PROJET N° 359 - PROJET DE LOI, ADOPTE AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, RELATIF A L'ENTREE ET AU SEJOUR DES ETRANGERS EN FRANCE ET AU DROIT D'ASILE
M. Paul MASSON, Sénateur
COMMISSION DES LOIS CONSTITUTIONNELLES, DE LEGISLATION, DU SUFFRAGE UNIVERSEL, DU REGLEMENT ET D'ADMINISTRATION GENERALE - RAPPORT N° 359 - 1997/1998
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Table des matières
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LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
- I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
- II. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE : UN REFUS DE PRISE EN COMPTE DES PRÉOCCUPATIONS EXPRIMÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
- III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'ADOPTION D'UNE QUESTION PRÉALABLE
-
MOTION TENDANT À OPPOSER
LA QUESTION PRÉALABLE
N° 359
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 25 mars 1998
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale (1) sur le projet de loi, ADOPTÉ AVEC MODIFICATIONS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE, relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile ,
Par M. Paul MASSON,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de : MM. Jacques Larché, président ; René-Georges Laurin, Germain Authié, Pierre Fauchon, Charles Jolibois, Robert Pagès, Georges Othily, vice-présidents ; Michel Rufin, Jacques Mahéas, Jean-Jacques Hyest, Paul Masson, secrétaires ; Guy Allouche, Jean-Paul Amoudry, Robert Badinter, José Balarello, François Blaizot, André Bohl, Christian Bonnet, Philippe de Bourgoing, Charles Ceccaldi-Raynaud, Marcel Charmant, Raymond Courrière, Jean-Patrick Courtois, Charles de Cuttoli, Luc Dejoie, Jean-Paul Delevoye, Christian Demuynck, Jean Derian, Michel Dreyfus-Schmidt, Michel Duffour, Patrice Gélard, Jean-Marie Girault, Paul Girod, Daniel Hoeffel, Lucien Lanier, Guy Lèguevaques, Daniel Millaud, Jean-Claude Peyronnet, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Jean-Pierre Schosteck, Alex Türk, Maurice Ulrich, Robert-Paul Vigouroux.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
Première lecture :
327
,
451
,
483
et T.A.
47
.
Commission mixte paritaire :
697
.
Nouvelle lecture :
659
,
701
et T.A.
97
.
Sénat
: Première lecture :
188,
221, 224
et
T.A.
68
(1997-1998).
Commission mixte paritaire :
294
(1997-1998).
Nouvelle lecture :
324
(1997-1998).
|
Étrangers. |
LES CONCLUSIONS DE LA COMMISSION DES LOIS
Réunie le 25 mars 1998 sous la présidence de
M. Jacques Larché, président,
la commission des Lois a
examiné, en nouvelle lecture,
sur le rapport de M. Paul Masson,
le projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des
étrangers en France et au droit d'asile.
La commission des
Lois a décidé de
proposer au
Sénat l'adoption d'une question préalable formulée dans
les termes suivants
:
En application de l'article 44, alinéa 3, du Règlement, le
Sénat,
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, n'a
pratiquement tenu aucun compte de l'analyse approfondie du projet de loi
à laquelle le Sénat a procédé en première
lecture ;
Considérant que, pour l'essentiel, le texte affaiblirait très
sensiblement le cadre législatif de la politique d'immigration et
constituerait un obstacle sérieux à l'indispensable
maîtrise des flux migratoires ;
Considérant que les dispositions ainsi retenues par l'Assemblée
nationale, qui aboutiraient à une vingt-cinquième modification de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, paraissent inopportunes alors que le
Traité d'Amsterdam, signé par la France le 2 octobre 1997 ouvre
une perspective de communautarisation des questions d'immigration ;
Considérant que les dispositions proposées sur le droit d'asile,
s'inscrivent en dehors des normes des Conventions de Genève et de Dublin
et ne peuvent que susciter un détournement à grande
échelle du droit d'asile ;
Considérant que la remise en cause du pouvoir d'appréciation de
l'administration n'apparaît pas conciliable avec l'examen de situations
individuelles multiples et complexes ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la
délibération sur le projet de loi relatif à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture
après déclaration d'urgence.
