C. UNE EXCLUSION QUI PROGRESSE NÉANMOINS
Après la mise en place du RMI en 1989, les effectifs d'allocataires ont connu une forte croissance puis une période de stabilisation, voire de baisse, entre fin 1991 et le second semestre 1993. Cette évolution était liée à l'effet conjugué de l'alignement des allocations familiales sur les montants métropolitains et de l'accès de nombreux bénéficiaires du RMI aux contrats emploi-solidarité (CES).
1. L'évolution du nombre des allocataires du RMI
Depuis août 1993, on constate une reprise de la
croissance du nombre de bénéficiaires du RMI du fait de la
situation économique, de la fin de l'impact de l'alignement des
allocations familiales et de la forte baisse des entrées dans le
dispositif des CES (52,5 % de moins en 1996 par rapport à 1993).
Fin juin 1996, on comptait 108.903 foyers d'allocataires, soit une
augmentation de 3 % par rapport à juin 1995. Fin juin 1997, ce
chiffre atteignait 109.503.
Le RMI concerne ainsi (personnes à la charge des allocataires incluses)
environ 245.000 personnes, soit 16% de la population des
départements d'outre-mer.
Seules la Guadeloupe et la Guyane enregistrent une légère
amélioration. La Guadeloupe qui avait jusqu'en 1992 obtenu des
résultats en matière d'insertion professionnelle
inférieurs à ceux des autres DOM, a amélioré ses
performances dans ce domaine ainsi que pour les procédures de
contrôle. La Guyane connaît également une
légère baisse, mais qui fait suite à une progression
très forte au cours des années précédentes.
2. Des moyens financiers toujours plus importants
Les moyens financiers affectés au dispositif du RMI
recouvrent les dépenses d'allocations, la créance de
proratisation et les crédits d'insertion départementaux.
Les dépenses
d'allocations
du RMI qui sont prises en charge par
l'Etat ont recommencé à progresser depuis 1994. En 1996, elles
s'élevaient à 2,075 milliards de francs
1(
*
)
et se répartissaient ainsi :
- Guadeloupe 486,7 millions de francs pour 23.852 allocataires
- Guyane 149,6 millions de francs pour 7.674 allocataires
- Martinique 448,4 millions de francs pour 24.226 allocataires
- Réunion 990,2 millions de francs pour 50.876 allocataires
Par ailleurs, en compensation du taux inférieur du RMI dans les DOM,
l'Etat participe dans ces départements au financement d'actions
d'insertion au profit des bénéficiaires du RMI, en plus de celles
de droit commun déjà financées. Ces crédits
appelés
créance de proratisation
du RMI
représentent la différence entre les allocations versées
dans les DOM chaque année et le montant qu'elles auraient atteint, en
prenant en compte le nombre de personnes qu'elles auraient concernées,
si le barème métropolitain avait été
appliqué.
Le montant de cette créance s'est élevé à :
1993 : 702,0 millions de francs
1994 : 750,0 millions de francs
1995 : 771,1 millions de francs
1996 : 812,6 millions de francs
1997 : 820,1 millions de francs
Un crédit de 790 millions de francs est prévu dans le projet
de loi de finances pour 1998. La créance sera répartie,
après avis des conseils d'administration des agences d'insertion et du
comité directeur du FEDOM, entre une part insertion et une part logement
social. En 1997, la part insertion était de 184,6 millions de
francs et la part logement de 635,5 millions de francs.
La créance de proratisation, hors la part consacrée au logement,
est désormais versée par le fonds pour l'emploi dans les DOM
(FEDOM) au budget des agences d'insertion créées pour
élaborer et mettre en oeuvre la politique d'insertion en faveur des
bénéficiaires du RMI.
La répartition entre les quatre départements d'outre-mer devait
s'établir ainsi :
Réunion : 406,85 millions de francs
Guadeloupe : 165,11 millions de francs
Martinique : 161,16 millions de francs
Guyane : 56,88 millions de francs
Enfin, dans les DOM, comme en métropole, les conseils
généraux sont tenus d'inscrire annuellement, dans leur budget, un
crédit au moins égal à 20 % des sommes versées
l'année précédente par l'Etat au titre de l'allocation de
RMI. Ces
crédits départementaux
destinés à
financer des actions favorisant l'insertion des bénéficiaires du
RMI ont représenté :
1992 : 355,8 millions de francs
1993 : 372,8 millions de francs
1994 : 374,3 millions de francs
1995 : 408,9 millions de francs
1996 : 413,6 millions de francs
1997 : 449,5 millions de francs
Les crédits d'insertion départementaux sont dorénavant
versés au budget des agences d'insertion, hormis ceux nécessaires
à la prise en charge de la couverture complémentaire de
sécurité sociale des bénéficiaires du RMI, dans la
limite de 3,75 % sur les 20 %. Les reports de crédits
d'insertion antérieurement non consommés ou mal imputés,
qui en 1995 s'élevaient à 621,6 millions de francs, dont
243,2 millions de francs de cotisations d'assurance personnelle
affectées à tort à ce compte, sont versés sur trois
ans aux agences d'insertion.
