PJL traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie
BOYER (André)
RAPPORT 453 (97-98) - COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGERES
Table des matières
-
AVANT-PROPOS
-
la géorgie postsoviétique : les défis de
l'indépendance
- vers une certaine stabilisation POLITIQUE
- la menace de morcellement ethnique et les difficiles RELATIONS avec la russie
- VERS LE REDRESSEMENT économique 66 Voir le rapport relatif à l'accord franco-géorgien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements (Sénat, 1997-1998, n° 329, M. André Boyer).
- un traité au contenu classique destiné à devenir le cadre de relations privilégiées
-
la géorgie postsoviétique : les défis de
l'indépendance
- CONCLUSION DU RAPPORTEUR
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
-
ANNEXE -
etude d'IMPACT 1010 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires
N°
453
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 27 mai 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie ,
Par M.
André BOYER,
Sénateur.
(1)
Cette commission est composée de :
MM. Xavier de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, François Abadie, Mme
Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, Charles-Henri de
Cossé-Brissac,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet,
Jean-Luc Bécart, Jacques Bellanger, Daniel Bernardet, Pierre
Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette
Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga, MM. Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier
Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert
Falco, Jean Faure, André Gaspard, Philippe de Gaulle, Daniel
Goulet
,
Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian
de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe
Madrelle, Serge Mathieu, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul
d'Ornano, Charles Pasqua, Michel Pelchat, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait,
André Rouvière, André Vallet.
Voir le numéro
:
Sénat
:
399
(1997-1998).
Traités et conventions.
AVANT-PROPOS
Mesdames, Messieurs,
Le présent projet de loi tend à autoriser la ratification du
traité d'entente, d'amitié et de coopération conclu, en
janvier 1994, entre la France et la Géorgie. Le décalage entre la
date de la signature du présent traité et la mise en oeuvre de la
procédure interne de ratification s'explique notamment par la crise due,
en Géorgie, au conflit abkhaze. L'instabilité politique qu'a
connue la Géorgie pendant ses premières années
d'indépendance n'offrait de surcroît pas un contexte favorable au
rapprochement entre les deux pays, qui ne remonte qu'à 1996.
Le traité d'amitié franco-géorgien est très
comparable aux autres traités d'entente, d'amitié et de
coopération qui lient aujourd'hui la France à l'ensemble des
ex-républiques soviétiques (si l'on fait exception du
Tadjikistan
1(
*
)
, pays avec lequel la France n'a,
à ce jour, pas signé de traité d'amitié). Il
permettra d'asseoir la coopération franco-géorgienne sur des
bases adaptées aux besoins liés à l'indépendance et
à la transition postsoviétique.
*
* *
La
Géorgie se situe, comme d'ailleurs les autres Etats de
Transcaucasie-Arménie et Azerbaïdjan- à la limite entre le
monde russe et le Moyen-Orient. Les plaines géorgiennes constituent, par
ailleurs, un passage naturel entre la mer Noire et la mer Caspienne. Cette
situation géographique souligne l'intérêt
géopolitique présenté par ce petit pays (69 700 km²,
soit moins que l'Ecosse), comparable, par ses dimensions, au Tatarstan de la
Fédération de Russie.
Soumise aux ambitions romaines byzantines, arabes, perses, puis russes (la
Géorgie fut annexée à l'empire russe en 1801), la
Géorgie se caractérise par une identité nationale et
culturelle forte, construite autour d'une langue spécifique
(dotée d'un alphabet propre) et de la religion chrétienne
orthodoxe.
Considérée comme une affaire essentiellement russe, la
perestroïka et les réformes mises en oeuvre par Mikhaïl
Gorbatchev n'avaient initialement suscité que peu d'intérêt
en Géorgie. Cette république s'était efforcée, en
endiguant l'ordre russo-soviétique, de faire de la Géorgie "un
nid presque douillet dans le meilleur des mondes brejneviens"
2(
*
)
. La flambée d'opposition qui, dès la fin
des années 1980, avait agité la périphérie de
l'URSS avait donc épargné la Géorgie, qui semblait se
satisfaire de ses spécificités conquises au sein de l'espace
soviétique : une approche plus pragmatique de l'économie et une
certaine liberté d'expression et de création.
C'est en avril 1989, avec la répression brutale, par les forces
spéciales du ministère de l'Intérieur de l'URSS, d'une
manifestation sur l'Abkhazie organisée à Tbilissi, que les
courants nationalistes commencèrent à s'imposer en tant que
forces d'opposition, parallèlement au discrédit dont souffrit
dès lors le Parti communiste de la république.
L'opposition, conduite par Zviad Gamsakhourdia, ancien dissident devenue leader
des forces nationalistes, gagna donc les élections législatives
du 31 octobre 1990. Après le vote, en avril 1991, de la "loi sur le
rétablissement de l'indépendance" -confirmée par
référendum en mai 1991-, la Géorgie s'engagea, sous la
direction du président de la République, Zviad Gamsakhourdia,
dans une politique de rupture avec Moscou, tandis que le pays s'enlisait dans
une guerre civile attisée par deux conflits régionaux, en
Ossétie et en Abkhazie.
*
* *
Votre rapporteur fera, de manière très classique, précéder son analyse du présent traité d'un rappel de la situation en Géorgie depuis la fin de la période soviétique. Ce bilan a d'ailleurs été effectué récemment par votre commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, lors de l'examen de l'accord franco-géorgien sur l'encouragement et la protection réciproques des investissements 3( * ) .
*
* *
la géorgie postsoviétique : les défis de l'indépendance
Quand,
en mars 1992, Edouard Chevarnadzé, ministre des Affaires
étrangères de l'URSS depuis 1985, retourne en Géorgie pour
prendre la tête d'un Conseil d'Etat chargé de diriger le pays
jusqu'aux prochaines élections, il trouve une situation très
difficile : isolement international, crise économique et sociale
profonde, insécurité due aux exactions de bandes armées
qui multiplient les attentats, et radicalisation des conflits ossète et
abkhaze.
