II. UN DISPOSITIF D'UNE GRANDE COMPLEXITÉ
La complexité intrinsèque du dispositif français, conjuguée à celle des différents dispositifs internationaux ou supranationaux, rend particulièrement difficile une vision d'ensemble des efforts consentis par notre pays en matière d'aide publique au développement.
A. LA COMPLEXITÉ INTRINSÈQUE DU DISPOSITIF FRANÇAIS
Le dispositif français est marqué par le grand nombre des acteurs, ministères et organismes, intervenant dans le processus d'aide au développement. Parmi ceux-ci, il convient de distinguer, d'une part, le ministère de l'économie et des finances, qui assure à lui seul la distribution de près de la moitié de l'effort financier en faveur de la coopération et trois autres acteurs principaux qui sont le ministère de la coopération, le ministère des affaires étrangères et la Caisse française de développement. Cette complexité explique que, de réformes en projets, notre dispositif soit toujours à la recherche d'une nouvelle efficacité.
1. Le ministère de l'économie et des finances
La prépondérance du ministère de
l'économie et des finances dans l'action d'aide et de coopération
semble telle que l'Observatoire permanent de la coopération
française considère que "
le véritable ministère
de la coopération se situe non pas rue Monsieur, mais à
Bercy
"
2(
*
)
.
En réalité, cette affirmation mérite d'être
tempérée. Si optiquement le ministère de l'économie
et des finances est bien le premier contributeur à l'effort financier en
faveur du développement, en réalité sa marge de manoeuvre
est souvent étroite. D'une part, parce que certaines décisions,
comme par exemple les annulations de dettes, se prennent au niveau des chefs
d'Etat ou de gouvernement et que leur application dans le temps ne laisse
guère de place à une appréciation discrétionnaire.
D'autre part, parce que l'utilisation de certains instruments, comme par
exemple les protocoles financiers, obéit à une importante
concertation interministérielle en amont, notamment avec le
ministère des affaires étrangères.
Il n'en reste pas moins vrai que ce ministère joue un rôle
stratégique important dans l'élaboration et la conduite de notre
politique d'aide au développement.
LE RÔLE DU MINISTÈRE DE L'ÉCONOMIE
ET DES FINANCES
Outre son rôle traditionnel dans
l'établissement, le contrôle et les modifications en cours
d'exercice des différents budgets concourant à l'enveloppe
financière pour l'APD, le ministère de l'économie et des
finances joue un rôle important soit comme gestionnaire soit comme
bailleur de fonds.
A.
En tant que
gestionnaire
, le ministère de
l'économie et des finances, par l'intermédiaire du service des
affaires internationales de la Direction du Trésor, assure :
1. le suivi des institutions multilatérales
La direction du Trésor assure la représentation de la France
dans les institutions financières internationales et, notamment,
dans
les institutions de Bretton Woods
(FMI et Banque mondiale) et de
l'OCDE
(CAD).
Elle représente également notre pays dans les diverses
banques régionales
(Banque asiatique de développement,
Banque interaméricaine de développement, Société
interaméricaine de développement) et
fonds de
développement
auxquels la France participe (Fonds africain de
développement, Fonds asiatique de développement, Fonds
spécial pour la sûreté nucléaire de l'ex-URSS, Fonds
de développement de l'Amérique latine et des Caraïbes, Fonds
pour l'environnement mondial...).
2. la coordination avec les instances nationales
Le ministre de l'économie et des finances assure la tutelle de premier
rang de la
Caisse française de développement
(CFD),
conjointement au ministère des affaires étrangères et au
ministère de la coopération.
En outre, la direction du Trésor est représentée au
Comité directeur du FAC
et, en conséquence, influence les
orientations et les décisions du ministère de la
coopération.
Enfin, elle est en charge de la coopération monétaire avec les
pays de la zone franc et à ce titre suit l'activité des
banques centrales de cette zone
(Afrique de l'Ouest, Afrique centrale et
Comores).
B.
En tant que
bailleur de fonds
, le ministère de
l'économie et des finances intervient essentiellement au travers de cinq
instruments (dont quatre d'aide bilatérale) :
1. Les participations en capital et les versements à
différentes organisations et fonds internationaux
La direction du Trésor négocie les augmentations de capital et
les reconstitutions de ressources des différentes institutions
multilatérales susmentionnées.
