l'on prend en charge la mission et où l'on se présente pour signer, la responsabilité du commandant est engagée. Cette mission, c'est celle que lui confie le président de la compagnie, par délégation pleine et entière.

Vous nous demandiez également ce qu'étaient le droit et les responsabilités pour un commandant de bord.

Nous détenons un manuel d'exploitation, et le code de l'aviation civile, en France, guide nos actions, mais nous avons également des accords et des normes proposées par l'Organisation internationale de l'aviation civile, ainsi que certaines conventions, comme celles de Tokyo et de la Haye, qui précisent qu'à partir du moment où la porte de l'avion est fermée, on peut considérer qu'on est en vol et que toutes les procédures décrites dans ces textes sont applicables.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le Rapporteur...

M. LE RAPPORTEUR - Le rapporteur s'excuse tout d'abord de son retard aérien...

Quelles mesures spécifiques prenez-vous pour prévenir et remédier aux difficultés rencontrées ?

M. TOURNAIRE - Nous avons notre jugement pour cela, pour lequel il nous est fait confiance. C'est ce pourquoi nous avons été formés. C'est à nous de juger, suivant l'attitude des gens et en fonction du suivi des procédures de police qui existent...

Malheureusement, celles-ci ne sont pas toujours suivies, ce qui explique que les autres passagers sont parfois au courant des expulsions, ce qui ne devrait pas arriver !

M. LE PRÉSIDENT - Vous voulez dire que les passagers peuvent être un peu affolés par un commentaire trop abrupt ?

M. TOURNAIRE - Les passagers expulsés sont normalement pré-embarqués par la porte arrière, avant la clientèle, qui embarque ensuite par la porte avant. Ce n'est pas toujours le cas.

Normalement, les papiers sont remis à l'équipage de manière discrète. Ceci n'est pas toujours fait et peut énerver la personne expulsée, qui voit son passeport passer dans les mains du chef de cabine, qui le remet ensuite au commandant, alors qu'il devrait être remis directement au commandant de bord. Dès lors, il est difficile de garantir qu'un vol va bien se dérouler, sans danger pour les autres passagers !

M. LE RAPPORTEUR - Vous préconisez que les procédures de police soit strictement appliquées ?

M. TOURNAIRE - Je pense qu'elles ont été étudiées par des professionnels pour que les choses se passent le mieux possible. Nous sommes habitués aux procédures et savons qu'appliquer les procédures est le meilleur moyen d'arriver à notre objectif !

M. LE RAPPORTEUR - Quelle a été votre réaction aux incidents survenus récemment à Roissy ?

M. LE PRÉSIDENT - Vous étiez présent ?

M. NICKLAUS - J'ai connu un incident lors d'un de mes vols, avec une émeute à bord.

M. LE PRÉSIDENT - C'était le 1er avril ?

M. NICKLAUS - Non, c'était antérieur, au mois de mars, de mémoire le 27...

Ce jour-là les procédures normalement applicables n'ont pas été strictement appliquées. Le pré-embarquement n'a pas eu lieu et pendant que nos clients ordinaires embarquaient par la porte avant, les passagers expulsés étaient embarqués par la porte arrière.

Bien sûr, ils se sont débattus. Il faut également savoir que les conditions dans lesquelles on les embarque ne sont pas satisfaisantes...

M. LE PRÉSIDENT - Combien y avait-il de pré-embarqués ?

M. NICKLAUS - De mémoire, quatre ou cinq passagers expulsés et huit policiers...

M. TOURNAIRE - Cinq reconduits, un non-admis et huit policiers...

M. NICKLAUS - Certains passagers ont pris fait et cause dès l'embarquement pour les expulsés. Pendant le vol, certains passagers nous ont confié que lors de l'enregistrement, compte tenu des manifestations dont ils avaient été témoins et des informations en leur possession, ils avaient prévu de manifester dans l'avion.