La Géorgie est alors confrontée aux défis de la
stabilisation politique, du rétablissement de l'autorité de
l'Etat face à des mouvements sécessionnistes soutenus par la
Russie, et du développement économique, dans le contexte toujours
difficile, en Géorgie comme dans les autres anciennes républiques
de l'URSS, de la transition postsoviétique.
A bien des égards, la situation qui domine aujourd'hui, sept ans
après l'indépendance de la Géorgie, est celle d'un pays
relativement apaisé, en dépit de la permanence des tensions dues
à des conflits séparatistes particulièrement violents, et
sur la voie d'un redressement économique prometteur.
vers une certaine stabilisation POLITIQUE
De
l'avis des observateurs, la vie politique en Géorgie paraît
quelque peu apaisée par rapport aux errements qui ont
caractérisé l'action du précédent chef de l'Etat,
Zviad Gamsakhourdia (qui a, après sa chute, trouvé refuge en
Tchétchénie), surnommé "Ceaucescu" en raison d'une
conception très personnelle et autoritaire du pouvoir.
La mise en place progressive d'une vie politique pluraliste, dans le cadre d'un
régime présidentiel fort, doit être inscrite à
l'actif d'Edouard Chevarnadzé, de même que la construction d'un
Etat de droit garantissant notamment l'exercice des libertés de presse
et d'association.
Malgré la volonté du chef de l'Etat de désarmer les
milices, une violence politique persistante bafoue l'autorité de l'Etat,
ce dont témoigne le récent attentat (le 9 février 1998)
contre Edouard Chevarnadzé.
Dans ce contexte, les gestes d'ouverture du président de la
République ne ressortent que plus nettement. Parmi ces initiatives, on
peut citer l'abolition de la peine de mort, en juillet 1997, réforme en
faveur de laquelle le chef de l'Etat s'était personnellement
engagé.
Les progrès accomplis sur la voie de la stabilisation politique
-même si celle-ci reste encore relative- de la Géorgie contrastent
avec la fragilité liée à la menace de morcellement
ethnique due au sécessionnisme de trois minorités
nationales.
la menace de morcellement ethnique et les difficiles RELATIONS avec la russie
. Le
sécessionisme de l'Abkhasie et de l'Ossétie
hypothèque
l'avenir de la Géorgie au point que, en l'absence de solution à
ces conflits, la nature de l'
Etat géorgien
-république
unitaire ou fédérale, voire confédérale- reste
pendante, et que, de ce fait, la dénomination de ce pays n'est pas
arrêtée
4(
*
)
.
Il est probable que l'ambition sécessionniste de ces minorités
ait été encouragée par le nationalisme excessif
exprimé par l'équipe du premier président géorgien,
Zviad Gamsakhourdia, prompt à considérer les minorités
nationales comme autant de «cinquièmes colonnes menaçant
l'équilibre "ethnodémographique" de la Nation»
5(
*
)
.
Les conflits interethniques ont donc vraisemblablement, à l'origine,
été attisés par la politique ultranationaliste de
priorité aux "vrais" Géorgiens défendue par le
président Gamsakhourdia, alors même que les minorités, qui
constituaient à la fin des années 1980 environ 30 % de la
population de la république, semblaient auparavant vivre en paix avec
les Géorgiens.
La radicalisation des tensions s'est produite, en
Ossétie du Sud
,
après la décision du Parlement de Tbilissi, dès
décembre 1990, d'annuler le statut d'autonomie dont
bénéficiait cette région à l'époque
soviétique. Une guerre civile particulièrement cruelle jette
alors sur les routes des milliers de réfugiés ossètes et
géorgiens.
L'
Abkhazie
connaît alors une évolution comparable, tandis
que l'
Adjarie
refuse la tutelle de Tbilissi.
En Abkhazie, le cessez-le-feu de mai 1994 est garanti par une force
d'interposition de la CEI (russe
de facto),
et par une mission
d'observation de l'ONU (MONUG). Les négociations entreprises dans le
cadre de l'ONU ont cependant échoué, à ce jour,
malgré les concessions faites par la Géorgie, qui propose un
statut fédéral à la république, assorti de nombreux
attributs de souveraineté. Les Abkazes revendiquent la création
d'un Etat indépendant, ou lié à la Russie, voire
confédéral sur la base d'une égalité de statut avec
la Géorgie. Le sort des quelque 250 000 réfugiés
dénombrés de part et d'autre contribue à compromettre
l'aboutissement des négociations, les Abkhazes refusant l'application
d'un accord conclu en avril 1994 sur les rapatriements volontaires, même
s'ils semblent désormais tolérer quelques rapatriements
spontanés (40 000 à 60 000 réfugiés auraient ainsi
pu réintégrer leur foyer).
Les négociations se poursuivent donc malgré la reprise, en mai
1998, d'importantes tensions en Abkhazie (opérations de francs-tireurs
géorgiens, attentats contre des responsables militaires et policiers
séparatistes, minage de routes de la zone de sécurité
instaurée par le cessez-le-feu).
Il convient de souligner que la sécession de l'Abkhazie priverait la
Géorgie de
12 % de son territoire
, d'une de ses provinces les
plus riches, d'une partie importante de son littoral, forte d'un
potentiel
touristique
non négligeable, et d'une
voie de communication
déterminante.
En
Ossétie du Sud
, les négociations, menées sous
l'égide de Moscou avec l'assistance de l'OSCE (Organisation pour la
sécurité et la coopération en Europe), pourraient conduire
à l'adoption d'un statut de large autonomie, proche de celui que
connaît désormais l'Adjarie. La question des relations entre
l'Ossétie du Sud, géorgienne, et l'Ossétie du Nord, qui
relève de la Fédération de Russie, n'a cependant
été que différée (les séparatistes
ossètes revendiquaient initialement leur rattachement à
l'Ossétie du Nord, au sein de la Fédération de Russie).
