AVIS N° 87 Tome XIX - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 ADOPTE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE - AVIATION CIVILE ET TRANSPORT AERIEN
M. Jean-François LE GRAND, Sénateur
Commission des Affaires économiques et du Plan - Avis n° 87 Tome XIX - 1997/1998
Table des matières
-
CHAPITRE IER -
LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES -
CHAPITRE II -
LE TRANSPORT AÉRIEN : LA NÉCESSITÉ DE S'ADAPTER À LA NOUVELLE DONNE MONDIALE ET EUROPÉENNE- I. LE CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN
- II. LES AILES FRANÇAISES
-
CHAPITRE III -
LES INFRASTRUCTURES AÉROPORTUAIRES- I. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION
- II. LA POLITIQUE AÉROPORTUAIRE
-
CHAPITRE IV -
LA CONSTRUCTION AÉRONAUTIQUE- I. LE REDRESSEMENT DU MARCHÉ AÉRONAUTIQUE...
- II. ... PROFITE AUX ENTREPRISES FRANÇAISES DU SECTEUR
- III. UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION
- EXAMEN PAR LA COMMISSION
N° 87
SÉNAT
SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998
Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.
AVIS
PRÉSENTÉ
au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME XIX
AVIATION CIVILE ET TRANSPORT AÉRIEN
Par M. Jean-François LE GRAND,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Jean
François-Poncet,
président
; Philippe François,
Henri Revol, Jean Huchon, Fernand Tardy, Gérard César, Louis
Minetti,
vice-présidents
; Georges Berchet, William Chervy,
Jean-Paul Émin, Louis Moinard,
secrétaires
; Louis
Althapé, Alphonse Arzel, Mme Janine Bardou, MM. Michel Barnier, Bernard
Barraux, Michel Bécot, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer,
Jacques Braconnier, Gérard Braun, Dominique Braye, Michel Charzat,
Marcel-Pierre Cleach, Roland Courteau, Désiré Debavelaere,
Gérard Delfau, Fernand Demilly, Marcel Deneux, Rodolphe
Désiré, Michel Doublet, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard
Dussaut
,
Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Hilaire Flandre, Aubert
Garcia, François Gerbaud, Charles Ginésy, Jean Grandon, Francis
Grignon, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson,
Rémi Herment, Bernard Hugo, Bernard Joly, Gérard Larcher, Edmond
Lauret, Pierre Lefebvre, Jean-François Le Grand, Kléber
Malécot, Jacques de Menou, Louis Mercier, Jean-Baptiste Motroni,
Jean-Marc Pastor, Jean Pépin, Daniel Percheron, Jean Peyrafitte, Bernard
Piras, Alain Pluchet, Jean Pourchet, Jean Puech, Jean-Pierre Raffarin, Paul
Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Roger Rigaudière, Roger
Rinchet, Jean-Jacques Robert, Jacques Rocca Serra, Josselin de Rohan,
Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, M. Henri Weber.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale
(
11
ème législ.) :
230
,
305
à
310
et T.A.
24
.
Sénat
:
84
et
85
(annexe n°
23
)
(1997-1998).
Lois de finances. |
Mesdames, Messieurs,
Le secteur de l'aviation civile et du transport aérien est en pleine
effervescence. C'est ainsi qu'ont été annoncés ces
derniers jours, par exemple, le prochain lancement par British Airways d'une
nouvelle compagnie aérienne à prix réduits qui commencera
son activité en Europe l'année prochaine, les difficultés
que connaît le lancement de l'Airbus A340 allongé en raison de
l'absence d'assurance de British Aerospace de recevoir des avances
remboursables de la part de son Gouvernement, ainsi qu'une nouvelle dont il
faut se féliciter : la nette progression du chiffre d'affaires du groupe
Air France au premier semestre de son exercice 1997-1998 (+ 8,5 %).
Dans cette conjoncture en rapide évolution, se pose la question de
savoir quelle place la France se donnera les moyens d'occuper dans un ciel
européen désormais totalement ouvert à la concurrence.
Le problème de la répartition du trafic au sein du système
aéroportuaire parisien et le dossier de l'éventuel
troisième aéroport en région parisienne, à
Beauvilliers, restent également en suspens.
Par ailleurs, la fusion de Boeing et de Mc Donnell Douglas ne risque-t-elle pas
de menacer l'existence même d'Airbus ? Comment l'Europe pourra-t-elle
contrer efficacement la stratégie d'exclusivité menée par
l'avionneur américain ?
Telles sont quelques unes des questions que ce rapport pour avis a pour
ambition de soulever.
C'est dans cette perspective, qu'après avoir brièvement
présenté les principales évolutions des crédits
budgétaires pour 1998, votre Commission des Affaires économiques
s'attachera à examiner, branche par branche, la situation des
principales activités concernées.
CHAPITRE IER -
LES DOTATIONS BUDGÉTAIRES
Depuis 1992, les crédits relatifs à l'aviation
civile et au transport aérien sont regroupés dans deux documents
budgétaires :
1.
Le budget annexe de l'aviation civile
(BAAC), qui recouvre le
contrôle aérien, les infrastructures aéroportuaires et la
gestion courante du secteur, notamment les charges de personnel de la
navigation aérienne et la formation des pilotes.
2. Une section intitulée "
Transports aériens
"
du fascicule Transport du budget du ministère de l'Equipement et des
Transports, du Logement et du Tourisme. Contrairement à ce que cet
intitulé " Transports aériens " pourrait laisser
supposer, ce fascicule ne concerne pas les activités de transport
aérien mais rassemble, pour l'essentiel, les crédits
affectés à la construction aéronautique.
Votre commission pour avis entend, par ailleurs, présenter la situation
du Fonds de péréquation des transports aériens, dont les
crédits figurent dans un compte d'affectation spéciale, en raison
de l'importance majeure que ce Fonds est appelé à jouer dans
l'aménagement aérien du territoire.
I. LE BUDGET ANNEXE DE LA NAVIGATION AÉRIENNE
Rappelons qu'à l'initiative de la Commission des
Finances du Sénat, le Gouvernement a remis au Parlement -en application
de l'article 99 de la loi de finances pour 1996- un
état
récapitulatif présentant la répartition des coûts et
des dépenses budgétaires
, en distinguant ceux
afférents aux prestations de services rendus aux usagers par la
Direction générale de l'aviation civile (DGAC) et ceux
résultant des missions d'intérêt général
public assumées par elle.
Votre commission pour avis se félicite des efforts entrepris par cette
direction pour se conformer au souhait de transparence exprimé par le
Parlement.
Il appartient à votre Commission des Finances d'analyser ce rapport qui,
semble-t-il, confirme certaines des inquiétudes qu'elle a
manifestées par le passé.
A. PRÉSENTATION D'ENSEMBLE
Le budget de l'aviation civile pour 1998 présente les
caractéristiques de tout budget annexe, à savoir :
- en premier lieu, des ressources propres tirées, d'une part, du
produit de taxes et de redevances affectées ainsi que d'une subvention
du budget général et, d'autre part, du recours à
l'emprunt ;
- en second lieu, une présentation comptable différente des
budgets ordinaires, avec une section d'exploitation et une section
d'investissement toutes deux équilibrées.
Tel qu'il figure dans la loi de finances pour 1998, ce projet de budget est
organisé comme le précise le tableau ci-après :
PROJET DE BUDGET ANNEXE DE L'AVIATION CIVILE POUR 1998
(en millions de francs)
Recettes |
Dépenses |
||||||
Répartition |
Montant 1997 |
Montant 1998 |
Evolution en % |
Répartition |
Montant 1997 |
Montant 1998 |
Evolution en % |
Recettes propres |
6.744,27 |
7.187,16 |
+6,56 % |
Dépenses d'exploitation |
5.912,83 |
6.231,75 |
+5,39 % |
Subvention de l'Etat |
215 |
215 |
- |
||||
Emprunt |
984,28 |
1.042,52 |
+5,92 % |
Dépenses en capital (CP) |
2.083,73 |
2.231,71 |
+7,39 % |
Autres recettes |
52,81 |
24,86 |
-5,3 % |
||||
TOTAL |
7.996,56 |
8.469,46 |
+5,91 % |
TOTAL |
7.996,56 |
8.469,46 |
+5,91 % |
Au total, les fonds inscrits au budget annexe de l'aviation civile (BAAC) s'élèvent à 8,469 milliards de francs pour 1998, en hausse de 5,91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997.
B. LES PRINCIPALES ORIENTATIONS
1. Une hausse contrastée et contestable des recettes
Connaissant une simple reconduction, à hauteur de
215 millions de francs, la
subvention de l'Etat
traduit un nouveau
désengagement budgétaire de ce dernier.
Dans ces conditions, l'augmentation des recettes du budget annexe
pèsera exclusivement sur les compagnies aériennes, par le biais
des
redevances et taxes
qu'elles acquittent et qui représentent
environ 90 % de ces recettes.
Il convient de détailler l'évolution de ces différentes
recettes d'exploitations :
- la
redevance de route
-due par les compagnies empruntant l'espace
aérien français sans atterrir en France-, devrait voir son
produit augmenter de 2,3 % en francs courants par rapport à la loi de
finances initiale pour 1997 et s'élever à 4,759 milliards de
francs ;
- la
redevance pour services terminaux
de la circulation
aérienne (due par les compagnies dont les vols atterrissent en France,
devrait quant à elle voit son produit augmenter de 3,4 %, à
1,121 milliard de francs. La hausse en francs courants est de 1,10 %
(mais de 9,97 % dans les DOM-TOM).
Globalement, le produit de ces deux redevances devrait augmenter de 2,5 %,
en raison d'une hausse prévisible du trafic.
Si cette hausse n'est pas sans incidence sur les comptes de nos compagnies,
elle peut toutefois paraître modérée au regard de celle de
la taxe de sécurité et de sûreté qui
connaît une progression de 39,3 %
, pour un produit estimé
à 1,182 milliard de francs.
Cette évolution prend en compte deux éléments :
- d'une part, la mise en conformité avec le droit communautaire qui
entraîne l'institution d'une distinction entre taux intra-communautaire
et taux extra-communautaire (toutes choses égales par ailleurs, les
tarifs intra-communautaire à 14 francs et extra-communautaire
à 29 francs se substitueraient aux tarifs national à
14 francs et international à 21 francs) ;
- d'autre part, la majoration de 6 francs de ces nouveaux tarifs pour
tenir compte des besoins de financement du budget annexe de l'aviation civile.
Sur ces nouvelles bases, à savoir 20 francs par passager
embarqué à destination d'un Etat membre de l'Union
européenne et 35 francs par passager embarqué vers d'autres
destinations, le produit attendu de la taxe de sécurité et de
sûreté pour 1998 s'élève à 1,18 milliard
de francs.
Cette augmentation
, qui ferait de la taxe de sécurité et
de sûreté la deuxième ressource du BAAC (assurant
15,9 % des recettes, après la redevance de route)
ne manquera
pas de déséquilibrer les comptes des compagnies
aériennes
.
En outre, comme le dénonce votre Commission des
Finances
,
l'affectation de cette taxe au budget annexe pose de
sérieux problèmes, dans la mesure notamment où son
augmentation est destinée à équilibrer
financièrement le budget annexe et finance donc bien plus que ce pour
quoi elle avait été créée, à savoir la mise
en place d'équipements servant à assurer la sûreté
dans les aéroports
.
2. Des dépenses suscitant plusieurs interrogations
Les dépenses d'investissement s'élèvent
à 1.904,2 millions de francs, en hausse de 5,8 % par rapport
à 1997. A 1.763,9 millions de francs, les autorisations de
programme enregistrent une légère baisse de 0,76 %. Les
crédits de paiement, quant à eux, augmentent sensiblement :
+7,38 %, à 2.237,7 millions de francs. Leur évolution
est contrastée.
Les crédits consacrés à la navigation aérienne
connaissent une légère baisse de 0,38 % en autorisations de
programme, avec une enveloppe de 1.300 millions de francs, et une
augmentation de 2,62 % des crédits de paiement qui atteignent
1.370 millions de francs.
Ces crédits sont destinés à permettre le
développement des systèmes informatiques de traitement du trafic,
notamment :
- la poursuite des opérations de rénovation
d'équipement et de modernisation des centres de contrôle et des
bâtiments techniques sur tous les types d'aérodromes ;
- la mise en oeuvre du nouvel outil du contrôleur (ODS France) et
des nouveaux simulateurs du trafic aérien ainsi que le maintien en
service opérationnel de l'actuel système de contrôle du
trafic aérien CAUTRA 4 ;
- les études relatives à l'amélioration des moyens
techniques (télécommunications, surveillance, nouveaux moyens de
contrôle et d'aides à la navigation aérienne).
On ne peut que s'étonner de l'absence d'étude préalable
ayant présidé au lancement du programme ODS (anciennement
Phidias).
