Rapport n° 431 - Adhésion de la République héllénique et de la République d'Autriche à la convention de Schengen et suppression du contrôle aux frontières
M. Nicolas ABOUT, Sénateur
Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des forces arméesRapport n° 431 1996/1997
Table des matières
-
I. LA MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE SCHENGEN : UN BILAN DÉCEVANT
- A. UN PROCESSUS D'HARMONISATION INACHEVÉ
- B. LES INSUFFISANCES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DES STUPÉFIANTS : PRINCIPALE JUSTIFICATION DES RECOURS PAR LA FRANCE A LA CLAUSE D'EXCEPTION
- II. L'ENTRÉE DE L'AUTRICHE ET DE LA GRÈCE AU SEIN DE L'ESPACE SCHENGEN : DEUX ADHÉSIONS AU PROFIL TRÈS DIFFÉRENT
- CONCLUSION
- EXAMEN EN COMMISSION
- PROJET DE LOI
- PROJET DE LOI
N° 431
SÉNAT
SESSION EXTRAORDINAIRE DE 1996-1997
Annexe au procès-verbal de la séance du 24 septembre 1997
RAPPORT
FAIT
au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur :
-
le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE
NATIONALE, autorisant l'approbation de l'accord d'adhésion de
la
République hellénique
à la convention d'application
de l'
accord
de Schengen
du 14 juin 1985 entre les
gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la
République fédérale d'Allemagne et de la République
française relatif à la
suppression
graduelle des
contrôles aux frontières communes
, signée
à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré
la République italienne par l'accord signé à Paris le 27
novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la République portugaise par
les accords signés à Bonn le
25 juin 1991,
- le projet de loi, ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, autorisant
l'approbation de l'accord d'adhésion de la
République
d'Autriche
à la convention d'application de l'
accord de
Schengen
du 14 juin 1985 entre les gouvernements des Etats de l'Union
économique Benelux, de la République fédérale
d'Allemagne et de la République française relatif à la
suppression
graduelle des
contrôles aux
frontières communes
, signée à Schengen le 19 juin
1990, à laquelle ont adhéré la République
italienne, le Royaume d'Espagne et la République portugaise, et la
République hellénique par les accords signés
respectivement le
27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6 novembre
1992,
Par M. Nicolas ABOUT,
Sénateur.
(1) Cette commission est composée de :
MM. Xavier
de Villepin,
président
; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet,
François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton,
vice-présidents
; Michel Alloncle, Jean-Luc
Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë,
secrétaires
; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc
Bécart, Daniel Bernardet, Pierre Biarnès,
Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre,
MM.
Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique
Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac,
Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin,
André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean
Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet
,
Jacques Habert, Marcel
Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard
Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette
Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard
Plasait, Régis Ploton, Michel Rocard, André Rouvière,
André Vallet.
Voir les numéros
:
Assemblée nationale (11ème législ.)
:
3
,
7
,
222
, TA
6
et
7.
Sénat
:
427
,
428
(1996-1997).
Traités et conventions. |
Mesdames, Messieurs,
Treize pays européens ont aujourd'hui souscrit à l'objectif de
suppression progressive des contrôles aux frontières communes que
s'était assigné au départ un cercle restreint d'Etats
composés de la France, de l'Allemagne et du Benelux, le 14 juin 1985,
à Schengen au Luxembourg.
Ce premier groupe avait défini cinq ans plus tard, le 19 juin 1990, les
conditions de mise en oeuvre de l'accord de Schengen et adopté à
cette fin
la convention d'application de l'accord de Schengen.
Au noyau initial des Etats fondateurs ont souhaité se joindre l'Italie
(27 novembre 1990), l'Espagne et le Portugal (25 juin 1991), la Grèce (6
novembre 1992), l'Autriche (28 avril 1995) et enfin le Danemark, la Finlande et
la Suède (19 décembre 1996).
Ainsi, à l'exception notable du Royaume-Uni et de l'Irlande, les Etats
membres de l'Union européenne ont tous voulu participer à la
dynamique enclanchée à Schengen. Le projet de traité
d'Amsterdam consacre d'ailleurs cette évolution et intègre
" l'acquis de Schengen " dans un protocole annexé. Dans un
autre protocole, Britanniques et Irlandais sont autorisés à
maintenir des contrôles d'identité à leurs
frontières communes.
Cependant, la signature de la convention de Schengen ne vaut pas à elle
seule intégration dans l'" espace Schengen ". Il faut que la
nouvelle adhésion ait été ratifiée par l'ensemble
des Etats membres de Schengen ; il faut également que la situation du
pays intéressé réponde aux critères fixés
par la convention du 19 juin 1990. Ainsi aux termes des accords
d'adhésion, la mise en application de la convention reste soumise
à deux conditions : d'une part,
l'entrée en vigueur
juridique subordonnée au constat que tous les instruments de
ratification des signataires ont été déposés ;
d'autre part
une mise en vigueur
effective liée à une
décision unanime du Comité exécutif, instance
suprême de décision où siège un ministre de chaque
Etat membre, qui constate que les conditions préalables à
l'application de l'accord de Schengen sont remplies par le candidat.