M. LE PRÉSIDENT - Des Africains ?

M. NICKLAUS - Ceux-là étaient en effet africains.

Parmi ces passagers figurait d'ailleurs une délégation de Guinée, composée d'une douzaine de personnes, dont six ou huit ont pris part à l'émeute.

Cette délégation accompagnait un ministre guinéen, qui était bien sûr en première classe. Il y avait même une caméra de la télévision guinéenne, qu'on avait laissé passer sur un vol que la police considérait pourtant comme sensible !

L'émeute étant impossible à maîtriser...

M. LE PRÉSIDENT - Qu'entendez-vous par "émeute" ?

M. NICKLAUS - ... Les policiers étaient agressés verbalement, personne ne voulait s'asseoir ou regagner son siège et la situation aurait pu s'envenimer très rapidement.

M. LE PRÉSIDENT - C'était une altercation...

M. NICKLAUS - C'était plus que cela...

M. LE PRÉSIDENT - ... Une altercation violente... Une émeute, au sens juridique, a une signification précise.

M. NICKLAUS - Certes...

Il est évident que les conditions de transport des expulsés ne sont pas satisfaisantes, mais il faut reconnaître que ceux-ci sont violents. On peut le comprendre, j'ai dit pourquoi tout à l'heure. Ils n'hésitent pas agresser physiquement l'équipage et les policiers. Il y a d'ailleurs déjà eu des blessés parmi ces derniers.

M. LE RAPPORTEUR - Vous dites que les conditions de rapatriement ne sont pas satisfaisantes. Que voulez-vous dire ?

M. NICKLAUS - Ces passagers ont les bras liés à l'aide de scotch. En effet, il est impossible de faire monter des passagers simplement menottés dans un avion contre leur gré. Ils se débattent, s'accrochent partout, hurlent pour avoir gain de cause et ne pas embarquer.

En tout état de cause, de telles conditions ne sont pas satisfaisantes...

Pour en revenir à l'incident, j'ai fait débarquer les passagers expulsés et l'émeute a cessé.

Il faut savoir que, lorsque les portes de l'aéronef sont fermées, s'applique la convention de Tokyo. dont l'article 1 permet au commandant de bord de débarquer toute personne présentant un trouble pour l'ordre à bord dans les pays qui ont ratifié la convention.

L'ordre étant revenu, j'ai voulu faire débarquer un certain nombre de personnes dont les réactions me semblaient incompatibles avec le bon ordre, et dont je pouvais craindre des actions inopportunes en vol ou à l'arrivée. Cela ne m'a pas été possible, la moitié des forces de police de l'aéroport étant occupée à contenir une manifestation, et l'autre moitié à protéger le nouveau terminal inauguré par le ministre des transports !

Si la situation avait perduré, il n'existait donc plus aucun moyen de rétablir l'ordre ! Ceci est extrêmement grave...

M. LE PRÉSIDENT - Vous avez donc décollé avec les passages, le ministre et la caméra ?

M. NICKLAUS - En effet.

M. LE PRÉSIDENT - Cela s'est tout de même bien passé ?

M. NICKLAUS - Nous sommes effectivement arrivés à bon port. J'ai essayé de remplir ma mission du mieux possible. Il n'y a pas d'accident cette fois-là, mais j'ai peur qu'il n'en soit pas toujours ainsi !

M. LE RAPPORTEUR - Quelle était la composition de la délégation

M. NICKLAUS - Je ne peux le dire. Il y avait un ministre et, à l'arrière, diverses personnes : un cameraman, un garde du corps et d'autres gens, dont je ne connaissais pas la fonction. En tout état de cause, il est anormal qu'une délégation d'un pays étranger, et normalement ami, fasse preuve d'un tel comportement dans un avion d'Air France !

M. TOURNAIRE - Pour votre information, il s'agissait du ministre des affaires sociales de Guinée...

M. LE RAPPORTEUR - La réaction de certains passagers à ces reconduites vous paraît-elle isolée ou traduit-elle au contraire un sentiment plus général d'hostilité ? Cela peut-il se généraliser ?

