III. LA POSITION DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ETRANGÈRES, DE LA DÉFENSE ET DES FORCES ARMÉES ET L'EXAMEN DES ARTICLES DU PROJET DE LOI
A. LA POSITION GÉNÉRALE DE VOTRE COMMISSION
La création d'une instance consultative chargée
d'apprécier le bien-fondé de la classification d'une information
au regard de la demande d'une juridiction peut être un
élément utile de clarification dans le débat qui met
parfois aux prises deux impératifs également légitimes :
celui du secret de la défense d'une part, celui de la recherche de la
vérité par le juge d'autre part.
Dans cette logique, la création de la nouvelle instance de
médiation, qui sera exclusivement chargée d'apprécier et
de donner un avis sur la validité d'une classification d'information au
titre du secret de la défense nationale est une solution satisfaisante.
La création de cette nouvelle autorité administrative
indépendante, comme celle des autres instances de même nature
créées dans les années récentes dans d'autres
secteurs de la vie publique, procède cependant d'une double
démarche de défiance : défiance à l'égard de
l'autorité politique d'une part, défiance à l'égard
de l'appareil administratif traditionnel d'autre part.
Ceci posé, on reconnaîtra que le fonctionnement de ces
"magistratures morales", leur composition, permettent, grâce à la
rigueur et à l'indépendance de ceux qui les animent, de
répondre dans de bonnes conditions aux missions dont le
législateur les a investies.
Votre commission souhaite cependant apporter au texte, tel qu'il a
été modifié par l'Assemblée nationale, les
principales modifications suivantes :
-
Première modification
:
permettre à une commission
d'enquête parlementaire
à l'instar d'une juridiction
française, de bénéficier de la procédure d'avis de
la commission consultative du secret de la défense nationale.
Pour votre commission, il est opportun de saisir l'occasion du présent
projet de loi pour adapter une des modalités d'exercice du pouvoir de
contrôle du Parlement. Celui-ci peut se heurter, notamment dans le cadre
d'une commission d'enquête, au secret de la défense nationale, ce
qui empêche bien évidemment le Parlement de recueillir tous les
éléments d'information nécessaires à ses
investigations. Cette disposition présenterait plusieurs avantages. Tout
en participant au renforcement du rôle du Parlement, son incidence n'en
bouleverserait pas pour autant l'équilibre institutionnel : l'opposition
par l'exécutif du secret de la défense nationale restera
évidemment toujours possible. Mais cette opposition se fera après
une prise en compte argumentée et équilibrée des
intérêts et des enjeux en présence, tant par la commission
consultative que par l'autorité administrative à laquelle il
appartiendra de trancher.
-
La deuxième modification
préconisée par votre
commission concernera le
principe de la présidence de la future
commission
dont le projet de loi prévoit qu'elle sera commune "de
droit" à celle de la commission nationale de contrôle des
interceptions de sécurité (CNCIS).
Toute loi ayant pour objectif de s'inscrire dans la durée, il ne
paraît
pas opportun de prévoir dans le texte un tel principe.
En effet, ces deux instances
, bien qu'évoluant chacune dans le cadre
du secret de la défense nationale, ont des compétences et un
rôle distincts, ce qui justifie d'ailleurs la création de la
nouvelle commission. Cela étant, la possibilité d'une
présidence commune ne serait pas exclue s'il apparaissait opportun,
notamment pour le démarrage de la future commission, de recourir
à une personnalité ayant acquis une expérience
particulière dans le domaine de secret de la défense nationale.
- La
troisième modification
a pour objet de
simplifier le
dispositif de saisine
, tout en confortant la logique de transparence qu'il
permet : au principe d'une saisine automatique de la commission consultative
à la suite de la demande d'un juge ou du rapporteur d'une commission
d'enquête, votre commission a préféré
limiter la
saisine -qui demeurerait obligatoire dans ce cas- à l'hypothèse
où l'autorité de classification, ayant un doute sur la conduite
à tenir, ne serait pas en mesure de déclassifier
immédiatement l'information demandée
. A contrario, la
possibilité pour l'autorité administrative de déclassifier
directement l'information demandée sans passer par la procédure
consultative permettra tout à la fois de répondre au besoin du
juge et d'accélérer sensiblement la procédure qu'il
conduit.
- Une autre
modification
préconisée par votre commission
concerne les
conditions dans lesquelles le sens de l'avis de la commission
sera rendu public
.
Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit que le sens
de cet avis, favorable ou non à une déclassification, serait
publié
au moment où la commission remet son avis
à
l'autorité en charge de la classification,
soit quelque quinze jours
avant la décision finale de ladite autorité
.
Il n'est pas de bonne procédure, aux yeux de votre commission, de
laisser une autorité, en fait un ministre, en situation de prendre une
décision par hypothèse sensible dans un contexte en quelque sorte
"pré-dramatisé" par la publication de l'avis.
Votre commission préconisera donc d'attendre que la décision
administrative soit prise et notifiée au demandeur (juge ou commission
parlementaire) pour publier, simultanément, le sens de l'avis.