II. LES REVENUS DE TRANSFERT AUGMENTENT
A. LA DÉGRADATION DE LA SITUATION PERSONNELLE DE NOMBREUX FRANÇAIS EXPLIQUE L'AUGMENTATION DES REVENUS DE TRANSFERT
1. La situation économique de nombreuses personnes continue de se dégrader
On observe que la situation personnelle des personnes ayant
les plus faibles revenus se détériore, notamment pour ce qui
concerne les occupants des logements sociaux.
Des éléments statistiques viennent confirmer ce que l'on
constatait depuis déjà plusieurs années sur le terrain,
à savoir une baisse des revenus des occupants du parc HLM et une
tendance à la concentration des publics en difficulté dans ces
logements.
La loi du 4 mars 1996 prévoyait une enquête triennale sur
l'occupation des logements HLM
2(
*
)
qui vient d'être
réalisée au premier semestre 1997 par les organismes HLM. Cette
enquête confirme que les revenus des occupants sont en baisse sensible.
On note en particulier qu'un ménage sur deux a des revenus
inférieurs à 60 % des plafonds de ressources fixés
pour l'accès (soit l'équivalent de moins d'un SMIC net pour une
personne seule et moins d'1,5 SMIC net pour un couple avec un enfant). Il
apparaît également qu'un ménage sur six a des revenus
inférieurs à 20 % des plafonds (soit l'équivalent de
moins de 1.700 F/mois pour une personne seule et moins de 2.600 F/mois
pour un couple avec un enfant).
De plus, l'enquête a confirmé une forte présence de
bénéficiaires du RMI et plus généralement une
très grande dépendance d'une part des locataires HLM à
l'égard des minima sociaux. On observe par ailleurs un
développement de la précarité qui frappe
particulièrement les occupants des logements HLM. L'enquête
confirme la surreprésentation dans les logements HLM de
catégories particulières de la population qui auraient des
difficultés à se loger ailleurs, on note en particulier qu'une
famille sur sept est monoparentale, une personne sur trois a moins de dix-huit
ans et une personne sur six a plus de soixante-cinq ans. Par voie de
conséquence, on observe également une sous-représentation
des jeunes ménages actifs qui ne peuvent intégrer ces logements,
notamment parce qu'ils dépassent les plafonds de ressources.
Le principal apport de l'enquête réside dans le fait qu'elle
révèle que les revenus des " emménagés
récents " (au cours des trois dernières années) sont
nettement inférieurs à ceux des autres ménages
logés en HLM. 20 % de ces ménages ont de très faibles
revenus (inférieurs à 20 % du plafond) contre 16 % pour
l'ensemble et 56 % ont de faibles revenus (inférieurs à
60 % du plafond), contre 50 % pour l'ensemble.
Répartition des emménagés
récents (ER) selon leurs revenus
en % des emménagés récents |
Ensemble des ER |
dont ZUS |
< 60 % du plafond |
56 |
69 |
dont < 20 % |
20 |
29 |
Les organismes HLM expliquent cette tendance par le fait que
l'évolution des plafonds de ressources a été
inférieure à celle des revenus et que les politiques
d'attribution ont donné la priorité aux ménages
défavorisés. Cette augmentation du nombre des ménages
à faibles revenus est d'autant plus préoccupante qu'elle illustre
la dégradation du tissu social ainsi que le risque d'une concentration
des problèmes dans certains quartiers.
Cette tendance est particulièrement observable dans les zones urbaines
sensibles (ZUS) où les ménages ont les plus faibles ressources
des locataires.
Répartition des ménages selon leurs revenus
en % des ménages |
Ensemble ménages logés en HLM |
Ménages logés
|
< 60 % du plafond |
50 |
58 |
dont < 20 % |
16 |
21 |
On y rencontre en proportion plus élevée les
chômeurs, les bénéficiaires du RMI, les familles
monoparentales et la part de la population jeunes y est supérieure.
L'ensemble de ces données confirme le rôle social très
affirmé des logements HLM et le caractère indispensable des aides
personnelles au logement.
Paradoxalement, l'augmentation du nombre de ménages à faibles et
très faibles revenus dans les logements HLM ne signifie pas que ces
derniers accueilleraient leurs véritables publics mais bien plutôt
qu'ils accueilleraient ceux qui ne peuvent se loger ailleurs et qui cumulent
les handicaps. Ces logements apparaissent désormais moins comme
l'étape d'une promotion sociale que comme une " trappe "
où viendraient s'échouer les personnes en difficulté. Pour
répondre à ce défi qui menace l'économie même
de la politique du logement, la mixité et la " circulation "
sociales doivent être favorisées pour rétablir la
continuité de la chaîne du logement. Ceci suppose un effort de
solvabilisation, de réhabilitation et de construction mais
également une véritable diversification de l'habitat social pour
que celui-ci soit à même d'accueillir des publics
différents.
2. La précédente législature avait été marquée par la progression du nombre des bénéficiaires des aides personnalisées au logement et par d'importantes réformes
Les aides personnelles au logement jouent un rôle
fondamental et irremplaçable compte tenu du contexte économique
actuel pour assurer l'accès au logement de personnes qui pourraient
autrement en être privées.
Les aides personnelles sont au nombre de trois. On distingue l'allocation de
logement à caractère familial (ALF), l'allocation de logement
à caractère social (ALS) et l'aide personnalisée au
logement (APL).