Ainsi, pour l'Italie, tous les instruments de ratification des signataires ont
été déposés et la convention est entrée en
vigueur le 1er juillet 1997, soit sept ans après la signature de la
convention d'application de l'accord de Schengen par l'Italie. Toutefois, la
mise en vigueur effective de l'accord ne devrait intervenir qu'à compter
du 26 octobre 1997 à la suite d'une décision du Comité
exécutif du 27 juin dernier.
Pour l'adhésion de l'Autriche et de la Grèce, les
procédures prévues par la première phase de l'application
de l'accord doivent encore être conduites à leur terme. La France
reste en effet le dernier pays à n'avoir pas ratifié les deux
accords d'adhésion. C'est dire toute l'importance que revêt
l'examen de ces accords par le Sénat.
Avant d'analyser les conditions d'adhésion de l'Autriche et de la
Grèce, et de montrer qu'elles se présentent sous des perspectives
assez différentes, votre rapporteur souhaiterait faire le point sur le
processus de Schengen, ses avancées comme ses insuffisances.
I. LA MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD DE SCHENGEN : UN BILAN DÉCEVANT
Si la mise en oeuvre de l'accord de Schengen a connu au cours
des derniers mois plusieurs avancées positives, ces progrès
demeurent très en-deçà des évolutions
nécessaires comme le Sénat a d'ailleurs eu l'occasion de le
rappeler à plusieurs reprises.
En effet, nombre de problèmes demeurent irrésolus ou n'ont pour
l'heure reçu que l'esquisse d'une solution. Ces difficultés
apparaissent du reste parfois moins le fait des insuffisances de la convention
elle-même, que d'une utilisation excessivement timorée des
facultés ouvertes par Schengen. Ces observations se justifient plus
particulièrement dans le domaine de la coopération
policière et de la lutte contre le trafic de stupéfiants.
A. UN PROCESSUS D'HARMONISATION INACHEVÉ
L'abolition des contrôles fixes aux frontières intérieures des Etats contractants et le report de ces contrôles aux frontières extérieures de " l'espace Schengen " avaient pour contrepartie nécessaire un renforcement de la coopération en matière de sécurité. Les efforts accomplis dans ce sens restent, à ce jour, trop limités.
1. Les insuffisances des contrôles aux frontières
L'excellent rapport de notre collègue, M. Paul Masson, remis au Premier ministre en janvier 1996, dressait le constat de la double insuffisance des contrôles aux frontières extérieures et intérieures de l'" espace Schengen ". Depuis cette date, la situation n'a malheureusement pas réellement évolué.
a) Frontières extérieures : l'impossible statu quo
Le dispositif d'harmonisation pour le contrôle des
frontières extérieures n'a pas vraiment progressé.
Certes, une décision du Comité exécutif du 27 juin 1996
permet à des
commissions de visite
de recueillir aux
frontières extérieures les informations sur l'organisation des
contrôles mis en oeuvre et les difficultés rencontrées. Si
ces visites ne peuvent se substituer au nécessaire travail
d'harmonisation, elles posent toutefois un premier jalon pour
l'amélioration des dispositifs de contrôle. Elles constituent
également un facteur de confiance entre les Etats Schengen et, partant,
un élément de l'approfondissement de la coopération.
En outre, les Etats Schengen se sont accordés sur un aspect ponctuel.
Ils ont procédé à
l'harmonisation du régime
applicable aux marins en transit
. Depuis le 1er janvier 1997, une
procédure assouplie permet de délivrer aux postes
frontières, de manière rapide et sûre, un visa aux marins
qui, pour des raisons exceptionnelles, se présenteraient aux
frontières sans ce document.
Comme le soulignait le rapport de M. Paul Masson, le principe d'un
contrôle " linéaire " aux frontières
extérieures tel qu'il est évoqué dans le texte même
de la convention (" A l'entrée, les étrangers doivent
être soumis à un contrôle approfondi ", art. 6)
apparaît aujourd'hui dépassé. Toutefois, le choix des
dispositifs de contrôle les plus efficaces est laissé à
l'initiative des politiques nationales sans qu'intervienne un réel
effort de coordination sous les auspices du Comité exécutif.
Les conditions de surveillance des frontières intérieures
inspirent des réserves comparables.
b) Les frontières intérieures : les failles de la coordination policière
Dans un premier temps, le Comité exécutif s'est
surtout attaché à favoriser le démantèlement des
infrastructures frontalières avant de promouvoir, sous l'influence de la
délégation française, les " initiatives
bilatérales ou multilatérales visant à l'harmonisation et
la sécurisation des régions frontalières ". A cet
égard les virtualités offertes par l'article 39 du traité
n'ont pas été pleinement utilisées
(" dans les
régions frontalières, la coopération peut être
réglée par des arrangements entre les ministres compétents
des parties contractantes (...), les dispositions du présent article ne
font pas obstacle aux accords bilatéraux plus complets présents
et futurs entre parties contractantes ayant une frontière
commune ").