.
Les
relations avec la Russie
sont nettement influencées
par la question nationale, Moscou ayant joué un rôle de premier
plan dans le déclenchement des insurrections séparatistes, et
exigeant d'exercer une influence sur la conduite des négociations.
Rappelons qu'en 1993, l'adhésion de la Géorgie à la CEI a
été le prix à payer pour le soutien de Moscou contre les
milices du président déchu, Zviad Gamsakhourdia, de même
que l'admission de quatre bases militaires russes sur le territoire
géorgien, impliquant le stationnement d'un effectif russe de 15 à
20 000 hommes, auxquels s'ajoutent les milliers de gardes-frontières
affectés à la frontière avec la Turquie.
L'attitude de Moscou à l'égard des sécessionnistes
abkhazes paraît cependant ambiguë désormais : après
les avoir soutenus militairement en 1994, la Russie a fait adopter par la CEI
des sanctions économiques contre les séparatistes Abkhazes,
régulièrement reconduites depuis.
L'intervention de Moscou dans les conflits de nationalités en
Géorgie reflète l'intérêt décisif que
revêt aujourd'hui, pour la Russie,
la question de l'évacuation
du pétrole de la mer Caspienne, le projet de tracé de
l'oléoduc par la Géorgie étant le rival du tracé
russo-tchétchène.
La Russie s'inquiète donc des
récentes initiatives américaines et turques en faveur du
tracé géorgien, et vise à exploiter, dans les
négociations relatives au futur oléoduc, le poids que lui
confèrent à l'égard de la Géorgie, sur le plan
militaire, la force d'interposition russe stationnée en Abkhazie, les
quatre bases militaires russes sur le sol géorgien, la livraison de
matériel militaire à prix réduit et le déploiement
de plusieurs milliers des garde-frontières russes le long de la
frontière avec la Turquie.
Les relations avec la Russie constituent donc la principale difficulté
diplomatique à laquelle est confrontée la Géorgie
postsoviétique. Les concessions faites par le président
Chevarnadzé (signature d'un traité d'amitié puis de
coopération militaire avec Moscou en 1994, adhésion à la
CEI en 1993) n'empêchent pas la diplomatie géorgienne de
manifester certaines résistances, dont témoigne le refus de
ratifier l'accord relatif à la concession de bases militaires à
la Russie et de céder aux Russes la garde des frontières avec la
Turquie. L'orientation pro-occidentale de la politique extérieure de la
Géorgie s'inscrit donc dans la recherche de partenaires
privilégiés autres que la Russie.
VERS LE REDRESSEMENT économique 6( * )
Dotée de conditions climatiques très favorables,
la
Géorgie était considérée, à l'époque
soviétique, comme l'une des républiques les plus prospères
de l'URSS. Les ravages économiques causés par la guerre civile
ont conduit l'OCDE, en 1993, à reconnaître à la
Géorgie le statut de pays en voie de développement.
En dépit de la récession observée pendant les
premières années de l'indépendance, la Géorgie
présente
d'appréciables atouts économiques
,
liés à sa
situation géographique
privilégiée
sur un axe de communication très important.
.
Dès la fin de la période soviétique,
l'économie géorgienne avait été affaiblie par la
dépendance de la Géorgie à l'égard des
importations d'hydrocarbures
, et par des difficultés liées
à la division internationale socialiste du travail. Celle-ci la
contraignait à importer céréales, machines et sucre, alors
même que, pays de
tradition viticole
, spécialisé
dans le rôle de
verger
de l'URSS, la Géorgie avait,
dès 1985, été frappée par la politique
antialcoolique des nouveaux responsables soviétiques, tandis que le
thé
, autre production majeure, connaissait un certain
déclin.
La guerre civile a, entre 1990 et 1994, causé un effondrement du PNB de
80 %, l'inflation atteignant alors environ 60 % par mois. On considère
la chute de la
production industrielle
géorgienne (- 81,5 % entre
1990 et 1994) comme la plus forte de l'ex-URSS. Cet effondrement est imputable
à la déstructuration de l'espace économique
soviétique, et à la perte des débouchés jusqu'alors
garantis aux productions de l'industrie géorgienne (locomotives
électriques, avions de chasse Sukhoï, machines-outils et autres
biens d'équipement) subissant, sur un marché ouvert à la
concurrence, le contrecoup d'une technologie dépassée et d'un
prix excessif.
L'
agriculture
géorgienne a été très
affectée par la guerre civile, l'Ouest ayant été
très durement touché par les combats, alors que cette
région concentrait une part substantielle des plantations d'agrumes de
la république.
Le
tourisme
a également subi les conséquences de la guerre
civile, les stations balnéaires, réputées au temps de
l'URSS, se situant en Abkhazie.
.
Parmi les
atouts économiques de la Géorgie
,
mentionnons la
vocation agroalimentaire
de ce pays
-héritée de la période soviétique-, susceptible,
à partir de la production de thé, de vins, de "cognacs", de
tabac, de conserves de fruits et de légumes et d'eau minérale, de
favoriser la recomposition de l'industrie géorgienne vers des
spécialisations "périphériques" liées aux
activités agricoles (industries mécaniques : camions et machines
agricoles ; industries chimiques : engrais, production d'acide tannique,
dérivé du thé).
.
Les
réformes économiques
mises en oeuvre sous
l'autorité du président Chevarnadzé ont permis à
une
croissance rapide
(+ 12 % en 1996 ; + 9 % en 1997) de se
substituer à la récession (- 65 % en cinq ans)
précédemment observée. La monnaie (le lari) paraît
désormais stable et l'inflation maîtrisée. La progression
régulière de la dette publique, qui représente à ce
jour 30 % du PNB, devrait cependant constituer un avertissement pour les
responsables géorgiens.
