II. LES OBSERVATIONS
A. LE POIDS DE L'EMPLOI PUBLIC
1. Le poids des dépenses de personnel reflète celui des créations d'emplois opérées depuis le début des années 1980
Entre 1980 et 1996
, les effectifs budgétaires de
l'Etat ont progressé, à champ constant, de 11,3 % hors
Défense -et de 6,6 % y compris Défense-, soit de
+ 115.700 emplois
.
Ce n'est qu'
en
1997
qu'a été marqué
l'arrêt souhaitable de cette évolution, avec une diminution de
0,4 % hors Défense -soit
- 5.499 emplois
- et une
quasi stabilité si l'on prend en compte les emplois militaires :
cette diminution a permis une économie de 0,8 milliard de francs en
1997.
En 1998
, cette orientation, pourtant la seule possible pour amorcer une
modernisation de l'Etat et une diminution de la dépense publique, est
abandonnée : le mouvement de créations reprend avec un solde
positif de
490 emplois civils
, et de 6.533 emplois en prenant
en compte la Défense.
2. L'Etat ne parvient pas à maîtriser la dépense de fonction publique
L'abandon de la politique de réduction d'effectifs, qui
avait permis d'économiser 0,8 milliard de francs en 1997, et
1,1 milliard de francs en 1998, renforce la difficulté
évidente pour l'Etat de maîtriser ses coûts de
personnel : au poids des effectifs s'ajoute en effet celui du
"GVT"
positif, reflétant les mesures catégorielles des années
passées
Par ailleurs, cette absence de maîtrise naît également de
l'impossibilité actuelle de scinder la négociation salariale,
dont l'ouverture est aujourd'hui annoncée sous sa forme traditionnelle
avec l'ensemble des syndicats de fonctionnaires. Ses répercussions
touchent non seulement l'ensemble des agents de l'Etat
47(
*
)
mais au total l'ensemble de la
dépense induite de fonction publique, soit plus de 39 % des
dépenses du budget : ainsi, une revalorisation d'1 % du
point d'indice coûte 6,2 milliards de francs au budget de l'Etat.
3. Les contours de l'emploi public sont flous
a) Le champ d'application de la négociation salariale
Au-delà des 2,2 millions d'agents de l'Etat, il
faut comptabiliser dans l'emploi public :
- les 200.000 emplois des établissements publics nationaux (hors
entreprises nationales) ;
- les 165.000 agents de France Télécom et les
280.000 agents de La Poste
48(
*
)
;
- les 1,4 million d'agents de la fonction publique territoriale ;
- les 845.000 agents de la fonction publique hospitalière.
Au total, on recense donc plus de 5 millions d'agents publics pour une
population active de 22,4 millions,
soit plus d'un actif sur cinq
.
C'est la totalité de cette population qui est concernée par la
négociation salariale dans la fonction publique, ce n'est donc qu'une
seule partie de ses effets qui apparaît dans le budget de l'Etat.
b) La vraie nature de l'emploi public
Les agents employés par l'Etat, les
collectivités territoriales et les établissements hospitaliers ne
le sont pas sous le même statut :
- le "noyau dur" de la fonction publique est constitué des
titulaires
, soit à peu près les quatre-cinquièmes
des agents publics ;
- le solde, soit environ un million de personnes, est constitué de
non titulaires
: contractuels, auxiliaires, vacataires... Leur
proportion est beaucoup plus grande dans les établissements publics
(plus de 60 %) et dans la fonction publique territoriale (plus de
30 %) que dans la fonction publique d'Etat où ils
représentent toutefois plus de 13 % des effectifs.
Répartition entre titulaires et non titulaires
|
1990 |
1995 |
||||
|
Total titulaires et non titulaires |
Non titulaires |
|
Total titulaires et non titulaires |
Non titulaires |
|
Ministères (1) |
2.168.900 |
328.100 |
15,1 % |
2.214.400 |
294.000 |
13,3 % |
Etablissements publics (2) |
188.500 |
117.100 |
62,1 % |
208.000 |
126.500 |
60,8 % |
Total Fonction Publique de l'Etat (1) |
2.357.400 |
445.200 |
18,9 % |
2.422.400 |
420.500 |
17,4 % |
FPT (1) (2) (3) |
1.326.400 |
448.900 |
33,8 % |
1.442.700 |
504.900 |
34,7 % |
FPH (personnel non médical) (1) |
667.100 |
35.700 |
5,4 % |
689.900 |
37.500 |
5,4 % |
Total des 3 fonctions publiques (1) |
4.386.900 |
929.900 |
21,2 % |
4.575.000 |
962.900 |
21,0 % |
(*) % de non titulaires par rapport à l'effectif
total
(1) Effectifs non compris les bénéficiaires de contrat emploi
solidarité (CES)
(2) Y compris assistantes maternelles
(3) Les effectifs de 1995 sont une estimation
Source : Direction générale de la Fonction publique
- enfin, un troisième cercle d'agents est constitué de personnes bénéficiaires de contrats emploi solidarité, qui ne sont pas des contrats de droit public, et qui ne peuvent pas être directement conclus par les services de l'Etat : toutefois de nombreux CES sont conclus par les collectivités territoriales et par les établissements publics, ce qui aboutit à les considérer comme des CES "Fonction publique", dont le nombre est supérieur à 200.000 :
Répartition des CES "fonction publique"
|
Total CES fonction publique (1) |
Collectivités territoriales |
EPA et EPIC hors enseignement |
Etablissements publics d'enseignement |
Etablissements de santé |
1993 |
219.073 |
94.175 |
64.611 |
37.426 |
22.861 |
1994 |
254.094 |
107.451 |
70.086 |
47.117 |
29.440 |
1995 |
250.416 |
105.645 |
64.127 |
49.983 |
30.661 |
(1) Le total des bénéficiaires de CES fin
1995 est de plus de 400.000 ; les autres bénéficiaires de
CES, hors fonction publique, sont classés en "associations" et
"mutuelles".
Enfin, les "emplois-jeunes" prévus ans le projet de loi de finances
pour 1998 peuvent être considérés comme des emplois
publics, puisque l'Etat prendre en charge 80 % de leur
rémunération, et même 100 % pour les jeunes
recrutés par l'Intérieur ou par l'Education nationale : il y
aura là encore quelque 100.000 emplois publics (350.000 en 1999)
relevant du droit privé.
L'Etat emploie donc une proposition non négligeable d'agents dans des
conditions non statutaires.
Certes des progrès ont été réalisés
grâce à la loi du 16 décembre 1996 relative à
l'emploi dans la fonction publique qui comporte un plan de résorption de
l'emploi précaire s'adressant à environ 20.000 agents du niveau
de la catégorie C et près de 18.000 agents assurant des
fonctions d'enseignement ou d'éducation (contractuels vacataires,
auxiliaires...).
Les premiers concours ont été organisés au printemps 1997
par les ministères de l'éducation nationale (2.700 postes) et de
l'agriculture (370 postes) : toutefois cette résorption de
l'emploi précaire ne concernera que 38.000 agents sur
1 million ; par ailleurs, le problème demeure -et
s'accroît en 1998- pour les CES "fonction publique" et les emplois
jeunes, dont le total pourrait atteindre 500.000 en période de
croisière.