Le rapport de M. Paul Masson suggérait la mise en place d'une
" zone frontière filtrante " fondée sur des postes
permanents " répartis en profondeur de part et d'autre de la ligne
frontière ". Les plans de surveillance et les opérations de
suite pourraient être déclenchés depuis ces postes dans le
cadre des accords internationaux prônés par la convention de
Schengen elle-même.
Ici encore les progrès indéniables enregistrés au cours
des derniers mois demeurent en-deçà des réalisations
souhaitables.
Certes, les accords de coopération signés contribuent utilement
à l'extension de la coopération dans différents domaines
comme la formation, les échanges de matériels, les
opérations communes. S'ils confèrent ainsi à la convention
de Schengen la perspective d'un dispositif évolutif, ils gardent un
objectif jusqu'à présent trop étroit.
Il convient de relever également l'utilité du mémento de
la coopération policière frontalière largement
diffusé dans les Etats-membres.
Sans doute la coopération policière peut-elle compter à
son actif la création de commissariats communs, la présence
d'officiers de liaison ainsi que la mise en place de points de contact entre
les Etats. Cependant le principe de l'observation transfrontalière et
surtout
le droit de la poursuite
posé par les articles 40 et 41
rencontrent des obstacles pratiques relatifs, par exemple, aux communications
transfrontalières ou aux modalités de recours aux
véhicules de service. Mais les difficultés les plus importantes
relèvent des
divergences d'ordre juridique
en particulier sur les
notions d'arme de service, de domicile ou de légitime défense.
S'agissant du droit de poursuite, par exemple, les agents poursuivants ne
disposent pas dans tous les pays du droit d'interpellation.
Malgré les différences entre les législations des
Etats-membres,
les demandes d'entraide policière
ont
augmenté, notamment grâce aux échanges d'information
prévus par les articles 35 et 46 de la convention. Il reste à
préciser le champ d'application de l'entraide policière et
à
harmoniser ici encore les compétences et pouvoirs en
matière policière et judiciaire
, aujourd'hui très
différents d'un pays à l'autre.
La réflexion s'organise aujourd'hui autour de trois thèmes
majeurs :
-
la coopération en matière d'ordre public dans les
régions frontalières
(notamment le projet de rédaction
d'un manuel réglant la coopération policière en
matière d'ordre et de sécurité publics dans le cas de
manifestations ou d'opérations de grande envergure dans les
régions frontalières) ;
-
le contrôle des grands itinéraires de trafics
en
particulier à travers un projet pilote relatif au contrôle, en
collaboration avec des représentants d'Interpol et d'Europol, du trafic
des véhicules volés ;
-
l'optimisation de la coopération entre les différents
services chargés de missions de police
: opérations de
recherche d'urgence déclenchées dans un périmètre
déterminé, contrôles communs ou coordonnés, recours
aux moyens spéciaux -hélicoptères etc.- Dans ces
différents domaines, les réponses à des questionnaires
adressés à chacun des Etats signataires ont permis de
préciser les attentes des uns et des autres et d'éclairer les
conditions d'une coopération renforcée.
2. Un bilan nuancé pour les autres volets de la coopération
a) Les visas et la politique du droit d'asile : des avancées partielles
La coopération dans le domaine des visas et la
politique du droit d'asile constituent l'autre volet essentiel des
contreparties apportées à l'ouverture des frontières
intérieures.
Le principe d'un visa uniforme offre une garantie appréciable d'un
contrôle plus efficace des flux migratoires. Dans ce dessein, la
convention de Schengen prévoit quatre dispositions principales :
l'harmonisation des modalités de délivrance
présentées dans une " instruction consulaire commune ",
une vignette visa unique, une liste identique des pays soumis à visa
commun, un mécanisme de consultation des autorités centrales pour
les nationalités sensibles.
Comme le soulignait M. Paul Masson dans un rapport d'information du
Sénat
1(
*
)
, " les progrès
significatifs enregistrés par la politique commune des visas justifient
à eux seuls les Accords de Schengen " même si des efforts
doivent encore être accomplis.
En effet, si l'instruction consulaire commune a permis d'unifier les conditions
d'instruction et de délivrance des visas, plusieurs autres points
doivent encore faire l'objet d'un accord :
- la réduction du nombre de pays figurant sur la liste des 23 Etats
tiers auxquels s'appliquent des régimes de visa différents ;
cette liste pourrait être supprimée à la fin de
l'année 1998 ;
- l'application de droits identiques à percevoir lors de la
délivrance des visas (art. 17), l'Espagne applique ce tarif depuis 1996,
le Portugal depuis le 1er janvier 1997, la France depuis le 1er mars 1997 ;
- l'harmonisation des documents requis lors du dépôt de la demande
de visa ;
- l'élaboration d'une liste de documents de voyage reconnus par tous les
Etats Schengen ;
- la limitation des délais nécessaires à la
" consultation des autorités centrales " malgré la mise
en place du Réseau de consultation Schengen (RCS) non prévue par
la convention d'application de l'Accord.