En outre, votre commission pour avis réitère le souhait
qu'elle avait formulé l'année dernière que le Gouvernement
améliore la cohérence des programmes français et
européen dans le domaine de la navigation aérienne.
Les crédits relatifs aux équipements et aux études et
essais sur la sécurité, la réglementation et le
contrôle technique sont maintenus à 3,18 millions de francs
en autorisations de programme et subissent une légère baisse en
crédits de paiement (2,7 millions de francs en 1998 et
3,18 millions de francs en 1997). Cette dotation est, notamment,
destinée à la poursuite des études liées à
la sécurité aérienne et à la lutte contre les
nuisances sonores.
S'agissant de la
formation aéronautique
, les dotations sont
divisées par deux en autorisations de programme (à
10 millions de francs) et sont reconduites en crédits de paiement
(à 11 millions de francs). Comme en 1997, cette diminution
résulte de la baisse d'activité et de la standardisation des
types d'avions exploités.
Pour ce qui concerne les
bases aériennes
, leurs crédits
d'équipement enregistrent une baisse de 1,18 % en autorisations de
programme (à 388 millions de francs) et une forte augmentation de
18,77 % en crédits de paiement, si l'on tient compte des dotations
affectées à la construction du nouveau siège de la DGAC.
Si l'on exclut celles-ci, les évolutions sont respectivement de
+ 10,2 % et + 15,1 %.
Ces crédits sont destinés aux infrastructures
aéroportuaires et aux normes de sécurité et concernent
notamment, dans la perspective d'une mise en service avant l'an 2000 :
- la généralisation de la mise en sécurité de
l'accès aux zones réservées sur les 34 plus grands
aéroports commerciaux ;
- la modernisation du contrôle des bagages de soute pour les vols
internationaux.
Les dépenses de fonctionnement s'établissent, quant à
elles, à 6.231 millions de francs.
Il faut surtout souligner que 53,4 % de ces moyens sont consacrés
aux
charges de personnel
qui enregistrent une forte progression de
6 % par rapport à 1997 (à 3.990,6 millions de francs).
Si elle résulte partiellement de la création de 106 emplois,
destinés à pallier les départs massifs à la
retraite dans les prochaines années, cette hausse provient pour
3,8 % (sur 6 %) de la revalorisation des rémunérations
individuelles.
II. LE FONDS DE PÉRÉQUATION DES TRANSPORTS AÉRIENS
Rappelons que le " troisième paquet " de
libéralisation du transport aérien communautaire a mis fin au
dispositif d'aménagement du territoire appliqué jusqu'au
1er janvier 1995 au transport intérieur français. Ce
système était fondé, d'une part, sur l'exclusivité
d'exploitation et la péréquation d'Air Inter et, d'autre
part, sur l'exploitation par des transporteurs régionaux d'un certain
nombre de liaisons complémentaires faisant l'objet de subventions
accordées par les collectivités territoriales ou d'autres
personnes publiques intéressées, dans le cadre de conventions
conclues avec chaque transporteur aérien.
Le principe général étant désormais la concurrence
sur toutes les liaisons aériennes internes à l'Union
européenne, ce système ne pouvait perdurer et la convention
d'exclusivité d'Air Inter a pris fin le
31 décembre 1995.
Afin de maintenir des dessertes aériennes économiquement non
rentables mais utiles à l'aménagement équilibré du
territoire, l'article 35 de la loi du 4 février 1995
d'orientation pour l'aménagement et le développement du
territoire et l'article 46 de la loi de finances pour 1995 ont
institué le Fonds de péréquation des transports
aériens (FPTA).
Ce Fonds permet de subventionner certaines liaisons structurellement non
économiquement rentables dans le respect des exigences fixées par
le règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil du 23 juillet
1992 concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires
aux liaisons intracommunautaires, qui reconnaît la notion d'obligations
de service public.
A. L'ÉVOLUTION DE LA TAXE ET LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION DU FPTA
1. L'évolution du montant de la taxe
Le Fonds de péréquation est alimenté par
une
taxe perçue depuis le 15 janvier 1995.
Cette taxe est
acquittée par les entreprises de transport public aérien pour
tout passager embarquant dans les aéroports situés en France
continentale, quelle que soit leur destination.
Après avoir été ramenée de 4 francs
à 3 francs en 1996, la taxe qui alimente le FPTA a
été ramenée à 1 franc par passager embarqué
dans tout aéroport français (à l'exception de la Corse et
des départements d'outre-mer) par le projet de loi de finances pour
1997. Elle est maintenue à ce niveau par le projet de loi de finances
pour 1998.
2. Les perspectives d'évolution du FPTA
La taxe a été collectée pendant
l'année 1995
, alors qu'aucune dépense n'était
engagée. Le compte d'affectation spéciale du Fonds
présentait au 31 décembre 1995 un solde positif de
120 millions de francs.
En 1996
, du fait de la mise en place de la procédure du Fonds
ainsi que du temps de traitement incompressible des dossiers (notamment les
délais de publication des obligations de service public et des avis
d'appel d'offres au Journal officiel des Communautés européennes
ainsi que les délais imposés avant la conclusion des appels
d'offres), les premières conventions n'ont pu être signées
avant le mois d'avril et seuls les premiers acomptes sur les compensations
financières dues au titre du régime transitoire pour
l'année 1995 ont pu être effectués.
Le montant total des paiements pour l'année 1996 a été de
65,5 millions de francs laissant un solde positif de 196,9 millions de
francs qui a conduit à abaisser le taux de la taxe à 1 franc.
En 1997
,
au vu des encaissements connus jusqu'au
15 septembre 1997, les recettes nouvelles de 1997 devraient
s'élever à 64 millions de francs environ. Les
dépenses pour l'année 1997 sont estimées à environ
134 millions de francs (78 millions de francs au titre du
régime transitoire pour les années 1995 et 1996 et
56 millions de francs au titre du régime permanent). En 1998, le
report de l'année 1997 devrait donc être d'environ
126,8 millions de francs.
D'après les renseignements fournis à votre rapporteur, les
encaissements de l'année 1998 devraient être de l'ordre de
48,5 millions de francs, les ressources totales pour l'exercice 1998
s'élevant alors à 175,3 millions de francs. L'estimation des
dépenses pour l'année étant de l'ordre de
77,5 millions de francs,
le solde positif du compte en fin d'exercice
1998 devrait être de l'ordre de 97,8
millions de francs, dans
l'hypothèse du maintien des bases réglementaires actuelles.
Au total, toutes choses étant égales par ailleurs,
c'est-à-dire sur la base du maintien du taux de la taxe à un
franc et des règles de fonctionnement du Fonds, ce dernier ne devrait
pas connaître de difficultés de trésorerie dans les deux
années à venir, le taux de la taxe devant probablement être
réexaminé à partir de l'an 2000.
On peut aussi cependant s'interroger sur cette hypothèse d'un maintien
des règles de fonctionnement du Fonds, notamment sur les critères
d'éligibilité à ce Fonds.
B. LES CRITÈRES D'ÉLIGIBILITÉ DES LIAISONS AÉRIENNES AU FPTA
Au 15 septembre 1997, dix transporteurs exploitant
19 liaisons métropolitaines, auxquelles s'ajoute la liaison entre
la Réunion, Mayotte et Nairobi, ont bénéficié des
interventions du Fonds.
Il convient de rappeler que ce dispositif s'inscrit dans un cadre
réglementaire communautaire qui encadre fortement les interventions
financières publiques en matière d'exploitation de liaisons
aériennes. Il apparaît, par conséquent, que les
possibilités de création de nouvelles liaisons sont relativement
faibles.
D'aucuns s'interrogent cependant sur une éventuelle modification des
critères d'éligibilité.
Il semble qu'il faille exclure
tout assouplissement des critères au niveau communautaire.
Tout
laisse à penser, en effet, que nos partenaires européens n'y
seraient pas favorables. En réalité, d'après les
renseignements fournis à votre rapporteur, seuls l'Irlande, l'Espagne et
le Portugal subventionneraient certaines lignes intérieures et la France
serait seule à utiliser toutes les facilités du règlement
communautaire en la matière.
En revanche, une fois le régime de croisière du dispositif
pleinement atteint, votre commission pour avis serait favorable à ce
qu'une réflexion soit menée sur les modalités et
conditions d'application de ces critères par la France. Cette
réflexion devrait permettre d'établir un bilan du dispositif,
d'étudier si ce dernier satisfait aux besoins de notre pays et
d'évaluer l'éventuelle existence de marges de manoeuvre dans le
cadre des règles communautaires.
III. LES CRÉDITS INSCRITS AU BUDGET GÉNÉRAL SOUS L'INTITULÉ " TRANSPORTS AÉRIENS "
Les dotations " transports aériens " sont
essentiellement des crédits d'avances remboursables destinés aux
programmes aéronautiques. Elles enregistrent une légère
progression de 0,4 % pour 1998, pour un montant de 1.664,5 millions
de francs. Les évolutions sont cependant contrastées.
Les crédits de
soutien à la recherche-amont
souffrent
d'une
réduction du tiers
par rapport à leur niveau de
1997, pour s'élever à 680 millions de francs en
autorisations de programme et 450 millions de francs en crédits de
paiement.
Votre commission pour avis demandera au ministre de justifier cette
évolution très défavorable, au moment où la
recherche s'avère vitale pour affronter une concurrence mondiale
très vive.
De plus, préoccupée par les conditions d'application de l'accord
du GATT du 17 juillet 1992 relatif aux soutiens à l'industrie
aéronautique, elle rappelle qu'elle avait déjà, l'an
dernier, insisté sur la nécessité d'accentuer les soutiens
à la recherche-amont, afin de rapprocher notre système de soutien
à l'industrie aéronautique de celui existant aux Etats-Unis.
Votre commission pour avis se félicite, en revanche, de la très
sensible augmentation des crédits destinés aux avances
remboursables :
+ 34,4 %
, à 966,5 millions de
francs.
Des dotations sont ainsi ouvertes pour les programmes ayant déjà
fait l'objet d'une décision de soutien (GE90, hélicoptère
EC165, Airbus A330-200, etc.), mais aussi pour les nouvelles versions de l'A340
dont Airbus a décidé la commercialisation lors du dernier salon
du Bourget afin de concurrencer les nouveaux Boeing B777. En outre, une
provision est prévue pour permettre le soutien de nouveaux moteurs
projetés par Snecma. La poursuite du soutien accordé pour les
équipements de bord, domaine qui connaît une évolution
technologique importante et où les industriels français font
preuve d'un grand dynamisme, est également prévue.
CHAPITRE II -
LE TRANSPORT AÉRIEN : LA
NÉCESSITÉ DE S'ADAPTER À LA NOUVELLE DONNE MONDIALE ET
EUROPÉENNE
Initié par les Etats-Unis en 1977, un processus de
libéralisation du transport aérien international s'est
développé de manière plus ou moins rapide selon les pays,
tout au long de la dernière décennie.
Il s'est traduit au sein de l'Union européenne par la mise en oeuvre de
trois " paquets " de mesures, dont le dernier est entré en
vigueur depuis le 1er janvier 1993. La libéralisation en ce
domaine y est donc désormais totale, les quelques restrictions
subsistantes en matière de cabotage ayant été
levées le 1er avril 1997.
La question qui se pose désormais est de savoir quelle place la
France se donnera les moyens d'occuper dans un ciel désormais totalement
ouvert.
I. LE CONTEXTE MONDIAL ET EUROPÉEN
La libéralisation du secteur du transport aérien se poursuit, avec les opportunités qu'elle ouvre aux compagnies, mais aussi la " guerre des prix " qui l'accompagne et les inquiétudes nées des difficultés, voire des faillites, subies par certaines compagnies ces dernières années.
A. UNE CONCURRENCE DÉSORMAIS MONDIALE DANS UN SECTEUR EN CROISSANCE
Le développement de la croissance qui
caractérise le secteur du transport aérien est soutenu par la
croissance du trafic,
de l'ordre de 6 % en 1996 pour les passagers
et de 5,5 % pour le fret.
Les premiers résultats de 1997 confirment ces évolutions. Selon
l'OACI, pour l'ensemble des services aériens réguliers de
transport de passagers, internationaux et intérieurs, le trafic total
des compagnies aériennes devrait croître de 7 % en 1997 et de
6,6 % en 1998. Le taux moyen annuel de croissance serait de 5,5 %
jusqu'en 2005. La croissance du trafic total de fret devrait être encore
plus forte, avec un taux annuel de 7 % pendant la même
période. Ce sont les liaisons internationales transpacifiques et celles
entre l'Europe et la région Asie-Pacifique qui devraient connaître
la plus forte croissance.