3. Les résultats encore limités des agences d'insertion
Pour enrayer l'évolution du RMI dans les DOM, la loi
n° 94-638 du 25 juillet 1994 tendant à favoriser
l'emploi, l'insertion et les activités économiques dans les
départements d'outre-mer, à St-Pierre-et-Miquelon et à
Mayotte, s'était fixé pour objectifs principaux :
- de favoriser la reprise d'activité des
bénéficiaires du RMI en développant les
possibilités d'insertion professionnelle, notamment par la
création des contrats d'insertion par l'activité (CIA),
- d'améliorer la définition et la mise en oeuvre d'une
politique d'insertion couvrant les différents domaines de l'emploi, de
la formation professionnelle, du logement, de la santé, de l'action
sociale et de la lutte contre l'illettrisme,
- d'optimiser le fonctionnement du dispositif d'insertion du RMI et la
gestion de ses moyens humains et financiers.
Dans chaque DOM a été créée une agence
départementale d'insertion (ADI), établissement public national
à caractère administratif, placée sous tutelle du ministre
chargé de l'outre-mer, et se substituant au conseil départemental
d'insertion. Administrée par un conseil d'administration
coprésidé par le préfet et le président du conseil
général, dirigée par un directeur auprès de qui est
placé un comité d'orientation, l'ADI est chargée
d'élaborer le programme départemental d'insertion (PDI) et le
programme annuel de tâches d'utilité sociale (PATUS), d'en animer
et piloter la réalisation, de coordonner l'activité des
commissions locales d'insertion, de développer le partenariat, d'assurer
la gestion des personnels intervenant dans le dispositif d'insertion du RMI.
L'ADI est par ailleurs l'employeur unique des bénéficiaires du
RMI recrutés en CIA.
Le budget des ADI s'est élevé à 811,6 millions de
francs en 1997, regroupant les crédits suivants :
- la créance de proratisation du RMI, hors la part consacrée
au logement qui vient directement abonder la ligne budgétaire unique
(LBU) déléguée aux directions de l'équipement :
184,6 millions de francs ;
- les 20 % obligatoires des départements, hors les 3,75 %
consacrés à la couverture complémentaire de
sécurité sociale : 449,5 millions de francs ;
- la participation du FEDOM au financement des CIA : 169,4 millions
de francs ;
- la contribution financière des utilisateurs auprès
desquels l'ADI place des personnes en CIA : 8,100 millions de francs.
Ces crédits ont été répartis de la manière
suivante :
Guadeloupe : 200.752.680 F
Martinique : 164.255.781 F
Guyane : 75.920.044 F
Réunion : 370.706.164 F
Les agences d'insertion ont été officiellement mises en place au
1er octobre 1995. L'année 1996 a été une
période d'installation et de démarrage, et il est encore
prématuré d'établir leur impact réel sur
l'évolution du RMI. Toutefois, on peut constater que les programmes
d'activité (PDI et PATUS) ont été élaborés,
adoptés et mis en oeuvre et que les crédits ont été
mieux utilisés.
Les bilans-étapes relatifs à l'activité des agences pour
1997 confirment les tendances de l'année 1996 : les contrats d'insertion
conclus en 1997 à la Réunion et à la Guadeloupe seront
plus nombreux qu'en 1996, améliorant ainsi le taux de couverture de
l'insertion qui, au 30 août 1997, atteignait plus de 53 %
à la Réunion et plus de 50 % à la Guadeloupe alors
que la moyenne nationale est estimée à 48 %.
Trois grandes priorités se dégagent :
-
l'insertion par l'activité,
qui donne la priorité
au retour ou à l'accès à l'emploi en articulation avec les
mesures pour l'emploi (CIA notamment) dans le cadre d'un parcours d'insertion
où la formation tient une place privilégiée.
Elle prend des formes différentes selon les agences. C'est ainsi qu'en
Guyane, des actions en faveur de l'insertion en milieu rural ont permis
d'installer 30 bénéficiaires du RMI sur des parcelles agricoles,
de soutenir des associations et des groupements à vocation agricole ;
- l'insertion par l'action sociale
qui recouvre à la fois
des aspects sanitaires (lutte contre l'alcoolisme et la toxicomanie) et des
aspects sociaux (alphabétisation, aide aux familles) ;
- l'insertion par le logement et l'amélioration du cadre de vie
avec :
. la mise en place d'outils de connaissance et d'analyse des besoins des
publics défavorisés : fichier centralisé de la demande de
logements sociaux ; création d'un observatoire du logement
cogéré par l'Etat et le département en Guadeloupe ;
enquête logement menée par les secrétariats des commissions
locales d'insertion ;
. des actions individuelles ou collectives visant à
améliorer ou réhabiliter l'habitat des ménages
défavorisés (ADI de la Réunion) ;
. des actions d'accompagnement au relogement (Réunion) ;
. le renforcement des structures d'accueil de type centre
d'hébergement et de réadaptation sociale en faveur des plus
démunis (Martinique et Guyane).
Le programme annuel de tâches d'utilité sociale (PATUS)
représente en masse financière plus de 365 millions de francs,
soit 45 % des dépenses.
