AUDITION DE M. JEAN DAUBIGNY, DÉLÉGUÉ INTERMINISTÉRIEL À LA VILLE ET AU DÉVELOPPEMENT SOCIAL URBAIN
Au cours de sa réunion du mercredi 12 novembre 1997,
sous la présidence de
M. Jean Huchon, vice-président, la
commission a procédé à l'audition de M. Jean Daubigny,
délégué interministériel à la ville et au
développement social urbain.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel à
la ville et au développement social urbain,
a tout d'abord
déclaré que les textes d'application de la loi portant pacte de
relance pour la ville du 14 novembre 1996 étaient parus dans
un délai très bref, entre le mois de décembre 1996 et le
mois de février 1997. Il a souligné tout l'engagement de son
prédécesseur, M. le préfet Francis Idrac et celui de la
Délégation interministérielle à la ville (DIV),
pour parvenir à cette publication. Il a rappelé que le dispositif
du pacte de relance s'était ajouté aux contrats de ville et il a
indiqué que l'on était désormais dans l'attente des
conclusions de la réflexion confiée à M. Jean-Pierre
Sueur par le ministre de l'emploi et de la solidarité.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis du budget de la ville
, a
souhaité obtenir une évaluation de l'ensemble des
exonérations fiscales et sociales votées en 1996 en faveur des
Zones franches urbaines (ZFU).
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
répondu que l'analyse des premiers résultats obtenus dans les
zones franches se heurtait à une difficulté
méthodologique, les déclarations fiscales et sociales qui lui
servaient de base n'étant pas encore toutes disponibles. Il a
observé qu'il existait des transferts d'entreprises en direction des
ZFU, sans qu'il soit possible de connaître leur incidence en termes de
création d'emplois au profit des habitants des zones franches. Il a
estimé qu'avant de présenter une estimation des résultats,
il était souhaitable de distinguer entre les intentions des entreprises
et les résultats tangibles qui avaient été obtenus. Il a
ajouté que les résultats variaient d'une zone franche à
l'autre et qu'en l'état actuel, il était difficile
d'établir une typologie. Il a observé que les élus locaux
étaient sensibles aux " effets d'aubaine " dont
bénéficiaient certaines entreprises qui se délocalisaient
vers une zone franche, afin d'en retirer des avantages sans pour autant
créer d'emplois.
M. Gérard Larcher
a souligné que seuls 40 % du
contingent d'emplois de ville créé en mai 1996 avaient
été utilisés jusqu'à présent. Il a
estimé que cette situation résultait d'un problème
" d'employabilité " des jeunes et observé que
l'accroissement du budget de la ville procédait pour 80 % de
l'imputation de crédits des emplois-jeunes qui seraient, en principe,
créés dans les zones urbaines sensibles (ZUS).
En réponse,
M. Jean Daubigny, délégué
interministériel à la ville et au développement social
urbain,
a déclaré qu'une partie de la population sans emploi
résidant dans les ZUS était qualifiée et apte à
tenir un emploi, mais qu'elle se heurtait à des difficultés
très variées : manque de transports en commun, réticences
qu'inspirait le quartier où résidaient ces personnes voire
même, parfois, des attitudes discriminatoires. Il a ajouté qu'il
existait un fort potentiel de main d'oeuvre disponible dans ces zones et qu'une
action concertée des services de l'Etat et de l'Agence nationale pour
l'emploi (ANPE) tendant à recenser les ressources humaines pour
préparer les implantations d'entreprises, avait donné lieu
à des résultats fructueux.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
déclaré que la création effective de 10.000 emplois
de ville -correspondant à 40 % seulement du contingent prévu
pour 1996- s'expliquait par la lenteur du démarrage du dispositif en
1996. Il a précisé que celui-ci avait atteint, à compter
du début 1997, un rythme de croisière à hauteur de 1.000
à 1.200 contrats créés par mois. Il a ajouté que
les emplois de ville étaient relativement difficiles à
créer dans la mesure où beaucoup d'associations
intéressées par eux estimaient que leur coût restait trop
élevé, et où ils ne devaient pas concurrencer des
activités existantes. Estimant en outre que l'obligation de recruter des
jeunes résidant dans les ZUS et n'ayant pas dépassé le
niveau du baccalauréat limitait l'efficacité du dispositif ; il a
évoqué les réticences manifestées par certains
employeurs, qui souhaitaient pouvoir recruter également des jeunes
en-dehors des ZUS. Il a, enfin, fait valoir que certains emplois
nécessitaient un niveau de formation supérieur au
baccalauréat et que les 400 heures de formation -payées 23
francs de l'heure aux organismes de formation- n'étaient probablement
pas suffisantes, ce qui rendait nécessaire une action des
collectivités locales et des organismes employeurs.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
observé que si la question de la formation se posait dans des termes
analogues pour les emplois-jeunes, elle pouvait être satisfaite par un
effort analogue des collectivités locales. Il a relevé que le
dispositif des emplois-jeunes ne faisait pas disparaître les dispositifs
d'insertion, et a précisé que les préfets auraient
à s'assurer de la qualité de la formation dans les dossiers de
projets déposés dans le cadre des appels d'offre destinés
à la création des emplois-jeunes.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis du budget de la ville
,
s'est ensuite inquiété de l'incidence de la réduction des
