un traité au contenu classique destiné à devenir le cadre de relations privilégiées
Comme
tous les traités de même objet conclus avec les anciennes
républiques soviétiques, le traité franco-géorgien
du 21 janvier 1994 est destiné à inscrire les relations entre la
France et la Géorgie dans un cadre juridique adapté non seulement
à la situation en Europe depuis l'effondrement du communisme, mais aussi
aux besoins suscités, en Géorgie, par la transition post
soviétique.
Le dynamisme du dialogue politique instauré par la France avec les pays
de Transcaucasie, la part prise par la France, au sein de l'ONU, en vue du
règlement du conflit abkhaze, et le souci de la Géorgie de
conduire une diplomatie pro-occidentale confirmant son indépendance par
rapport à Moscou constituent un contexte favorable au rapprochement
entre Paris et Tbilissi, qui s'inscrit désormais dans des perspectives
économiques prometteuses.
De manière classique, le présent traité engage les deux
Parties à instaurer un dialogue politique dynamique, comporte de
nombreuses références à l'Europe, et vise le
développement des différents secteurs ouverts à la
coopération bilatérale.
un dialogue politique dynamique
.
Le traité franco-géorgien du 21 janvier 1994 fonde
l'amitié entre les deux pays sur la référence aux
valeurs universelles de liberté, de démocratie et de
justice
, sur la reconnaissance de la
primauté du droit
international
et, notamment, de la
Charte des Nations unies
, et sur
la volonté commune de
renforcer la paix, la sécurité et
la stabilité en Europe et en Asie
(cf le préambule du
présent traité).
.
Ces relations, "fondées sur la confiance et
l'intérêt mutuel" (article 1er), s'appuient sur des
échanges réguliers entre responsables français et
géorgiens. Ainsi l'article 3 renvoie-t-il, non seulement à des
rencontres au plus haut niveau, mais aussi à une rencontre annuelle des
ministres des affaires étrangères et, en tant que de besoin,
à des réunions de travail entre représentants des
ministères des affaires étrangères. L'article 3 mentionne
également l'organisation de rencontres entre membres de gouvernements de
deux pays "pour traiter de questions d'intérêt commun".
.
La visite du président Chevarnadzé à Paris, en
février 1997, a
constitué un temps fort du dialogue politique
franco-géorgien. Celui-ci avait été relancé
lors du séjour en France, en janvier 1994, du nouveau président
de la Géorgie, suivi, en décembre de la même année,
par une visite à Tbilissi du secrétaire général du
Quai d'Orsay, M. Bertrand Dufourcq. L'année 1996 a marqué un
tournant dans les relations politiques bilatérales, avec les visites en
Géorgie, en avril, du secrétaire d'Etat à la francophonie,
puis, en juin, de M. le président du Sénat, suivi, en octobre,
par le ministre des Affaires étrangères, tandis qu'en mars 1996
était accueilli à Paris le président du Parlement de
Géorgie.
Le dialogue politique franco-géorgien s'appuie donc désormais sur
des
échanges réguliers de visites de haut niveau
. Le
prochain séjour en Transcaucasie du président de la
République, en septembre 1998, permettra de conforter des relations
aujourd'hui solides.
de fréquentes références à l'europe et à la sécurité internationale
Les
références européennes contenues dans le présent
traité concernent l'édification de
l'Union
européenne
et, dans une perspective paneuropéenne,
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe
(OSCE) -la mention de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe (CSCE) tient à
la date à laquelle a été signé le traité.
- L'article 3 invite la France et la Géorgie à tenir des
"consultations régulières aux niveaux appropriés",
notamment à fin d'échanger leurs vues sur des "questions
fondamentales concernant la sécurité et la coopération en
Europe".
- L'article 7 renvoie à l'instauration d'une
coopération
franco-géorgienne dans le cadre de l'OSCE
(cette organisation
participe, il convient de le souligner, aux négociations relatives
à l'Ossétie du Sud, conduites sous l'égide de la Russie).