C'est dans ce contexte qu'est venue s'inscrire
la libéralisation du
ciel européen
qui avait d'abord été limitée aux
liaisons intercommunautaires. Désormais, depuis le
1er avril 1997, toute compagnie européenne a libre
accès aux vols intérieurs de tous pays membre de l'espace
économique européen (c'est-à-dire l'Union
européenne, la Norvège, l'Islande). La concurrence s'y
avère donc de plus en plus vive.
Dans cette conjoncture de croissance globale, pour la quatrième
année consécutive, les compagnies régulières du
monde ont enregistré globalement un bénéfice
d'exploitation.
Après une année 1996 qui s'était soldée par des
pertes globales pour l'Association des compagnies européennes, en 1997
et pour la première fois, les transporteurs européens pourraient
participer à cette embellie. Ce redressement provient de la conjonction
de trois facteurs :
- la " sortie du rouge " de plusieurs compagnies ayant
longtemps
enregistré des déficits, comme Air France, Iberia et Alitalia ;
- les bons résultats de Swissair Groupe et surtout de Lufthansa qui
multiplie ses bénéfices par quatre ;
- les bénéfices toujours croissants de British Airways qui
multiplie ses profits par trois.
B. LA MONDIALISATION S'ACCOMPAGNE D'UN MOUVEMENT ACCENTUÉ D'ALLIANCES ENTRE COMPAGNIES
La mondialisation de l'économie mondiale connaît
une traduction très nette dans le secteur du transport aérien et
s'accompagne d'une multiplication des alliances internationales.
Depuis trois ans, le mouvement de regroupement de compagnies aériennes
s'est développé de façon importante. Tous types confondus,
363 alliances étaient recensées en mai 1997 contre 280 en
1994, soit une augmentation de 30 %
1(
*
)
,
dont 72 entre mai 1996 et mai 1997. Ce sont aujourd'hui 177 compagnies
qui, dans le monde, sont engagées dans ces accords.
Depuis 1994, les rapprochements de compagnies se développent notamment
au travers d'alliances commerciales. Si
l'élément
capitalistique
n'est pas toujours majeur,
il est souvent présent
-notamment entre compagnies européennes- et le sera probablement encore
davantage à l'avenir.
C'est ainsi, par exemple, qu'
au cours des
derniers mois, de grandes compagnies ont acquis ou consolidé leur
contrôle dans le capital de compagnies susceptibles d'apporter un trafic
complémentaire.
C'est le cas de
British Airways
, qui a pris
le contrôle de 67 % du capital d'Air Liberté en automne
dernier et qui vient de d'assurer une participation de 65 % dans Deutsche
BA en juillet 1997, contre 49 % précédemment ; c'est aussi
le cas de KLM qui vient de porter sa part de capital à 100 %
(contre 45 %) dans Air UK ; c'est encore le cas de Lufthansa qui, par
le biais d'obligations convertibles, devrait acquérir à terme une
participation de 15 % au capital d'Air Littoral.
Au niveau mondial, les grandes compagnies s'engagent dans des alliances
globales, dites " stratégiques ", en révisant au besoin
les alliances antérieures.
La révision la plus spectaculaire
est sans doute la rupture entre US Airways et British Airways et l'annonce de
la nouvelle alliance entre la compagnie britannique et American Airlines.
D'autres révisions s'opèrent : Virgin rompt avec Delta et s'allie
avec Continental ; Varig s'engage avec United et abandonne Delta.
On peut finalement considérer que les grandes compagnies
réajustent actuellement leurs alliances, abandonnant celles qui leur
apparaissent infructueuses pour en conclure de nouvelles, plus prometteuses.
Dans le même temps, certaines alliances déjà
réalisées s'élargissent à de nouvelles compagnies
pour constituer un partenariat commercial fonctionnant à
l'échelle planétaire, c'est le cas de la "
Star
Alliance
" qui comprend
Lufthansa,
United, SAS, Air Canada,
Thaï et Varig.
L'illustration suivante permet d'appréhender l'évolution possible
des cinq alliances majeures.
Camenbert à coller
Evolution possible des alliances majeures
L'objectif recherché
par les grandes compagnies
aériennes avec des accords commerciaux est à la fois
d'étendre l'offre proposée à leur clientèle
(nouvelles destinations, fréquences plus nombreuses) en accédant
aux réseaux de leurs partenaires
2(
*
)
et de
réduire les coûts d'exploitation en réalisant des
coopérations plus étroites.
Lorsqu'il s'agit d'alliances conclues avec une compagnie exploitant un
marché " régional " de faible dimension, le but
recherché par les compagnies principales est d'assurer l'alimentation de
leur(s) plate(s)-forme(s) aéroportuaire(s) en passagers en
correspondance, désireux de se rendre vers des destinations plus
lointaines. De ce point de vue, le contrat de franchise, forme
particulière d'alliance, s'est fortement développé ces
dernières années en Grande-Bretagne sous l'impulsion de British
Airways (lié à neuf petites compagnies).
C. LES ÉVOLUTIONS EN COURS ENTRAÎNENT SOUVENT EN EUROPE UNE MODIFICATION DE L'ACTIONNARIAT DES COMPAGNIES
Dans de nombreux secteurs, libéralisation et
mondialisation entraînent une évolution des statuts, voire de
l'actionnariat, afin d'acquérir la souplesse de gestion
nécessaire dans un contexte de concurrence accru et, bien souvent, de
satisfaire aux exigences en matière d'alliances internationales. Le
secteur aérien ne contrarie en rien cette tendance.
C'est ainsi que sur les quatorze principales compagnies européennes,
sept possèdent une majorité de capital public, détenu par
l'Etat ou/et par une ou des entreprises publiques (notamment par des holdings
d'investissements en Italie et en Espagne), mais deux d'entre elles ont
associé du capital privé dans une proportion significative
(Austrian et Finnair).
Trois de ces compagnies sont, par ailleurs, cotées en bourse : il s'agit
d'Austrian Airlines et de Finnair.
Six compagnies ont une majorité d'investisseurs privés dont la
totalité des actions peut être diffusée dans le public,
c'est le cas de
British Airways
, ou bien répartie entre l'Etat
minoritaire, des institutions privées et le marché boursier
lorsque les compagnies sont cotées en bourse. C'est le cas de
KLM,
Lufthansa et Swissair.
SAS, compagnie multinationale, dont la propriété est
répartie selon des bases nationales (3/7 des parts du capital aux
nationaux suédois et 2/7 pour chacun des nationaux danois et
norvégiens) possède un capital à 50 % public, la part
publique étant détenue par les Etats selon les
répartitions nationales précédentes. La compagnie est
également cotée en bourse.
Le
mouvement de privatisation
commencé avec British Airways en
1987, s'est peu à peu étendu à KLM, Sabena et Lufthansa
dont l'Etat allemand doit vendre fin 1997 le reliquat de ses actions
(35,7 %). La situation d'ensemble reste, néanmoins, assez diverse
et marquée
généralement
par une
mixité de
capitaux publics et privés
, dans des proportions qui peuvent varier
fortement.
Enfin, des compagnies tierces sont parfois présentes dans le capital des
compagnies concernées pour une part importante (49,5 % pour
Swissair dans le capital de Sabena et 40 % pour SAS dans celui de British
Midland), ou de manière diluée (10 % de Swissair, 9 %
d'All Nippon et 1,5 % d'Air France dans le capital d'Austrian ou encore
4,5 % de Delta et 2,7 % de Singapore Airlines dans celui de Swissair).
Il est important de garder présent à l'esprit l'ensemble de ces
éléments avant d'évoquer la situation des compagnies
françaises.
II. LES AILES FRANÇAISES
Dans ce contexte, les ailes françaises, notamment le
groupe Air France, n'ont-elles pas pris un retard inquiétant dans un
paysage européen en pleine effervescence ?
Le groupe Air France doit conforter et pérenniser son redressement. A
cet effet, ne devrait-il pas combler son retard en terme d'alliances et, pour
cela, bénéficier d'une évolution de son statut ? On
ne saurait, par ailleurs, négliger le nécessaire
développement des autres compagnies françaises. Enfin,
accompagnant l'évolution du paysage aérien français, il
apparaît nécessaire de réformer le Conseil supérieur
de l'Aviation marchande.
A. LE GROUPE AIR FRANCE
1. Un objectif : conforter et pérenniser le redressement
Le groupe Air France connaît une certaine amélioration de sa situation, mais ses résultats doivent être confortés.
a) Des efforts récompensés...
Alors que l'on pouvait ces dernières années formuler des craintes pour l'existence même de la compagnie, celle-ci est " sortie du rouge ". Son trafic a progressé ; ses résultats se sont améliorés.
(1) L'augmentation du trafic
L'année 1996 a été marquée par une
forte croissance du trafic total de passagers, portée par les liaisons
internationales (+ 12 %). Le trafic domestique s'est maintenu
grâce à la mise en place des " navettes " sur les
liaisons Orly-Nice, Orly-Marseille et Orly-Toulouse, qui a également
permis une amélioration de la recette unitaire. Il s'agit là d'un
bon résultat si on le compare à celui de 1995 : l'ouverture
à la concurrence et le développement des liaisons TGV avaient
alors entraîné une chute du trafic domestique de 10 %. Le
trafic total de fret n'a cependant enregistré qu'une progression de
2 %.
La mise en place d'un " hub " ou plate-forme de
correspondance
à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle a fortement
contribué à cet essor du trafic. A l'issue d'une période
de fonctionnement d'une année (d'avril 1996 à mars 1997), le
bilan est très satisfaisant. 165.000 vols ont été
traités, ce qui représente une augmentation de 20,7 % par
rapport à l'année précédente ;
17,1 millions de passagers ont utilisé les lignes d'Air France et
d'Air France Europe de et vers le " hub ", soit une hausse
de
20,4 %. Près d'un passager sur deux arrivant sur un vol du groupe
Air France repart sur un autre vol du groupe.
En outre, la croissance de l'activité a eu des effets positifs sur
l'emploi puisqu'elle a permis d'embaucher 410 agents en avril 1997.
(2) L'amélioration des résultats
Après avoir connu une situation financière qui
s'est dégradée à partir de 1989 pour devenir
catastrophique en 1992-1993, le redressement qu'Air France avait amorcé
au cours de l'exercice précédent s'est confirmé. Pour la
deuxième année consécutive, la compagnie affiche, en
effet, un résultat d'exploitation bénéficiaire. Il
s'établit à 579 millions de francs sur l'exercice clos le
31 mars 1997, en augmentation de 161 millions de francs par
rapport à l'exercice précédent.
Le résultat net reste déficitaire de 147 millions de francs
mais enregistre une évolution favorable par rapport aux exercices
antérieurs. Rappelons que le déficit était de
8 milliards de francs en 1993, avant la mise en place du plan de
redressement intitulé " projet pour l'entreprise ". Pour
l'exercice 1995-1996, les pertes s'étaient élevées
à 2,4 milliards de francs, mais ce résultat fortement
négatif intégrait une provision pour restructuration de
près de 2 milliards de francs.
Compte tenu de la fusion entre les deux compagnies, il convient d'ajouter le
déficit d'Air France Europe qui se creuse inexorablement puisqu'il passe
de 661 millions de francs sur l'exercice 1995-1996 à
800 millions de francs.
La recapitalisation d'Air France a permis de réduire
considérablement son endettement. Celui-ci est passé de
21,7 milliards de francs à 16,9 milliards de francs le 31 mars
1997. Les charges financières ont, par conséquent, largement
diminué pour s'établir à 1,1 milliard de francs pour
l'exercice clos le 31 mars 1997, contre 3,5 milliards de francs
en 1993.
Les perspectives sont donc encourageantes et le retour aux
bénéfices est prévu pour mars 1998. Celui-ci
s'avère cependant conditionné par une poursuite des efforts.
b) ...mais dont la poursuite s'avère nécessaire dans le cadre de la fusion
Le groupe Air France n'a pas encore rattrapé la
compétitivité des autres grandes compagnies mondiales.
Sa recette unitaire reste trop faible et le coût unitaire (par
siège offert et par kilomètre) reste supérieur de 2 %
à celui de Lufthansa, de 14 % à celui de British Airways, de
21 % à celui de KLM et de 40 % à celui des
" géantes " américaines.
Si le groupe ne poursuivait pas ses efforts, cet écart ne pourrait que
s'agrandir, compromettant à nouveau son avenir. Aussi, un second plan de
redressement a-t-il été mis en place, le " pacte de
croissance compétitive ", qui doit permettre au groupe d'augmenter
son chiffre d'affaires et sa marge en trois ans. L'objectif fixé pour
l'exercice 1999-2000 est de dégager un bénéfice de
2 milliards de francs.