M. TOURNAIRE - C'est plutôt une hostilité envers l'ordre et la force. En France, la presse présente ces expulsés comme des victimes, et les Français et les Européens qui sont à bord peuvent éprouver de la compassion pour ces gens. Je ne connais toutefois pas le sentiment des ressortissants des pays concernés.

M. LE PRÉSIDENT - Cela se passe néanmoins très bien avec les personnes expulsées du Danemark ou de La Haye...

M. NICKLAUS - Les passagers qui prennent partie affirment que la loi française ne les concerne pas, pas plus que l'autorité du commandant de bord !

M. LE RAPPORTEUR - Vous pensez donc qu'il peut s'agir d'un sentiment d'hostilité général ?

M. NICKLAUS - De plus en plus. Plus le temps passe, plus les réactions s'exacerbent.

M. LE PRÉSIDENT - Cela signifie-t-il qu'on ne pourra plus procéder à des expulsions, nonobstant les règlements ?

M. NICKLAUS - De la façon actuelle, non !

M. TOURNAIRE - Il faut peut-être modifier la manière de faire. L'Etat français, à la suite de l'affaire de l'église Saint-Bernard, avait décidé d'employer du matériel d'Etat et de faire appel à l'armée de l'air...

M. LE PRÉSIDENT - Il ne s'agit pas d'un charter ?

M. TOURNAIRE - C'est un charter. Un charter, c'est un affrètement d'une coque et d'un équipage...

M. LE PRÉSIDENT - Oui, mais privé...

M. TOURNAIRE - Pas forcément. Vous pouvez le considérer comme vous voulez...

M. LE RAPPORTEUR - Cela fait l'objet de ma deuxième question.

M. LE PRÉSIDENT - Dans l'état actuel des choses, pensez vous qu'un sentiment d'hostilité se développera en France avec les procédures telles qu'elles sont appliquées sur les compagnies d'Etat ?

M. TOURNAIRE - Il est de plus en plus difficile de mélanger les clients d'une société commerciale avec ce genre de passagers, au moins ceux considérés comme difficiles, et que l'on doit encadrer par quatre policiers.

M. LE PRÉSIDENT - Ou plus...

Est-ce une appréciation générale chez les pilotes, ou bien vous est-elle personnelle ?

M. TOURNAIRE - Je pense que nous traduisons le sentiment de la majorité de nos camarades.

M. LE PRÉSIDENT - Vous l'affirmez devant la commission d'enquête ?

M. TOURNAIRE - Absolument ! Tous les gens qui ont eu à subir ce genre de problèmes vous le diront comme nous.

M. LE PRÉSIDENT - Votre Président-directeur-général est informé de cette position ?

M. TOURNAIRE - Bien sûr. A chaque incident, les commandants de bord font un rapport.

M. LE PRÉSIDENT - Il est informé que la position que vous prenez, qui est un sentiment général ?

M. NICKLAUS - On ne peut pas le dire ainsi ; le rapport d'un commandant de bord se doit d'être factuel. Il ne s'agit pas de donner des conseils au Président-directeur-général d'Air France, mais de relater des faits.

M. LE PRÉSIDENT - J'entends bien, mais vous avez porté un jugement de nature plus générale, et affirmé que, selon vous, on ne pourrait continuer à procéder à des expulsions en mélangeant des passagers ordinaires et des passagers expulsés...

M. TOURNAIRE - On ne pourra pas le faire, si l'on veut garder notre vocation première, qui est de transporter des clients qui paient pour cela.

M. LE PRÉSIDENT - Votre Président-directeur-général connaît votre sentiment ?

M. TOURNAIRE - Bien sûr, et je pense qu'il est venu s'exprimer sur ce point.

M. LE PRÉSIDENT - En effet. C'était un peu plus ambigu, mais enfin...

Monsieur le Rapporteur...

M. LE RAPPORTEUR - Que pensez-vous des mesures transitoires adoptées par Air France et le ministère de l'intérieur ?

M. TOURNAIRE - Cela constitue déjà une avancée. Les faits montreront si elles sont suffisantes. On ne peut deviner ce qui va se passer dans les semaines ou les mois à venir...