La convention de Schengen pose le principe de la désignation d'un Etat
responsable pour
les demandes d'asile
. L'harmonisation dans ce domaine a
porté sur plusieurs points :
-
détermination de l'Etat responsable pour le traitement de la
demande d'asile
: l'examen de la demande d'asile peut être
accepté, dans des situations individuelles, sur la base d'une
déclaration cohérente suffisamment détaillée et
vérifiable du demandeur d'asile ;
- l'Etat responsable du traitement d'une demande d'asile conserve cette
responsabilité même si le
transfert du demandeur d'asile
doit être reporté au-delà du délai normal d'un mois
en raison de circonstances particulières et même si le demandeur
d'asile disparaît vers une destination inconnue (décision du
Comité exécutif du 27 juin 1996) ;
-
le délai de réponse
aux demandes d'information
prévu dans le cadre de l'article 38 (demande de données au sujet
d'un demandeur d'asile) ne doit pas dépasser un mois.
Certaines questions demeurent encore irrésolues :
-
les
conditions d'application de la convention de Dublin
relative à la détermination de l'Etat responsable de l'examen
d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats-membres de
l'Union européenne signée par la France le 15 juin 1990 ; cet
accord s'appliquera-t-il aux demandes d'asile présentées
après sa date d'entrée en vigueur, alors que les faits
générateurs de la responsabilité sont antérieurs
à cette date ?
- le
partage
de la responsabilité entre plusieurs Etats pour un
demandeur et son conjoint ou un membre de sa famille ;
- le retrait d'une demande d'asile ou le refus de compléter le
questionnaire.
La délivrance des visas, l'exercice du droit d'asile comme, de
façon plus générale, la coopération
policière, placent l'échange des informations au coeur du
dispositif Schengen.
b) L'échange d'informations : la mise en place progressive d'un instrument technique adapté
Le réseau informatisé d'échanges
d'information repose sur trois composantes distinctes :
l'élément central du système d'information
Schengen
, (installé à Strasbourg et appelé dans
l'accord de Schengen " fonction de support technique ")
-C.SIS-,
les composantes informatiques nationales du système d'information
Schengen
-N. SIS-,
les bureaux " SIRENE "
(supplément d'informations requis à l'entrée nationale).
Ce dispositif a reçu des améliorations successives au cours des
derniers mois.
Le SIS comporte des signalements émanant de tous les Etats parties
à la convention, relatifs aux objets et véhicules volés et
aux personnes recherchées pour arrestation ou pour surveillance, ou
jugées non admissibles dans l'espace Schengen.
Trois évolutions positives méritent d'être
soulignées. En premier lieu, les effectifs chargés de la gestion
de l'ensemble du système ont été augmentés tandis
que de nouvelles techniques étaient mises en oeuvre, notamment pour
accroître la capacité de réalisation des tests (par exemple
les tests d'intégration des nouveaux Etats) et améliorer la
communication entre le C.SIS et le N.SIS.
D'autre part l'intégration de l'Italie, de la Grèce et de
l'Autriche devrait favoriser le potentiel du système et son
efficacité. Les deux premiers pays ont déjà
effectué tous les tests nécessaires à leur
intégration technique, à l'exception des tests de chargement de
données. L'Autriche, quant à elle, a commencé les tests de
conformité et d'interopérabilité, bientôt suivis par
les tests d'intégration et les tests généraux.
Toutefois, le prochain Comité exécutif ne pourra décider
du chargement des données autrichiennes et grecques dans le SIS qu'une
fois constatée la ratification de l'adhésion des deux pays par
l'ensemble des Etats parties. Certes, une première phase correspondant
au chargement des données du SIS central dans les relais nationaux
-autrichien et grec- du SIS a déjà eu lieu. En revanche aucune
donnée nominative relative à l'Autriche et à la
Grèce ne sera chargée avant la fin de la procédure de
ratification des accords d'adhésion.
Enfin, alors que le C.SIS ne peut fonctionner avec plus de 8 N.SIS, la
perspective de l'adhésion des cinq pays de l'Union nordique des
passeports (Danemark, Finlande, Islande, Norvège et Suède) a
conduit à étudier un
système d'information Schengen de
la deuxième génération
. Ce SIS II pourra tirer parti
de la technologie actuelle et bénéficier d'une plus grande
capacité ainsi que de fonctionnalités plus nombreuses.
