Rapport n° 58 - Projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995


M. André ROUVIERE, Sénateur


Commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées - Rapport n° 58 - 1997/1998

Table des matières






N° 58

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 29 octobre 1997

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi autorisant la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995 ,

Par M. André ROUVIÈRE

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart,  Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière, André Vallet.

Voir le numéro :

Sénat : 372 (1996-1997).

Traités et conventions.

Mesdames, Messieurs,

Le projet de loi qui nous est soumis a pour objet d'autoriser la ratification, par la France, de la convention de Londres relative à l'aide alimentaire de 1995.

Cette convention constitue le second volet d'un accord international sur les céréales de 1995, succédant à l'accord international sur le blé de 1986, venu à expiration en juin 1996.

Le premier volet de l'accord international sur les céréales est la convention sur le commerce des céréales de 1995. Relevant de la compétence exclusive de l'Union européenne, et donc non soumise aux parlements nationaux, son objectif est de favoriser la coopération internationale en matière de commerce des céréales ; ses dispositions n'ont pas de caractère contraignant.

En revanche, nous avons à nous prononcer sur cette convention sur l'aide alimentaire, qui donne lieu à une compétence partagée entre l'Union et ses Etats membres.

Comme le précédent texte de 1986, la présente convention concrétise la volonté des Etats parties de participer à la sécurité alimentaire des pays les plus démunis en leur assurant chaque année une ressource minimale de 10 millions de tonnes de céréales.

Votre rapporteur décrira l'économie générale de ce texte et les difficultés que rencontre parfois la solidarité alimentaire internationale qui devra pourtant être de plus en plus sollicitée à l'avenir.

A. LE MARCHÉ MONDIAL DES CÉRÉALES : UNE TENDANCE À LA HAUSSE DES COURS MONDIAUX

En 1996, la production mondiale de céréales était évaluée à 1 480 millions de tonnes, répartie entre 580 millions de tonnes de blé et 900 millions de tonnes de céréales secondaires. A la même période, la consommation s'est élevée à 1 450 millions de tonnes, soit un peu moins de 580 millions de tonnes de blé et 870 millions de tonnes de céréales secondaires.

Sur dix ans, on constate une hausse parallèle de la production et de la consommation de blé, avec toutefois une tendance, sur ces dix ans, à une diminution substantielle des stocks, contribuant à une hausse importante des cours mondiaux, ceux-ci atteignant des niveaux records.

Les principaux producteurs mondiaux restent la Chine (112 millions de tonnes en 1996, l'Union européenne (100 millions de tonnes en 1996), suivies par les Etats-Unis, la CEI et l'Inde dont la production respective est comprise entre 60 et 70 millions de tonnes.

S'agissant des principaux exportateurs, le classement des pays se présente comme suit :

Les Etats-Unis dont les exportations, en 1997, ont représenté 30 % du marché mondial ; l'Australie -ses exportations représentent 20 % du marché mondial ; le Canada (19 % du marché mondial), l'Union européenne (17,5 %) ; l'Argentine (11 % du marché mondial).

Pour ce qui est des importations, si l'Asie du Sud-Est a fortement accru sa part au détriment de l'ex-URSS, les principaux importateurs de blé demeurent l'Iran (6,5 millions de tonnes), l'Egypte (6,5 millions de tonnes), le Japon (6 millions de tonnes) et le Brésil (5,3 millions de tonnes).

L'accroissement parallèle de la production et de la concurrence mondiale vaut aussi pour les céréales secondaires dont les principaux producteurs sont les Etats-Unis (270 millions de tonnes en 1996 essentiellement du maïs), la Chine (130 millions de tonnes) et l'Union européenne (100 millions de tonnes). Les Etats-Unis en sont les principaux exportateurs (60 % du marché avec 53 millions de tonnes), l'Union européenne n'en représentant que 10 % (orge).

B. LE BILAN DE LA CONVENTION DE 1986

Depuis 1993, les livraisons annuelles d'aide alimentaire sont en diminution sensible. Avant 1993, on recensait une aide d'environ 10 millions de tonnes d'équivalent-céréales par campagne, 70 % provenant des Etats-Unis et 20 % de l'Union européenne. Les volumes d'aide alimentaire livrés sont, depuis 1993, en diminution régulière :

1993-1994 : 8,7 millions de tonnes

1994-1995 : 7,1 MT

1995-1996 : 6,5 MT

1996-1997 1( * ) : 5,6 MT

Ainsi l'ambition affichée, dans la présente convention, de maintenir le niveau de 10 millions de tonnes apparaît-elle, dès le début, très irréaliste. Les estimations d'aide livrée pour la campagne 1996-1997 (5,6 millions de tonnes) ne sont que très légèrement supérieures au niveau minimal spécifié à l'article III de la convention (5,35 millions de tonnes). Ce niveau minimal est d'ailleurs inférieur à celui fixé dans le texte de 1986 : 7,5 millions de tonnes.

