Section 4
Utilisation de l'euro par les marchés financiers
ARTICLE 16
Utilisation de l'euro par les marchés
gérés par une entreprise de marché
Commentaire : le présent article prévoit les
modalités d'utilisation de l'euro par les différents types de
marchés financiers.
Les professionnels ayant fait part de leur volonté d'utiliser l'euro
dès le début de la phase transitoire, c'est-à-dire le
1er janvier 1999, le présent article vise :
- d'une part, à permettre la cotation en euros pour l'ensemble des
marchés financiers français dès le
1
er
janvier 1999 ;
- et, d'autre part, à donner une base légale incontestable
à cette cotation.
I. LES DIFFERENTS TYPES DE MARCHES FINANCIERS
Conformément à la directive n° 93/22/CEE du Conseil du
10 mai 1993 concernant les services d'investissement dans le domaine des
valeurs mobilières, transposée en droit français par la
loi n° 96-597 du 2 juillet 1996 de modernisation des
activités financières, les marchés
réglementés sont ceux qui font l'objet d'une déclaration
de marché réglementé de la part de l'Etat dans lequel ils
se situent. Cette déclaration est donnée conformément et
selon la procédure fixée par les articles 41 et 42 de la loi
financière.
Les marchés réglementés sont organisés par une
entreprise de marché, c'est-à-dire aux termes de
l'article 40 de la loi financière, une société
commerciale dont l'activité principale est précisément
d'assurer le fonctionnement d'un marché réglementé
d'instruments financiers.
Tous les autres marchés sont des marchés non
réglementés. On peut cependant distinguer les marchés
organisés et les marchés libres dits de "gré à
gré".
Les marchés organisés, tout en ne faisant pas l'objet d'une
déclaration de marché réglementé, voient leur
fonctionnement encadré et "organisé" par une autorité de
marché, ou une entreprise de marché.
En revanche, les marchés de gré à gré se
caractérisent à la fois par l'absence de réglementation
des opérations et l'absence d'autorité chargée d'en
assurer la police.
En pratique, l'ensemble des marchés financiers français (premier
marché, deuxième marché, nouveau marché, MATIF et
MONEP) sont reconnus comme réglementés, en application de la
clause dite du "grand-père" prévue à
l'article 97 VII de la loi du 2 juillet 1996
précitée.
Seul le marché des titres de créances négociables est
juridiquement un marché de gré à gré, même
s'il est, dans les faits, étroitement surveillé par la Banque de
France.
II. LES DISPOSITIONS DU PRESENT ARTICLE
Par dérogation au principe du ni-ni, posé par l'article 8
du projet de règlement du Conseil approuvé le 7 juillet
1997, le présent article autorise les entreprises de marché
à assurer la cotation en euros des instruments financiers visés
à l'article premier de la loi financière et
échangés sur le marché dont elles ont la charge.
Cette dérogation est du reste conforme à l'article 8-4 du
règlement précité, qui permet aux Etats membres
participants de prendre des mesures pour élargir l'utilisation de
l'unité euro dans deux domaines précis -celui de l'encours de la
dette publique et celui des
marchés organisés
-, même
si ces mesures peuvent imposer l'utilisation de l'unité euro à
certains opérateurs économiques.
Une telle disposition, a priori superfétatoire, s'explique par la
volonté d'assurer une base juridique incontestable au basculement en
euros des marchés financiers.
En effet, normalement, la cotation en euros pourrait être assurée
par l'accord des parties. Mais on pourrait considérer que cet accord ne
pourrait utilement s'exercer que vis à vis des parties liées par
un contrat, c'est-à-dire les entreprises de marché et les membres
de leur marché.
En revanche, il n'est pas sûr que la décision de basculer puisse
être opposée aux investisseurs directs de marchés
réglementés, dès lors qu'ils sont obligés,
conformément à la règle dite de "concentration"
posée à l'article 45 de la loi du 2 juillet 1996
précitée, de faire passer leurs transactions par les
marchés en question.