Mesdames, Messieurs,
Moins d'un an après l'adoption de la loi du 24 avril 1997, le Parlement
a été à nouveau saisi d'un projet de loi relatif à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile.
Après une seule lecture par chaque assemblée, le Gouvernement
ayant déclaré l'urgence sur ce texte, la commission mixte
paritaire, réunie le 12 février 1998 au Palais du Luxembourg, a
échoué, compte tenu de l'ampleur des divergences entre
l'Assemblée nationale et le Sénat.
Le texte adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture
le 3 mars 1998, que le Sénat est appelé à examiner
à son tour, constitue pratiquement la reprise intégrale de celui
que les députés avaient voté en première lecture,
sous réserve de quelques modifications qui ne tendent pas à
prendre en considération la position prise par le Sénat.
I. LA POSITION DU SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Le Sénat, suivant les propositions de sa commission des
Lois, n'a pas souscrit à la remise en cause de nombreuses dispositions
des lois de 1993 et 1997,
dont la conformité à la Constitution
avait été constatée par le Conseil constitutionnel
et
dont certaines d'entre elles n'avaient pas encore pu être
éprouvées par la pratique.
Il a marqué son
attachement à la maîtrise des flux
migratoires
, susceptible d'être contrariée par l'effet
d'affichage de nombreuses dispositions du projet de loi.
Le Sénat,
après avoir examiné de manière
approfondie le projet
,
article par article, n'a pas souhaité
l'inscription dans la loi de dispositions n'apportant rien au droit, tel qu'il
est appliqué.
Le Sénat a refusé les dispositions de nature à compliquer
les procédures, souhaité laisser à l'administration une
marge d'appréciation indispensable, s'agissant de dossiers souvent
complexes, et marqué sa préoccupation quant aux moyens
nécessaires à la mise en oeuvre de certaines dispositions du
projet.
A. L'ENTRÉE ET LE SÉJOUR
1. L'entrée sur le territoire
Le Sénat a refusé l'obligation de motiver certains refus de visas , considérant qu'il s'agissait d'une prérogative de souveraineté. Il s'est opposé à la suppression des certificats d'hébergement , créés en 1982, aménagés à plusieurs reprises et dont la version adoptée en 1997 n'a pu être mis en oeuvre faute de décrets d'application.
2. Le séjour en France
a)
Le Sénat a
accepté les mesures de
simplification
qui lui étaient proposées, comme celles
concernant le régime du séjour des
ressortissants de
l'Union
européenne
ou encore l'institution d'une
carte de
séjour " retraité ",
permettant à
l'étranger rentré dans son pays de revenir en France pour y
effectuer des séjours temporaires, sous la réserve que
l'étranger justifie de 15 années de cotisations vieillesse.
b)
En revanche, il s'est
opposé aux innovations de
façade pour lesquelles de nouvelles dispositions législatives
n'apparaissaient pas nécessaires
, comme la création des
cartes de séjour
temporaire " scientifique "
et
" profession artistique et culturelle "
car
l'amélioration des conditions d'accès sur le territoire national
des personnes concernées pourrait être obtenue par des
dispositions réglementaires ou des instructions aux services et, le cas
échéant, par l'attribution de moyens supplémentaires.
c) Le Sénat a refusé les dispositions qui réduiraient
le pouvoir d'appréciation de l'administration dans l'examen de dossiers
souvent très complexes :
-
carte de séjour " vie privée et
familiale ",
attribuée de plein droit sur la base de
critères déjà retenus par les services, dont la
codification pourrait susciter un appel d'air.
- aménagement du
regroupement familial
, pouvant conduire à
l'admission d'un plus grand nombre de familles ne pouvant vivre
décemment sans prestations sociales.
Le Sénat ne pouvait pas, en outre, accepter la suppression de la
possibilité de retirer le titre de séjour à
l'étranger ayant fait rentrer sa famille en dehors de la
procédure du regroupement familial, mesure qui ne peut manifestement
qu'encourager l'immigration irrégulière.
