RAPPORT n° 294 - Projet de loi relatif à l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit d'asile
M. Paul MASSON, Sénateur et M. Gérard GOUZES, Député
Commission mixte paritaire - Rapport n° 294 6 1997-1998
N°
697
|
|
N°
294
|
Enregistré à
la Présidence de
l'Assemblée nationale
|
|
Annexe au
procès-verbal de la séance
|
Document mis en distribution le
17 février 1998
RAPPORT
FAIT
AU NOM DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE
(1)
CHARGÉE DE PROPOSER UN TEXTE SUR LES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION
DU PROJET DE LOI
relatif à l'
entrée
et au
séjour
des
étrangers
en France et au
droit d'asile
,
PAR M. GÉRARD GOUZES, PAR M. PAUL MASSON,
Député Sénateur
(
1)
Cette commission est composée de
: M.
Jacques Larché,
sénateur, président ;
M.
Christophe Caresche,
député, vice-président ;
MM.
Paul Masson
, sénateur,
Gérard Gouzes,
député, rapporteurs.
Membres titulaires :
MM. Alain Vasselle, Jean-Jacques Hyest, Paul Girod,
Guy Allouche, Michel Duffour,
sénateurs ;
Mme Catherine
Tasca, MM. Henri Cuq, Claude Goasguen, André Gérin, Georges
Sarre,
députés.
Membres suppléants :
MM. Robert Badinter, André
Bohl, Christian Bonnet, Michel Dreyfus-Schmidt, Patrice Gélard, Georges
Othily, Jean-Pierre Schosteck,
sénateurs ;
Mme Marisol
Touraine, MM. Julien Dray, Jacky Darne, Jacques Floch, Jean-Yves Le
Déaut, Richard Cazenave, Pascal Clément
,
députés.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème
législ.) :
327
,
451
,
483
et T.A.
47
.
Commission mixte
paritaire :
659
.
Sénat
:
188
,
224
,
221
et T.A.
68
(1997-1998).
Étrangers. |
MESDAMES, MESSIEURS,
La commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les
dispositions restant en discussion du projet de loi relatif à
l'entrée et au séjour des étrangers en France et au droit
d'asile s'est réunie le jeudi 12 février 1998 au Palais du
Luxembourg.
Elle a procédé à la nomination de son bureau qui a
été ainsi constitué :
-- M. Jacques LARCHÉ, sénateur, président ;
-- M. Christophe CARESCHE, député,
vice-président.
La Commission a désigné :
-- M. Gérard GOUZES, député,
-- M. Paul MASSON, sénateur,
comme rapporteurs, respectivement pour l'Assemblée nationale et pour le
Sénat.
Elle est ensuite passée à l'examen des dispositions restant en
discussion.
Soulignant l'ampleur des divergences entre l'Assemblée nationale et le
Sénat, M. Gérard Gouzes, rapporteur pour l'Assemblée
nationale, a indiqué que sur les quarante cinq articles adoptés
par cette dernière en première lecture, vingt-sept, correspondant
aux dispositions essentielles du projet de loi, avaient été
supprimés par le Sénat.
En ce qui concerne les règles relatives au séjour des
étrangers, le rapporteur pour l'Assemblée nationale a fait
observer que le Sénat s'était opposé à la
motivation de certaines décisions de refus de visas, à la mise en
place de cartes de séjour " scientifique " et à
l'élargissement des cas de délivrance de plein droit des cartes
de séjour temporaire grâce à la création du titre
" vie privée et familiale " ce dernier étant pourtant
conforme à l'article 8 de la Convention européenne des Droits de
l'Homme.
Après avoir critiqué le maintien par le Sénat du
certificat d'hébergement, M. Gérard Gouzes a noté qu'il
n'avait, en revanche, pas admis le rétablissement de la commission du
séjour et refusé la suppression de la condition d'entrée
régulière pour la délivrance de la carte de
résident à certaines catégories d'étrangers. Enfin,
il a relevé le rejet par le Sénat des modifications des
règles applicables au regroupement familial, modifications qu'il a
pourtant jugées conformes aux textes internationaux, à la
Constitution ainsi qu'aux attentes des autorités morales.
Puis, après avoir fait observer que le Sénat n'avait pas admis
que soient précisés le statut de l'asile constitutionnel, ainsi
que la procédure d'asile territorial appliquée jusque là
de manière discrétionnaire, M. Gérard Gouzes a
estimé que le Sénat avait rejeté sans nuance les
dispositions adoptées par l'Assemblée nationale dans ce domaine.
Il a également fait valoir que cinq articles adoptés par
l'Assemblée nationale avaient été vidés de leur
substance par le Sénat, qu'il s'agisse des dispositions relatives
à la délivrance de titres de séjour aux ressortissants
communautaires, du champ d'application des " immunités
familiales " qui protègent certains étrangers contre
l'incrimination d'aide au séjour irrégulier, de celles
applicables à la rétention administrative et au droit des
étrangers à des prestations non contributives. Sur ce dernier
point, il a souligné que les dispositions adoptées par
l'Assemblée nationale étaient pourtant conformes aux exigences
résultant de la jurisprudence communautaire.
Enfin, M. Gérard Gouzes a fait observer que le Sénat n'avait
adopté dans les mêmes termes que des dispositions mineures ou
réalisant de simples coordinations.