.
Désormais le développement économique
géorgien peut s'appuyer sur la
situation géographique
exceptionnelle
du pays, qui permet à celui-ci de jouer un rôle
déterminant dans l'
évacuation du pétrole de la
Caspienne
. Le projet de construction de l'oléoduc Bakou-Poti,
destiné à évacuer les "premières huiles"
azerbaïdjanaises, conforte cette ambition.
L'oléoduc
Bakou-Poti
constitue un atout très sérieux du redressement
économique géorgien, et encouragera très certainement de
nombreux projets d'investissements étrangers.
La Géorgie espère que transitera également sur son
territoire le futur grand oléoduc attendu vers 2010 pour acheminer vers
l'Europe les productions principales de la Caspienne (au moins 35 millions de
tonnes par an).
La Géorgie peut également tirer parti de sa situation
géographique pour développer les voies d'exportations originaires
des autres pays du Caucase et de l'Asie centrale, soucieux de devenir plus
indépendants du réseau russe. Le
projet de "corridor"
ferroviaire
envisagé par l'Union européenne (programme
TRACECA) s'inscrit dans cette logique : ses débouchés sont les
ports géorgiens de Poti et de Batoumi sur la mer Noire.
Dans le même esprit, la Géorgie a l'ambition de devenir le
point d'entrée vers le Caucase et l'Asie centrale
, en concentrant
sur son territoire les principales activités de service des compagnies
pétrolières et industrielles qui opéreront autour de la
Caspienne. La Géorgie espère également devenir la "base
arrière" de ces compagnies, comptant à cet égard sur le
cadre de vie offert par la capitale, Tbilissi.
C'est dans cette perspective que le président Chevarnadzé, en
instaurant des contacts privilégiés avec ses voisins -Turquie,
Arménie, républiques du Nord Caucase relevant de la
Fédération de Russie, y compris la Tchétchénie-
s'est efforcé de construire une diplomatie régionale renvoyant
l'image d'une
Géorgie pacifique
.
En dépit de l'hypothèque que constituent les conflits en Abkhazie
et en Ossétie du Sud, la Géorgie offre donc des promesses non
négligeables de développement économique susceptibles
d'intéresser ses partenaires occidentaux. C'est dans ce cadre que
s'inscrit la relance, depuis quelque deux ans, des relations bilatérales
franco-géorgiennes, dont le présent traité d'amitié
est appelé à constituer le cadre juridique.
un traité au contenu classique destiné à devenir le cadre de relations privilégiées
Comme
tous les traités de même objet conclus avec les anciennes
républiques soviétiques, le traité franco-géorgien
du 21 janvier 1994 est destiné à inscrire les relations entre la
France et la Géorgie dans un cadre juridique adapté non seulement
à la situation en Europe depuis l'effondrement du communisme, mais aussi
aux besoins suscités, en Géorgie, par la transition post
soviétique.
Le dynamisme du dialogue politique instauré par la France avec les pays
de Transcaucasie, la part prise par la France, au sein de l'ONU, en vue du
règlement du conflit abkhaze, et le souci de la Géorgie de
conduire une diplomatie pro-occidentale confirmant son indépendance par
rapport à Moscou constituent un contexte favorable au rapprochement
entre Paris et Tbilissi, qui s'inscrit désormais dans des perspectives
économiques prometteuses.
De manière classique, le présent traité engage les deux
Parties à instaurer un dialogue politique dynamique, comporte de
nombreuses références à l'Europe, et vise le
développement des différents secteurs ouverts à la
coopération bilatérale.
un dialogue politique dynamique
.
Le traité franco-géorgien du 21 janvier 1994 fonde
l'amitié entre les deux pays sur la référence aux
valeurs universelles de liberté, de démocratie et de
justice
, sur la reconnaissance de la
primauté du droit
international
et, notamment, de la
Charte des Nations unies
, et sur
la volonté commune de
renforcer la paix, la sécurité et
la stabilité en Europe et en Asie
(cf le préambule du
présent traité).
.
Ces relations, "fondées sur la confiance et
l'intérêt mutuel" (article 1er), s'appuient sur des
échanges réguliers entre responsables français et
géorgiens. Ainsi l'article 3 renvoie-t-il, non seulement à des
rencontres au plus haut niveau, mais aussi à une rencontre annuelle des
ministres des affaires étrangères et, en tant que de besoin,
à des réunions de travail entre représentants des
ministères des affaires étrangères. L'article 3 mentionne
également l'organisation de rencontres entre membres de gouvernements de
deux pays "pour traiter de questions d'intérêt commun".
.
La visite du président Chevarnadzé à Paris, en
février 1997, a
constitué un temps fort du dialogue politique
franco-géorgien. Celui-ci avait été relancé
lors du séjour en France, en janvier 1994, du nouveau président
de la Géorgie, suivi, en décembre de la même année,
par une visite à Tbilissi du secrétaire général du
Quai d'Orsay, M. Bertrand Dufourcq. L'année 1996 a marqué un
tournant dans les relations politiques bilatérales, avec les visites en
Géorgie, en avril, du secrétaire d'Etat à la francophonie,
puis, en juin, de M. le président du Sénat, suivi, en octobre,
par le ministre des Affaires étrangères, tandis qu'en mars 1996
était accueilli à Paris le président du Parlement de
Géorgie.
Le dialogue politique franco-géorgien s'appuie donc désormais sur
des
échanges réguliers de visites de haut niveau
. Le
prochain séjour en Transcaucasie du président de la
République, en septembre 1998, permettra de conforter des relations
aujourd'hui solides.
de fréquentes références à l'europe et à la sécurité internationale
Les
références européennes contenues dans le présent
traité concernent l'édification de
l'Union
européenne
et, dans une perspective paneuropéenne,
l'Organisation pour la sécurité et la coopération en
Europe
(OSCE) -la mention de la Conférence sur la
sécurité et la coopération en Europe (CSCE) tient à
la date à laquelle a été signé le traité.