M. LE RAPPORTEUR - Quelle appréciation vous portez sur vos relations avec les services de police pour la mise en oeuvre des mesures d'éloignement ?

L'information et la coordination sont-elles suffisamment assurées ?

M. TOURNAIRE - Très souvent, un manquement aux procédures écrites des services de police génère un incident à l'embarquement et fait que ces personnes sont refusées.

M. LE RAPPORTEUR - Auriez-vous une circulaire concernant les procédures écrites qui doivent être respectées par les procédures de police ?

M. TOURNAIRE - Je n'en suis pas le dépositaire, mais les gens de la DICCILEC en disposent...

M. LE RAPPORTEUR - Il faudra la demander au directeur de la DICCILEC.

Par ailleurs, estimez-vous que les difficultés rencontrées à la fin du mois de mars et au début du mois d'avril à l'aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle sont ponctuelles ou, au contraire, traduisent une difficulté plus générale à mener à bien l'éloignement d'étrangers en situation irrégulière par voie aérienne ? Vous avez déjà largement répondu à cette question...

M. TOURNAIRE - J'ajouterai simplement que je pense que, le nombre augmentant, les incidents iront croissant, car on compte désormais pratiquement un reconduit par vol.

M. LE RAPPORTEUR - Sur quelles destinations connaissez-vous des difficultés ?

M. NICKLAUS - Les problèmes ont généralement lieu avec l'Afrique de l'ouest -Bamako, Douala, Conakry...

M. LE PRÉSIDENT - Et le Maghreb ?

M. TOURNAIRE - Nous n'allons plus en Algérie. Quant au Maroc, beaucoup d'éloignements se font par bateau.

On rencontre aussi des problèmes avec les Chinois...

M. LE RAPPORTEUR - Et les Roumains ?

M. TOURNAIRE - J'en ai personnellement reconduit sans problème.

M. LE RAPPORTEUR - De nouveaux incidents pourraient-ils à votre avis fonder une nouvelle décision de suspendre les reconduites sur certains vols ?

M. TOURNAIRE - La décision relève du Président et du service "sûreté".

M. LE RAPPORTEUR - Quel est votre sentiment ?

M. TOURNAIRE - Notre sentiment est que la vocation de la compagnie est de transporter des passagers payants : c'est une compagnie à but commercial. Elle aura donc de plus en plus de mal à accepter des passagers reconduits, aussi nombreux et aussi souvent.

M. LE RAPPORTEUR - Compte tenu des derniers incidents, l'affrètement de vols spécifiques pour l'éloignement d'étrangers en situation irrégulière n'apparaît-il pas plus efficace et plus sûr ?

M. LE PRÉSIDENT - Charter ou non...

M. NICKLAUS - Pour moi, le mot "charter" n'évoque pas forcément quelque chose d'horrible !

M. LE PRÉSIDENT - Parlons dans ce cas de "vol spécifique".

M. NICKLAUS - Pour moi, la solution ne réside pas tant dans des mesures matérielles que dans des mesures politiques, au plus grand bénéfice de tous !

M. LE PRÉSIDENT - Qu'entendez-vous par une "solution politique" ? ... Une modification des lois ?

M. NICKLAUS - Si vous le voulez bien, nous en parlerons à huis clos.

M. TOURNAIRE - J'ajoute qu'un charter est un vol commercial...

M. LE RAPPORTEUR - C'est pourquoi j'ai utilisé le terme de "vol spécifique".

M. TOURNAIRE - Nous avons connu un vol charter qui s'est très mal passé à Bamako : les passagers sont descendus et sont remontés avec des barres de fer ! Certains officiers de police ont même été blessés et l'avion a été très endommagé. Ce n'est donc pas la solution si l'avion n'est pas protégé à l'arrivée !