2. les protocoles financiers avec les pays extérieurs au champ
d'intervention du FAC
Ces protocoles sont consentis pour soutenir des projets auxquels sont
associées des entreprises françaises, sous forme de prêts
et de dons du Trésor. Ils sont coordonnés avec les autres formes
d'interventions tels que les crédits de coopération scientifique
et technique ou les interventions de la CFD. Ils concernent essentiellement les
pays asiatiques.
3. l'aide à l'ajustement structurel pour les pays de la zone franc
Au titre de ses responsabilités dans la gestion de la zone franc, la
direction du Trésor instruit, avec le ministère de la
coopération et la CFD, les aides à l'ajustement structurel
accordées aux pays africains.
Il lui appartient également de conduire dans les Etats africains les
missions d'évaluation financière tripartites (Trésor,
Coopération, CFD) qui négocient tant le montant que les points
d'application des concours à l'ajustement.
4. le traitement de la dette
Le Parlement fixe le montant des
annulations de dettes mises en oeuvre dans
le cadre du Club de Paris
, le montant des dépenses
budgétaires relatives au
financement des accords de
consolidation
, ainsi que le montant des
annulations de dette publique
décidées dans un cadre bilatéral
(Dakar I,
conférence de Paris sur les PMA en 1990, Sommet de la Baule en 1990,
Sommet de Libreville en 1992, Dakar II).
La direction du Trésor négocie ensuite les
accords de
consolidation
qui sont mis en oeuvre comptablement par la Banque de France.
Elle assure également la présidence et le secrétariat du
"Club de Paris"
, enceinte où sont négociées les
dettes des pays en voie de développement qui ne peuvent en assurer le
paiement à bonne date. Sur la base des autorisations budgétaires
fixées par le Parlement, la direction du Trésor assure les
négociations des accords bilatéraux de
réaménagement de dettes pris en application des accords conclus
dans le cadre du Club de Paris.
5. le financement de la CFD
Le ministère de l'économie apporte l'essentiel des ressources
dont bénéficie la CFD sur fonds publics (elle se finance
également sur les marchés). A son tour, cet organisme intervient
pour financer de l'aide projet, de l'ajustement structurel ou des
participations aux organisations multilatérales (facilité
d'ajustement structurelle renforcée du FMI).
Les crédits gérés directement ou suivis par le
ministère de l'économie et des finances transitent par le budget
des charges communes et par celui des comptes spéciaux du Trésor.
Mais pour être exhaustif, il faudrait également prendre en
considération les coûts des services centraux et des services
déconcentrés qui sont pris en charge par le budget des services
financiers et qui représentaient en 1997 565 millions de francs.
Globalement, la contribution du ministère de l'économie et
des finances à l'effort financier en faveur du développement
croît de 2 milliards de francs, soit 22,2 % et représente
désormais 11,5 milliards de francs.
Les
crédits inscrits au budget des charges communes
augmentent
de 1,2 milliards (+ 16 %) pour atteindre
8,9 milliards
et
représentent
77 % de la contribution
de ce ministère.
La
charge nette des comptes spéciaux du Trésor
augmente
considérablement (+ 77,3 %) et représente près de
2
milliards
, soit
17 % de la contribution
de ce ministère.
Accessoirement, les crédits de paiement des services financiers
diminuent de 2 % pour s'établir à 566 millions de francs.
a) Le budget des charges communes
Les crédits relatifs à
l'aide
multilatérale
représentent 44 % du total et sont en forte
augmentation, tandis que ceux relatifs à
l'aide bilatérale
diminuent sensiblement et voient leur
part relative
passer de 70 %
à
56 %.
(1) l'aide multilatérale
Les crédits représentatifs des contributions
françaises aux différents organismes internationaux
3(
*
)
par lesquels transitent une part
importante de l'effort en faveur du développement,
s'élèvent à près de
4 milliards de francs en
crédits de paiement, soit une augmentation de 68 %
et à
2,6 milliard de francs en autorisation de programme, soit une diminution de
92 %
4(
*
)
.
Ces variations importantes ne doivent pas surprendre, puisque, depuis 1985,
les engagements pluriannuels souscrits par la France font l'objet d'une
inscription d'autorisations de programme pour la totalité de la
souscription, et d'inscriptions successives de crédits de paiement pour
le montant des tranches annuelles de versement. Ce système explique donc
en grande partie les importantes variations constatées d'une
année sur l'autre.
