B. LA REFONTE DES ZEP
1. Un dispositif regroupant près de 1,2 million d'élèves
Créées il y a quinze ans et consacrées
par la loi d'orientation sur l'éducation de 1989 pour " donner plus
à ceux qui ont le moins ", les quelque 550 zones d'éducation
prioritaire sont réparties sur l'ensemble du territoire et scolarisaient
près de 10 % des élèves à la rentrée
1995, soit 1,178 million de jeunes.
Cette démarche " inégalitaire " a été
retenue dans un but d'équité pour donner à la fois des
moyens supplémentaires et des avantages pédagogiques aux
établissements concernés (renforcement de la présence
d'adultes, amélioration des conditions d'enseignement, reconnaissance
des sujétions particulières des personnels).
L'origine sociale des élèves et la concentration de publics
défavorisés sur le plan économique, social et culturel
constituent autant d'éléments justifiant la création d'une
ZEP.
Les ZEP regroupent pour la plupart d'entre elles des écoles, des
collèges et parfois des lycées et sont ouvertes sur leur
environnement (services municipaux, associations périscolaires et
sociales, familles).
Les effectifs d'élèves scolarisés en ZEP se
répartissent ainsi qu'il suit :
- 730.000 élèves dans 5.318 écoles ;
- 380.000 élèves dans 724 collèges ;
- 41.000 élèves dans 106 lycées professionnels ;
- 28.000 élèves dans 37 lycées.
Ces effectifs sont inégalement répartis : si les
élèves en ZEP ne représentent que 4,9 % des
élèves des collèges ruraux, cette proportion atteint
24 % dans les villes de plus de 100.000 habitants.
Ce pourcentage varie également selon les régions : si
l'académie de Clermont-Ferrand ne compte que 5,5 % de ses
collégiens en ZEP, celle de Rouen en dénombre 26,4 %.
2. Le dispositif indemnitaire des personnels de ZEP
Ce dispositif comporte trois éléments :
a) L'indemnité de sujétions spéciales dite de ZEP
Prévue par le plan de revalorisation de la fonction
enseignante, une indemnité dite de sujétions spéciales a
été instituée depuis le 1er septembre 1990 en faveur
des enseignants exerçant dans des ZEP et, depuis le 1er janvier
1991, pour les personnels de direction.
A l'origine, en bénéficiaient les personnels enseignants des
écoles, collèges, lycées (y compris les lycées
professionnels) et établissements d'éducation spéciale
ainsi que les personnels d'éducation et de documentation dès lors
que l'école ou l'établissement d'exercice était
situé dans une zone prioritaire ou dans un établissement
sensible, qu'ils soient titulaires ou non.
Depuis le 1er août 1993, les personnels enseignants, d'éducation
et de documentation titulaires affectés en établissements
sensibles ont vu cette indemnité remplacée par une nouvelle
bonification indiciaire.
Le taux de l'indemnité de sujétions spéciales ZEP est
indexé sur la valeur du point de la fonction publique et est fixé
depuis le 1er mars 1997 à 6.741 francs. Les dotations concernent
37.850 personnes dans le premier degré et 38.548 dans le second
degré.
b) La part modulable de l'indemnité de suivi et d'orientation des élèves
Cette indemnité comprend une part fixe versée à tous les enseignants du second degré et une part modulable (dont le montant varie entre 5.220 francs et 8.217 francs selon les classes) allouée aux enseignants qui exercent les fonctions de professeur principal. Dans les établissements sensibles, classés ou non en ZEP, cette part modulable peut être servie à deux enseignants par division, alors que dans les autres établissements, une seule part modulable est perçue par division.
c) La nouvelle bonification indiciaire
Les personnels enseignants, d'éducation et de
documentation titulaires exerçant l'intégralité de leurs
obligations de service dans un établissement sensible ou classé
en ZEP bénéficient d'une nouvelle bonification indiciaire de
30 points.
Les personnels ATOS et de santé bénéficient, pour leur
part, d'une nouvelle bonification indiciaire de 10 points lorsqu'ils sont
affectés dans un établissement situé en ZEP et de 20
points lorsqu'ils sont en établissement sensible.
Enfin, une nouvelle bonification indiciaire de 8 points est servie aux
assistantes sociales dès lors que leur secteur d'intervention comprend
au moins un établissement situé en ZEP ou en établissement
sensible.
3. La réforme des ZEP : le rapport des inspections générales1( * )
Il convient d'abord de souligner que le rapport ne
préconise pas une augmentation du nombre des ZEP et envisage même
des sorties d'établissements du dispositif en fonction de
critères sociaux.
Les auteurs du rapport proposent que la définition des zones puisse
être révisée régulièrement et que les
lycées qui accueillent des collégiens de ZEP informent
systématiquement les principaux de collège du devenir scolaire de
ces élèves : en cas de " décrochage ", des sas
devraient leur offrir des études encadrées ou un retour au
collège.
Au lieu d'envisager un allégement des programmes, les rapporteurs
estiment que l'approche pédagogique dans ces établissements
devrait permettre d'y maintenir un haut degré d'exigence.
Le rapport demande également une plus grande lisibilité et un
meilleur suivi de l'utilisation des moyens attribués aux ZEP.
Outre une valorisation des bons enseignants, les auteurs évoquent la
possibilité d'un ralentissement de carrière et un
déplacement pour les autres et expriment le voeu que les nominations
provisoires dans les ZEP soient aussi réduites que possible.
Ils préconisent également le recrutement des responsables sur des
postes à profil, une gestion individualisée de ces postes et une
clause de durée maximum dans une même zone pour les fonctions de
responsabilité.
