VII. L'INDUSTRIE FRANÇAISE DE L'ÉLECTRONIQUE ET DE L'INFORMATIQUE
L'industrie de l'électronique et de l'informatique est
particulièrement soumise à la " globalisation des
marchés ".
Internationalisation des échanges, délocalisation des centres de
production et de recherche, mobilité du capital,
homogénéité des produits sont autant
d'éléments qui caractérisent ce secteur et qui stimulent
la concurrence entre les acteurs. La volonté de gagner des parts de
marché engendre une guerre des prix notamment dans les secteurs des
biens destinés au grand public. Ainsi dans la micro-informatique,
malgré la disparition de nombreux petits fabricants asiatiques, les prix
enregistrent une baisse de 20 à 30 % chaque année.
L'électronique grand public continue pour sa part de connaître une
érosion régulière des prix de 5 % par an à la
fois sur les marchés européens et américain.
C'est entre 1991 et 1993 que le Japon et l'Europe ont été
les plus touchés par la récession. La crise a été
particulièrement brutale au Japon où, pour la première
fois, un certain nombre de grands groupes de l'électronique, comme
" Matsuhita ", " Sony " ou
" Fujitusu ", ont
enregistré des pertes importantes. Les acteurs ont réagi, d'une
manière générale, à cette situation par la mise en
place d'importants plans de restructuration notamment dans les secteurs de
l'électronique grand public, de l'informatique et de
l'électronique professionnelle.
Depuis 1994, ces industries paraissent à nouveau engagées dans un
cycle de croissance significatif même si pour 1997 et 1998 les
prévisions sont plus modérées.
Le développement des
réseaux locaux
, des
télécommunications
mobiles
, des
activités
multimédias
ou encore des "
autoroutes de
l'information
" constitue, aujourd'hui, un important facteur de
renouvellement des marchés.
Les négociations internationales ont, en la matière, pour
objectif l'élimination des droits de douane sur les produits relatifs
aux technologies de l'information, en excluant les produits de
télécommunications et l'électronique grand public,
domaines où la présence américaine est proportionnellement
moins forte. Le but reste l'élimination de l'ensemble des obstacles au
commerce comprenant, au-delà des aspects tarifaires, les aspects non
tarifaires (réglementation, restrictions de participation aux
marchés, aux programmes publics notamment de recherche et
développement...).
Le marché français a également profité en 1996 du
mouvement de reprise enregistré au niveau international. L'industrie a
confirmé le redressement engagé depuis quelques années
comme en témoigne l'évolution de la balance commerciale dans le
secteur de l'électronique et de l'informatique :le taux de
couverture de l'ensemble du secteur, qui était de 76 % en 1993, est
aujourd'hui de 90 %. Il s'améliore d'une manière
régulière tous les ans.
Certains secteurs demeurent fortement déficitaires (composants passifs,
matériel de bureau, électronique grand public) ; il convient
néanmoins de souligner que l'amélioration est sensible dans
presque tous les domaines. Ce redressement, " tiré " par les
exportations, paraît traduire une amélioration de la
compétitivité du secteur.
La
situation financière des grands groupes français
engagés dans l'électronique s'est consolidée, mais reste
encore fragile pour un certain nombre d'entre eux.
Dans l'informatique, le résultat net de Bull s'est
amélioré de 23 % en 1996 (376 millions de francs de
bénéfices) et les résultats du premier semestre 1997,
traditionnellement difficile pour l'entreprise, sont pour la première
fois positifs. Toutefois, la rentabilité de ce groupe reste en
deçà de celle des ses principaux concurrents.
Dans les
télécommunications
, Alcatel, après
25 milliards de pertes en 1996, a renoué avec les
bénéfices (2,7 milliards de francs de résultat net en
1996).
Le groupe Lagardère a dégagé, quant à lui, un
bénéfice net en hausse de 64 % (1,038 milliards de
francs en 1996).