Le fonctionnement des bureaux SIRENE donne, dans l'ensemble, satisfaction. Les
contacts entre bureaux se sont intensifiés pour la coopération
policière ; ils favorisent également une interprétation
homogène des dispositions de la convention. Ils contribuent même
au traitement plus rapide des problèmes concernant les étrangers
titulaires d'un titre de séjour d'un pays Schengen et signalés
dans le SIS au titre de l'article 96 (étrangers signalés aux fins
de non-admission pour des raisons liées à la sauvegarde de
l'ordre public, la sécurité ou la sûreté nationale).
Les bureaux SIRENE disposeront bientôt d'un réseau propre de
communications, indépendant de celui du SIS, grâce à un
appel d'offre lancé pour le réseau Sirène phase II,
marché attribué à France Telecom Network Services Belgium.
Une
Autorité de contrôle commune
(ACC) créée
en application de l'article 115 de la convention assure le contrôle de la
"fonction de support technique du système d'information Schengen" et
veille en particulier à la protection efficace des données
à caractère personnel enregistrées dans le SIS. Le
comité exécutif s'est accordé en décembre 1996 sur
le principe de l'accès de cette Autorité à la partie
centrale du SIS ainsi que sur les conditions de publicité du rapport
annuel élaboré par cette instance.
Ainsi l'ACC a publié le 18 juin dernier son premier rapport. Cette
instance, placée sous la présidence de notre collègue Alex
Türk, a relevé plusieurs défaillances :
- hétérogénéité des fichiers nationaux de
police (entre la France et le Luxembourg, d'une part, et les autres pays,
d'autre part) ;
- insuffisance des mesures techniques pour garantir la sécurité
des fichiers de Schengen ;
- ouverture excessive de l'accès au SIS ;
- incertitude dans la gestion et le transport des supports magnétiques.
Enfin et surtout, l'alimentation de la base de données du SIS demeure
hétérogène puisque l'Allemagne et la France assurent
encore la quasi-totalité des signalements introduits dans le
système (52,79 % pour l'Allemagne, 33,72 % pour la France).
*
Par de nombreux aspects la lutte contre le trafic des stupéfiants, volet essentiel de l'accord de Schengen, soulève des difficultés comparables au problème posé par la coopération policière aux frontières. Cependant, elle présente une dimension supplémentaire car elle met en jeu des divergences sur les conceptions de la société et de l'ordre public- et soulève à ce titre des difficultés encore plus profondes. C'est sans doute dans ce domaine, malgré de récents progrès, qu'il reste le plus grand nombre d'obstacles à surmonter.
B. LES INSUFFISANCES EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LE TRAFIC DES STUPÉFIANTS : PRINCIPALE JUSTIFICATION DES RECOURS PAR LA FRANCE A LA CLAUSE D'EXCEPTION
La coopération en matière de lutte contre la drogue avance encore trop lentement. Ces difficultés justifient et légitiment, pour l'heure, d'après votre rapporteur, le recours par la France à la clause d'exception temporaire prévue à l'article 2, par. 2, de la convention.
1. Des progrès trop lents
Les travaux du " groupe stupéfiants " -groupe de travail prévu à l'article 70 de la convention- ne peuvent être tenus pour négligeables. Ils n'ont toutefois pas dépassé, jusqu'à présent du moins, un cadre académique et en fait peu opérationnel.
a) Une activité plus académique qu'opérationnelle
Si des opérations coordonnées
transfrontalières pour lutter, notamment, contre le narcotrafic ont pu
être conduites en 1994 et 1997, elles sont demeurées par trop
ponctuelles. Trop souvent, la coordination conduite dans ce domaine s'est
bornée à la rédaction de guides d'action communs, certes
utiles à moyen terme, mais dont la portée demeure limitée
alors que le trafic de stupéfiants prend une ampleur alarmante.
A l'actif des travaux du comité, il convient de compter :
- un rapport sur les possibilités d'améliorer la
coopération des autorités chargées de lutter contre les
drogues ;
- un guide destiné à faciliter l'entraide répressive dans
ce domaine ;
- un manuel consacré aux livraisons surveillées (dispositions
applicables et autorités compétentes au sein de chaque Etat) ; la
mise à jour de ce document récemment élargi à
l'ensemble des pays de l'Union européenne incombe désormais
à l'Unité " drogue " d'Europol en concertation avec le
groupe " stupéfiants " Schengen.
- un document aide-mémoire relatif à la mise en oeuvre des
opérations transfrontalières pour lutter contre le
" narco-terrorisme ".
Ces travaux se bornent toutefois à des recommandations pratiques et
techniques et ne préfigurent pas la vraie stratégie que l'esprit
comme la lettre du traité appellent à mettre en place dans la
lutte contre le trafic des stupéfiants
b) Les divergences de fond entre partenaires
Le principal obstacle demeure l'appréciation divergente
portée par les Etats signataires de Schengen sur la politique à
conduire en matière de prévention de la drogue. Les
difficultés, on le sait, se cristallisent sur les Pays-Bas. Ce pays
tolère la consommation de cannabis pour usage personnel dans les points
de vente appelés " coffee-shops".