- L'article 3 invite la France et la Géorgie à tenir des
"consultations régulières aux niveaux appropriés",
notamment à fin d'échanger leurs vues sur des "questions
fondamentales concernant la sécurité et la coopération en
Europe".
- L'article 7 renvoie à l'instauration d'une
coopération
franco-géorgienne dans le cadre de l'OSCE
(cette organisation
participe, il convient de le souligner, aux négociations relatives
à l'Ossétie du Sud, conduites sous l'égide de la Russie).
Mentionnons, à cet égard, que la France copréside le
groupe de Minsk
de l'OSCE avec la Russie et les Etats-Unis, en vue de
mettre fin au conflit du Nagorny-Karabakh qui, opposant l'Arménie
à l'Azerbaïdjan, concerne la Géorgie par sa proximité
géographique. Il est également clair que la Géorgie a
intérêt à ce que les négociations conduisent
à une solution susceptible de rétablir la stabilité de la
région, compte tenu de l'enjeu économique majeur que revêt
pour Tbilissi la question du tracé des oléoducs destinés
à acheminer le pétrole de la mer Caspienne. Pour devenir le
principal axe d'exportation de ce pétrole, la Géorgie est, en
effet, en concurrence avec le projet transitant par le Nord-Caucase russe
7(
*
)
.
- En vertu de l'article 8, la Géorgie prend acte de l'édification
de l'
Union européenne
et de la mise en oeuvre d'une
politique
extérieure et de sécurité commune
destinée
à apporter "une contribution essentielle à la stabilité du
continent et du monde entier". Quant à la France, l'article 6 l'invite
à favoriser le développement de liens entre la Géorgie et
les Communautés européennes. Un accord de partenariat et de
coopération a ainsi été signé entre Bruxelles et
Tbilissi le 22 avril 1996. Rappelons que, à la différence des
autres accords de partenariat et de coopération qui lient l'Union
européenne à des Etats de l'ex-URSS, l'accord conclu avec la
Géorgie ne vise pas l'instauration, à terme, d'une zone de
libre-échange.
- L'Union européenne est, à travers le
programme TACIS,
le
principal bailleur de fonds
de la Géorgie. Entre 1991 et 1995,
l'aide européenne s'est élevée à 296 millions
d'Ecus, dont 35 environ au titre de TACIS. Le "programme d'action TACIS
1996-1997" pour la Géorgie porte sur une aide de 11,4 millions d'Ecus,
dont 6,3 millions (soit 55 %) sont destinés au secteur privé.
-
Les articles 4 et 5 concernent, de manière plus
générale, la
concertation franco-géorgienne en cas de
"menace contre la paix"
ou de situation mettant en cause les
"intérêts majeurs de sécurité" de l'un des deux
pays. Ceux-ci sont invités à harmoniser leurs positions,
notamment dans les
organisations internationales
dont ils sont membres.
Rappelons, à cet égard, que la Géorgie est membre, non
seulement de la CEI et de la zone de coopération économique de la
mer Noire, mais aussi de l'ONU et de l'OSCE ; elle est également
signataire du Partenariat pour la paix de l'OTAN et bénéficie,
à ce jour, du statut d'invité spécial au Conseil de
l'Europe.
La France contribue directement, dans le cadre de
l'ONU
, en tant que
président du
"Groupe des amis de la Géorgie",
créé en 1993 à l'initiative de la France, aux
négociations relatives au conflit abkhaze
. Cette formation
comprend la France, la Russie, l'Allemagne, le Royaume-Uni et les Etats-Unis,
et participe, avec le secrétaire général des Nations
unies, au processus destiné à parvenir à une solution
négociée au conflit abkhaze qui respecte
l'
intégrité et la souveraineté de la Géorgie.
- Par ailleurs, l'article 9 concerne la participation de la France et de la
Géorgie au
processus de désarmement
, à la
prolifération des armes de destruction massive et au contrôle
efficace sur les armes classiques.
les différents secteurs ouverts à la COOPÉRATION franco-géorgienne
Le traité du 21 janvier 1994 encourage le développement de la coopération franco-géorgienne dans les domaines militaire, économique, culturel, parlementaire, environnemental, judiciaire, consulaire et humanitaire.
Coopération militaire
De
manière classique, l'article 10 vise l'instauration d'échanges de
vues réguliers sur les concepts de défense, et l'organisation de
contacts entre ministères de la défense et états-majors
militaires des deux Parties.
La Géorgie est le
premier Etat de Transcaucasie avec lequel la France
est liée par un accord de coopération dans le domaine de la
défense
. Cet accord a été signé en
février 1997, à l'occasion de la visite officielle du
président Chevarnadzé en France. A la demande de la
Géorgie, qui vise à favoriser son autonomie dans le domaine
militaire par rapport à la tutelle de Moscou (des troupes russes sont,
en effet, stationnées sur le territoire géorgien, et
affectées à la surveillance de la frontière entre la
Géorgie et l'Azerbaïdjan), la France envisage de privilégier
des
actions de formation des cadres militaires géorgiens
(deux
stagiaires seraient ainsi accueillis chaque année en France). Par
ailleurs,
l'escale navale de la marine nationale
dans le Port de Poti,
en juillet 1997, a contribué à lancer la coopération
militaire bilatérale.
Coopération culturelle
L'article 15 du traité d'entente, d'amitié et de
coopération concerne la coopération culturelle (enseignement,
culture, science et technique). De manière classique, cet article
envisage les échanges linguistiques, la coopération dans le
domaine du sport et du tourisme, les contacts directs entre
établissements d'enseignement, établissements culturels et
centres de recherche, ainsi que la coopération dans le domaine des
médias.