En revanche, la situation des entités composant le groupe Thomson SA est
plus contrastée : Thomson CSF a renoué avec les
bénéfices (745 millions de francs en 1996) et Thomson
Multimédia améliore progressivement ses résultats
d'exploitation (769 millions de francs de pertes au premier
semestre 1997) même s'il reste encore très déficitaire
(3,1 milliards de pertes en 1996) du fait, notamment, du poids de son
endettement (17 milliards de francs). Enfin, la rentabilité de SGS
Thomson, bien que toujours positive, a été divisée par
deux.
Dans les télécommunications,
la France se situe parmi les pays
" leaders "
aussi bien dans les
services
(cinquième
place) que dans les
équipements
(quatrième place), la
balance commerciale étant, dans ce dernier segment, fortement
excédentaire. Néanmoins la pression concurrentielle
exercée sur les opérateurs par l'ouverture progressive des
marchés se transmet en amont aux industriels.
Dans
l'informatique
, le chiffre d'affaires en valeur du secteur
-reposant essentiellement sur la micro-informatique- est resté stable.
Cela résulte d'une part de la poursuite en 1996 de la baisse des prix
des matériels et d'autre part d'une croissance en volume positive qui
reste cependant inférieure à celle du marché
européen.
Dans le secteur des
services
(avec en particulier, le
développement des logiciels), les résultats s'améliorent
avec une croissance de près de 5 % pour l'année 1996.
Dans les
composants
, après deux années de forte
croissance, le marché mondial a reculé en 1996 du fait
notamment de la concurrence qui continue de peser fortement sur les prix. Dans
ce contexte, les performances des entreprises françaises sont
restées satisfaisantes, témoignant du redressement
opéré depuis quelques années dans ce secteur.
Le marché de
l'électronique grand public
reste
caractérisé par une baisse des prix expliquant en partie la
diminution des ventes en valeur entre 1995 et 1996. Dans les produits
classiques de l'électronique grand public (téléviseurs,
magnétoscopes), compte tenu du niveau élevé des taux
d'équipement dans les pays industrialisés, les
potentialités de croissance se situent essentiellement sur les segments
haut de gamme du secteur. La bonne tenue, en France, pendant
l'année 1996 du marché des téléviseurs
16/9ème et du marché des combinés TV/magnétoscopes
rend compte de cette tendance. Les perspectives de développement de
l'électronique grand public demeurent cependant liées au
développement du multimédia et à la numérisation
des réseaux.
La reprise constatée dans le secteur de
l'électronique
professionnelle
fait suite à quatre années
consécutives de baisse de l'activité. Les perspectives sont
essentiellement conditionnées par le redéploiement entre le
marché de l'électronique civil, dont les commandes ont
augmenté en 1996 (+ 20 %), et le marché de
l'électronique militaire qui a connu en 1996 une importante baisse
(-14 % au niveau des commandes).
L'électronique professionnelle,
deuxième producteur du secteur électronique et informatique,
demeure l'un des fleurons de l'électronique française.
En 1996, elle employait directement 41.500 personnes et présentait
une balance commerciale fortement excédentaire (excédent de
8,3 milliards de francs). La baisse de l'activité militaire et
l'exigence d'une grande compétitivité conduisent néanmoins
les industriels du secteur et notamment les grands groupes (Thomson CSF par
exemple) à engager des mouvements de réorganisation et de
restructuration à l'échelle nationale voire européenne.