L'augmententation des crédits d'aide multilatérale
demandés pour 1998 résulte essentiellement de la forte croissance
des crédits de paiement demandés pour la participation de la
France au Fonds européen de développement (+ 168 %),
laquelle s'explique par l'entrée en vigueur effective du
VIII
ème
FED en 1998. L'importance des crédits de
paiement nécessaires à cette action contraste donc avec la
faiblesse des crédits de paiement accordés pour 1997 qui
constituaient la fin de l'exécution du VII
ème
FED.
Cela explique également l'absence d'autorisations de programme,
celles-ci ayant été inscrites après la signature du
VIII
ème
FED, dans la loi de finances pour 1997 à
concurrence de 20 milliards de francs.
(2) l'aide bilatérale
Globalement, les crédits d'aide bilatérale
diminuent de 6 %
et représentent près de
5 milliards de
francs
. Ils peuvent être regroupés en quatre masses qui
correspondent aux quatre instruments dont dispose le ministère de
l'économie et des finances (voir encadré supra).
Le tableau ci-après fait apparaître la
forte augmentation des
crédits relatifs aux protocoles financiers
dont la part relative
passe de 5 % à 13 % du total. Dans le même temps,
les
crédits liés à des annulations de dette
diminuent de
14 % et ne représentent plus que 52 % du total. L
es crédits de
la CFD
diminuent de 15 % et voient leur part relative ramenée
à 34 %.
Cette évolution qui résulte d'une diminution mécanique
des annulations de dette est relativement satisfaisante et traduit d'une
certaine manière l'amélioration de la situation des pays du
champ.
(a) l'aide extérieure accordée par le Trésor sur protocoles financiers
Cette aide extérieure (dons et prêts)
représente, pour 1998, 658 millions de francs de crédits de
paiement et 600 millions d'autorisations de programme.
Elle concerne principalement les protocoles financiers mis en oeuvre
directement par le Trésor (chapitre 68-00 article 10), dont les
crédits de paiement augmentent de 175 % pour représenter 614
millions de francs. Cette brutale augmentation ne résulte pas d'une
volonté politique mais traduit mécaniquement l'effet calendaire
des déboursements liés aux protocoles conclus les années
précédentes.
Cette action comporte également les remboursements des frais de gestion
au titre de concours aux Etats étrangers (chapitre 37-01 article 10)
à la banque française pour le commerce extérieur (BFCE),
devenue depuis 1997 NATEXIS, après sa fusion avec le Crédit
National. Ces remboursements sont évalués à 35 millions de
francs.
Accessoirement, on peut ranger dans cette première masse les
études réalisées à partir des crédits
inscrits sur le chapitre 37-03 et qui concernent essentiellement des actions
effectuées dans le cadre de protocoles financiers.
On notera que, pour avoir une vision complète de l'instrument
"protocoles financiers", il faudrait dépasser la distinction budget
général/ comptes spéciaux du Trésor et prendre en
compte également les crédits du chapitre 1 du compte
spécial 903-07 : "prêts du Trésor à des Etats
étrangers en vue de faciliter l'achat de biens d'équipement"
(voir infra tableau sur la répartition par catégorie
d'instruments).
(b) les dons en faveur de l'ajustement structurel,
Depuis la loi de finances pour 1997, les crédits relatifs à cette action, qui transitaient anciennement par le chapitre 42-01 (dons en faveur de l'ajustement structurel), ont été transférés au ministère de la coopération sur le chapitre 41-43 (articles 20 et 30). Si bien que l'essentiel des dons en faveur de l'ajustement structurel financés par le budget des charges communes, sont de fait gérés par la CFD.
(c) Le traitement de la dette (annulations et rééchelonnements)
Les initiatives prises par la France pour contribuer au
règlement des difficultés financières rencontrées
par les pays les plus pauvres en matière d'endettement se traduisent par
des mesures d'annulation de dettes décidées dans le cadre du
Club de Paris
(voir encadré infra sur les dispositifs
d'annulation de dettes et leur coût budgétaire).
Par ailleurs, en application des mesures annoncées à l'occasion
du sommet de Dakar (dit
Dakar I
) en mai 1989, de la
deuxième
conférence des Nations-Unies sur les pays les moins avancées
de Paris en septembre 1990 les lois de finances pour 1989 et 1990 ont
annulé pour les trente-cinq pays les plus pauvres et les plus
endettés d'Afrique subsaharienne et sept autres pays moins
avancés africains, la totalité des créances d'aide
publique au développement.