-
suppression de la condition d'entrée régulière pour
l'attribution de
plein droit de la carte de résident
, et de
la condition de résidence en France pour son renouvellement.
d)
Par ailleurs, il a
rejeté les propositions susceptibles
d'allonger
inutilement les procédures
, comme le
rétablissement de la
commission du
titre de séjour
,
supprimée en 1997 en raison de ses nombreux dysfonctionnements. De plus,
le contrôle des décisions de l'administration est
déjà assuré par les juridictions administratives.
B. L'ÉLOIGNEMENT DU TERRITOIRE DES ÉTRANGERS EN SITUATION IRRÉGULIÈRE
1. Le Sénat a combattu les dispositions qui rendraient plus difficile la lutte contre l'immigration irrégulière
a)
Élargissement des " immunités
familiales " pour l'aide au séjour
irrégulier
et
protection contre les poursuites pour certaines
associations
de
défense des étrangers insuffisamment définies ;
b) Suppression de l'interdiction administrative du territoire,
dont
un arrêté de reconduite à la frontière peut
être assorti ;
c) Extension de 24 heures à 48 heures du délai de recours
contre un arrêté de reconduite à la frontière ;
d)
Assouplissement des conditions posées pour la demande
d'
abrogation
d'un arrêté de reconduite à la
frontière
;
e)
Suppression de la possibilité pour le procureur de la
République de demander un
effet suspensif à l'appel
qu'il
forme contre une ordonnance de
prolongation de la rétention
administrative
;
f)
Mesures diverses destinées à accroître de
manière excessive les
droits des étrangers faisant obstacle
à une mesure d'éloignement du territoire
. Ces dispositions
seraient de nature à exercer une
pression très lourde sur
les
services compétents
et à susciter des
débats contentieux interminables
;
g) Suppression de la rétention judiciaire
au motif qu'elle serait
rarement prononcée. Le Sénat a, au contraire, proposé
d'apporter au régime applicable des aménagements qui pourraient
faciliter sa mise en oeuvre.
2. En sens contraire, le Sénat a approuvé les mesures susceptibles de faciliter l'éloignement des étrangers en situation irrégulière
a)
Prenant en considération la
législation applicable dans la plupart des pays européens,
prolongation de la durée maximale de la rétention
administrative
, que le Sénat a porté de 10 à 14
jours et dans certains cas à 16 jours, alors que le projet initial la
fixait à 12 jours ;
b)
Aggravation des peines encourues en cas d'aide au séjour
irrégulier par des
" bandes organisées "
;
c)
Précisions sur la définition du délit d'obstacle
à l'éloignement du territoire (communication de renseignements
inexacts sur son identité par l'étranger éloignable).
C. LE DROIT D'ASILE
Le Sénat n'a pas jugé juridiquement utile de
reprendre dans une loi ordinaire les dispositions de l'article 53-1 de la
Constitution
permettant d'accorder l'asile aux
" combattants
de la
liberté ",
le texte proposé pouvant être
interprété comme un signal susceptible de susciter de nouveaux
flux de demandes d'asile infondées.
Il s'est fermement
opposé
à l'inscription dans la loi de
la pratique administrative de
l'asile territorial
,
susceptible de
porter atteinte à l'essence
même du droit d'asile
(risque d'afflux de demandes ; insuffisance des moyens de l'administration ;
création d'une " procédure d'appel " pour le
débouté du statut de réfugié ; création d'un
nouveau contentieux administratif ; non-applicabilité de la Convention
de Dublin relative à la procédure de réadmission).
Le Sénat a, en revanche,
accepté l'extension de la
procédure
prioritaire
d'examen des demandes de statut de
réfugié
aux ressortissants des
pays où les
libertés ne sont plus menacées
(33 % des demandes).
D. LES DISPOSITIONS SOCIALES
Après un examen approfondi de sa commission des
Affaires sociales, sur le rapport pour avis de notre excellent collègue
M. Alain Vasselle, le Sénat a
approuvé
la
possibilité pour les retraités étrangers de
percevoir
leur pension lorsqu'ils
résident hors de France.
En outre, tirant les conséquences de l'introduction d'une condition de
15 années d'assurance pour l'attribution de la
carte de séjour
" retraité ",
il a
ouvert
aux
bénéficiaires de cette carte le droit aux
prestations en
nature de
l'assurance-maladie
lors de leurs
séjours
temporaires en France
, supprimant les conditions restrictives
adoptées par l'Assemblée nationale.