Au lendemain des événements de l'église Saint-Bernard, le Gouvernement a demandé à l'armée de l'air de ramener les Maliens expulsés dans leurs pays. Le chef d'état-major de l'armée de l'air a fait savoir qu'il n'était pas souhaitable que la chose se reproduise pour l'image de l'armée de l'air. Je pense qu'il va falloir choisir si l'image de l'armée de l'air est plus importante que le fonctionnement des compagnies aériennes françaises !

M. LE PRÉSIDENT - Selon vous, c'est l'armée qui doit s'en charger ?

M. TOURNAIRE - Je pense que les avions de l'armée sont des avions d'Etat, les problèmes de reconduites aux frontières massives relèvent de l'Etat et les équipages de l'armée de l'air sont formés et ont tous les moyens logistiques nécessaires pour pouvoir accomplir cette mission de la meilleure façon possible.

M. LE PRÉSIDENT - Inutile de vous dire que l'armée n'est pas du tout d'accord...

M. TOURNAIRE - Ce n'est pas mon propos. Je ne peux pas m'exprimer sur ce point...

M. LE RAPPORTEUR - Comment est traitée à votre connaissance la question de l'éloignement par voie aérienne chez nos principaux partenaires européens ?

M. TOURNAIRE - De nombreux pays pratique l'éloignement accompagné médicalisé.

M. LE RAPPORTEUR - Sous somnifère ?

M. TOURNAIRE - C'est cela. Les expulsés sont accompagnés d'un médecin, qui assure l'accompagnement médicalisé jusqu'à destination.

M. LE RAPPORTEUR - C'est-à-dire sous tranquillisant ?

M. TOURNAIRE - Je ne sais pas quels sont les produits utilisés...

M. LE PRÉSIDENT - Quels sont ces pays ?

M. TOURNAIRE - Danemark, Hollande, Allemagne. Beaucoup de pays européens...

M. LE RAPPORTEUR - Il y en a certainement d'autres...

M. NICKLAUS - Certainement.

M. LE RAPPORTEUR - ... Et les Etats-Unis ?

M. TOURNAIRE - Je pense que l'Air Force est peut-être moins regardante sur son image de marque !

M. LE PRÉSIDENT - La parole est aux commissaires....

M. MAMAN - Combien d'expulsés peut contenir un avion ? Y a-t-il une limite ?

M. TOURNAIRE - Il existe un nombre maximum, en fonction du type de reconduits, de la destination et de la capacité de l'avion. Certains reconduits sont accompagnés, d'autres non. C'est une classification qui est établie par les services administratifs de la DICCILEC, qui connaît les gens, qui les a étudiés pendant plusieurs jours et qui dit s'ils ont besoin ou non d'être accompagnés.

M. MAMAN - A quel moment le commandant de bord vérifie-t-il si c'est exact ? De quels moyens de contrôle dispose-t-il ?

M. TOURNAIRE - En général, les reconduits sont amenés au pied de l'avion par un véhicule administratif ; nous avons un contact direct avec l'officier de police responsable, mais la règle est que nous devons être prévenus longtemps à l'avance. Si nous jugeons, par exemple pour des raisons de sécurité, que cette reconduite est impossible, nous le disons à moment-là.

M. MAMAN - Combien de temps à l'avance ?

M. TOURNAIRE - Au moment de la préparation des vols. Disons une heure et demie avant le décollage...

M. MAMAN - C'est suffisant ?

M. TOURNAIRE - Pour nous, oui ! Ce sont les textes...

M. MAMAN - Est-il possible à un commandant de bord de refuser d'embarquer un expulsé parce qu'il lui semble dangereux ?

M. TOURNAIRE - Il ne le fera pas a priori, mais seulement si la personne expulsée manifeste un comportement dangereux pour l'exécution de sa mission.

M. MAMAN - A quel moment pourra-t-il évaluer son comportement ? Une fois à bord ?

M. NICKLAUS - Il existe différentes obligations : selon les catégories, les autorités doivent prévenir la compagnie entre 3 heures et 24 heures à l'avance.

Le commandant de bord est prévenu lorsqu'il arrive à la préparation des vols soit, pour les longs courriers, deux heures avant le départ, mais nous ne pouvons refuser le transport d'un passager, expulsé ou non, que lorsque son attitude compromet la sécurité ou le bon ordre à bord.