Afin de satisfaire à cet objectif, il est nécessaire à la
fois de minimiser les coûts et d'accroître les recettes. Les
objectifs chiffrés sont de :
- réduire le coût unitaire de 5 % par an, donc de 15 %
d'ici le 31 mars 2000 ;
- dégager 15 % d'excédent brut d'exploitation à la
même date.
Le groupe Air France devra donc se donner les moyens de son ambition dans le
cadre de la fusion des deux compagnies Air France et Air Inter, devenue
définitive depuis le 12 septembre 1997.
Cette fusion vient parachever, au niveau patrimonial, l'organisation commune
mise en place depuis le 1er avril 1997 sous la forme d'un contrat de
location-gérance. Celui-ci a prévu la mise en commun des moyens
d'exploitation et a permis de faire travailler ensemble les personnels des deux
compagnies.
Les personnels d'Air France Europe ont gardé, à titre individuel,
leurs contrats de travail mais se sont vu appliquer, à titre collectif,
le statut d'Air France. La location-gérance a permis des échanges
de flotte pour mieux adapter la taille des appareils aux besoins du
marché.
Ces échanges de flotte sont cependant inscrits dans un
contexte de
restriction de l'outil de production
imposé par Bruxelles en
contrepartie de l'autorisation de procéder à la recapitalisation
et n'ont pas été sans effet négatif. Cette situation a
imposé la suppression d'un certain nombre de lignes. En outre, de
nombreuses annulations de vols ont caractérisé la fin du
printemps et une partie de l'été derniers. Inutile de
préciser qu'elles n'ont pas été sans coût pour le
groupe et pour son image.
En réalité, la situation de sous-capacité peut
s'avérer fragilisante.
Le groupe Air France
se trouve aujourd'hui
confronté à la nécessité de répondre
à l'appel du marché.
Après avoir " réduit la voilure "
, il va lui
falloir aborder un nouveau cap en développant une
croissance
externe
. Il aborde donc une phase délicate de son histoire.
A cet égard, une forte stratégie d'alliances s'avère
indispensable.
2. Un impératif : une stratégie d'alliances ambitieuse
Le groupe Air France doit aujourd'hui impérativement
construire un réseau d'alliances qui lui permette de rester
compétitive face à la constitution d'ensembles concurrents, dont
on a vu qu'ils étaient puissants.
Un réseau de cette nature ne peut que reposer sur un triple pôle :
européen, américain et asiatique.
La compagnie possède certes des acquis en la matière, mais force
est de constater, pour s'en inquiéter, le retard pris par rapport
à ses concurrents.
a) Des acquis certains
A l'heure actuelle, Air France dessert 200 points
du
globe et devrait en desservir 400 en 2002.
S'agissant du
pôle européen
, Air France a conclu des
accords de partenariat avec Alitalia (qui mène cependant en
parallèle des discussions avec KLM), Eurowings et Aeroflot (ceci devrait
lui permettre de développer sa desserte de la Russie, mais aussi
d'autres pays de la CEI). Elle a conclu, le 19 septembre dernier, un
protocole d'accord avec Finnair.
En France, la compagnie a renforcé sa coopération avec les
transporteurs régionaux. Un important accord de franchise avec Britt-Air
entrera en vigueur dès l'hiver 1997-1998, de même qu'un accord
plus limité avec Proteus.
Ce pôle européen apparaît cependant bien faible par
comparaison aux alliances européennes concurrentes
évoquées précédemment.
Le
pôle américain
s'avère tout aussi essentiel. Il
ne peut, en effet, y avoir d'alliance " globale " qui ne
soit
appuyée sur des partenaires américains importants. Rappelons que
Lufthansa a conclu une alliance avec United Airlines et que British Airways
cherche à se rapprocher de la compagnie American Airlines.
Air France, pour sa part, a conclu un accord avec Delta Airlines et Continental
Airlines à l'automne 1996. La première phase de ce partenariat a
été mise en oeuvre au début du programme de
l'été 1997 :
- coordination des programmes et des horaires des partenaires,
accompagnée du transfert des escales de Continental et de Delta d'Orly
vers Roissy-CDG2 depuis le mois d'avril 1997 ;
- compatibilité des programmes de fidélisation.
La mise ne oeuvre plus complète de cet accord reste soumise à
l'évolution de la négociation bilatérale entre la France
et les Etats-Unis, qui devrait reprendre d'ici la fin de l'année.
Par ailleurs, outre l'accord signé en 1993 avec Aeromexico, la compagnie
nationale Air France recherche des partenaires sur le continent
sud-américain pour compléter son réseau à
l'échelle mondiale, renforcer ses dessertes européennes et
attirer sur son " hub " des apports de trafic
supplémentaires.
Le troisième volet du tryptique, le
pôle asiatique,
doit
être d'autant plus impérativement développé que la
croissance du trafic aérien est plus vive dans cette partie du monde.
Outre la coopération étendue qu'il entretient avec Japan
Airlines, le groupe a conclu une alliance avec Air India et Indian Airlines et
s'efforce de développer ses relations avec China Eastern, basée
sur le " hub " de Shangaï qui sera à terme le plus
important de la Chine continentale. Air France recherche aussi un partenariat
permettant d'organiser des correspondances en Asie du Sud-Est, à
Singapour ou à Bangkok et entretient des relations commerciales
étroites avec Vietnam Airlines.
b) Un retard à combler
Les acquis sont donc réels. Le retard l'est tout
autant, à l'aune des comparaisons internationales, alors que
British
Airways et Lufthansa concentrent plus du tiers du trafic mondial
.
Il reste, en particulier, à étoffer ses alliances en
Amérique du Sud (Brésil, Chili) et en Asie (Chine, Asie du
Sud-Est).
Par ailleurs, Air France pourra-t-elle rester compétitive sans trouver
un partenaire européen important ?
Or, on l'a vu, l'industrie mondiale du transport aérien est
entrée dans une phase de restructuration intense. Les jeux sont
déjà largement faits en ce domaine et les atouts des concurrents
sont nombreux. Les cartes étant déjà largement
distribuées, ne peut-on craindre une raréfaction des
opportunités susceptibles d'être saisies par Air France ?
En vertu des engagements souscrits auprès de la Commission
européenne dans le cadre de sa recapitalisation, Air France n'a pu
procéder à de nouvelles prises de participation dans des
transporteurs aériens, jusqu'au 31 décembre 1996.
Depuis cette date, plus rien ne s'y oppose, si ce n'est que les compagnies
étrangères rechignent à s'allier à une entreprise
sous contrôle public, dans un contexte de développement de la
concurrence et de libéralisation du ciel européen et au moment
où, on l'a vu, les compagnies sont de plus en plus à capitaux
mixtes ou privés. L'exemple récent d'Ibéria en est
l'illustration, qui a préféré s'allier à KLM
plutôt qu'à Air France.
De même, Delta et American Airlines souhaiteront-elles développer
leur partenariat avec une entité publique ?
La survie d'Air France passe par la constitution d'un troisième bloc
européen et une stratégie dynamique d'alliances internationales
qui exigeront rapidement des échanges capitalistiques.
3. Une condition : la privatisation
Dans cette perspective, votre commission pour avis ne peut
que déplorer la décision prise par le Gouvernement de ne pas
privatiser Air France.
Le principe du maintien entre les mains de l'Etat d'une majorité du
capital d'une entreprise publique peut se justifier lorsqu'il s'agit d'une
entreprise de service public.
Peut-on raisonnablement considérer que le groupe Air France entre dans
cette catégorie, dans la mesure où il exerce une activité
marchande et concurrentielle ?
En outre, ses obligations de service public, ponctuelles ou très
limitées, sont d'ores et déjà assurées
concurremment par des compagnies privées.
Il convient, par ailleurs, de rappeler que la direction d'Air France a
contracté des
engagements à l'égard des personnels
qui ont accepté des réductions de salaires en contrepartie
d'actions du groupe. De nouveaux efforts de productivité pourraient,
dans le futur, prendre cette forme.
Or, si l'on cumule la part du capital qui pourrait être
réservée aux personnels dans ce cadre (soit environ 25 %),
celle qui pourrait être consacrée à des alliances
internationales (soit environ 10, voire 15 %) et que l'on adopte le
principe d'un Etat actionnaire majoritaire -option retenue par le Gouvernement-
ceci signifie que le grand public ne pourra se voir proposer quasiment aucune
action d'Air France ou au plus 5 % du capital (l'Etat devant alors garder
60 % du capital pour rester majoritaire en 1999, date à laquelle
les bons de souscription d'actions et les obligations remboursables en actions
émis en 1992 arriveront à échéance).
La liquidité du titre ne sera donc pas assurée.
Dans ces conditions, les personnels du groupe seront fondés à
considérer qu'ils auront été payés en
véritable " monnaie de singe ". Il en sera de même pour
les détenteurs de bons de souscription d'actions et d'obligations
remboursables en actions.
Enfin, même si le Traité de Rome comporte un principe de
neutralité en matière de propriété -publique ou
privée- du capital des entreprises,
la France ne se trouverait-elle
pas en porte-à-faux à l'égard des institutions
communautaires si le redressement de la compagnie, partiellement lié
à la recapitalisation de cette dernière, n'était pas suivi
de sa privatisation ?
Le contribuable lui-même ne serait-il pas d'ailleurs également
fondé à la demander ?
B. L'ESSOR DES COMPAGNIES PRIVÉES
Au premier semestre 1997,
17 transporteurs
régionaux
exploitaient 203 liaisons régulières
dont 28 au départ de Paris et 175 liaisons au départ de la
province. 53 de ces liaisons étaient des liaisons internationales.
59 villes sur le territoire national sont desservies en 1997.
En 1996, ces compagnies ont transporté environ 3,9 millions de
passagers en transport régulier contre 3,3 millions en 1995 sur
leur propre réseau. Cette exploitation est réalisée au
moyen de 201 appareils (185 en 1995) et le renouvellement des flottes
s'est poursuivi en 1996.
Les transporteurs régionaux emploient environ 4.375 salariés
contre 4.100 en 1995 dont 41 % de personnel navigant. Notons que certaines
compagnies ont procédé à des embauches importantes :
+ 60 % chez Flandre Air, + 24 % chez Regional Airlines,
+ 13 % chez Air Jet.
Le
marché
du transport aérien régional est,
malgré un nombre important de compagnies,
assez concentré
.
TAT EA, Air Littoral, la CCM, Britt Air et Regional Airlines ont en effet
transporté, en 1996, 95,2 % du trafic de l'ensemble des compagnies
régionales sur leur propre réseau avec des parts de marché
de, respectivement, 44,2 %, 12,4 %, 18,8 %, 9,4 % et
10,4 %. Elles exploitent 79 % des liaisons régulières
(dont 29 % pour Régional, 17 % pour TAT EA et 17 % pour
Air Littoral).
La
croissance du trafic
est restée très soutenue en 1996,
principalement due à l'ouverture par TAT EA de liaisons à fort
trafic (Orly-Nantes, Orly-Toulon et Orly-Perpignan) et au développement
des liaisons régionales via des plates-formes de correspondances.
Il est à noter que cette croissance est très disparate selon les
sociétés sur leur propre réseau, allant de
+ 300 % pour Air Jet et + 143 % pour Héli-Inter,
à -14% pour Air Atlantique et - 43 % pour Proteus Air Lines.
Encore relativement protégé dans les faits, le marché
régional pourrait voir de grandes compagnies européennes se
positionner dès l'hiver prochain sur les liaisons les plus importantes,
en concurrence avec les transporteurs spécialisés sur ce
créneau.
Ce mouvement a d'ailleurs été amorcé depuis avril 1997
avec Air France (sur Lyon-Barcelone et Lyon-Madrid, en concurrence avec Reginal
Airlines) et Sabena (Nantes-Bruxelles en concurrence avec Regional Airlines qui
a passé un accord commercial avec la compagnie belge ;
Toulouse-Bruxelles en concurrence avec Britt Air).
Anticipant les effets attendus de la libéralisation du ciel
européen, les compagnies régionales ont procédé
à une
réorganisation de leurs activités
: au
niveau commercial, notamment par le biais d'alliances commerciales souvent
adossées à de grands transporteurs européens ; au plan
financier (à cet égard, rappelons que Regional Airlines a
été la première compagnie française à
introduire une partie de son capital en bourse en octobre 1997 et que cette
initiative pourrait être imitée par Britt Air ou Air Littoral) ;
enfin, au niveau opérationnel, la rationalisation des réseaux des
systèmes d'exploitation s'étant accélérée
avec la création de nouveaux " hubs " (Air Littoral Riviera
à Nice depuis novembre 1996 ; Proteus Airlines à Saint-Etienne
depuis juin 1997) et la spécialisation plus poussée par type
d'appareils.