En conclusion, le rapporteur pour l'Assemblée nationale a estimé
que dans ces conditions, il paraissait difficile d'aboutir à
l'élaboration d'un texte commun.
Partageant ce point de vue, M. Paul Masson, rapporteur pour le Sénat, a
d'abord rejeté l'idée selon laquelle seule la démarche de
l'Assemblée nationale, contrairement à celle du Sénat,
bénéficierait du soutien des autorités morales.
Il a regretté l'approche très hexagonale des problèmes
d'immigration qui selon lui caractérisait particulièrement la
démarche de l'Assemblée nationale.
Le rapporteur pour le Sénat a ainsi fait observer que les dispositions
relatives à l'asile territorial s'inscrivaient en dehors des normes
internationales et européennes et qu'elles auraient pour effet de
compliquer davantage encore le régime du droit d'asile. De même,
il a considéré que le dispositif prévu en ce qui concerne
la rétention administrative et le regroupement familial était
difficilement conciliable avec une approche européenne de ces questions.
Dans ces conditions, M. Paul Masson a fait valoir que le projet de loi rendrait
plus difficile la recherche d'une coordination des Etats-membres de l'Union
européenne, objectif de coordination renforcé par le
Traité d'Amsterdam qui prévoyait à échéance
de cinq ans la possibilité de confier le monopole de l'initiative sur
les questions intéressant l'immigration à la Commission
européenne.
Puis M. Paul Masson, faisant observer que ce projet de loi ne méritait
pas d'être examiné dans l'urgence et la précipitation a
indiqué que le Sénat ne pouvait admettre la remise en cause d'une
loi qu'il venait d'adopter et dont les effets n'avaient pu être
mesurés faute de mise en application.
Présentant les principales orientations retenues par le Sénat,
M. Paul Masson a notamment rappelé que celui-ci avait
souhaité maintenir le certificat d'hébergement et supprimer des
dispositions de nature à rendre plus difficile la maîtrise des
flux migratoires. Il a noté qu'un rapprochement entre les positions des
deux assemblées s'était opéré sur quelques
dispositions techniques ainsi que sur des dispositions sociales sur lesquelles
la commission des Affaires sociales du Sénat avait rendu un avis
circonstancié.
Le rapporteur pour le Sénat se déclarant opposé à
la réduction de la faculté d'examen par l'administration de
demandes de titres de séjour correspondant à des situations
complexes, a fait valoir qu'une telle démarche irait à l'encontre
du but poursuivi et de l'intérêt même des demandeurs. Il a
noté que la circulaire du 24 juin 1997 attestait que des
dispositions législatives n'étaient pas nécessaires pour
procéder à la régularisation de certaines
catégories d'étrangers.
Enfin, M. Paul Masson, considérant que les dispositions relatives au
droit d'asile n'amélioreraient en rien le droit applicable, a
considéré qu'au contraire elles aboutiraient à le rendre
plus complexe et qu'elles seraient utilisées par des étrangers
souhaitant se maintenir sans motif légitime sur le territoire.
M. Alain Vasselle, indiquant que la commission des Affaires sociales du
Sénat avait eu une approche technique du dispositif proposé par
le projet de loi en matière sociale, a souligné que le
Gouvernement n'avait pu apporter aucune réponse aux questions
précises qui avaient été soulevées sur ces points
devant le Sénat. Il a fait valoir le souci de simplification qui avait
motivé les modifications adoptées par le Sénat dans ce
domaine.
S'agissant du minimum vieillesse et de l'allocation aux adultes
handicapés, il s'est inscrit en faux contre l'affirmation selon laquelle
le Sénat aurait refusé aux étrangers le droit aux
prestations non contributives. Il a indiqué que, dans un souci
d'harmonisation, le Sénat avait tenu à aligner les conditions de
versement de ces prestations sur celles actuellement en vigueur pour
bénéficier du revenu minimum d'insertion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt a souhaité appeler l'attention de
l'Assemblée nationale sur certains amendements qu'il avait
défendus devant le Sénat au nom du groupe socialiste.
M. Gérard Gouzes a fait valoir que le projet de loi permettrait de
remédier à certaines situations individuelles inextricables au
plan juridique, qui avaient été soulignées dans le dernier
rapport du médiateur de la République.
S'agissant des dispositions sociales, le rapporteur pour l'Assemblée
nationale a estimé qu'un rapprochement entre les positions de
l'Assemblée nationale et du Sénat aurait été
envisageable si ce dernier n'avait pas introduit dans le dispositif une
condition de réciprocité qui aboutirait à le vider de sa
portée.
Il a enfin relevé que le débat relatif à l'autorisation de
la ratification du Traité d'Amsterdam permettrait à chacun de
déterminer sa position au regard des nouvelles règles qui
résulteraient de la mise en oeuvre de ce texte international.
M. Jacques Larché, président, après avoir à son
tour souligné que la caution des autorités morales n'était
pas l'apanage de l'une ou l'autre assemblée, a rappelé que la
discussion sur la ratification du Traité d'Amsterdam ne pourrait
être abordée sans une révision constitutionnelle
préalable, laquelle serait l'occasion d'un premier débat sur les
innovations résultant de ce traité.
Après un vote sur le texte adopté par le Sénat en
première lecture, qui a abouti au partage des voix, M. Jacques
Larché, président, a constaté l'échec de la
commission mixte paritaire.