Le tableau ci-après montre la part du PATUS et des autres actions
d'insertion du PDI dans les budgets primitifs 1997 des ADI
(en millions de francs)
Département |
PATUS |
Autres actions d'insertion |
Fonctionnement et équipement |
TOTAL |
Réunion |
163,10 |
147,30 |
60,30 |
370,70 |
Guadeloupe |
93,90 |
84,80 |
22,05 |
200,75 |
Martinique |
83,10 |
63,90 |
17,25 |
164,25 |
Guyane |
25,30 |
32,00 |
18,65 |
75,95 |
TOTAL |
365,40 |
328,00 |
118,25 |
811,65 |
A ce jour, ont pu ainsi être conclus 13.872 contrats
d'insertion par l'activité répartis comme suit :
- Réunion : 7.952 contrats sur 7.350 attendus
- Guadeloupe : 2.841 contrats sur 3.450 attendus
- Martinique : 2.096 contrats sur 3.150 attendus
- Guyane : 983 contrats sur 1.050 attendus
L'examen de ces programmes d'actions fait apparaître quatre secteurs
principaux d'intervention :
- dans le domaine de l'environnement :
en complément des
dispositifs déjà existants, les actions sont menées sur
l'entretien et l'accueil des sites touristiques, ainsi que l'aménagement
des espaces publics et la réhabilitation des quartiers ;
- dans le domaine de l'éducation :
les projets
intéressent aussi bien la sécurité des enfants dans les
établissements, leur accompagnement dans les transports scolaires, que
le soutien scolaire et l'animation sportive ;
- dans le domaine social :
ce sont des services proposés aux
personnes âgées dépendantes (animation 3ème
âge), aux familles et aux personnes en difficulté ;
- dans le domaine culturel et touristique :
les projets concernent
aussi bien l'animation de quartier que des actions de formation menées
par les offices du tourisme.
Ces programmes répondent tous à une double préoccupation :
la formation des salariés en CIA et l'aide à l'encadrement qui
doit accompagner le salarié dans la réalisation des travaux qui
lui sont confiés. Ils ont été conçus en
articulation étroite avec les autres actions du programme
départemental d'insertion dont ils sont une composante.
Au total, le bilan de 1996 indique globalement un redressement, lié
essentiellement à la réalisation de 9.094 CIA. Au total, sur
l'année, 22.097 bénéficiaires du RMI sont
entrés dans une des mesures pour l'emploi.
Année |
Nombre de bénéficiaires du RMI entrés dans les mesures pour l'emploi |
1991 |
16.721 |
1992 |
31.138 |
1993 |
16.964 |
1994 |
13.717 |
1995 |
15.556 |
1996 |
22.097 |
1 er semestre 1997 |
10.183 |
En 1996, les 22.097 entrées dans les différentes
mesures pour l'emploi se répartissent de la façon suivante :
Mesures pour l'emploi |
Nombre d'entrées de bénéficiaires RMI en 1996 |
Evolution sur un an 1996/1995 |
Nombre d'entrées de bénéficiaires du RMI au cours du 1er semestre 1997 |
Contrat emploi-solidarité |
8.864 |
- 20,7 % |
2.541 |
Contrat emploi-consolidé |
530 |
16,7 % |
312 |
Contrat d'insertion par l'activité |
9.094 |
--- |
6.370 |
Contrat d'accès à l'emploi |
1.527 |
6,7 % |
568 |
Stage d'insertion et de formation à l'emploi |
2.082 |
- 16,7 % |
392 |
TOTAL |
22.097 |
42,0 % |
10.183 |
Malgré les progrès enregistrés, ces chiffres montrent la faiblesse des résultats enregistrés rapportés au nombre d'allocataires, puisqu'un cinquième seulement d'entre eux sont touchés par les mesures pour l'emploi.
*
En dépit de cette réserve, votre commission
tient à souligner l'importance des mesures concernant la formation des
travailleurs d'outre-mer, le maintien du service militaire adapté ainsi
que la prise en compte accrue de l'impact sur l'emploi, des aides fiscales
à l'investissement.
Sur ce dernier point, figurant dans la première partie du présent
projet de loi de finances, votre commission approuve que la création ou
le maintien d'emplois figure désormais parmi les critères de
délivrance de l'agrément à l'investissement mais elle
s'inquiète des conséquences, en termes de postes de travail, de
la modification apportée par l'Assemblée nationale au dispositif
de défiscalisation.
En effet, selon les chiffres fournis par la direction générale
des impôts, l'ensemble des investissements agréés en 1996,
représentant un montant total de 5,6 milliards de francs, a permis
la création de près de 1.850 emplois directs ; or, la
quasi-totalité des projets, soit 5,2 milliards, a été
réalisée par des personnes physiques investissant à titre
non professionnel, grâce à la possibilité de déduire
de leur revenu net global, les déficits relevant de la catégorie
des bénéfices industriels et commerciaux non professionnels. La
remise en cause de cette disposition revient à supprimer l'un des
leviers les plus efficaces pour attirer les fonds privés et ne pourra
donc qu'avoir des effets gravement dommageables sur l'emploi.