S'agissant des
autres transporteurs
, depuis 1995 -date à
laquelle le marché intérieur a été ouvert par
étapes à la concurrence-, les principales compagnies
françaises indépendantes du groupe Air France (AOM, Air
Liberté- TAT EA), à l'exception de Corsair, se sont
lancées dans une stratégie de prise rapide de parts de
marché sur les principales liaisons entre Orly et la province, en
concurrence avec Air France Europe.
En revanche, elles ont renoncé pour l'instant à se
développer sur les liaisons internationales intra-communautaires au
départ de Paris.
Par ailleurs, depuis la fin de 1996, une nette reprise de l'activité de
transport à la demande, liée à la hausse globale du trafic
de passagers à un rythme de l'ordre de 5 à 6 %, a
été enregistrée.
Enfin, la guerre tarifaire -très vive- pratiquée en 1996 entre
les principales compagnies françaises, jointe aux tensions
financières dues aux dépenses supplémentaires d'ouverture
de lignes et à des déficits d'exploitation
généralement constatés lors des deux premières
années d'exploitation, aura eu pour effet d'aggraver à nouveau
leur situation financière. Cette dernière s'était
déjà beaucoup détériorée à l'issue de
la période de crise mondiale rencontrée entre 1991 et 1994, alors
qu'une amélioration globale des résultats avait été
constaté en 1995.
La mise en redressement judiciaire d'Air Liberté a marqué une
pause dans la concurrence tarifaire et permis au marché de se stabiliser
depuis le début de 1997. A cet égard, rappelons que le Tribunal
de commerce de Créteil a retenu, par un jugement du 9 janvier, le
plan de continuation déposé par la compagnie britannique British
Airways et par le Groupe Rivaud.
C. LA NÉCESSAIRE CLARIFICATION DES RÔLES AU SEIN DU CONSEIL SUPÉRIEUR DE L'AVIATION MARCHANDE
En 1996,
votre rapporteur pour avis
avait
proposé au ministre des transports une réforme du Conseil
supérieur de l'aviation marchande (CSAM) qu'il a l'honneur de
présider.
Il
s'interroge sur l'actuelle répartition des rôles entre les
membres du CSAM et estime qu'une clarification de ceux-ci serait de nature
à rendre ce conseil pleinement opérant.
Ainsi, est-il normal que les membres de la Direction générale de
l'aviation civile (DGAC) cumulent la double casquette d'organe de tutelle et,
indirectement, d'opérateur ? Le Parlement et les entreprises ne
devraient-ils pas être davantage représentés ?
L'organisation du ciel français gagnerait à ce qu'une
réflexion sur ce point soit rapidement menée.
CHAPITRE III -
LES INFRASTRUCTURES
AÉROPORTUAIRES
I. LES PERSPECTIVES D'ÉVOLUTION
A. LES AÉROPORTS PARISIENS
1. Une évolution positive du trafic
Après une année 1995 médiocre,
affectée par des facteurs conjoncturels défavorables (concurrence
ferroviaire, mouvements de grève dans le transport aérien,
arrêt du trafic sur l'Algérie, série d'attentats à
Paris, troubles sociaux en fin d'année, ...) et marquée par un
trafic aux évolutions contrastée (- 0,5 % pour les
passagers et + 5,7 % pour les mouvements d'avions), la place
aéroportuaire de Paris a connu, en 1996, une activité intense
avec une reprise significative de la croissance du trafic.
Les deux aéroports d'Orly et de Roissy-Charles de Gaulle ont accueilli
59,1 millions de passagers (+ 7,4 % par rapport à 1995,
avec + 8,4 % pour les lignes nationales et + 7,3 % pour les
lignes internationales). Avec ce " rattrapage ", la
croissance
annuelle moyenne est de 3,4 % pour les deux années passées.
Depuis 1994, le trafic de fret et poste croît modérément :
+ 1,7 % en 1996 et + 2 % en 1995.
2. Des perspectives financières cependant délicates...
En 1996, le chiffre d'affaires d'Aéroports de Paris
(ADP) a progressé de 3,6 %, le résultat net s'est
amélioré de 18,8 % et la capacité d'autofinancement : de
4,2 %.
Pour répondre aux perspectives à moyen terme d'accroissement du
trafic, ADP va poursuivre une politique active d'investissements.
Or, pour financer ce programme d'investissements, ADP ne peut compter que sur
sa propre capacité d'autofinancement et recourir à l'emprunt pour
le complément
3(
*
)
. Dans les prochaines
années, l'établissement ne pourra réaliser le programme
qu'il a prévu et qu'il estime indispensable que si la capacité
d'autofinancement peut être maintenue, l'endettement ne devant pas
dépasser certains seuils.
Il devra donc réaliser de gros efforts de productivité, eu
égard à l'impact financier que ne manquera pas d'entraîner
la réglementation communautaire.
3. ... liées à l'impact de la réglementation communautaire
Plusieurs textes communautaires, déjà
adoptés ou en préparation, vont modifier l'exercice des
activités d'ADP et influer sur ses recettes.
Le premier est une directive concernant l'accès au marché de
l'assistance en escale dans les aéroports de la Communauté, le
deuxième concerne les redevances aéroportuaires, le
troisième : les ventes hors taxes.
a) L'accès au marché de l'assistance en escale
La directive en ce domaine devait être transposée
en droit français au plus tard le 25 octobre 1997.
Votre
commission pour avis interrogera le ministre sur les intentions du Gouvernement
en la matière
. Cette directive tend à garantir des services
de qualité au meilleur coût, en abolissant les monopoles.
Son application se traduira pour ADP, sauf dérogation accordée
pour des contraintes d'espace ou de capacité disponible, par :
- l'ouverture de l'auto-assistance, le 1er janvier 1998 ;
- la libéralisation de l'assistance aux tiers, le
1er janvier 1999.
L'un des partenaires autorisés pour l'assistance aux tiers
côté piste devra, le 1er janvier 2001, être
indépendant de l'entité gestionnaire de l'aéroport et des
compagnies majeures opérant sur l'aéroport. Par ailleurs, pour
répondre aux exigences de transparence, ADP devra assurer une
séparation stricte des comptes entre son activité d'assistant et
son activité d'autorité aéroportuaire.
Ce texte va profondément modifier la situation qui prévalait
jusqu'à présent sur les aéroports parisiens, en permettant
l'accès sur le marché de nouveaux opérateurs dès
1999. Il ne fera qu'amplifier les nécessaires mutations
déjà engagées par ADP, lui-même opérateur
d'assistance aux tiers, concernant les ajustements de tarifs et des prestations
offertes.
La baisse prévisible des prix entraînée par
l'ouverture à la concurrence devrait se traduire par une perte de
chiffre d'affaires de 250 à 300 millions de francs d'ici 2001.
b) Les redevances aéroportuaires
La proposition de directive du Conseil sur les redevances
aéroportuaires vise à assurer que les aéroports n'abusent
pas de leur position dominante, en instaurant l'adéquation entre le
niveau de redevances et le coût global des services rendus. Elle
prévoit, notamment, une harmonisation des tarifs de la redevance
passagers pour les vols domestiques et les autres vols intra-communautaires.
Cette harmonisation des redevances aéroportuaires devra cependant
être réalisée à recettes constantes pour les
aéroports, qui sont engagés dans de lourds investissements.
c) Les ventes hors taxes
Pour ce qui concerne les ventes hors taxes, la décision du Conseil du 11 décembre 1991 a prorogé jusqu'au 30 juin 1999 le régime actuel. Mais cette échéance est extrêmement préoccupante pour ADP, qui finance son développement sur ses ressources propres ou par emprunts sur les marchés. La perte de recettes est évaluée à 200 millions de francs par an, ce qui correspond à la moitié du résultat net de 1996.
B. LES PRINCIPAUX AÉROPORTS DE PROVINCE
Les aéroports de province français ont
enregistré en 1996 un trafic total d'environ 41,5 millions de
passagers, soit une croissance de 7,8 % par rapport à 1995. Cette
évolution est légèrement supérieure à celle
des plates-formes parisiennes (+ 7,4 %). Les aéroports de
province ont bénéficié, d'une part, pour les plus grands
d'entre eux, de la concurrence entre compagnies aériennes sur les lignes
les reliant à Paris et du développement de liaisons
internationales, notamment intra-européennes, et, d'autre part, du
développement de l'exploitation de lignes aériennes transversales
entre les métropoles de province par des compagnies régionales.
Cette évolution de l'offre de transport vers un maillage plus fin du
territoire est une des causes de l'augmentation soutenue du trafic passagers en
1996.
L'activité fret de ces aéroports a, quant à elle,
continué globalement à progresser, de + 9,8 % par
rapport à 1995.
II. LA POLITIQUE AÉROPORTUAIRE
A cet égard, deux points -ayant fait l'objet de
récentes décisions du Gouvernement- méritent un
développement particulier :
- l'extension du système aéroportuaire parisien ;
- la remise en cause du troisième aéroport en région
parisienne.
A. L'EXTENSION DE L'AÉROPORT CHARLES DE GAULLE
1. Une décision indispensable
Les enjeux, tant nationaux que locaux, rendent indispensable
la construction de deux pistes supplémentaires à
l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle.
Les perspectives de croissance du trafic aéroportuaire
l'exigent.
En effet, on l'a vu, le trafic aérien mondial est en forte expansion. Le
nombre de mouvements d'avions prévu devrait être en augmentation
de 4 % par an à moyen terme.
Dans cette perspective, l'aéroport de Roissy, qui accueille
35 millions de passagers par an, a déjà atteint un niveau
critique en 1997. Or, la demande de programmation des compagnies sur
l'aéroport est aujourd'hui extrêmement forte. Elle atteint
jusqu'à 130 mouvements par heure, alors que la capacité de
mouvement maximale est de 84 mouvements par heure.
Par ailleurs,
un refus de l'extension de Roissy aurait
entraîné des conséquences négatives sur l'ensemble
de la filière aérienne et aéronautique
française.
Le
groupe Air France
, dont le redressement en cours est partiellement
lié au " hub " constitué à Roissy, aurait
été gravement affecté par un tel refus. Or, la
construction des deux nouvelles pistes doit contribuer à la pleine
efficacité de ce dernier.
Il va sans dire que, si l'abandon des nouvelles pistes avait été
confirmé, son impact négatif sur le groupe Air France aurait
entraîné également des conséquences dommageables sur
la filière aéronautique française,
Aérospatiale
ayant besoin d'un marché intérieur
pour se développer. Ceci aurait été d'autant plus grave
que cette filière, qui est à la pointe de la technologie
française, représente un secteur essentiel de notre
économie.
Au-delà, il faut rappeler que la qualité de la desserte
aérienne est un élément essentiel de la
compétitivité des entreprises françaises, du
développement des activités touristiques, ainsi que de
l'implantation d'entreprises internationales.
Pour toutes ces raisons, votre commission se félicite de la
confirmation de la décision qu'elle avait appelée de ses voeux,
de créer deux nouvelles pistes à Roissy.
Compte tenu du report de la décision lié à la
" remise à plat " du dossier, voulue par le Gouvernement, la
mise en service de la piste 4 initialement prévue pour la fin de
l'année 1998 devrait être repoussée au printemps 1999, la
piste 3 devant, quant à elle, entrer en service à la fin de l'an
2000.
Cette décision fera l'objet d'importantes mesures d'accompagnement.
2. D'importantes mesures d'accompagnement
Rappelons qu'en octobre 1995, à la suite de la
mission Douffiagues -dont votre rapporteur pour avis était membre-, le
précédent Gouvernement avait décidé d'adopter des
mesures d'accompagnement d'envergure avec la mise en oeuvre d'un programme de
réduction du bruit, le développement progressif des
aéroports de province, la réservation d'un site pour une
troisième plate-forme aéroportuaire dans le grand bassin
parisien, le lancement d'une concertation publique relative au
développement de Paris-Charles-de-Gaulle. Cette mission de concertation,
confiée au préfet Carrère, a permis de retenir deux
dispositions complémentaires : la mise en oeuvre d'un
" contrat de maîtrise des nuisances sonores " et la
création d'une institution indépendante pour la mesure et le
contrôle de ces nuisances.
Le Gouvernement actuel a annoncé, le 23 septembre dernier, un
plan d'accompagnement très complet prenant en compte les conditions
édictées par les enquêtes publiques préalables
à la réalisation des deux pistes supplémentaires qui se
sont déroulées du 3 juin au 18 juillet 1996. Ce
plan prévoit un effort particulier en terme de maîtrise des
nuisances sonores et un partage plus équitable des retombées
économiques de l'activité aéroportuaire.
a) La maîtrise des nuisances sonores
Certaines des mesures en la matière correspondent aux
orientations déjà retenues dans le cadre du contrat de
maîtrise des nuisances sonores, élaboré à la suite
de la mission Carrère ; d'autres sont plus novatrices.