Acceptant la suppression de la condition de nationalité pour
l'ouverture du droit au minimum vieillesse et à l'allocation aux adultes
handicapés,
le Sénat a toutefois aligné les conditions
d'accès à ces
prestations sur celles en vigueur pour le
revenu minimum d'insertion (RMI), instaurant
de facto
, dans de nombreux
cas, une condition de durée de résidence régulière
et ininterrompue en France de trois ans.
II. L'EXAMEN DU PROJET DE LOI PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE EN NOUVELLE LECTURE : UN REFUS DE PRISE EN COMPTE DES PRÉOCCUPATIONS EXPRIMÉES PAR LE SÉNAT EN PREMIÈRE LECTURE
Sauf sur quelques points très peu nombreux et
totalement mineurs, l'Assemblée nationale est revenue purement et
simplement à son texte de première lecture.
Les quelques modifications apportées au texte qu'elle avait
adopté en première lecture, même si elles peuvent parfois
apparaître susceptibles d'atténuer quelque peu certaines
dispositions préjudiciables à la maîtrise des flux
migratoires, n'ont aucunement pour objet de répondre, même
partiellement, aux préoccupations du Sénat.
Tout se passe comme si l'Assemblée nationale avait " poursuivi
la navette avec elle-même ".
Les principales modifications apportées par l'Assemblée nationale
au texte qu'elle avait adopté en première lecture portent sur les
points suivants :
1-
La définition des bénéficiaires de la carte de
séjour temporaire
" profession artistique et
culturelle "
a été précisée. Il pourrait
s'agir d'un artiste-interprète ou d'un auteur d'oeuvre littéraire
ou artistique. L'activité principale de l'entreprise avec laquelle
l'intéressé aurait passé un contrat devrait comporter la
création ou l'exploitation d'une oeuvre de l'esprit (article 3 du projet
de loi)
2-
L'étranger devrait justifier de quinze années de
résidence habituelle en France
pour bénéficier de plein
droit de la carte de séjour temporaire
si, au cours de cette
période il a séjourné en qualité d'étudiant
(au lieu de dix ans dans les autres cas).
De même l'étranger né en France et y ayant vécu
pendant huit ans de façon continue devrait aussi, pour
bénéficier du même titre de séjour, justifier de
cinq ans de scolarité dans un établissement français
depuis l'âge de 10 ans, (article 4 du projet de loi).
3-
Tout en rétablissant la
commission du titre de
séjour
, l'Assemblée nationale a néanmoins
supprimé le caractère public de ses débats (article 5
bis
du projet de loi) ;
4-
La
dépénalisation de l'aide au séjour
irrégulier
-que le Sénat avait refusée- serait
limitée, en ce qui concerne les
associations
, à celles
ayant une vocation humanitaire, dont la liste serait arrêtée par
le ministre de l'intérieur (article 10
bis
du projet de loi).
5-
L'Assemblée nationale a précisé, au sujet de
l'asile territorial
que "
les décisions du ministre n'ont
pas à être motivées
" (article 31 du projet de loi)
6-
S'agissant des
dispositions sociales
figurant dans le projet
de loi, l'Assemblée nationale s'est limitée à apporter
quelques précisions au texte qu'elle avait adopté en
première lecture mais n'a retenu aucune des propositions adoptées
par le Sénat sur l'avis circonstancié du rapporteur de la
commission des Affaires sociales, M. Alain Vasselle (articles 34
bis
à 36 du projet de loi).
On remarquera par ailleurs que l'Assemblée nationale n'a pas suivi les
propositions du Sénat tendant à fixer
la durée maximale
de la rétention administrative à un niveau qui serait encore
resté nettement inférieur à celui des
autres pays
européens
, refusant ainsi un moyen de faciliter l'exécution
des mesures d'éloignement du territoire (article 19 du projet de loi).
III. LA PROPOSITION DE VOTRE COMMISSION DES LOIS : L'ADOPTION D'UNE QUESTION PRÉALABLE
Votre commission des Lois rappelle qu'en dépit de son
opposition à de nombreuses dispositions du projet de loi, le
Sénat a tenu à procéder, en première lecture,
à un débat approfondi et détaillé sur la
totalité des articles.