Or, comme le constatait l'Organisation internationale contre les
stupéfiants des Nations unies (OICS) dans son rapport pour 1994
" les endroits où la vente de cannabis est tolérée
ont attiré des trafiquants d'autres drogues ". Ainsi la politique
mise en oeuvre par les autorités néerlandaises a pu donner prise
à un développement du narco-tourisme dont les pays voisins
supportaient les conséquences.
Sur ce chapitre, l'accord de Schengen apparaît sans
ambiguïté. En effet, aux termes de l'article 71-2 : "
Les
Parties contractantes s'engagent à prévenir et réprimer
par des mesures administratives et pénales l'exportation illicite de
stupéfiants et de substances psychotropes, y compris le
cannabis
". Une déclaration commune contenue dans l'acte final
de l'accord a apporté les précisions nécessaires :
"
Pour autant qu'une Partie contractante déroge au principe
visé à l'article 71, paragraphe 2, dans le cadre de sa politique
nationale de prévention et de traitement de la dépendance
à l'égard des stupéfiants et des instances psychotropes,
toutes les Parties contractantes prennent les mesures administratives et
pénales nécessaires afin de réprimer l'importation et
l'exportation illicites desdits produits et substances, notamment vers le
territoire des autres Parties contractantes
".
Aujourd'hui les conséquences du dispositif de Schengen n'ont pas toutes
été tirées. La situation présente justifie le
recours par la France à la clause d'exception temporaire prévue
par la convention d'application de l'accord de Schengen. Cependant la position
du gouvernement néerlandais a évolué et pourrait ouvrir la
voie à une meilleure coopération.
2. La France vis-à-vis de Schengen : une vigilance toujours nécessaire
a) La mise en oeuvre de la clause de sauvegarde
La mise en oeuvre de la convention d'application
s'échelonnait sur deux périodes :
-
une " période préparatoire "
du 22
décembre 1994 au 26 mars 1995 afin d'achever les préparatifs
techniques nécessaires au fonctionnement du système d'information
Schengen et de prendre l'ensemble des mesures liées à la
coopération consulaire, judiciaire et policière, y compris la
formation des agents concernés ;
-
une " phase initiale d'application "
de trois mois
à
partir du 26 mars 1995 au cours de laquelle la mise en oeuvre de la convention
et, au premier chef, la suppression des frontières intérieures
relèverait de la responsabilité de chaque partie. Alors que les
partenaires de la France ont choisi de supprimer dès le 26 mars 1995
leurs contrôles aux frontières intérieures, notre pays a
supprimé à la même date les contrôles aux
frontières internes
aériennes
mais les a conservés
aux frontières internes terrestres -afin notamment de recueillir plus
facilement la déclaration d'entrée sur le territoire des
étrangers soumis à cette formalité (c'est le cas des
étrangers soumis à l'obligation de visa pour entrer en France).
Après avoir relevé l'insuffisance des mesures d'accompagnement
prévues dans le cadre de la coopération policière, Paris a
souhaité obtenir une prolongation de la phase initiale d'application.
Le refus de nos partenaires a alors conduit la France à recourir pour le
contrôle aux frontières terrestres à la clause de
sauvegarde prévue par l'article 2, par. 2, de la convention
(possibilité de rétablir des contrôles aux
frontières intérieures, après consultation des autres
Etats signataires et pour une période limitée).
A la suite de la vague d'attentats terroristes de l'été 1995, la
France a également rétabli les contrôles aux
frontières aériennes le 28 juillet 1995 jusqu'au 15 janvier 1996.
Puis Paris annonçait à ses partenaires, lors du comité
exécutif du 18 avril 1996, sa décision de lever progressivement
l'application de la clause d'exception pour les frontières terrestres
avec l'Allemagne et l'Espagne. Aujourd'hui ne demeurent que les contrôles
aux frontières terrestres avec la Belgique et le Luxembourg, en raison
des risques que présente le trafic de stupéfiants organisé
à partir des Pays-Bas.
S'il s'avère très encourageant, le rapprochement entre la France
et les Pays-Bas ne permet pas encore d'envisager la levée
complète de la clause de sauvegarde.