Mentionnons, à cet égard, que la France copréside le
groupe de Minsk
de l'OSCE avec la Russie et les Etats-Unis, en vue de
mettre fin au conflit du Nagorny-Karabakh qui, opposant l'Arménie
à l'Azerbaïdjan, concerne la Géorgie par sa proximité
géographique. Il est également clair que la Géorgie a
intérêt à ce que les négociations conduisent
à une solution susceptible de rétablir la stabilité de la
région, compte tenu de l'enjeu économique majeur que revêt
pour Tbilissi la question du tracé des oléoducs destinés
à acheminer le pétrole de la mer Caspienne. Pour devenir le
principal axe d'exportation de ce pétrole, la Géorgie est, en
effet, en concurrence avec le projet transitant par le Nord-Caucase russe
7(
*
)
.
- En vertu de l'article 8, la Géorgie prend acte de l'édification
de l'
Union européenne
et de la mise en oeuvre d'une
politique
extérieure et de sécurité commune
destinée
à apporter "une contribution essentielle à la stabilité du
continent et du monde entier". Quant à la France, l'article 6 l'invite
à favoriser le développement de liens entre la Géorgie et
les Communautés européennes. Un accord de partenariat et de
coopération a ainsi été signé entre Bruxelles et
Tbilissi le 22 avril 1996. Rappelons que, à la différence des
autres accords de partenariat et de coopération qui lient l'Union
européenne à des Etats de l'ex-URSS, l'accord conclu avec la
Géorgie ne vise pas l'instauration, à terme, d'une zone de
libre-échange.
- L'Union européenne est, à travers le
programme TACIS,
le
principal bailleur de fonds
de la Géorgie. Entre 1991 et 1995,
l'aide européenne s'est élevée à 296 millions
d'Ecus, dont 35 environ au titre de TACIS. Le "programme d'action TACIS
1996-1997" pour la Géorgie porte sur une aide de 11,4 millions d'Ecus,
dont 6,3 millions (soit 55 %) sont destinés au secteur privé.
-
Les articles 4 et 5 concernent, de manière plus
générale, la
concertation franco-géorgienne en cas de
"menace contre la paix"
ou de situation mettant en cause les
"intérêts majeurs de sécurité" de l'un des deux
pays. Ceux-ci sont invités à harmoniser leurs positions,
notamment dans les
organisations internationales
dont ils sont membres.
Rappelons, à cet égard, que la Géorgie est membre, non
seulement de la CEI et de la zone de coopération économique de la
mer Noire, mais aussi de l'ONU et de l'OSCE ; elle est également
signataire du Partenariat pour la paix de l'OTAN et bénéficie,
à ce jour, du statut d'invité spécial au Conseil de
l'Europe.
La France contribue directement, dans le cadre de
l'ONU
, en tant que
président du
"Groupe des amis de la Géorgie",
créé en 1993 à l'initiative de la France, aux
négociations relatives au conflit abkhaze
. Cette formation
comprend la France, la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis,
et participe, avec le secrétaire général des Nations
unies, au processus destiné à parvenir à une solution
négociée au conflit abkhaze qui respecte
l'
intégrité et la souveraineté de la Géorgie.
- Par ailleurs, l'article 9 concerne la participation de la France et de la
Géorgie au
processus de désarmement
, à la
prolifération des armes de destruction massive et au contrôle
efficace sur les armes classiques.
les différents secteurs ouverts à la COOPÉRATION franco-géorgienne
Le traité du 21 janvier 1994 encourage le développement de la coopération franco-géorgienne dans les domaines militaire, économique, culturel, parlementaire, environnemental, judiciaire, consulaire et humanitaire.
Coopération militaire
De
manière classique, l'article 10 vise l'instauration d'échanges de
vues réguliers sur les concepts de défense, et l'organisation de
contacts entre ministères de la défense et états-majors
militaires des deux Parties.