La loi de finances pour 1990 prévoit également des conversions
de dettes sur les pays à revenu intermédiaire.
La loi de finances rectificative pour 1992 autorise des annulations totales ou
partielles pour quatre pays à revenu intermédiaire de la zone
franc dans le cadre du "
fonds de conversion de créances
". Ce
fonds créé pour alléger la dette de quatre pays à
revenu intermédiaire de la zone franc (Cameroun, Congo, Côte
d'Ivoire et Gabon) a été doté initialement de
4 milliards de francs de créances publiques françaises. Son
objectif est de procéder, dans un cadre strictement bilatéral,
à des annulations conditionnelles de l'encours des dettes
détenues par la Banque de France, suite aux
rééchelonnements intervenus en Club de Paris en contrepartie de
la réalisation de projets de développement. Il ne s'agit pas d'un
mécanisme de conversion au sens strict, puisque le fonds ne
reçoit rien en échange de l'annulation et ne constitue donc pas
un instrument de financement supplémentaire. Les projets servant de
support aux conversions doivent en effet trouver leur financement par ailleurs.
Depuis sa création, soixante projets ont été
présentés au fonds, dont quarante-deux ont été
retenus. Le cumul des annulations autorisées s'élève
à 2.013,5 milliards de francs selon la répartition par pays
suivante :
- Cameroun : 415 MF
- Congo : 193 MF
- Côte d'Ivoire : 959 MF
- Gabon : 447 MF
Enfin, le plan d'accompagnement de la dévaluation du franc CFA (dit
Dakar II) prévoit également d'importantes annulations de dettes
pour les pays de la zone franc.
Budgétairement, les crédits relatifs à
l'annulation de
la dette publique au développement
sont autorisés par le
Parlement, principalement au titre de l'indemnisation de la Caisse
française de développement (chapitre 44-98, article 36 § 13)
et, accessoirement au titre des garanties diverses accordées à la
Banque française du commerce extérieur (chapitre 14-01,
article 90 § 21 de la nomenclature d'exécution).
Pour avoir une vision complète de l'instrument "annulations de
dettes",
il faudrait également prendre en considération le compte
spécial du trésor 903-17 : "prêts du Trésor à
des Etats étrangers pour la consolidation de la dette envers la France"
(voir infra).
Globalement, les crédits demandés pour 1998
représentent 2,6 milliards de francs dont 2,5 pour la CFD, en
diminution de 14 % par rapport à l'an dernier. Cette diminution
correspond à une baisse attendue, compte tenu de
l'échéancier de paiements.
(d) Le financement de la CFD
Enfin, le budget des charges communes concourt au
financement
des opérations de la CFD. Ce financement représente,
pour
1998, 1,729 milliard de francs
,
en diminution de 14 % par rapport
à 1997
. Il prend les formes suivantes :
-
bonifications d'intérêts
des emprunts que la CFD est
autorisée à contracter sur les marchés financiers
français et international et qui sont utilisés pour financer de
l'aide-projet à des conditions concessionnelles
(prêts dits
du "premier guichet"). Ce financement provient du chapitre 44-98
article 36
§ 11 et constitue l'essentiel du financement de la CFD en provenance du
ministère de l'économie et des finances. Il représentait
1,605 milliard de francs pour 1997 et
1,352 milliard pour 1998
;
-
bonifications d'intérêts
pour le financement de la
participation française à la
facilité d'ajustement
structurel renforcée du FMI
(chapitre 44-98 article 36 §12), ce
qui représentait 220 millions pour 1997 et 200 millions pour 1998 ;
-
indemnisation au titre de l'allégement de la dette et de la
réduction des taux d'intérêt des prêts aux pays
à revenu intermédiaire (
chapitre 44-98 article 36
§ 14), ce qui représentait 84 millions de francs pour 1997 et
62 pour 1998.
-
remboursements de frais de gestion au titre de concours aux Etats
étrangers
(chapitre 37-01 article 20), ce qui représentait
130 millions pour 1997 et 150 pour 1998.
Pour avoir une vision globale du financement de la CFD en provenance du
ministère de l'économie et des finances, il faudrait
également lui ajouter les crédits du chapitre 2 du compte
spécial 903-07 (prêts du Trésor à la CFD :
"remboursements à la CFD").