b) L'évolution encourageante des Pays-Bas
Du reste, la situation aux Pays-Bas ne suscite pas de
préoccupations en France seulement, mais aussi dans les autres pays de
l'espace Schengen. Les autorités néerlandaises ont mieux pris la
mesure de ces inquiétudes et des engagements qui leur incombaient au
regard de la mise en oeuvre de l'article 71 § 2. Comme votre rapporteur a
déjà eu l'occasion de le souligner dans un
précédent rapport
2(
*
)
. Cette
évolution vers une politique plus restrictive a revêtu trois
aspects :
- la mobilisation de la police dans la lutte contre la petite
délinquance liée aux trafics de stupéfiants dès la
mise en place du Plan Victor par la ville de Rotterdam en juillet 1995 :
application stricte des lois et réglements, contrôle
systématique des titres de séjour et des lieux de vente,
expulsion des étrangers en infraction à la législation
sur les stupéfiants ;
- l'élaboration de deux projets de loi visant à mieux
contrôler les " coffee shops " et à faciliter la
fermeture des lieux de vente clandestins ;
-
l'adoption d'une politique pénale plus restrictive
à la
suite d'une nouvelle directive aux parquets arrêtée par le
collège des procureurs généraux le 11 septembre 1996 :
réduction de 30 à 5 grammes de la quantité de drogues
dites " douces " considérées comme destinées
à l'usage personnel, lutte contre la culture locale de cannabis,
interdiction de la publicité pour la vente de cannabis.
Cette nouvelle orientation de la politique pénale en matière de
stupéfiants s'est traduite par un alourdissement des peines
prononcées contre les trafiquants -jusqu'à dix ans de
réclusion- et une progression du nombre d'affaires de stupéfiants
traitées par les parquets.
Parallèlement la coopération entre nos deux pays a
progressé. La mise en place d'un
groupe de travail conjoint sur les
problèmes de douane, de justice et de police
a suivi les entretiens
entre le président de la République française et le
Premier ministre néerlandais du 25 octobre 1995. Ainsi, une
première expérience d'échange douanier a été
conduite entre Rotterdam et Marseille au cours du premier semestre 1996 et
devrait trouver un prolongement par un échange entre les
aéroports de Roissy et de Schipol. Par ailleurs, les pouvoirs publics
des deux pays ont signé le 3 février 1997 un mémorandum en
matière de lutte contre la fraude.
Il n'en reste pas moins que les Pays-Bas ne sont pas revenus sur la
dépénalisation de fait de la possession de drogues douces pour
consommation personnelle. En outre, la coopération policière se
heurte aux difficultés liées à la très grande
décentralisation de la police néerlandaise organisée
autour de 25 régions de police.
II. L'ENTRÉE DE L'AUTRICHE ET DE LA GRÈCE AU SEIN DE L'ESPACE SCHENGEN : DEUX ADHÉSIONS AU PROFIL TRÈS DIFFÉRENT
Si le dispositif des accords d'adhésion de la
Grèce et de l'Autriche à Schengen apparaissent largement communs,
la situation de ces deux pays au regard des "critères" Schengen se
présentent de manière contrastée et pourrait
décider une application différenciée de l'accord pour
l'Autriche et la Grèce.
En effet, l'expérience a montré l'utilité d'organiser
l'adhésion à l'accord Schengen en deux phases : l'entrée
en vigueur et la mise en vigueur.
L'entrée en vigueur
dont les
conditions sont déterminées par des accords d'adhésion
(art. 5 pour l'Autriche, art. 6 pour la Grèce), intervient le premier
jour du deuxième mois qui suit le dépôt des instruments de
ratification par les Etats signataires de l'accord de Schengen (France,
Belgique, Allemagne, Italie, Luxembourg et Pays-Bas) et la Grèce et
l'Autriche.
Les déclarations communes annexées aux accords d'adhésion
prévoient une seconde étape :
la mise en vigueur
surbordonnée à deux éléments : le respect des
conditions préalables à l'application de la convention de 1990
dans les différents Etats signataires, un contrôle aux
frontières extérieures effectif. Les conditions préalables
à l'entrée en vigueur ont été
énumérées par une décision du Comité
exécutif du 19 juin 1992 :
- contrôle aux frontières extérieures et rédaction
d'un manuel commun ;
- modalités de délivrance du visa uniforme et instruction
consulaire commune ;
- traitement des demandes d'asile ;
- réalisation du Système d'Information Schengen (SIS) ;
- respect des dispositions de la convention relative au trafic des
stupéfiants ;
- respect des dispositions de la convention en matière de protection des
données personnelles ;
- régime de la circulation des personnes dans les aéroports.
Il appartiendra au Comité exécutif, par une
décision
unanime,
de constater le respect de ces conditions préalables.
L'autorisation du Parlement n'a pas ainsi pour effet, comme c'est l'usage, de
permettre l'application des accords une fois les instruments de ratification
déposés par tous les Etats signataires. Elle donne au
Gouvernement la faculté d'apprécier si les conditions de mise en
vigueur des accords d'adhésion sont ou non remplies.
Aux termes des déclarations communes, les Etats signataires
s'informent
dès avant l'entrée en vigueur de l'Accord
d'adhésion des progrès réalisés pour satisfaire les
principes nécessaires à la mise en vigueur de cet accord. Cette
obligation s'est traduite pour l'Autriche par la présence active de la
délégation autrichienne aux réunions du Comité
exécutif. Cette instance a constaté le 26 juin dernier que les
conditions d'entrée en vigueur n'étaient pas réunies dans
la mesure où les procédures de ratification n'étaient pas
achevées. Cependant elle a déclaré sa ferme volonté
de voir la convention mise en oeuvre avant la fin de 1997. Le Comité
exécutif constatera le 7 octobre 1997 si les conditions de mise en
vigueur des accords sont ou non réunies,
étant entendu que le
dépôt des instruments de ratification français reste un
préalable indispensable.
