II. L'EFFORT EN FAVEUR DES BIBLIOTHEQUES
La création de 350 emplois pour les bibliothèques est un point positif, eu égard à la situation très difficile des bibliothèques universitaires françaises, évoquée par le rapport Fauroux.
L'appréciation des bibliothèques universitaires françaises par la commission Fauroux
Les bibliothèques universitaires constituent un des
exemples les plus criants de ce que certains se plaisent à nommer la
"misère" universitaire française. La Commission a eu l'occasion
de visiter plusieurs universités françaises et
étrangères et de constater, sans forcer le trait, l'indigence des
bibliothèques universitaires de notre pays.
Tous les critères de comparaison internationaux des
bibliothèques universitaires mettent la France au ban des nations
comparables. Qu'il s'agisse d'acquisitions d'ouvrages, de collections,
d'abonnements en cours, d'emplois affectés en bibliothèques, de
salles équipées des nouvelles technologies, de prêt
à domicile ou de prêt interbibliothèques, d'horaires
d'ouverture, de budget de fonctionnement ou du nombre de places offertes, la
France est à la traîne.
Les bibliothèques universitaires françaises -un peu moins de
cent disposent, à elles toutes, d'un budget équivalant à
la seule bibliothèque du Congrès aux États-Unis, soit
prés de 1 300 millions de francs. En dépit d'efforts
récents, souvent pris en charge par les collectivités
territoriales, leur capacité d'accueil est faible: une place pour 18
étudiants et 0,5 mètre carré par étudiant. A titre
indicatif, en Allemagne ou en Grande-Bretagne, les bibliothèques
universitaires proposent toutes, aujourd'hui, une place pour cinq
étudiants et environ 1,5 m² par étudiant. Organisés
suivant une séparation contraignante entre salles publiques et magasins
fermés, les locaux français ne permettent que très
rarement un accès libre aux fonds, gage d'une initiation individuelle
à la recherche et à l'auto-documentation.
Les collections et acquisitions des bibliothèques universitaires
représentent 24 millions de volumes, dont près de la
moitié en région parisienne, alors que la province accueille 67%
des lecteurs inscrits. Mais quatre bibliothèques universitaires
seulement dépassent le million de volumes en France (soit 3% des
bibliothèques) contre plus d'une sur trois en Allemagne. Les collections
d'ouvrages sont 5,3 fois supérieures en Allemagne à celles de la
France et 4,5 fois supérieures en Grande-Bretagne. En Allemagne, le
seuil de "viabilité" pour l'ouverture d'une bibliothèque est
fixé à 200 000 volumes, seuil que n'atteint qu'une
bibliothèque universitaire sur deux en France.
Le sous-équipement en bibliothèques est aggravé par leurs
conditions d'usage : en 1995, la France disposait pour ses bibliothèques
universitaires d'environ 3.700 postes pour 1.130.000 lecteurs inscrits, contre
7.800 postes en Allemagne ou en Angleterre pour un nombre de lecteurs inscrits
relativement voisin. Plus du tiers des bibliothèques universitaires
allemandes disposent de plus de cent personnes pour accueillir les
étudiants et gérer les fonds En France, elles sont quatre sur
près de cent. Bien que la fréquentation des bibliothèques
universitaires soit en hausse (40 millions d'entrées en 1993), les
horaires d'ouverture, contraignants , restent un frein pour une meilleure
utilisation des ressources documentaires. Le rapport Miquel sur les
bibliothèques fixait comme objectif l'ouverture des
établissements pendant 60 heures hebdomadaires (contre environ 50
aujourd'hui). Même si les établissements tentent, dans la mesure
de leurs moyens, de se rapprocher de cet objectif, 12% seulement des sections
ouvrent entre 55 et 60 heures par semaine et 5% plus de 60 heures. Là
encore, la comparaison avec les pays de forte tradition ou pratique
universitaire est impitoyable : quiconque a eu la chance d'étudier dans
une bibliothèque universitaire allemande, américaine ou
canadienne, sait qu'il peut travailler de huit heures à vingt-trois
heures et revenir le samedi et le dimanche pour lire un livre commandé
quelques jours avant dans une autre bibliothèque universitaire
éloignée. Il sait aussi qu'il peut consulter une bibliographie
informatisée et accéder aux fonds d'une autre
bibliothèque, grâce à des banques de données
actualisées en permanence.
L'initiation des étudiants à la recherche commence -doit-on le
rappeler- par la recherche de documents, supports d'exposés et de
travaux écrits. Comment enseigner aux étudiants les rudiments de
la recherche s'ils ne disposent pas de place suffisante ni d'endroits calmes
pour travailler ou pour consulter des bibliothécaires
spécialisés dans l'accueil des étudiants ? Le rapport
annuel du Conseil supérieur des bibliothèques déplore "
l'enlisement " dont souffrent les bibliothèques universitaires et
souligne que la remise à niveau est loin d'être accomplie Ainsi,
trop d'étudiants sont,
de facto,
écartés de toute
possibilité de recherche universitaire, lorsqu'ils n'ont pas chez eux
les moyens de substitution nécessaires.
Les bibliothèques bénéficieront en 1998 d'une mesure
nouvelle positive de 50 millions de francs, dont 10 millions pour la promotion
des nouvelles technologies.
Les crédits de fonctionnement des bibliothèques
représentent actuellement 400 francs par étudiant, toutes sources
de financement confondues. D'ici cinq ans, un objectif de 800 francs par
étudiant permettrait d'atteindre le ratio de un volume acquis par
étudiant et par an, de doubler le nombre d'abonnements et de
développer les accès aux documents sur support numérique.
De 1991 à 1997, 175.000 mètres carrés de
bibliothèque ont été mis en service. 70.000 mètres
carrés supplémentaires devraient l'être en 1998, et 71.000
en 1999, soit un total de 316.000 mètres carrés.
Les achats des bibliothèques universitaires ont progressé,
passant de 210.000 volumes en 1987 à 775.000 volumes en 1995. Cette
croissance des achats doit se poursuivre, car, actuellement, ils ne
dépassent pas 0,5 volume par étudiant et par an.
En outre, les bibliothèques universitaires doivent aussi acquérir
de la documentation électronique, dont l'offre se multiplie actuellement.
La création de 350 emplois pour les bibliothèques (20 inspecteurs
de magasinage, 120 magasiniers, 69 conservateurs, 1 technicien d'art et
140 bibliothécaires) permettra notamment d'accompagner la mise en
service des nouvelles surfaces et d'accroître les horaires d'ouverture.
Enfin, la carrière du corps des bibliothécaires sera
revalorisée, grâce à la transformation de 262 emplois de
bibliothécaires de deuxième classe et de 81 emplois de
bibliothécaires de première classe en 343 emplois de
bibliothécaires.