Cette diminution a essentiellement pour cause la réduction de l'aide en provenance des Etats-Unis passée de 6,1 millions de tonnes en 1992-1993 à 4,3 en 1996-1997. En revanche l'aide communautaire est restée stable au cours des six dernières années en dépassant les 2 millions de tonnes. Les livraisons d'aide en 1995-1996 et leurs estimations pour 1996-1997 se présentent comme suit, comparées à la contribution annuelle minimale figurant dans la présente convention.

Contribution annuelle minimum

1995-1996

1996-1997

Australie

300 000

298 146

300 000

Canada

400 000

448 784

455 000

Union européenne

1 755 000

2 413 891

2 100 000

Japon

300 000

474 810

400 000

Norvège

20 000

20 000

Suisse

40 000

75 479

40 000

Etats-Unis

2 500 000

2 226 000

2 300 000

Total

5 350 000

6 566 866

5 615 000

C. LES PRINCIPES DE BASE DE LA CONVENTION

Comme le texte de 1986 auquel elle succède, la convention de 1995 sur l'aide alimentaire consacre la volonté des signataires de participer à la sécurité alimentaire des pays les plus déshérités.

Cette assistance alimentaire est chiffrée dans son objectif : " apporter chaque année aux pays en développement une aide alimentaire d'au moins 10 millions de tonnes de céréales propres à la consommation humaine " (article premier).

La convention prévoit un montant annuel minimal à fournir par les Etats parties à la convention.

La détermination des contributions s'est faite sur une base volontaire. S'agissant de l'Union européenne, la répartition de la contribution globale (1,755 000 tonnes) a été opéré sur la base des contributions fixées par la précédente convention. Certains Etats ont réduit leur contribution à l'occasion de l'élaboration du nouveau texte : ainsi l'Autriche (de 20 000 à 8 900 tonnes), l'Espagne (de 20 000 à 8 900 tonnes), l'Italie (de 954 000 à 87 000 tonnes). La Finlande a supprimé sa contribution arrêtée en 1986 à 26 000 tonnes. La France, pour sa part, maintient sa contribution à hauteur de 200 000 tonnes.

La répartition se présente donc de la façon suivante :

Communauté

983 000 tonnes

Allemagne

193 500

Autriche

8 900

Belgique

41 500

Danemark

15 600

Espagne

8 900

France

200 000

Grèce

10 000

Irlande

4 000

Italie

87 000

Luxembourg

1 400

Pays-Bas

49 700

Royaume-Uni

110 700

Suède

40 000

Total

1 755 000 tonnes

Par ailleurs, elle identifie les pays prioritairement bénéficiaires : ceux qui ont un besoin d'importer des produits alimentaires et qui sont classées par le Comité d'Aide au développement de l'OCDE comme étant les pays les moins avancés (PMA, autres pays à faible revenu (PFR), ou pays à revenu intermédiaire de la tranche intérieure (PRITI) (article III).

L'aide peut être consentie de plusieurs manières : dons de céréales, dons de céréales ou dons en espèces -sous certaines conditions- à utiliser pour l'achat de céréales ; ventes de céréales contre monnaie du pays bénéficiaire si celle-ci n'est pas convertible en devises ou en marchandises utilisables par le pays donateur ; vente de céréales à crédit, à long terme et à un taux inférieur à celui du marché (article IV). Enfin, chaque pays est libre de désigner le ou les bénéficiaires de son aide, la convention invitant cependant les donateurs à recourir au circuit multilatéral du Programme alimentaire mondial (PAM).

Afin de ne pas perturber les flux habituels du commerce international en la matière, l'article VII de la convention invite les Etats parties à veiller à ce que leur aide alimentaire ne " soit pas liée, directement ou indirectement, aux exportations commerciales de produits agricoles des pays bénéficiaires ". Afin d'éviter ainsi que l'aide alimentaire ne remplace pas les importations normales, un suivi sera assuré grâce à un dispositif de notification des opérations d'aide alimentaire par chacun des donateurs.

Sur le plan institutionnel, la présente convention continue d'être administrée par le Comité de l'aide alimentaire institué par la convention initiale de 1967. Ce comité, qui siège à Londres, rassemble les parties à la convention, veille au respect des dispositions de la convention, recueille et diffuse tous renseignements utiles à son bon fonctionnement. En cas de différend sur l'interprétation ou l'application de la convention, c'est le Comité qui peut décider des mesures appropriées à prendre. Ses décisions sont prises au consensus.