La Géorgie est le
premier Etat de Transcaucasie avec lequel la France
est liée par un accord de coopération dans le domaine de la
défense
. Cet accord a été signé en
février 1997, à l'occasion de la visite officielle du
président Chevarnadzé en France. A la demande de la
Géorgie, qui vise à favoriser son autonomie dans le domaine
militaire par rapport à la tutelle de Moscou (des troupes russes sont,
en effet, stationnées sur le territoire géorgien, et
affectées à la surveillance de la frontière entre la
Géorgie et l'Azerbaïdjan), la France envisage de privilégier
des
actions de formation des cadres militaires géorgiens
(deux
stagiaires seraient ainsi accueillis chaque année en France). Par
ailleurs,
l'escale navale de la marine nationale
dans le Port de Poti,
en juillet 1997, a contribué à lancer la coopération
militaire bilatérale.
Coopération culturelle
L'article 15 du traité d'entente, d'amitié et de
coopération concerne la coopération culturelle (enseignement,
culture, science et technique). De manière classique, cet article
envisage les échanges linguistiques, la coopération dans le
domaine du sport et du tourisme, les contacts directs entre
établissements d'enseignement, établissements culturels et
centres de recherche, ainsi que la coopération dans le domaine des
médias.
Un accord de coopération culturelle, scientifique et technique a, par
ailleurs, été signé entre la France et la Géorgie
en février 1997.
La coopération culturelle, scientifique et technique entre les deux pays
s'appuie sur une Alliance française, fondée en 1991, et sur deux
associations dynamiques : le Centre géorgien de la Francophonie et
l'Association des professeurs de français. Deux écoles bilingues,
fortes d'un effectif global de 250 élèves, sont dues au dynamisme
des initiatives locales et privées qu'il convient aujourd'hui de
soutenir pour conforter la place désormais quelque peu incertaine du
français en Géorgie, en dépit d'affinités
évidentes entre ce pays et la culture française.
En effet, le français n'est à ce jour que la quatrième
langue étrangère en Géorgie après le russe, le turc
et l'anglais. La présence de l'allemand tend actuellement à se
renforcer.
Les actions prioritaires sont désormais, en ce qui concerne le
développement de la culture française en Géorgie, la
diffusion de RFI et de TV5. Quant aux manifestations prévues en France,
mentionnons les "saisons géorgiennes" qui, à partir de
février 1998, ont permis de mieux faire connaître du public
français certains aspects de l'art contemporain et du
théâtre géorgiens.
Notons cependant que les initiatives françaises dans le domaine de la
coopération culturelle, scientifique et technique s'appuient sur des
moyens modestes
(2,3 millions de francs en 1997, 2,5 en 1998),
aujourd'hui sans commune mesure avec les 95 millions de dollars
consacrés par les
seuls Etats-Unis
à la coopération
avec la Géorgie en 1998.
Aspects économiques de la coopération franco-géorgienne
L'article 12 du traité franco-géorgien invite
les deux
Parties à développer la coopération bilatérale dans
le domaine de la
formation des acteurs de la vie économique et
sociale,
afin de favoriser le développement d'une économie de
marché. La France et la Géorgie s'engagent aussi à assurer
aux entreprises de l'autre Partie des conditions d'activité
satisfaisantes. A cet égard, la France et la Géorgie sont
liées par un accord sur la protection et l'encouragement des
investissements, dont la procédure de ratification par la France est en
cours, et dont le Sénat a récemment autorisé
l'approbation
8(
*
)
. La convention
fiscale franco-soviétique a été prorogée par
échange de lettres en février 1997, permettant d'éviter la
double imposition des revenus pour la France et la Géorgie.