Un accord de coopération culturelle, scientifique et technique a, par
ailleurs, été signé entre la France et la Géorgie
en février 1997.
La coopération culturelle, scientifique et technique entre les deux pays
s'appuie sur une Alliance française, fondée en 1991, et sur deux
associations dynamiques : le Centre géorgien de la Francophonie et
l'Association des professeurs de français. Deux écoles bilingues,
fortes d'un effectif global de 250 élèves, sont dues au dynamisme
des initiatives locales et privées qu'il convient aujourd'hui de
soutenir pour conforter la place désormais quelque peu incertaine du
français en Géorgie, en dépit d'affinités
évidentes entre ce pays et la culture française.
En effet, le français n'est à ce jour que la quatrième
langue étrangère en Géorgie après le russe, le turc
et l'anglais. La présence de l'allemand tend actuellement à se
renforcer.
Les actions prioritaires sont désormais, en ce qui concerne le
développement de la culture française en Géorgie, la
diffusion de RFI et de TV5. Quant aux manifestations prévues en France,
mentionnons les "saisons géorgiennes" qui, à partir de
février 1998, ont permis de mieux faire connaître du public
français certains aspects de l'art contemporain et du
théâtre géorgiens.
Notons cependant que les initiatives françaises dans le domaine de la
coopération culturelle, scientifique et technique s'appuient sur des
moyens modestes
(2,3 millions de francs en 1997, 2,5 en 1998),
aujourd'hui sans commune mesure avec les 95 millions de dollars
consacrés par les
seuls Etats-Unis
à la coopération
avec la Géorgie en 1998.
Aspects économiques de la coopération franco-géorgienne
L'article 12 du traité franco-géorgien invite
les deux
Parties à développer la coopération bilatérale dans
le domaine de la
formation des acteurs de la vie économique et
sociale,
afin de favoriser le développement d'une économie de
marché. La France et la Géorgie s'engagent aussi à assurer
aux entreprises de l'autre Partie des conditions d'activité
satisfaisantes. A cet égard, la France et la Géorgie sont
liées par un accord sur la protection et l'encouragement des
investissements, dont la procédure de ratification par la France est en
cours, et dont le Sénat a récemment autorisé
l'approbation
8(
*
)
. La convention fiscale
franco-soviétique a été prorogée par échange
de lettres en février 1997, permettant d'éviter la double
imposition des revenus pour la France et la Géorgie.
Il convient de
rappeler l'ouverture de la Géorgie aux investissements
étrangers
dans le contexte actuel d'accélération des
privatisations. Ainsi la fiscalité géorgienne est-elle
relativement modérée (l'impôt sur les
sociétés est assis sur un taux de 20 %). La loi géorgienne
sur les investissements étrangers, adoptée en juin 1995, proscrit
toute discrimination entre les investissements nationaux et étrangers.
Si les investissements étrangers paraissent actuellement
concentrés dans l'industrie agroalimentaire, des perspectives
intéressantes sont offertes par les domaines de l'énergie, des
infrastructures et des communications.
En 1997,
la France était le premier investisseur étranger en
Géorgie
. Les projets français concernent, d'une part, la
participation à l'évacuation des hydrocarbures de la mer
Caspienne et, d'autre part, la rénovation des secteurs-clés de
l'économie géorgienne (transports, industries agroalimentaires et
secteur de l'énergie).
Sur le premier point, on relève la
présence active des
entreprises du secteur parapétrolier.
Ainsi, la
société DUMEZ-GTM a-t-elle remporté des appels d'offres du
consortium AIOC (constitué en vue de l'exploitation du premier contrat
pétrolier de la Caspienne, conclu en 1994 et dénommé
"contrat du siècle") afin de participer à la construction du
futur terminal pétrolier de Supsa.
Dans le domaine des
transports aériens
, les projets de Thomson
concernent l'équipement d'avions et le contrôle aérien. Les
entreprises TSO, Pouget, Geismar sont très actives dans le domaine des
transports ferroviaires (réhabilitation du réseau, maintenance,
vente de matériels). Ce secteur est rendu dynamique par le projet
européen TRACECA, qui vise à construire un "corridor ferroviaire"
reliant l'Asie centrale à l'Europe par le Caucase.
D'autres projets intéressent
l'industrie agroalimentaire
(viticulture avec CASTEL, construction d'une raffinerie de sucre par SucDen
Kerry, production de lait de soja pour ACTINI).
Enfin, dans le secteur de
l'énergie
, on relève des projets
de construction de petites centrales électriques, et de remise en
état du barrage de l'Inguri, l'un des plus grands de l'ex-URSS.
D'autres projets concernent l'empaquetage du tabac, la construction de
brasseries, ainsi que la réhabilitation du réseau des eaux de
Tbilissi.
Coopération institutionnelle
Le
présent traité renvoie, très classiquement, au
rapprochement entre les institutions des deux Etats.
. Le
dynamisme de la coopération interparlementaire
(article 13
du traité) entre la France et la Géorgie mérite
d'être souligné. Il convient, à cet égard, de rendre
hommage à notre collègue M. Alain Gournac qui, en tant que
vice-président du groupe sénatorial France-Caucase,
délégué pour les relations avec la Géorgie, a su
favoriser le rapprochement entre les parlements français et
géorgien.
Par ailleurs, il faut se féliciter que notre haute assemblée ait
été choisie pour être le chef de file du programme TACIS de
renforcement des capacités d'action de l'administration du Parlement
géorgien, et que le personnel du Sénat participe directement
à des actions de formation destinées au personnel du Parlement
géorgien.
.
Les autres domaines de la coopération institutionnelle
visés par le présent traité concernent :
- la coopération entre
organisations syndicales, sociales et
politiques
des deux pays,
- la coopération dans le
domaine consulaire
,
- la coopération entre
institutions judiciaires,
- les liens directs entre
collectivités locales
des deux Etats
(et, en particulier, les jumelages entre communes).