Il est prévu notamment de mettre en place une " autorité
indépendante " chargée de la mesure et du contrôle des
nuisances sonores. Contrairement à l' " institution
indépendante " créée en mars 1997 et placée
auprès du ministre chargé de l'aviation civile, cette
autorité sera dotée de la personnalité juridique.
Il est prévu de lui donner à la fois un rôle d'information
et d'expertise. Outre la publication de statistiques régulières
sur le bruit, une liste des compagnies classées selon le bruit
émis, les dérogations demandées et les sanctions subies
serait également portée à la connaissance des riverains.
Constituée d'experts, tout comme l'institution actuelle, la future
" autorité indépendante " serait assistée d'un
" comité de suivi des engagements pris " comprenant des
élus, des représentants des usagers et des professions
concernées aux côtés de représentants de
l'administration et des gestionnaires des aéroports.
Contrairement à une idée reçue, le doublement des pistes
n'entraînera pas celui des nuisances sonores. En effet, la
quantité globale de bruit imputable à l'aéroport de Roissy
est plafonnée au niveau atteint en 1997, y compris en période
nocturne. A cette fin, plusieurs mesures concrètes et dont la mise en
oeuvre ne requiert pas de délai ont été
annoncées :
- l'accélération du programme de retrait des avions les plus
bruyants qui représentent 13 % du trafic mais
génèrent 90 % des plaintes ; rappelons que les
mouvements de ces avions sont interdits entre 23 heures 30 et
6 heures, depuis le 1er avril 1996 ;
- l'interdiction, à compter du 1er janvier 1998, des essais de
moteurs entre 22 heures et 6 heures, assortie de l'absence absolue de
dérogation entre 23 heures et 5 heures ;
- l'obligation, pour les avions de nouvelle génération les
plus bruyants encore utilisés la nuit dont les moteurs sont munis de
simples silencieux, de respecter des procédures particulières de
décollage et d'emprunter des routes aériennes survolant les zones
urbaines les moins denses ; cette obligation sera transformée en
interdiction de vol sur l'aéroport de Roissy entre 23 heures et
6 heures, à partir du 1er décembre 2000 ;
- l'interdiction, entre 23 heures et 6 heures, des avions
à réaction ou à hélices de plus de 9 tonnes
sur l'aéroport du Bourget, exclusivement réservé à
l'aviation d'affaires.
Ces restrictions de navigation aérienne sont complétées
par un renforcement des sanctions en vertu du décret n° 97-534
du 27 mai 1997, en vue d'assurer la protection de l'environnement des
aérodromes.
Outre ces mesures (création d'une autorité indépendante de
mesure et de contrôle, réduction du bruit à la source,
renforcement des sanctions), il est prévu de réviser la
procédure d'aide aux riverains pour l'insonorisation de leur logement.
Le nombre de riverains susceptibles de demander des aides à
l'insonorisation devrait, par conséquent, augmenter. Il résultera
cependant de cette mesure une augmentation de près de 40 % en deux
ans de la taxe d'atténuation des nuisances sonores acquittée par
les compagnies aériennes.
b) La répartition des retombées économiques de l'activité aéroportuaire
Le développement de l'activité
aéroportuaire est un enjeu économique local d'importance.
Rappelons qu'à l'heure actuelle, environ 500 entreprises sont
implantées sur le site de Roissy et y emploient quelque
45.000 personnes, auxquelles il convient d'ajouter 100.000 emplois
indirects. On estime habituellement que chaque million de passagers
supplémentaire induit la création de près de
1.000 emplois directs et autant d'emplois indirects.
Cependant, les retombées de l'activité en matière d'emploi
sont inégales, certaines communes, dont les habitants sont victimes de
fortes nuisances sonores, n'abritant qu'une faible partie des salariés
de la zone aéroportuaire. Dans ce contexte, on peut se féliciter
de la mise en place d'un observatoire sur le bassin d'emploi et la
création d'un groupement d'intérêt public associant les
élus, les entreprises, les organisations syndicales et les services
publics de l'emploi.
Il est, par ailleurs, prévu de mieux répartir les ressources
fiscales tirées de la croissance de l'activité
aéroportuaire. En effet, les recettes de la taxe professionnelle et des
taxes foncières ne bénéficient actuellement qu'à
quelques communes alors que les nuisances générées par
l'aéroport concernent trois départements.
Une mission de réflexion a été confiée à
M. Jean-Philippe Lachenaud, sénateur du Val-d'Oise, pour
élaborer des propositions en ce sens, la cas échéant, par
le biais d'un Fonds interdépartemental de solidarité.
B. LA RÉPARTITION DU TRAFIC AU SEIN DU SYSTÈME AÉROPORTUAIRE PARISIEN
Votre commission pour avis a déjà, l'an
passé, insisté sur le problème de la dévolution des
plates-formes aéroportuaires parisiennes.
On ne peut ignorer le fait que chaque pays tende à développer une
politique aéroportuaire favorable à sa compagnie nationale, qu'il
s'agisse de la Grande-Bretagne, de l'Allemagne ou des Pays-Bas, par exemple.
La France serait bien inspirée d'en faire autant
en réservant
l'aéroport d'Orly aux lignes intérieures et intra-communautaires
et en concentrant les vols long courrier à Roissy,
tout en
respectant bien entendu le principe de non-discrimination.
Une telle répartition répond à une logique
géographique. En outre, on éviterait ainsi que les compagnies
étrangères (britanniques et américaines notamment) ne
puisse alimenter leur trafic international par le biais d'un
" hub "
constitué à Roissy.
Une des conditions du redressement d'Air France est qu'elle puisse continuer
à s'appuyer sur son marché intérieur et à valorizer
son propre " hub ". Il faut donc l'y aider. N'oublions pas
que la
guerre commerciale que se livrent aujourd'hui les compagnies est en
réalité une " guerre des hubs ", l'efficacité de
la politique menée par une compagnie en ce domaine étant le gage
de son succès.
C. LA REMISE EN CAUSE DU TROISIÈME AÉROPORT EN RÉGION PARISIENNE
Rappelons qu'à la suite du rapport Douffiagues, le
Conseil des ministres du 5 juin 1996 avait décidé de
réserver le site de Beauvilliers, en Eure-et-Loir, pour accueillir le
moment venu, une nouvelle plate-forme aéroportuaire en région
parisienne.
Toutefois, Mme Dominique Voynet, ministre chargée de
l'aménagement du territoire et de l'environnement, a
déclaré le 23 septembre dernier qu'elle jugeait la construction
de cet aéroport tout à fait irréaliste. En outre, le
ministre de l'Equipement, des Transports et du Logement, M. Jean-Claude
Gayssot, a indiqué, le mardi 14 octobre dernier devant la
commission des Finances de l'Assemblée nationale, qu'il était
favorable à la
réouverture du débat sur la construction
d'un troisième aéroport en région parisienne
, la
discussion devant porter sur le choix entre une meilleure utilisation des
ressources existantes et la construction d'une troisième plate-forme.
De telles déclarations ne peuvent manquer de susciter des
interrogations.
On ne peut tout d'abord que regretter le manque de
concertation ayant présidé à cette décision
précipitée.
En réalité, la construction du troisième aéroport
proposée par le rapport Douffiagues pouvait se concevoir dans
l'hypothèse où, en raison des limitations opposées au
développement de Roissy, cet aéroport pourrait, à long
terme, ne pas suffire à absorber la croissance du trafic aérien
francilien.
Dans cette hypothèse, nous pourrions, certes, dans la ligne du rapport
Douffiagues, encourager le développement du trafic des aéroports
de province, ce qui s'avérerait très positif en termes
d'aménagement du territoire. Mais ne nous leurrons pas : si un
desserrement du trafic vers les aéroports de province peut être
envisagé, il ne constitue en aucune façon une alternative
entièrement satisfaisante aux aéroports parisiens pour accueillir
la demande.
En effet, s'il est vrai que de grands aéroports français, tels
que Lyon, Nantes, Nice ou Lille, prennent une part croissante du trafic,
particulièrement en ce qui concerne les vols intracommunautaires, il
faut cependant souligner que l'espace aérien est soumis à une
logique d'organisation de marché, et non d'organisation étatique.
On ne peut imposer aux passagers des délais d'acheminement aux
aéroports trop importants, sauf à les inciter à utiliser
d'autres modes de transport que le transport aérien, voire des
aéroports étrangers... A cet égard, une étude
récente montre que les passagers sont prêts à consacrer
trente à quarante-cinq minutes dans les délais d'acheminement aux
aéroports pour un vol aérien de deux heures et une heure
pour un déplacement d'une durée supérieure à deux
heures. Au-delà de ce délai, beaucoup sont dissuadés
d'utiliser les transports aériens.
Dans ces conditions, la construction d'un aéroport sur le site de
Beauvilliers présenterait un grand intérêt.
N'est-il pas frappant de constater que l'avenir de Roissy retient toutes les
attentions alors que personne ne s'inquiète outre mesure de celui
d'Orly ? Cet aéroport n'est-il pas cependant, plus encore que son
frère du Nord de Paris, intégré dans un tissu urbain
extrêmement dense et, par là même, très contraint
dans son activité ?
Plus encore,
s'est-on jamais posé la question de savoir ce qu'il
adviendrait d'Orly en cas d'accident aérien aux alentours de ce
site ?
Votre rapporteur pour avis n'hésite pas à lever le voile pudique
qui cache ce qui n'est certes qu'une hypothèse -dont il espère
bien sûr qu'elle ne se concrétisera jamais- mais qui ne peut
être plus longtemps occultée.
Les exemples étrangers montrent d'ailleurs, s'il en était besoin,
que la probabilité d'un tel accident ne constitue pas qu'une
hypothèse d'école. Souvenons-nous de l'épreuve dramatique
qu'a connu la ville d'Amsterdam lorsqu'un avion décollant de
l'aéroport de Schipol s'est écrasé sur un immeuble
d'habitations, le détruisant entièrement et ensevelissant sous
ses décombres de nombreuses victimes. N'oublions pas non plus que les
Allemands ont décidé de construire l'aéroport Franz Joseph
Strauss après la catastrophe aérienne subie par l'ancien
aéroport de Münich.
Indépendamment de telle circonstances -qui quoiqu'exceptionnelles ne
doivent pas être négligées-,
on ne peut manquer de
s'interroger sur les conséquences, à terme, de la pression
continue et croissante tant des riverains que des élus, tendant à
limiter et à encadrer sévèrement l'activité de la
plate-forme d'Orly.
Toutes ces considérations amènent votre commission pour avis
à s'interroger sur l'opportunité de renoncer aujourd'hui à
disposer des réserves foncières permettant éventuellement
de construire, à terme, un aéroport sur le site de de
Beauvilliers, alors que ce site risque de faire cruellement défaut
demain si l'on était amené, pour une raison ou pour une autre,
à renoncer totalement ou partiellement à exploiter
l'aéroport d'Orly.
Dans ce cas, un report du trafic sur Roissy apparaît exclue, sauf
à accepter un dépassement des seuils actuellement
envisagés.
Or, dans une telle hypothèse, l'établissement d'une plate-forme
aéroportuaire à Beauvilliers permettrait d'apporter une
réponse satisfaisante au problème de l'absorption du trafic
d'Orly.
Ayons bien conscience que, dans le domaine aéroportuaire plus que dans
d'autres, les décisions d'aujourd'hui conditionnent les réponses
aux défis de demain. Elles peuvent, en effet, élargir ou,
à l'inverse, interdire toute capacité d'adaptation
ultérieure, tant en l'absence de réserves foncières
satisfaisant aux exigences d'environnement et de développement durable
à proximité de l'Ile-de-France, aucune nouvelle plate-forme
francilienne à vocation internationale ne pourra être construite.
Alors,
prenons garde aux décisions hâtives et ménageons
l'avenir.
CHAPITRE IV -
LA CONSTRUCTION
AÉRONAUTIQUE
La filière aéronautique connaît une nette
reprise depuis 1995. Cette évolution pourrait se traduire d'ici 2016 par
un besoin global supérieur à 16.000 appareils, soit un
marché total d'environ 100 milliards de dollars.
Dans ce contexte, quelques grands problèmes méritent d'être
évoqués, qui concernent notamment la concentration de l'industrie
aéronautique mondiale et la politique de soutien public au secteur.
I. LE REDRESSEMENT DU MARCHÉ AÉRONAUTIQUE...
Le redressement du marché aéronautique
observé en 1995 s'est très nettement amplifié en 1996.
Cette tendance a été notamment confirmée par les
indicateurs suivants :
- les commandes nettes de jets de plus de 70 places ont
progressé de 54 % ;
- pour Airbus, Boeing et Mc Donnell Douglas, le cumul des commandes nettes
enregistrées en 1996 est en hausse de 77 % par rapport à
1995 (898 appareils contre 508) ;
- les commandes nettes enregistrées pour ces trois constructeurs
sont plus de deux fois supérieures aux livraisons qu'ils ont
effectuées auprès des compagnies.