· L'ALF est une prestation familiale qui a été
créée à l'occasion de la réforme du régime
des loyers par la loi du 1er septembre 1948, elle est attribuée aux
personnes isolées et aux couples ayant des personnes à charge,
ainsi qu'aux jeunes ménages sans personne à charge, mariés
depuis moins de cinq ans qui sont soit locataires, soit accédants
à la propriété. On peut noter que le nombre des
bénéficiaires de l'ALF a baissé de près de 4 %
de 1990 à 1993 puis augmenté de 3,7 % pour atteindre 1,150
million de bénéficiaires en 1996. On peut observer
également qu'à cette hausse de 3,7 % du nombre de
bénéficiaires a correspondu une hausse de 10,2 % des
crédits affectés à cette prestation de
15,647 milliards.
· L'ALS a été créée par la loi du 16
juillet 1971 afin de venir en aide à des catégories de personnes,
autres que les familles, caractérisées par le niveau modeste de
leurs ressources (personnes âgées, handicapées, jeunes
travailleurs salariés de moins de 25 ans).
Depuis 1993, toute personne qui n'entre pas dans les conditions fixées
pour bénéficier de l'ALF ou de l'aide personnalisée au
logement, peut bénéficier de l'ALS sous seule condition de
ressources, y compris les étudiants. Cette mesure de
généralisation, communément considérée comme
un " bouclage " des aides au logement, a fait augmenter
considérablement le nombre de bénéficiaires. On observe
une augmentation de 47 % du nombre de bénéficiaires entre
1992 et 1996 qui s'est accompagnée d'une hausse de 58 % des
crédits affectés à cette allocation pendant cette
même période. Les années 1993 à 1996 ont donc
donné lieu à un fort progrès en termes de solvabilisation
des ménages.
· L'aide personnalisée au logement (APL),
créée par la loi du 3 janvier 1977, s'applique à un
parc de logements déterminés, quelles que soient les
caractéristiques familiales des occupants.
Le champ d'application de l'APL comprend :
- en accession à la propriété : les logements
financés avec des prêts aidés par l'Etat (PAP ou PC) ;
- en secteur locatif : les logements conventionnés
financés avec des PLA ou des PC locatifs, ou conventionnés avec
des subventions à l'amélioration (PALULOS ou ANAM), ainsi que les
logements existants, conventionnés sans travaux, appartenant à
des organismes d'habitation à loyer modéré ou des
sociétés d'économie mixte, ou appartenant à
d'autres bailleurs, lorsque ces logements ont bénéficié
avant 1977 des anciennes aides de l'Etat.
Le nombre de bénéficiaires de l'APL a augmenté de
11,6 % entre 1992 et 1996 alors que sur la même période les
crédits affectés à cette prestation augmentaient de
16 %.
Le nouveau barème APL qui se substitue à l'APL 1 et à
l'APL 2 est entré en vigueur au 1er avril dernier. Il s'applique
à tous les locataires du secteur conventionné, dans le parc
social comme dans le parc privé ; il est construit sur la notion de taux
d'effort qui permet de définir la dépense de logement qui peut
être laissée à la charge des ménages.
Ce taux d'effort est modulé : il décroît avec la taille
du ménage mais augmente avec le niveau de son revenu et de son loyer.
Cette mesure a permis d'améliorer la solvabilité des
ménages qui ont les taux d'effort les plus élevés et de
préserver l'aide versée aux titulaires de minima sociaux. Afin
d'améliorer l'égalité de traitement entre les
salariés et les autres bénéficiaires, certains abattements
spécifiques ont disparu alors que des revenus de transfert comme les
indemnités journalières de maternité et d'accident du
travail étaient intégrés dans l'assiette des ressources
prises en compte pour le calcul des aides.
Au-delà de cette unification, le précédent Gouvernement
avait souhaité procéder à une refonte complète du
barème de calcul des aides personnelles dans le sens d'une plus grande
justice et d'une plus grande rationalité. Le présent Gouvernement
a souhaité quant à lui, pour l'instant, privilégier une
actualisation et une revalorisation des barèmes à la poursuite
des réformes.
NOMBRE DES BÉNÉFICIAIRES DES AIDES
PERSONNELLES AU LOGEMENT
Bénéficiaires en milliers au 31.12 |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
ALF (1948) |
1155 |
1119 |
1104 |
1110 |
1145 |
1185 |
1151 |
ALS (1971) |
1043 |
1075 |
1459 |
1787 |
1953 |
2069 |
2142 |
APL (1977) |
2380 |
2507 |
2557 |
2628 |
2728 |
2795 |
2855 |
TOTAL |
4578 |
4701 |
5120 |
5525 |
5826 |
6049 |
6148 |
Les totaux sont calés sur les échelles de droite des deux
graphiques.
MONTANT DES PRESTATIONS DES AIDES PERSONNELLES AU LOGEMENT
Milliards de francs |
1990 |
1991 |
1992 |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
ALF |
12,314 |
12,799 |
13,234 |
14,200 |
14,915 |
15,396 |
15,647 |
ALS |
9,518 |
10,383 |
13,104 |
16,896 |
19,106 |
20,064 |
20,075 |
APL |
28,831 |
30,920 |
32,627 |
33,945 |
35,672 |
37,308 |
38,045 |
TOTAL |
50,663 |
54,102 |
58,965 |
65,041 |
69,693 |
72,768 |
73,767 |