La coopération décentralisée constitue un axe de la
coopération franco-géorgienne à développer. A cet
égard, le
jumelage triangulaire
réalisé entre
Nantes, Sarrebruck et Tbilissi mérite un grand intérêt,
compte tenu des opérations concrètes auxquelles il a abouti
(assainissement de l'eau, coopération hospitalière). Notons aussi
le soutien matériel apporté par la mairie de Royan aux
écoles privées bilingues précédemment
évoquées.
CONCLUSION DU RAPPORTEUR
Le traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la France et la Géorgie s'inscrit dans le contexte des relations privilégiées qu'entretient la France avec ses partenaires de Transcaucasie. Ce traité vise non seulement à renforcer la présence française dans un pays où le développement économique offre à nos investisseurs des perspectives prometteuses, mais aussi à contribuer à la difficile transition post-soviétique.
EXAMEN EN COMMISSION
La
commission des Affaires étrangères, de la Défense et des
Forces armées a examiné le présent rapport au cours de sa
réunion du 27 mai 1998.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Xavier de Villepin,
président, est revenu sur les conséquences potentielles d'une
éventuelle sécession abkhaze, compte tenu de la reprise des
affrontements récemment observée dans cette région.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé le
projet de loi qui lui était soumis.
PROJET DE LOI
(Texte
proposé par le Gouvernement)
Article unique
Est autorisée la ratification du traité d'entente, d'amitié et de coopération entre la République française et la République de Géorgie, signé à Paris le 21 janvier 1994, et dont le texte est annexé à la présente loi 9( * ) .
ANNEXE -
etude d'IMPACT 10(
*
)
1.
Etat de droit et situation de fait existants et leurs insuffisances.
Le Traité d'entente, d'amitié et de coopération est le
premier accord signé avec la Géorgie, jeune Etat né en
1991, soumis à ratification.
Il est à noter que ce pays est désireux de négocier et de
conclure avec ses partenaires des accords intergouvernementaux dans tous les
domaines afin de remplacer les textes hérités de l'Union
Soviétique.
II. Bénéfices escomptés, en particulier sur les plans
économique et de l'emploi en France.
Si les régions de Géorgie bénéficient d'une large
autonomie, appuyée sur des identités particularistes fortes,
l'administration centrale est en revanche très centralisée ; en
dépit de réformes économiques vigoureuses, l'initiative
privée reste marginale. Les grands contrats, en particulier, ont un
caractère politique et font l'objet d'interventions étatiques,
qui remontent souvent au chef de l'Etat lui-même.
La ratification du Traité d'entente, d'amitié et de
coopération sera appréciée par la partie géorgienne
comme un geste politique de nature à favoriser le développement
des relations bilatérales y compris sur le plan économique.
Nous en attendons donc un impact stimulant pour nos relations commerciales avec
la Géorgie, et un
bénéfice direct pour nos entreprises
compte tenu des données suivantes :
1. La Géorgie, grâce à sa situation géographique
et ses ports sur la mer Noire, devrait devenir l'une des voies principales du
transit des produits de la mer Caspienne et de l'Asie centrale dès le
début du siècle prochain
:
- Depuis la signature, en 1994, du "contrat du siècle" portant sur des
gisements pétroliers au large de Bakou, la mer Caspienne est devenue un
pôle d'intérêt majeur pour l'industrie mondiale des
hydrocarbures. L'Azerbaïdjan et le Kazakhstan pourraient devenir à
brève échéance des acteurs importants de la scène
pétrolière, avec une production de près de 100 millions de
tonnes/an d'ici à 2005, et plus encore dans les années suivantes.
- En outre, le Caucase et l'Asie centrale espèrent exporter en grandes
quantités vers l'Europe leur production de gaz, de coton, de minerais
rares ...
- Trois voies d'exportation des produits de la région Asie
centrale/Caucase, vers les marchés européens, coexistent :
Russie, Iran et Géorgie.
Si, pour le gaz, la Russie et l'Iran paraissent devoir constituer les
principales voies d'évacuation (le Turkménistan, principal
exportateur potentiel, dépendant étroitement de ces deux
voisins), pour les autres produits et en particulier pour le
pétrole
, la Géorgie est quasi certaine de compter parmi
les principales routes d'exportation. Elle possède pour cela plusieurs
atouts majeurs :
- en dépit du conflit abkhaze, actuellement gelé, elle offre sur
la mer Noire plusieurs débouchés sûrs et
géographiquement proches : port de
Poti
(terminal
pétrolier en construction de
Supsa
) et port de
Batoumi
(déjà bien connu pour son rôle dans l'exportation du
pétrole de Bakou au XIXe siècle).
.
Tbilissi espère entamer la réhabilitation de son
système de transport grâce au programme TRACECA de l'Union
européenne, qui soutient l'idée de la construction d'un
"corridor" de transport de marchandises Asie Centrale-Caucase-Europe.
.
La Géorgie a clairement fait siens les principes de
l'économie ouverte et cherche manifestement à se tourner
politiquement et commercialement vers l'Europe.
2. La Géorgie a en outre entrepris avec détermination des
réformes courageuses qui contribuent à créer un
environnement favorable aux investissements :
- la croissance, reprise depuis deux ans, est la plus forte enregistrée
dans la région : 10 % en 96 et 12 % attendus en 97. Elle est
tirée par le secteur agricole et par celui des services, l'industrie
redémarrant plus lentement.
- les autorités gèrent les affaires économiques avec une
remarquable rigueur : stabilité monétaire, inflation
inférieure à 10 % l'an, progression strictement
contrôlée des salaires.
- surtout, elles continuent de mettre en place les réformes
nécessaires à la transformation de l'économie : mise en
place d'un système de trésorerie centralisée,
réforme radicale du système bancaire, privatisation
(achevée à 95 % pour les PME, et bien en cours pour les
grandes entreprises).