Cette reprise s'est traduite par une amélioration de la situation des
industriels du secteur aéronautique et spatial.
II. ... PROFITE AUX ENTREPRISES FRANÇAISES DU SECTEUR
A l'échelon national, le groupe
Aérospatiale
a réalisé un chiffre d'affaires
consolidé de 50,8 milliards de francs en hausse de plus de 3 %
par rapport à l'année précédente. Les prises de
commandes, supérieures au chiffre d'affaires, s'établissent
à 63,3 milliards de francs contre 39,3 milliards de francs en
1995. Elles permettent une reconstitution du carnet de commandes qui, à
fin décembre 1996, s'élève à près de
130 milliards de francs et représente 2,6 années de
chiffre d'affaires. Enfin, pour la première fois depuis 1991, le groupe
a renoué avec les bénéfices en affichant un
résultat net positif de 613 millions de francs.
Dans ces conditions, le groupe a prévu de recruter environ
1.200 personnes sur la période 1996-1999.
Pour le groupe
Snecma
, l'exercice 1996 a mis fin à cinq
années de décroissance continue du chiffre d'affaires. Au 31
décembre 1996, celui-ci s'élève à
18,7 milliards de francs contre 17,9 milliards de francs en 1995.
Compte tenu de la reprise soutenue de l'activité, le motoriste
prévoit un chiffre d'affaires de plus de 22 milliards de francs en 1997.
Sur le plan financier, Snecma est demeuré encore déficitaire en
1996, mais ses pertes ont fortement diminué, passant de
853 milliards de francs à 280 milliards de francs.
Le groupe
Dassault Aviation
a réalisé un chiffre
d'affaires de 13 milliards de francs, en hausse de 12 % par rapport
à l'exercice précédent. En outre, l'avionneur continue
d'afficher une bonne santé financière avec un
bénéfice de 1,15 million de francs, soit plus du double de
celui constaté en 1995.
La situation de la filière aéronautique française et
européenne n'est cependant pas sans fragilités face à la
véritable " guerre commerciale " que mènent les
Etats-Unis.
III. UNE NÉCESSAIRE ÉVOLUTION
Il convient d'accélérer le processus de concentration de la filière aéronautique face au souhait des Etats-Unis de conserver leur suprématie dans ce secteur.
A. LE SOUHAIT DES ETATS-UNIS DE CONSERVER LEUR LEADERSHIP AÉRONAUTIQUE
Engagé depuis le début de la présente
décennie, le mouvement de concentration engagé par l'industrie
aéronautique américaine vient de trouver son point d'orgue avec
la
fusion de Boeing et de Mc Donnell Douglas
.
Notons que Boeing a profité pleinement de la reprise du marché
aéronautique. Le constructeur américain a réalisé
un chiffre d'affaires de 116 milliards de francs en 1996, soit une hausse
de près de 20 %. Entre 1995 et 1996, le carnet de commandes est
passé de 361 milliards de francs à 448 milliards de
francs. Celui-ci équivaut à pratiquement quatre années de
chiffre d'affaires. Enfin, le groupe fait état fin 1996 d'un
résultat net de 5,6 milliards de francs en progression de 43 %
par rapport à l'exercice précédent.
Malgré une baisse de 3,6 % de son chiffre d'affaires à
70,5 milliards de francs, imputable à son recul sur le
marché civil, Mc Donnell Douglas affiche une forte rentabilité
avec un résultat positif de 4 milliards de francs.
Avec 26.000 salariés et un carnet de commandes de 790 milliards de
francs,
ce nouveau groupe aérospatial
-le plus puissant du monde-
menace l'existence même de son concurrent européen.
Par le biais de cette fusion, Boeing pourra intégrer les technologies et
les crédits militaires de Mc Donnell Douglas.
Outre cet accroissement très sensible de l'aide publique indirecte dont
bénéficiera ainsi Boeing,
il faut s'inquiéter de la
stratégie d'exclusivité menée par l'avionneur
américain
.
Rappelons que, le 30 juillet 1997, la Commission européenne a
accepté cette fusion sous réserve du respect d'un certain nombre
de conditions, dont la renonciation pendant dix ans aux contrats
d'exclusivité passés par Boeing avec trois compagnies
américaines possédant 10 % de la flotte mondiale : Delta,
American et Continental, avec tout autre transporteur.
L'avionneur semble cependant avoir trouvé une
parade juridique
imparable.
Elle repose sur le raisonnement suivant, qui réduit
à néant la principale concession accordée fin
juillet : si Boeing n'a pas le droit d'imposer à une compagnie
l'achat de ses avions -tel était le sens de la décision de
Bruxelles-, toute compagnie est, en revanche, parfaitement libre de ne
s'approvisionner qu'auprès d'un seul fabricant d'avions, si elle y
trouve son compte. Ainsi, Delta vient de conclure ostensiblement l'achat de
644 Boeing sur vingt ans (dont 106 fermes et le reste en option),
pour bénéficier à plein des conditions de
flexibilité des livraisons et des bas prix qui sont la contrepartie des
contrats exclusifs. La seule différence avec le contrat
précédent est que le client peut, à tout moment, se
raviser et opter pour des Airbus, sans que Boeing puisse s'en offusquer.
Quand on sait que la plupart des autres engagements peuvent être
qualifiés de "
comportementaux
" dont, selon
l'expression utilisée par Mme Edith Cresson, commissaire
européen, dont "
personne ne pourra jamais vérifier le
respect
"
4(
*
)
, on ne peut manquer de
s'interroger sur l'impuissance de la Commission européenne ainsi mise en
lumière.
En outre, votre commission pour avis souhaite que le ministre explique la
ligne de conduite adoptée par le Gouvernement français sur ce
dossier, dont nul ne peut affirmer que ses résultats soient
satisfaisants pour notre industrie aéronautique.
B. LA NÉCESSAIRE ÉVOLUTION DE L'INDUSTRIE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE
1. La nécessaire fusion d'Aérospatiale et de Dassault Aviation
Dans ce contexte, la France n'a plus de temps à perdre.
Elle doit procéder à la fusion des sociétés
Aérospatiale et Dassault Aviation.
En effet, seul un groupe unique rassemblant l'ensemble des forces
françaises de l'aéronautique civile et militaire peut être
à même de résister à une concurrence mondiale dont
l'agressivité va croissant.
La France disposerait ainsi du premier groupe aérospatial
européen, avec un effectif d'environ 50.000 personnes et un chiffre
d'affaires de 60 milliards de francs.
2. Le renforcement de la coopération européenne
a) Le succès de la coopération européenne dans le secteur aéronautique
Nous pouvons nous féliciter du succès
emporté par la coopération européenne dans ce secteur,
à l'heure où Airbus fête ses 25 ans avec les
résultats que l'on sait : n° 2 mondial avec 30 % des
parts de marché et l'objectif de conquérir la moitié du
marché mondial dans les années à venir.
L'organisation
Airbus
a aussi fait la preuve de sa solidité
en permettant aux partenaires de surmonter la crise la plus grave que ce
secteur ait connue dans les années 1991 à 1995, période
particulièrement difficile avec la dégradation de la situation
financière des compagnies aériennes, les amenant à geler
ou à annuler un certain nombre de commandes, la chute du dollar et le
renforcement des contraintes concurrentielles. Dans ce contexte, chaque
partenaire a été amené à mettre en place un
dispositif pour se donner les moyens d'une exploitation durablement profitable.
Il semble que le succès d'Airbus ait été rendu possible
par quatre facteurs :
- dans le domaine des avions commerciaux de plus de 100 places,
chaque partenaire a renoncé à envisager un avenir en dehors du
GIE alors que cette activité était stratégiquement
prioritaire, seule la coopération au plan technologique industriel et
commercial permettant de se maintenir sur ce marché ;
- au sein du GIE, les maisons mères sont conjointes et solidaires.
Cette contrainte s'est avérée un atout auprès de ses
clients ;
- les industriels partenaires se sont spécialisés. Cette
règle générale a permis de développer des
pôles d'excellence technologiques et industriels et a
empêché un éparpillement des efforts d'investissement : le
soutien des Etats, essentiel pour financer une famille d'appareils a ainsi pu
être utilisé au mieux, en limitant les duplications ;
- enfin, les modes de relations contractuelles entre le GIE Airbus et les
maisons mères ont été fondés sur les notions de
forfait. Ont ainsi été évités des
" empilements " de prix qui auraient pu mener Airbus à sa
perte, en diluant les responsabilités et en ne donnant pas suffisamment
de force à la recherche de compétitivité.
Dans une moindre mesure, on peut noter également le succès
du GIE franco-italien
ATR
qui est devenu le numéro un mondial
dans le domaine des avions régionaux à turbopropulsion, avant
d'être rejoint par Bae au sein d'ATR.
Dans le domaine des hélicoptères,
Eurocopter
,
créé au début des années 90 entre Aerospatiale et
Dasa, est devenu, au plan mondial, le premier hélicoptériste
civil, le premier exportateur et a vocation à devenir le pôle de
regroupement européen dans ce secteur.
b) La transformation du statut juridique d'Airbus Industrie
Face à l'émergence de la menace qui constitue
la fusion Boeing-Mc Donnell Douglas, il apparaît plus que jamais que
seule une société européenne, civile et militaire, ait une
chance de survie.
C'est dans cette perspective que doit être rapidement poursuivi le
processus d'intégration d'Airbus vers une société unique
qui devrait être constituée au début de l'année
1999.
Rappelons que l'an dernier, les quatre partenaires -Aérospatiale et
l'allemand Dasa, Daimler-Benz Aerospace (chacun 37,9 %), British Aerospace
(20 %) et l'espagnol Casa (4,2 %)- s'étaient entendus pour
transformer le GIE de commercialisation et d'après-vente Airbus en une
véritable entreprise dotée d'actifs industriels et ce, avant le
1er janvier 2000. Mais, au sommet franco-allemand de Weimar, ils
avaient avancé la date au 1er janvier 1999.
Les industriels estiment que cette création se fera "
sur la
base de l'intégration de toutes les activités requises pour
définir, développer et produire la gamme de produits actuelle et
future d'Airbus sous la responsabilité d'une direction
unique
"
5(
*
)
.
Il reste cependant à fixer les conditions précises de ce
processus.
C. RÉFORMER LE DISPOSITIF DE SOUTIEN PUBLIC À LA RECHERCHE ET AU DÉVELOPPEMENT
1. Accroître les aides indirectes
Soyons clairs : la politique de recherche et de
développement dans le domaine aéronautique doit être
réformée
. Il est plus que temps de sortir du contentieux qui
nous oppose aux Etats-Unis s'agissant du dispositif de soutien public à
la recherche aéronautique.
Dans cette perspective, il convient
d'obtenir la révision de l'accord
du 17 juillet 1992
sur les appareils de plus de 100 places
dont l'application pénalise fortement l'industrie européenne,
puisque les aides directes sont strictement limitées en Europe, tandis
que les aides indirectes américaines restent incontrôlables.
Le budget recherche et développement de la NASA consacré à
la construction aéronautique civile est évalué à
plus d'un milliard de dollars, soit 8 % du budget total de l'Agence. En
outre, l'industrie américaine profite du soutien financier
apporté par le ministère de la Défense, ainsi que de
divers avantages fiscaux.
Dans ce contexte, votre commission pour avis partage les conclusions de
l'excellent rapport présenté au nom de la commission des Finances
par M. Yvon Collin sur les soutiens publics à la construction
aéronautique civile
6(
*
)
,
présenté, qui juge que "
la proportion des aides
indirectes doit être accrue
puisque les avances remboursables
sont, en l'état, soumises à de stricts plafonds. Mais, cela
suppose une meilleure programmation des soutiens à la recherche au
niveau national et européen
".
2. Lutter contre les nuisances sonores
Par ailleurs, votre commission attache beaucoup
d'importance à ce que la recherche dans le domaine aéronautique
donne la priorité à la lutte contre les nuisances sonores,
à l'instar des efforts développés aux Etats-Unis.
D'importants effets ont déjà été
réalisés en la matière, mais il faut encore les poursuivre
car il s'agit là d'une clé de l'avenir du secteur. En effet, le
transport aérien se développant dans un contexte de densification
du tissu urbain et d'une attention croissante -et légitime- de nos
concitoyens à la pollution sonore, il est permis de penser que les
constructeurs qui seront à la pointe du progrès dans ce domaine
marqueront des points dans la course qui leur permettra de s'affirmer dans la
compétition exacerbée actuelle et à venir.
Dans cette perspective, il convient de poursuivre les recherches dans le
domaine de la motorisation. De même,il faut encore développer la
qualité des matériaux phoniques utilisés dans les avions
et étudier les moyens de réduire le bruit lié à
l'aérodynamique, sachant que celui-ci est plus important à
l'atterrissage qu'au décollage.