TABLEAU 1
EVOLUTION EN % DU MARCHÉ MONDIAL DES
INDUSTRIES DE L'INFORMATION ET DE COMMUNICATION
En % |
1994 |
1995 |
1996 |
1997 |
Europe |
7,3 |
8,7 |
7,4 |
7,3 |
Etats-Unis |
6,2 |
10,2 |
9,8 |
9,2 |
Japon |
5,5 |
7,4 |
7,9 |
6,4 |
Reste du monde |
10,1 |
13,8 |
12,1 |
10,6 |
Monde |
7,2 |
10,0 |
9,5 |
8,1 |
TABLEAU 2
EVOLUTION DU COMMERCE EXTÉRIEUR DE LA
FRANCE
DANS LES SECTEURS DE L'ÉLECTRONIQUE (TAUX DE COUVERTURE)
En % |
1993 |
1994 |
1995 |
1996 |
Bureautique |
60 |
58 |
64 |
68 |
Matériels informatiques |
63 |
62 |
68 |
74 |
Composants |
80 |
90 |
101 |
107 |
Télécommunications (industrie) |
163 |
154 |
157 |
175 |
EGP |
58 |
59 |
68 |
69 |
Electronique médicale |
141 |
143 |
130 |
131 |
Matériel de mesure et contrôle |
96 |
97 |
101 |
100 |
ENSEMBLE |
77 |
78 |
85 |
90 |
*
* *
Votre rapporteur pour avis a interrogé le
secrétaire d'Etat à l'Industrie sur les suites qu'il entendait
donner à huit des dix-sept orientations retenues par son
prédécesseur au Conseil des ministres du 10 avril 1996
dans le cadre du " plan pour la relance de la croissance par
l'innovation "
1(
*
)
:
- faire bénéficier les PMI des résultats des grands
programmes technologiques ;
- faciliter les initiatives des acteurs de l'innovation par une
concurrence public-privé loyale ;
- utiliser les marchés publics pour inciter les entreprises
soumissionnaires à innover ;
- faire évoluer l'ANVAR pour accroître l'efficacité
économique de ses actions au service de la croissance et de
l'emploi ;
- adapter le système de protection de l'innovation aux besoins des
entreprises ;
- donner aux PMI un interlocuteur unique pour les procédures
technologiques ;
- mieux utiliser le budget civil de recherche et de développement
(BCRD) et EUREKA pour positionner la France sur les technologies
clés ;
- affecter une dotation de 500 millions de francs au renforcement des
fonds propres des PMI innovantes.
En réponse, M. Christian Pierret a apporté des précisions
qui peuvent constituer, aux yeux de votre rapporteur pour avis, des
éléments de consensus.
L'innovation sera facilitée par des mesures tendant à assurer une
concurrence plus loyale entre le secteur public et le secteur privé.
Le système de l'interlocuteur unique, facteur déterminant de
simplification administrative, pour les PMI devrait être
généralisé.
La France avait un sérieux déficit à combler en
matière de capital risque ( une dotation d'un milliard de francs
résultant de la privatisation de France Télécom devrait
être affectée à cet objectif en 1998).
L'ANVAR ne devrait plus se substituer aux organismes de capital-risque ni
disperser ses actions mais, au contraire, se concentrer sur les entreprises de
moins de 2.000 personnes.
L'ensemble des procédures " ANVAR " d'aide à la
recherche font d'ailleurs l'objet d'une étude.
S'agissant de la protection de l'innovation, il importe de rendre moins
coûteux et de mieux protéger les brevets, licences, acquis
technologiques et marques ; le futur protocole européen de Madrid
devrait faciliter l'établissement d'une zone de garantie
européenne.
Il convient de relever l'importance de la contribution française au
programme EUREKA, bien supérieure à celle de l'Allemagne,
notamment dans trois volets (composants, multimédia, sciences du
vivant).**
Il importe de renforcer les fonds propres des PMI en mettant l'accent sur
l'adaptation de la fiscalité de la transmission des entreprises de ce
secteur.
*
* *
L'ensemble de ces orientations est apparu à votre
rapporteur pour avis comme s'inscrivant dans la continuité de la
politique d'innovation entreprise, depuis plusieurs années, dans le
secteur industriel.
En conséquence, il propose à votre commission de s'en remettre
à la sagesse de la Haute Assemblée sur les crédits de
l'industrie.
La commission a décidé de s'en remettre à la sagesse du
Sénat sur les crédits consacrés à l'industrie dans
le projet de loi de finances pour 1998.