fonds structurels européens sur la politique de la ville. Il a
indiqué qu'à Valenciennes, par exemple, ceux-ci jouaient un
rôle capital. Il a suggéré d'allonger d'un an la
durée des contrats de ville, afin que ceux-ci viennent à
échéance en 1999, tout comme les fonds structurels
européens.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a jugé
que l'exemple de Valenciennes était en effet intéressant, puisque
cette ville était éligible à l'ensemble des aides
européennes. Il a évoqué les difficultés de mise en
oeuvre des fonds européens, compte tenu des critères figurant
dans les documents uniques de programmation, et les problèmes
posés par la mobilisation des crédits nationaux
nécessaires à la mise en oeuvre des fonds européens.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis du budget de la ville
, a
demandé pourquoi l'établissement public d'aménagement et
de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux (EPARECA) ne
fonctionnait toujours pas, bien qu'il ait fait l'objet d'un décret en
février 1997.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
invoqué les délais nécessaires à la
désignation de tous les membres du conseil d'administration. Il a
ajouté que la Délégation interministérielle
à la ville (DIV) avait cependant entamé des travaux
préparatoires à ceux de l'EPARECA dès le printemps dernier.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis du budget de la ville
, a
rappelé que dans de nombreux pays européens, et
spécialement en Grande-Bretagne, on avait entrepris des actions de
responsabilisation des parents, allant même jusqu'à l'interdiction
faite aux enfants de se trouver à des heures données dans
certaines parties de la ville. Il a jugé que les habitants des zones en
difficulté avaient plus que tout autre droit à la
sécurité.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
observé que les arrêtés pris par certains maires cet
été avaient été annulés par le juge
administratif. Il a fait valoir que des mesures analogues avaient
été prises dans certains comtés des Etats-Unis sans qu'on
puisse observer une corrélation claire entre ces mesures d'interdiction
et l'évolution de la délinquance juvénile.
Mme Anne Heinis
a estimé que la lutte contre la
délinquance juvénile était une oeuvre de longue haleine,
et a jugé qu'il était souhaitable d'avoir des exigences
vis-à-vis des enfants. Elle a déploré que certains adultes
ressentent une telle réticence à assumer leurs
responsabilités éducatives, alors même que les enfants
attendaient d'eux qu'ils les exercent.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
s'est dit, lui
aussi, convaincu que les jeunes avaient besoin de références pour
construire leur personnalité. Il a convenu qu'il était
nécessaire de responsabiliser des parents qui avaient eux-mêmes,
bien souvent, perdu toutes références, et précisé
que la DIV était attentive à ce problème. Il a
estimé que les jeunes filles et les femmes devaient jouer un rôle
important en la matière, compte tenu de la place qu'elles occupaient
dans la famille.
M. Hilaire Flandre
a considéré qu'il conviendrait
peut-être de modifier la loi si elle empêchait d'interdire aux
enfants menacés par la délinquance de sortir au-delà d'une
certaine heure. Il a estimé souhaitable de rendre une identité
à certaines zones urbaines, notamment en associant leurs habitants
à la vie collective par le biais des conseils de quartier.
M. Dominique Braye
a souligné, s'agissant des exonérations
fiscales et sociales applicables aux ZFU, que l'administration devrait
interpréter les mesures prévues par le pacte de relance d'une
façon claire et uniforme sur tout le territoire national.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
lui a
indiqué que la DIV était en contact permanent, sur ce point, avec
la direction générale des impôts et la direction de la
sécurité sociale et que consigne avait été
donnée aux services extérieurs de rendre compte aux
administrations centrales des difficultés rencontrées pour
garantir une application harmonisée du dispositif.
M. Gérard Larcher, rapporteur pour avis
, a rappelé que la
Caisse régionale d'assurance maladie (CRAM) d'Ile-de-France avait
demandé à des associations ayant la responsabilité
d'encadrer des jeunes sous tutelle juridique de loger ceux-ci dans le secteur
HLM plutôt que dans le secteur libre pour diminuer le " prix de
journée ", situation qu'il a jugée particulièrement
regrettable.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
lui a
indiqué qu'il se pencherait sans délai sur cette question.
Mme Anne Heinis
a demandé des précisions sur les
dispositifs d'aide et de rattrapage destinés aux élèves en
difficulté, soulignant que ce soutien était très
apprécié par les jeunes et qu'il conviendrait de l'étendre
à toutes les zones urbaines sensibles.
M. Jean Daubigny, délégué interministériel
à la ville et au développement social urbain,
a
rappelé que l'action de nombreuses associations de soutien scolaire
était soutenue financièrement grâce à des
crédits déconcentrés à disposition des
préfets, que le dernier comité interministériel de la
ville avait approuvé la signature d'une convention de partenariat avec
la fondation étudiante pour la ville et qu'au surplus, une action
analogue était menée chaque année dans le cadre de
l'opération " école ouverte ".
Mme Anne Heinis
a souhaité que ces actions ne se limitent pas aux
seuls jeunes volontaires mais à tous ceux qui rencontraient des
difficultés.