Cependant, comme on l'a vu, l'Assemblée nationale n'a pratiquement tenu
aucun compte des arguments présentés par le Sénat.
Plusieurs motifs confirme l'hostilité de votre commission des Lois
à une nouvelle modification de la législation sur l'immigration :
1- L'approche très hexagonale des problèmes d'immigration
qui
caractérise la démarche du Gouvernement et de l'Assemblée
nationale rendra plus difficile la recherche d'une indispensable coordination
des Etats membres de l'Union européenne, objectif inscrit -faut-il le
rappeler- dans le
Traité d'Amsterdam
qui prévoit à
échéance de cinq ans après son entrée en vigueur la
possibilité de confier le monopole de l'initiative à la
Commission européenne sur les questions relatives à l'immigration.
Il est intéressant de remarquer, à cet égard, que le
projet de loi a été adopté par le Conseil des ministres
treize jours seulement après la signature du Traité d'Amsterdam.
En d'autres termes, l'acceptation par la France de ce traité aurait,
logiquement, dû conduire le Gouvernement à suspendre tout projet
de modification législative, ou au moins à cadrer toute
proposition éventuelle dans une perspective européenne.
2-
Les dispositions concernant le
droit d'asile
s'inscrivent
en
dehors des normes internationales et européennes (Convention de
Genève et Convention de Dublin).
Loin d'améliorer le droit applicable, elles aboutiraient à le
rendre plus complexe et risqueraient d'être trop souvent utilisées
par des étrangers souhaitant se maintenir sur le territoire sans motif
légitime ou pour des considérations n'ayant pas trait au droit
d'asile.
3- La réduction de la faculté d'examen particulier par
l'administration des demandes de titre de séjour correspondant à
des situations complexes.
L'opération de régularisation, organisée par la circulaire
du 24 juin 1997 démontre que des dispositions législatives ne
sont pas nécessaires pour procéder à la
régularisation de certaines catégories d'étrangers.
4
-
Des
dispositions trop nombreuses sont de nature à
rendre plus difficile l'indispensable maîtrise des flux migratoires
.
À cet égard, il n'est pas nécessaire de reprendre point
par point le dispositif proposé, puisque le texte en discussion est
similaire à celui contre lequel le Sénat s'est prononcé en
janvier dernier.
5-
Le Conseil d'Etat, dans son rapport d'activité de
l'année 1997, constate, à propos notamment du droit des
étrangers, qu' "
indépendamment de la conjoncture
politique, certains sujets donnent prise à une fébrilité
juridique telle que l'on peut se demander si des règles aussi instables
conservent la moindre efficacité concrète. "
Telles sont les raisons pour lesquelles votre commission des Lois vous propose
d'adopter une motion tendant à opposer la question préalable au
projet de loi adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle
lecture, formulée dans les termes suivants :
MOTION TENDANT À OPPOSER
LA QUESTION
PRÉALABLE
En application de l'article 44, alinéa 3, du
Règlement, le Sénat,
Considérant que l'Assemblée nationale, en nouvelle lecture, n'a
pratiquement tenu aucun compte de l'analyse approfondie du projet de loi
à laquelle le Sénat a procédé en première
lecture ;
Considérant que, pour l'essentiel, le texte affaiblirait très
sensiblement le cadre législatif de la politique d'immigration et
constituerait un obstacle sérieux à l'indispensable
maîtrise des flux migratoires ;
Considérant que les dispositions ainsi retenues par l'Assemblée
nationale, qui aboutiraient à une vingt-cinquième modification de
l'ordonnance du 2 novembre 1945, paraissent inopportunes alors que le
Traité d'Amsterdam, signé par la France le 2 octobre 1997 ouvre
une perspective de communautarisation des questions d'immigration ;
Considérant que les dispositions proposées sur le droit d'asile,
s'inscrivent en dehors des normes des Conventions de Genève et de Dublin
et ne peuvent que susciter un détournement à grande
échelle du droit d'asile ;
Considérant que la remise en cause du pouvoir d'appréciation de
l'administration n'apparaît pas conciliable avec l'examen de situations
individuelles multiples et complexes ;
Décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la
délibération sur le projet de loi relatif à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture
après déclaration d'urgence.