- ces efforts ont acquis à la Géorgie la sympathie des
institutions financières multilatérales, qui apportent une aide
considérable à la Géorgie. Depuis 1991, notamment
grâce à l'audience dont jouit à travers le monde le
Président Chevarnadzé, la Géorgie figure parmi les grands
bénéficiaires de l'aide internationale en termes d'enveloppe par
habitant. Les enveloppes financières délivrées pour 97 se
montent à 60 MUSD pour la Banque Mondiale, 30 MUSD pour la BERD, 10 MUSD
pour TACIS (Union européenne), 10 MUSD pour le PNUD. Ces organismes ont
en outre identifié 27 projets prioritaires pour lesquels ils ont
prévu un dotation de 60 MUSD.
3/ La Géorgie peut donc devenir un marché important de la CEI
pour la France
, surtout si nous parvenons à augmenter notre part de
marché, qui n'est pas négligeable : entre 2,5 et 3,5 %, en nette
augmentation.
Les deux dernières années ont vu croître de façon
très encourageante :
.
nos exportations vers la Géorgie, qui ont plus que
doublé (195 MF en 96, contre 31 MF en 95), notamment grâce au
secteur agroalimentaire. Cette augmentation est, en valeur relative, la plus
forte progression enregistrée dans l'espace CEI.
.
nos investissements sur place : nous devrions être, en 1997, le
premier investisseur étranger en Géorgie.
Pour l'avenir, la France est engagée dans plusieurs projets
économiques importants :
- la réalisation des équipements nécessaires à la
construction de la route de transit Caspienne-mer Noire pour
l'évacuation des hydrocarbures de la Caspienne : nos
équipementiers sont très présents dans tous les secteurs
du para-pétrolier en Azerbaïdjan (7 % des parts du marché) ;
DUMEZ-GTM a remporté un des appels d'offre du consortium AIOC (le plus
important de ceux formés pour l'exploitation de la Caspienne) visant
à la préparation du futur terminal pétrolier de SUPSA
(construction de 4 réservoirs).
- la rénovation de quatre secteurs stratégiques de
l'économie géorgienne :
.
l'industrie d'équipement électronique
(réhabilitation des anciennes unités du complexe
militaro-industriel de l'URSS implantées en Géorgie) : un
important contrat pour THOMSON (800 MF) portant sur une série de projets
(électronique de surveillance, contrôle aérien, voire
équipements d'avions) est en voie de finalisation.
.
les chemins de fer, avec d'une part les études en vue d'une
réhabilitation du réseau, et d'autre part la vente de
matériel, surtout en matière de maintenance (traverses par
exemple). Nos entreprises -TSO, Pouget, Geismar, SYSTRA- sont très
présentes sur ce secteur, dans le cadre du programme TRACECA de l'Union
européenne (construction d'un "corridor ferroviaire" liant l'Asie
Centrale à l'Europe via le Caucase).
.
l'industrie agroalimentaire : l'agriculture reste à l'origine
de 45 % du PNB géorgien, autour de trois projets : CASTEL souhaite
développer une activité de viticulture ; SucDen Kerry projette de
construire une raffinerie de sucre. ACTINI vient d'obtenir le soutien du
Trésor, sous forme de protocole, pour développer sur place la
production de lait de soja.
.
le secteur énergétique, autour de trois
opérations : la vente de matériel électrique (LEGRAND
S.A.), les projets de construction de petites centrales électriques,
pour lesquels le ministère de l'économie de Géorgie nous a
sollicités, et qui pourraient obtenir le soutien du trésor et de
la Coface ; et à terme, la remise en état du barrage de l'Inguri
(projet EDF ; le barrage, l'un des plus grands de la CEI, se trouve sur la
"frontière" de fait avec l'Abkhasie).
Conclusion
: le Traité d'entente, d'amitié et de
coopération soumis à ratification ne se contente donc pas de
sanctionner le dialogue politique bilatéral établi entre nos deux
pays ; il peut avoir une réelle incidence sur nos investissements dans
ce pays. Ceux-ci, à leur tour, peuvent engendrer un courant
d'échanges qui impliquera nos entreprises de travaux publics, ainsi que
nos petites et moyennes entreprises, avec des retombées positives pour
l'emploi en France.
1 Des traités d'entente, d'amitié et de coopération ont été conclus avec les quatorze ex-républiques soviétiques suivantes : Arménie, Azerbaïdjan, Belarus, Estonie, Lettonie, Lituanie, Géorgie, Kazakhstan, Kirghizistan, Moldavie, Ouzbékistan, Turkménistan, Russie et Ukraine. Les traités passés avec la Russie, l'Ukraine, l'Arménie, l'Estonie, le Kazakhstan, le Kirghizistan, la Lettonie, la Lituanie, la Moldavie, l'Ouzbékistan et le Turkménistan.
2
Charles Urjewicz,
"La Géorgie dans le
changement"
in
L'Etat de toutes les Russies
,
la
Découverte, 1993.
3
Rapport n° 329, 1997-1998 (examiné par la
commission des Affaires étrangères, de la Défense et des
Forces armées le 4 mars 1998)
4
Alors que le présent traité
d'amitié a, en janvier 1994, été signé avec la
"République de Géorgie", le nom officiel de cet Etat se
réfère, depuis août 1995, à la seule
"Géorgie".
5
Charles Urjewicz, op. cit.
6
Voir le rapport relatif à l'accord
franco-géorgien sur l'encouragement et la protection réciproques
des investissements (Sénat, 1997-1998, n° 329, M. André
Boyer).
7
Voir notamment sur ce point le rapport de M. André Dulait
sur le traité d'amitié, d'entente et de coopération entre
la France et l'Azerbaïdjan (Sénat, 1997-1998, n° 420).
8
Rapport n° 329, Sénat, 1997-1998.
9
Voir le texte annexé au document Sénat n°399
10
Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des
parlementaires