M. MAMAN - Entre le moment où il est entré dans l'avion et celui où vous allez décoller...

M. NICKLAUS - Ou même après : c'est arrivé...

M. MAMAN - Quels sont vos rapports avec les autorités de police que vous allez recevoir dans l'avion. Avez-vous avez une réunion préalable ?

M. NICKLAUS - Tout ceci a été largement codifié au fil des années. Chacun fait son travail. Nous sommes là pour conduire un avion et des clients d'un point à un autre. Nous avons ce jour-là à bord des clients particuliers qui nous sont imposés, et nous opérons dans le cadre de nos prérogatives. Les autorités de police, quant à elles, opèrent dans le cadre de leurs propres prérogatives, mais il n'y a plus de conflit entre les commandants de bord et les autorités de police.

Les rôles sont définis. Chacun comprend les problèmes de l'autre. Ceci n'empêche pas qu'il y ait de la part des autorités de police des pressions très fortes...

M. LE PRÉSIDENT - Les fonctionnaires de police connaissent aussi leur métier : ils sont spécialisés dans ce genre de convoyage...

M. TOURNAIRE - Malheureusement, ils ne respectent pas toujours scrupuleusement les procédures. Ceci pose souvent des problèmes à l'embarquement, ce qui a pour conséquence de repousser les gens sur un vol ultérieur.

M. ALLOUCHE - Faut-il une autorisation pour filmer à bord ?

Par ailleurs, selon vous, la question des reconduites s'est-elle aggravée ? Si oui, comment l'expliquez-vous ?

M. TOURNAIRE - Il est interdit de filmer ou de photographier dans l'enceinte de la plupart des aéroports du monde, sauf autorisation particulière de l'autorité compétente.

Une fois l'avion en vol, la chose relève du commandant pour ce qui concerne la cabine de pilotage. Pour ce qui se passe derrière, je ne pense pas qu'il existe de texte...

En second lieu, comme je l'ai déjà dit, la situation ne s'est pas aggravée, c'est le nombre de reconduits qui a augmenté ! Il y a pratiquement un reconduit sur chaque vol et on compte pratiquement cinq ou six vols par semaine sur Bamako.

En outre, certaines personnes refusées lors de l'embarquement sont reconduites sur un vol ultérieur...

M. LE PRÉSIDENT - Vous avez bien dit qu'il fallait constater que c'était une tendance qui allait s'aggravant ?

M. TOURNAIRE - Je pense surtout que le comportement des habitués des lignes entre l'Afrique francophone et la France ont évolué sous le poids de la presse locale, mais également française.

M. LE PRÉSIDENT - Il s'agit plus du comportement des passagers que de celui des reconduits ?

M. TOURNAIRE - ... Ainsi que leur nombre !

M. NICKLAUS - Les incidents étaient beaucoup plus rares dans le passé. Quant aux reconduits, ils tentent plus qu'avant de résister, en sachant qu'ils ont de fortes chances de réussir !

M. LE PRÉSIDENT - Il s'agit de passagers qui partagent la même nationalité que les expulsés ?

M. TOURNAIRE - ... Ou voisine.

M. LE PRÉSIDENT - Il existe une sorte de solidarité...

M. NICKLAUS - Certains passagers Européens ou Français expriment aussi leur désapprobation. Il y a d'ailleurs eu des lettres en ce sens adressées à la direction. Je pense que la direction générale aurait été plus à même de vous répondre...

M. LE PRÉSIDENT - Ces Français n'ont pas aidé à la résistance ?

M. NICKLAUS - Physiquement, non.

Mme DUSSEAU - Quel était le nombre total de passagers que transportait l'avion au moment de l'émeute que vous avez rapportée ?

M. NICKLAUS - Entre 120 à 130 personnes.

Mme DUSSEAU - Il y avait donc sept expulsés, 130 personnes transportées et 8 policiers présents ?