Il convient de
rappeler l'ouverture de la Géorgie aux investissements
étrangers
dans le contexte actuel d'accélération des
privatisations. Ainsi la fiscalité géorgienne est-elle
relativement modérée (l'impôt sur les
sociétés est assis sur un taux de 20 %). La loi géorgienne
sur les investissements étrangers, adoptée en juin 1995, proscrit
toute discrimination entre les investissements nationaux et étrangers.
Si les investissements étrangers paraissent actuellement
concentrés dans l'industrie agroalimentaire, des perspectives
intéressantes sont offertes par les domaines de l'énergie, des
infrastructures et des communications.
En 1997,
la France était le premier investisseur étranger en
Géorgie
. Les projets français concernent, d'une part, la
participation à l'évacuation des hydrocarbures de la mer
Caspienne et, d'autre part, la rénovation des secteurs-clés de
l'économie géorgienne (transports, industries agroalimentaires et
secteur de l'énergie).
Sur le premier point, on relève la
présence active des
entreprises du secteur parapétrolier.
Ainsi, la
société DUMEZ-GTM a-t-elle remporté des appels d'offres du
consortium AIOC (constitué en vue de l'exploitation du premier contrat
pétrolier de la Caspienne, conclu en 1994 et dénommé
"contrat du siècle") afin de participer à la construction du
futur terminal pétrolier de Supsa.
Dans le domaine des
transports aériens
, les projets de Thomson
concernent l'équipement d'avions et le contrôle aérien. Les
entreprises TSO, Pouget, Geismar sont très actives dans le domaine des
transports ferroviaires (réhabilitation du réseau, maintenance,
vente de matériels). Ce secteur est rendu dynamique par le projet
européen TRACECA, qui vise à construire un "corridor ferroviaire"
reliant l'Asie centrale à l'Europe par le Caucase.
D'autres projets intéressent
l'industrie agroalimentaire
(viticulture avec CASTEL, construction d'une raffinerie de sucre par SucDen
Kerry, production de lait de soja pour ACTINI).
Enfin, dans le secteur de
l'énergie
, on relève des projets
de construction de petites centrales électriques, et de remise en
état du barrage de l'Inguri, l'un des plus grands de l'ex-URSS.
D'autres projets concernent l'empaquetage du tabac, la construction de
brasseries, ainsi que la réhabilitation du réseau des eaux de
Tbilissi.
Coopération institutionnelle
Le
présent traité renvoie, très classiquement, au
rapprochement entre les institutions des deux Etats.
. Le
dynamisme de la coopération interparlementaire
(article 13
du traité) entre la France et la Géorgie mérite
d'être souligné. Il convient, à cet égard, de rendre
hommage à notre collègue M. Alain Gournac qui, en tant que
vice-président du groupe sénatorial France-Caucase,
délégué pour les relations avec la Géorgie, a su
favoriser le rapprochement entre les parlements français et
géorgien.
Par ailleurs, il faut se féliciter que notre haute assemblée ait
été choisie pour être le chef de file du programme TACIS de
renforcement des capacités d'action de l'administration du Parlement
géorgien, et que le personnel du Sénat participe directement
à des actions de formation destinées au personnel du Parlement
géorgien.
.
Les autres domaines de la coopération institutionnelle
visés par le présent traité concernent :
- la coopération entre
organisations syndicales, sociales et
politiques
des deux pays,
- la coopération dans le
domaine consulaire
,
- la coopération entre
institutions judiciaires,
- les liens directs entre
collectivités locales
des deux Etats
(et, en particulier, les jumelages entre communes).
La coopération décentralisée constitue un axe de la
coopération franco-géorgienne à développer. A cet
égard, le
jumelage triangulaire
réalisé entre
Nantes, Sarrebruck et Tbilissi mérite un grand intérêt,
compte tenu des opérations concrètes auxquelles il a abouti
(assainissement de l'eau, coopération hospitalière). Notons aussi
le soutien matériel apporté par la mairie de Royan aux
écoles privées bilingues précédemment
évoquées.