C'est pourquoi, afin d'éviter toute contestation possible, le
présent article autorise expressément les entreprises de
marché à basculer en euros.
Ce basculement pourra se faire soit directement en euros, soit en
déterminant la contre-valeur en unité euro d'un montant en
unité franc non converti. C'est la technique dite du
nominal de
marché
qui permet de coter en euros des titres de créances
non convertis par leur émetteur et d'effectuer les opérations sur
titres correspondantes.
Le paragraphe I pose les définitions des termes utilisés
dans le présent article.
Sans surprise, les
instruments financiers
sont ceux visés
à l'article premier de la loi du 2 juillet 1996, à
savoir :
1° Les
actions
et autres titres donnant ou pouvant donner
accès, directement ou indirectement, au capital ou aux droits de vote,
transmissibles par inscription en compte ou tradition ;
2° Les
titres de créance
qui représentent chacun
un droit de créance sur la personne morale qui les émet,
transmissibles par inscription en compte ou tradition, à l'exclusion des
effets de commerce et des bons de caisse ;
3° Les
parts ou actions d'organismes de placements
collectifs
;
4° Les
instruments financiers à terme
,
De façon plus utile,
le second alinéa définit le
nominal de marché
comme étant la conversion, jusqu'à
la cinquième décimale, la contre-valeur en unité euro
d'une valeur en unité franc étant "
exprimée à la
cinquième décimale si la sixième décimale est
comprise entre zéro et quatre inclus et à la cinquième
décimale supérieure si la sixième décimale est
comprise entre cinq et neuf inclus
".
Cette rédaction, issue d'un amendement de l'Assemblée nationale,
fait prévaloir une approche "par seuil" plus facilement
compréhensible que l'approche plus mathématique initialement
retenue par le Gouvernement.
Le paragraphe II vise les instruments financiers cotés sur les
marchés réglementés.
Pour ces marchés seulement, la loi autorise les entreprises de
marché à basculer directement en euros.
Concrètement, pour les marchés d'actions, la conversion se
fera directement en euros, alors qu'elle se fera en nominal de marché,
c'est-à-dire en pourcentage de la contre-valeur en euros des
unités francs, pour les marchés obligataires.
Le paragraphe III vise les instruments financiers négociés
sur des marchés organisés, et le paragraphe IV, ceux
négociés sur des marchés de pur gré à
gré.
Dans ces cas, l'inscription en compte pourra se faire à la
contre-valeur en unité euro de sa valorisation en francs.
Pour ces deux types de marchés, la difficulté provient du fait
qu'il n'y a pas d'entreprise de marché et donc d'entité capable
de décider de la modalité de basculement : unités
euros ou nominal de marché. C'est pourquoi, les rédacteurs du
texte ont prévu de n'autoriser que la technique du nominal de
marché.
Cela ne signifie pas que, sur ce type de marchés, si les parties en
conviennent, le basculement des opérations ne pourra pas se faire
directement en unité euro. Cela signifie simplement que, dans de tels
cas, ce basculement sera opposable aux tiers sans qu'il soit nécessaire
de le prévoir dans la loi.
Il est même concevable que ce basculement implique une entreprise de
marché
1(
*
)
, comme ce sera
le cas sur le marché de l'or et plus généralement sur les
marchés de matières premières. Mais n'étant pas sur
des marchés réglementés, donc non soumis à
l'obligation de concentration, ce basculement ne concernera que la relation
entre l'entreprise de marché et les membres agréés et
pourra valablement être opposé aux investisseurs, qui auront alors
la possibilité de s'adresser à d'autres intermédiaires.
C'est pourquoi, la dérogation apportée par la loi à la
règle du ni-ni ne peut, logiquement aller au-delà de ce qui est
prévu par le présent article.
Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter
le présent article sans modification.