M. NICKLAUS - oui.

Mme DUSSEAU - Soit, un policier par personnes -ou un peu plus.

M. NICKLAUS - Oui.

Mme DUSSEAU - Combien de personnes ont pris fait et cause pour les expulsés ? Pouvez-vous indiquer le nombre d'Européens et d'Africains ?

M. NICKLAUS - Une quinzaine. En effet, l'embarquement était en cours et les événements se déroulaient à l'arrière de l'avion, les passagers expulsés étant étalés sur les sièges. Ce sont donc les passagers qui se trouvaient le plus près qui ont davantage réagi. Les autres ne voyaient pas bien ce qui se passait, d'autant que les perturbateurs et quelques autres témoins étaient debouts et gênaient la vision...

Mme DUSSEAU - Ceux que vous qualifiez de perturbateurs sont les reconduits ?

M. NICKLAUS - En effet...

Mme DUSSEAU - Etaient-ils "scotchés" ?

M. NICKLAUS - Oui... Parmi les perturbateurs figuraient aussi certains autres passagers, dont la moitié faisait partie de la délégation officielle que j'ai déjà évoquée.

Mme DUSSEAU - Quels était le nombre des personnes ?

M. NICKLAUS - Une quinzaine d'actifs.

Mme DUSSEAU - Essentiellement guinéens ?

M. NICKLAUS - ... Ainsi que des Maliens.

Mme DUSSEAU - Connaissez-vous, dans les autres pays, des exemples d'expulsions qui se passent mal ?

En second lieu, à votre connaissance, que les expulsés soient sous assistance médicale ou non, d'autres pays connaissent-ils aussi des manifestations de la part des passagers ?

M. NICKLAUS - Je ne puis parler que de la France. Lorsque j'ai eu à mon bord des policiers d'un Etat parmi ceux que l'on a cités accompagnant une personne expulsée, il n'y a jamais eu d'incident, mais je ne sais pas s'il y a des incidents sur leurs propres compagnies...

M. LE RAPPORTEUR - Quel était le nombre de policiers par expulsé ?

M. NICKLAUS - Deux pour un.

M. TOURNAIRE - Je pense que les procédures d'accompagnement ne sont pas les mêmes. Je ne suis pas sûr non plus qu'il y ait des manifestations en faveur des reconduits. En effet, selon moi, il existe des fuites.

M. LE RAPPORTEUR - Vous avez des contacts avec des commandants de bord de compagnies étrangères : en discutez-vous entre vous ?

M. NICKLAUS - Lorsque nous rencontrons des collègues, nous parlons de sujets qui nous intéressent davantage, aéronautiques par exemple... Il est vrai que l'on compte moins d'expulsés sur les compagnies étrangères que sur nos compagnies.

En effet, en France, une personne en situation irrégulière est placée en rétention pour un certain nombre de jours. Puis, si le tribunal le décide, cette rétention est prolongée. Au bout de douze jours, si la personne n'a pas quitté le territoire français, on la remet en liberté.

Dans les autres pays, il n'en va pas de même. En Allemagne, par exemple, la durée de la rétention est de six mois ; aux Pays-Bas, pays que d'aucuns considèrent comme trop libéral, la rétention dure une année, et en Grande-Bretagne le temps de rétention est illimité.

Ces pays, ayant des lois différentes, procèdent différemment, et organisent des vols groupés. Il y a donc beaucoup moins de passagers de ce type dans les avions de lignes régulières.

M. LE PRÉSIDENT - Je crois que la curiosité de tous nos collègues a été largement satisfaite.

J'ai compris que vous souhaitiez le huis clos...

M. NICKLAUS - Oui.

M. LE PRÉSIDENT - Monsieur le Rapporteur, vous n'y voyez pas d'inconvénient ?

M. LE RAPPORTEUR - Absolument pas, Monsieur le Président !

M. LE PRÉSIDENT
- Nous allons donc suspendre la séance quelques instants...

La séance est suspendue quelques instants.

(Les débats se poursuivent à huis clos).