Ils suggèrent aussi d'engager une réflexion sur les
mécanismes d'apprentissage et le développement des centres de
ressources pour sortir les ZEP de leur isolement.
Au total le rapport privilégie une meilleure reconnaissance du travail
des enseignants, un pilotage renforcé et une réduction de la
taille des zones d'éducation prioritaire.
4. Les propositions du gouvernement
S'inscrivant dans les perspectives des conclusions du rapport des inspections générales, les propositions du gouvernement pour les ZEP s'ordonneraient autour de trois axes prioritaires sans modifier leur principe fondateur de discrimination positive.
a) La reconnaissance du travail des personnels
Cette reconnaissance passerait par un repérage des
enseignants les plus efficaces qui bénéficieraient d'une
accélération de carrière, d'un congé sabbatique ou
d'une autre forme de compensation, le système actuel d'évaluation
ne fournissant pas de critères permettant de repérer ces
enseignants.
L'amélioration des carrières bénéficierait
également aux chefs d'établissement et directeurs d'école,
ces derniers devant être davantage déchargés de leur
classe.
Des ZEP à taille humaine seraient en outre redéfinies et leurs
contours seraient révisés régulièrement, ce qui
suppose la création d'un échelon national de gestion de la
politique de ces zones au niveau de l'administration centrale et
l'établissement de tableaux de bord pour permettre aux recteurs de
suivre l'évolution des ZEP, et notamment des moins performantes.
b) Les relations avec les familles
Le développement de relations avec les familles
passerait par une utilisation de médiateurs, le lancement d'une campagne
sur la représentation des parents au sein de l'école et
l'extension de la scolarisation à deux ans, celle-ci permettant
d'assurer une " transition douce " entre la crèche et
l'école.
Un plan de rattrapage pour la scolarisation des enfants de deux ans devrait
être préparé et des contrats de réussite
centrés sur les apprentissages, en particulier ceux qui touchent
l'acquisition des langages et la lecture, devraient être proposés.
c) Le décloisonnement des ZEP
Afin d'éviter la ségrégation des populations scolaires dans les établissements, le gouvernement préconiserait enfin le renforcement des liens pédagogiques entre les écoles et les collèges et une évolution des ZEP vers des réseaux d'éducation prioritaire.
d) Le calendrier et les moyens budgétaires de la réforme
D'après les indications fournies à la
commission, le dispositif de revitalisation des ZEP devrait être
opérationnel et la révision de la carte des ZEP intervenir
à la rentrée 1998 après concertation avec les élus
et les acteurs de terrain.
La ministre déléguée a par ailleurs indiqué que les
moyens supplémentaires prévus dans le projet de budget pour 1998
seront engagés prioritairement en ZEP, qu'il s'agisse de l'affectation
des 1.320 postes de personnels non enseignants (infirmières, assistantes
sociales, conseillers d'éducation), de l'augmentation des crédits
pédagogiques de 17,6 millions de francs et de l'affectation des
crédits du fonds social pour les cantines (250 millions de francs)
qui bénéficieront aux enfants des familles les plus
défavorisées.
5. Les réserves exprimées à l'égard de cette réforme
Outre ces trois orientations, un recentrage sur les savoirs
fondamentaux consistant à alléger de manière drastique les
programmes de collège a été évoqué :
ces enseignements pourraient être dispensés par des professeurs
polyvalents s'appuyant sur les manuels de référence en sciences
et humanités tels que ceux qui ont été
élaborés par le conseil national des programmes.
Certains craignent que cette approche préfigure une réforme plus
générale du collège, considèrent qu'une baisse de
l'exigence pédagogique ne constitue pas une réponse aux
problèmes des élèves des ZEP et s'interrogent sur la
pertinence d'un traitement particulier de la politique des personnels dans ces
zones qui s'opposerait à leur nécessaire renouvellement.
6. Les observations de votre commission
Une délégation de la commission a
effectué un déplacement le 16 octobre dernier à
Chanteloup-les-Vignes pour examiner les réponses apportées par un
collège classé ZEP et zone sensible aux difficultés des
élèves.
Le collège Magellan accueille en effet environ 400 élèves
de milieux sociaux variés et le plus souvent
défavorisés : 32 nationalités d'Afrique, du Maghreb
et d'Asie y sont représentées et une grande partie des familles
des élèves, souvent monoparentales, sont au chômage
La délégation de la commission a été frappée
par le dynamisme et la jeunesse de l'équipe éducative et de
direction ainsi que par la relative stabilité des enseignants.
Elle a pu constater la diversité et la richesse des actions et des
projets programmés par l'établissement qui nécessitent
cependant un fort encadrement des élèves et en conséquence
un abaissement des effectifs par classe.
Elle a noté que les priorités du projet d'établissement
consistent à apporter une aide aux élèves pour
créer un système de valeurs, à utiliser largement
l'informatique notamment dans le cadre des cours de mathématiques et de
technologie, à lutter contre la violence et à développer
le respect des règles notamment par la pratique du sport, à
s'ouvrir sur l'extérieur en préparant les jeunes à quitter
leur quartier, à établir des contacts avec les entreprises pour
améliorer l'orientation des élèves et à
développer le soutien scolaire.
Il reste que cet équilibre qui résulte du dynamisme et de
l'investissement de l'équipe éducative et de direction reste
fragile et suppose un surencadrement des élèves, une certaine
autonomie des enseignants par rapport aux exigences pédagogiques
officielles, et aussi une formation spécifique pour aider ces derniers
à affronter des difficultés auxquelles ils ne sont actuellement
pas préparés.