*
* *
Suivant la proposition de son rapporteur, la commission a donné un avis défavorable aux crédits inscrits au titre de l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1998.
EXAMEN PAR LA COMMISSION
Réunie le mardi 18 novembre 1997 sous la
Présidence de M. Jean François-Poncet, président, la
commission a procédé à l'examen du rapport pour avis de M.
Jean-François Le Grand sur les crédits consacrés à
l'aviation civile dans le projet de loi de finances pour 1998.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, s'est
félicité des efforts entrepris par la direction
générale de l'aviation civile (DGAC) pour se conformer au souhait
de transparence exprimé par le Parlement, à travers
l'élaboration d'un état récapitulatif présentant la
répartition des coûts et des dépenses du budget annexe de
l'aviation civile (BAAC).
Après avoir indiqué que les fonds inscrits au BAAC
s'élevaient à 8,469 milliards de francs pour 1998, en hausse
de 5,91 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997, il
en a présenté les principales orientations :
- une simple reconduction de la subvention de l'Etat ;
- une augmentation des redevances et taxes à la charge des
compagnies aériennes sur lesquelles pèseront donc exclusivement
les recettes du budget annexe. A cet égard, il a souligné
l'augmentation de 39,3 % de la taxe de sécurité et de
sûreté, qui ne manquera pas de déséquilibrer les
comptes de ces compagnies.
Evoquant ensuite les dépenses du BAAC, M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis, a souhaité que le Gouvernement améliore la
cohérence des programmes français et européen dans le
domaine de la navigation aérienne et s'est interrogé sur
l'opportunité des importantes charges de personnel (+ 6 %),
dues aux hausses de salaires substantielles dont bénéficiaient
les fonctionnaires du contrôle aérien.
Il a ensuite indiqué que la taxe qui alimente le fonds de
péréquation des transports aériens était maintenue
par le projet de loi de finances pour 1998 à un franc par passager
embarqué. Il a souligné que, dans ces conditions, ce fonds ne
devrait pas connaître de difficultés de trésorerie dans les
deux années à venir, le taux de la taxe devant probablement
être réexaminé à partir de l'an 2000.
S'il a estimé qu'il fallait sans doute exclure tout assouplissement des
critères communautaires d'éligibilité des liaisons
aériennes au FPTA, le rapporteur pour avis a cependant souhaité
qu'une réflexion soit menée sur les modalités et
conditions d'application de ces critères par la France, de façon
à établir un bilan du dispositif et à identifier, dans le
cadre de la réglementation communautaire, d'éventuelles marges de
manoeuvre.
S'agissant enfin des dotations destinées aux programmes
aéronautiques, le rapporteur pour avis a déploré la
réduction d'un tiers des crédits de soutien à la
recherche-amont, au moment où cette dernière s'avèrait
vitale pour affronter une concurrence mondiale très vive. A cet
égard, après avoir rappelé que la construction
aéronautique civile américaine bénéficiait de
crédits du ministère de la défense et de la NASA, il a
fait part de son " regret teinté d'amertume " de constater
que
l'on pénalisait de nouveau les constructeurs européens
après avoir tenté, ces deux dernières années, de se
rapprocher de la démarche américaine en ce domaine. S'il s'est
félicité de l'augmentation de 34,4 % des crédits
destinés aux avances remboursables, il a cependant souligné
qu'elles ne faisaient que traduire la relance des programmes
aéronautiques, et non un plus grand engagement budgétaire de
l'Etat.
Dans ces conditions, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a
proposé à la commission de donner un avis défavorable
à l'adoption des crédits destinés aux transports
aériens dans le projet de loi de finances pour 1998.
Il a ensuite exposé l'évolution du paysage aérien mondial
et européen, caractérisé à la fois par une
croissance du trafic et par une concurrence acharnée ne permettant plus
de raisonner en termes nationaux dans ce secteur.
Après avoir salué les efforts de rationalisation et de
productivité réalisés par la direction et par le personnel
du groupe Air France, il a cependant relativisé l'amélioration
des résultats obtenus, Lufthansa et British Airways ayant, dans le
même temps, multiplié leurs profits respectivement par trois et
par quatre.
Le rapporteur pour avis a souligné que la mondialisation du secteur du
transport aérien s'accompagnait d'un mouvement accentué
d'alliances entre compagnies, qu'il a qualifié de véritable
" jeu de monopoly ".
Evoquant les alliances majeures qui se sont nouées dans le secteur, il a
relevé que ces alliances étaient désormais basées
sur la pratique des " codes partagés ", qui permet
d'éviter une concurrence suicidaire sur la fidélisation des
passagers et fait observer que l'aspect capitalistique prendrait à
l'avenir une importance croissante. Il a estimé que, dans ces
conditions, le groupe Air France devait mener une stratégie d'alliances
ambitieuse reposant sur trois piliers : européen, américain et
asiatique, le groupe devant combler un important retard en la matière.
Après avoir rappelé que la répartition du capital des
compagnies aériennes européennes avait souvent
évolué -six des plus grandes compagnies ayant désormais
une majorité d'investisseurs privés-, il a jugé que
l'absence d'engagement clair en faveur d'une privatisation d'Air France
pénalisait cette dernière et nuisait à sa
crédibilité dans sa recherche d'alliances. Or, a-t-il
précisé, cette stratégie doit être menée
rapidement, dans la mesure où le marché mondial sera totalement
capté d'ici deux à trois ans.
En outre, il a fait observer qu'en l'absence de privatisation, les personnels
du groupe ayant accepté des réductions de salaires en
contrepartie d'actions seraient fondés à considérer qu'ils
avaient été payés en " monnaie de singe ". Il a
craint que ne soit, dans ce cas, freinée -voire cassée- la
dynamique qui avait jusqu'ici permis des efforts de rationalisation du groupe.
Puis, après avoir souligné le développement du trafic
enregistré par les transporteurs régionaux privés, M.
Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a souhaité une
réforme du Conseil supérieur de l'aviation marchande (CSAM),
qu'il avait l'honneur de présider et dont il a estimé le
fonctionnement " figé et très administratif ". Il a, en
outre, dénoncé la " double casquette " de la DGAC,
à la fois opérateur et régulateur.
S'agissant des infrastructures aéroportuaires, le rapporteur pour avis a
souligné l'évolution positive du trafic des aéroports
parisiens dont il a rappelé qu'ils étaient les seuls
aéroports à vocation internationale, en Europe, à disposer
d'une capacité de développement permettant de répondre
à la croissance du trafic. Dans ces conditions, il s'est
félicité qu'ait été confirmée la
décision de construire deux pistes supplémentaires sur
l'aéroport de Roissy.
Il a ensuite évoqué l'impact négatif de la
réglementation communautaire sur les finances d'Aéroport de Paris
(directives relatives à l'accès au marché de l'assistance
en escale et aux redevances aéroportuaires et projet de suppression des
ventes hors taxes).
Le rapporteur pour avis a souligné la croissance du trafic des
principaux aéroports de province. Il a cependant estimé qu'il
serait illusoire de considérer que le desserrement du trafic francilien
vers ces aéroports pourrait offrir une alternative entièrement
satisfaisante aux aéroports parisiens pour accueillir la demande. Il
s'est, par ailleurs, interrogé sur ce qu'il adviendrait d'Orly en cas
d'accident aérien aux alentours de ce site et a estimé que, dans
ces conditions, on pouvait s'interroger sur l'opportunité de renoncer
aujourd'hui à disposer des réserves foncières permettant
éventuellement de construire, à terme, un aéroport sur le
site de Beauvilliers, en Eure-et-Loir. Il a jugé que la commission
s'honorerait en posant cette question.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a ensuite
évoqué le problème de la dévolution des
plates-formes aéroportuaires parisiennes, estimant que l'aéroport
d'Orly devait être réservé aux lignes intérieures et
intra-communautaires et les vols long courrier concentrés sur
l'aéroport de Roissy.
S'agissant de la filière aéronautique, il s'est
félicité des résultats positifs du groupe
Aérospatiale, qui lui permettraient de recruter environ
1.200 personnes sur la période 1996-1999.
Il s'est cependant inquiété de la véritable " guerre
commerciale " menée par les Etats-Unis, en particulier de la menace
résultant de la fusion de Boeing et de Mac Donnell Douglas et de la
stratégie d'exclusivité menée par l'avionneur
américain, qui entraîne des distorsions de concurrence au
détriment de l'industrie européenne. Souhaitant un renforcement
de la coopération européenne dans le secteur aéronautique,
le rapporteur pour avis a jugé nécessaire la poursuite du
processus d'intégration d'Airbus, une société unique
devant être constituée au début de l'année 1999.
Il a défendu l'idée d'une réforme du dispositif de soutien
public à la recherche et au développement, au moyen notamment
d'un accroissement des aides indirectes, à l'instar du dispositif
américain, comme le préconisait le rapport de M. Yvon Collin
sur ce sujet. Il a, par ailleurs, attaché beaucoup d'importance à
ce que la recherche dans le domaine aéronautique donne la
priorité à la lutte contre les nuisances sonores.
Un large échange de vues s'est ensuite instauré au sein de la
commission.
Après avoir félicité le rapporteur pour avis pour la
qualité de son exposé, M. Jean Huchon s'est
inquiété de la concurrence exercée par Boeing et s'est
interrogé sur le prix et le résultat des navettes mises en place
par l'ex-Air Inter.
En réponse, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a
rappelé que cette compagnie -dont le passif était très
lourd, et qui ne bénéficiait plus de la péréquation
entre les lignes " milliardaires " et les lignes
déficitaires-, était parvenue, à travers la mise en place
de ces navettes, à réduire les coûts unitaires en
réalisant des gains de productivité. Il a relevé que
l'optimisation de la recette serait favorisée par une meilleure
adaptation des avions à ce type de trafic.
Après avoir lui aussi félicité le rapporteur pour avis, M.
Gérard César a déclaré partager son point de vue
s'agissant du site de Beauvilliers, et souhaité que le débat dans
ce domaine ne soit pas fermé.
S'interrogeant sur le bilan du fonctionnement des navettes, il a jugé
" scandaleux " qu'à l'occasion des retards parfois
importants
dont elles étaient l'objet, aucune information ne soit
délivrée aux passagers. Il a enfin demandé les raisons de
la grève des pilotes du jeudi précédent.
Sur ce point, M. Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis, a
rappelé que les pilotes de l'ex-Air Inter devaient passer sous le statut
des pilotes d'Air France, ce qui leur posait certains problèmes en
termes de prise en compte de l'ancienneté et d'évolution des
conditions de travail. Il a indiqué que seule une minorité des
membres du syndicat des pilotes avait cependant suivi cette grève.
Répondant ensuite à M. Jacques de Menou qui évoquait le
projet de British Airways de développer l'activité d'une
compagnie de transport européen bon marché, le rapporteur pour
avis a exposé que de telles compagnies pourraient se multiplier
étant donnée la demande en ce domaine. Il s'est cependant
inquiété des risques de " dumping " économique
et social par ces compagnies qui, pouvant être basées à
Jersey, par exemple, n'hésiteraient pas à recruter des pilotes
étrangers à bas salaire. Il a indiqué que le CSAM comme
l'Union européenne menaient des réflexions sur la
possibilité de contrer de telles pratiques qui, en outre, posaient le
problème de la sécurité des avions.
A la suite d'une intervention de M. Jean Huchon, qui avait évoqué
l'aéroport de Wattries, le rapporteur pour avis a indiqué que les
aéroports de province connaîtraient, à terme, un
développement important en raison de la croissance du transport de fret.
A cet égard, il a relevé que la banalisation de ce type de
transport entraînerait une baisse de ses coûts qui amènerait
les compagnies à se positionner sur les aéroports de province,
dont les coûts étaient inférieurs aux aéroports
parisiens.
M. Kléber Malécot a souhaité que le Gouvernement adopte
une position claire sur l'avenir du site de Beauvilliers.
La commission a ensuite donné un avis défavorable aux
crédits inscrits au titre de l'aviation civile dans le projet de loi de
finances pour 1998, les sénateurs du groupe socialiste et M. Pierre
Lefebvre s'abstenant.
1
Selon l'enquête
réalisée et publiée annuellement par la revue Airline
Business.
2
Notamment par la pratique du " partage de
codes " qui
permet à une compagnie d'assurer une présence commerciale -au
travers de son numéro de vol- sur le réseau de la compagnie
partenaire.
3
Ainsi, en 1996, Aéroports de Paris a autofinancé
74 % de ses dépenses d'investissements.
4
Voir interview parue dans
Le Monde
du 25 juillet 1997.
5
Voir l'article d'Olivier Provost paru dans
La Tribune
du 15
octobre 1997.
6
Voir le rapport Sénat n° 367 (1996-1997).