D. LA FRANCE ET L'APPLICATION DE LA CONVENTION DE 1995

Le coût annuel de l'aide alimentaire française, constituée par la contribution annuelle de 200 000 tonnes d'équivalent-céréales dépasse 300 MF, répartis sur deux lignes budgétaires :

- celle du ministère de l'Agriculture -article 44-54-73- en ce qui concerne l'achat des produits. Cette ligne contribue par ailleurs au financement des actions de coopération technique engagées par le ministère ;

- celle du secrétariat d'Etat à la coopération -article 42-26-10- pour ce qui concerne le transport de l'aide.

En loi de finances initiale, les montants ont été les suivants au cours des trois dernières années :

1995

1996

1997

Achat de produits

150 MF

162 MF

217,5 MF

Transport de l'aide

125 MF

125 MF

105 MF

Total

275 MF

287 MF

322,15 MF

- Les bénéficiaires de l'aide française

Une trentaine de pays bénéficient chaque année de l'aide française, toujours consentie sous forme de don en nature :

- don de céréales au gouvernement du pays bénéficiaire, qui les rend ensuite en monnaie locale. Les sommes recueillies alimentent un fonds de contrepartie géré paritairement destiné à financer des projets de développement agricole rural ;

- exceptionnellement, don de céréales au gouvernement du pays bénéficiaire en vue d'une distribution gratuite à des groupes de populations défavorisées ;

- mise à disposition par la France de son aide au Programme alimentaire mondial qui les utilise pour des projets de développement ou pour l'approvisionnement de camps de réfugiés.

CONCLUSION

L'aide alimentaire constitue un aspect essentiel de l'aide publique au développement consentie par notre pays et par nos partenaires de l'Union européenne. A ce titre cette convention -déjà en application depuis le 1er juillet 1995- consacre le maintien et la poursuite de notre engagement en faveur des populations privées du minimum alimentaire.

Votre rapporteur ne peut évidemment que recommander l'adoption du texte qui vous est soumis.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent projet de loi lors de sa réunion du 29 octobre 1997.

A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. André Rouvière a débattu avec M. Xavier de Villepin, président, des raisons qui conduisaient certains Etats contributeurs, comme les Etats-Unis, à réduire leur participation à cette forme d'aide au développement. Puis, suivant l'avis de son rapporteur, la commission a approuvé le projet de loi qui lui était soumis.

PROJET DE LOI

(Texte présenté par le Gouvernement)

(Article unique)

Est autorisée la ratification de la convention relative à l'aide alimentaire de 1995, faite à Londres le 5 décembre 1994 et signée par la France le 26 juin 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 2( * ) .

ANNEXE -
ETUDE D'IMPACT3( * )

1 Etat de droit et situation de fait

La Convention de Londres de 1995 se substitue à l'Accord international sur le blé de 1986 qu'elle actualise. Cet instrument vise à réaliser l'objectif fixé par la Conférence mondiale de l'alimentation d'apporter chaque année 10 millions de tonnes de céréales aux pays en voie de développement et réaffirme une ambition politique en faveur des pays les plus pauvres. Il n'a pas été créé de structure nouvelle, le Comité de l'aide alimentaire déjà existant à Londres étant chargé d'administrer la Convention.

2 Bénéfices escomptés

- pour l'emploi

(sans objet)

- pour l'intérêt général

L'aide alimentaire programmée fixée par la Convention est une composante de l'aide publique au développement, à laquelle notre pays consacre une grande priorité politique. La Convention réaffirme en l'occurrence l'engagement de l'Union européenne et ses Etats membres, au premier rang desquels la France, de contribuer au développement et à la sécurité alimentaire des pays les moins avancés à travers des dons en céréales. Cet effort est d'autant plus justifié que les perspectives concernant la sécurité alimentaire mondiale au cours des prochaines années restent préoccupantes et risquent notamment de se dégrader encore en Afrique subsaharienne. Il n'est donc pas à exclure, si les tendances actuelles se poursuivent, qu'il faille mobiliser à l'avenir pour l'aide alimentaire des tonnages en céréales plus importants que les 10 millions de tonnes actuellement prévus par la Convention.

- Incidence financière

La Convention n'entraîne pas de coût supplémentaire pour le budget de l'Etat, la contribution minimale de 200 000 tonnes par an que la France s'engage à fournir à ce titre correspondant à l'effort régulièrement consenti par notre pays depuis plusieurs années en matière d'aide alimentaire programmée.

- Simplification des formalités administratives

(sans objet)

- Effets en matière de complexité de l'ordonnancement juridique

(sans objet)



1 Estimation.

2 Voir le texte annexé au document Sénat n° 372.

3 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires


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