Les négociations en cours
prévoient une possible mise en vigueur de la convention pour l'Autriche
à compter du 1er décembre 1997. Pour la Grèce, aucun
calendrier n'a pu jusqu'à présent être arrêté.
Le Comité se prononcera également de façon
définitive sur l'Italie pour laquelle la mise en vigueur de la
convention devrait intervenir le 26 octobre 1997. L'adhésion de
l'Autriche ne devrait pas rencontrer d'objection de principe. En effet,
l'Autriche dont la position au coeur de l'Europe pose pourtant avec
acuité le problème des contrôles aux frontières
extérieures, a accompli des efforts très notables pour satisfaire
aux critères de Schengen.
A. L'AUTRICHE : UNE ADHÉSION DONT LES CONSÉQUENCES DOIVENT ÊTRE PRISES EN COMPTE PAR LA FRANCE
Après avoir présenté les problèmes auxquels l'Autriche peut se trouver confrontée et l'état des forces dont ce pays dispose, votre rapporteur évoquera les efforts accomplis par l'Autriche pour satisfaire les conditions préalables de Schengen.
1. Un pays situé au coeur d'une zone difficile
a) La concomitance de l'application de l'accord en Autriche et en Italie : un risque pour la France
L'Autriche dispose d'une
frontière extérieure
de près de 1 250 km
avec la Slovénie, la
Hongrie, la République tchèque, la Slovaquie et également
la Suisse et le Liechtenstein. Quelques 500 camions franchissent chaque jour le
poste frontière de Niekelsdorf entre la Hongrie et l'Autriche.
L'immigration clandestine peut tirer parti de l'intensité des
échanges entre l'Autriche et les anciennes possessions de l'Empire des
Habsbourg. Plusieurs organisations de passeurs ont été
démantelées. En 1996, près de 10 000 clandestins ont
été arrêtés aux frontières de l'est, soit une
augmentation de 61 % par rapport à 1995, selon les statistiques du
Ministère de l'intérieur autrichien. Entre le 1er janvier et le
13 juillet 1997, 5 893 personnes ont été arrêtées,
soit une progression de 45 % par rapport à la même période
de l'année précédente. Les failles dans le dispositif de
surveillance autrichien ont suscité les inquiétudes de
l'Allemagne et en particulier des autorités bavaroises responsables du
contrôle aux frontières. Ainsi le ministre bavarois de
l'intérieur avait fait état de sa préoccupation notamment
après que les douanes bavaroises aient appréhendé une
centaine de clandestins kurdes à la frontière
germano-autrichienne en février dernier.
Le land de Bavière n'entendait pas remettre en cause les contrôles
mis en place à la suite de la modification, en 1995, de la loi sur les
missions et les prérogatives de la police d'Etat bavaroise. Le nouveau
dispositif permettait en effet des contrôles d'identité sans
soupçon, voire des arrestations, dans une bande de
30 kilomètres en retrait de la frontière, ainsi que sur les
routes, autoroutes, zones de repos et en général sur tous les
axes de circulation en relation avec le franchissement des frontières
intérieures.
Toutefois, une solution de compromis, adoptée sous l'égide du
chancelier Kohl à Innsbruck le 17 juillet dernier, a permis à
l'Allemagne et à l'Autriche de s'entendre sur une suppression
progressive du contrôle aux frontières. Cet accord informel
associe également l'Italie. L'Allemagne craignait en effet les
conséquences de la mise en vigueur effective de l'accord de Schengen en
Italie prévue pour le 26 octobre 1997. L'accord prévoit la mise
en place d'un groupe d'experts multilatéral permanent dont les travaux
ont été engagés dès le 1er septembre afin
d'approfondir la coopération. Il défend également le
principe d'une suppression par étapes des contrôles aux
frontières terrestres échelonnée jusqu'au 1er avril 1998.
Dans ce domaine cependant, la décision appartient au Comité
exécutif. Enfin, l'Allemagne s'est engagée au sein de cette
instance à soutenir lors du Comité exécutif du
7 octobre une décision définitive sur la mise en vigueur
pour l'Autriche et l'Italie de la convention d'application de Schengen.
A la suite de cet accord informel, les ministères autrichien et bavarois
de l'Intérieur ont convenu des conditions d'une suppression par
étapes des contrôles aux frontières terrestres longues de
près de 816 kilomètres (suppression des 31 points de passage les
moins importants à compter du 1er décembre -date à
laquelle l'Autriche serait raccordée au SIS, si du moins
l'achèvement de la procédure de ratification le permet, maintien
des contrôles ponctuels et sélectifs sur les 25 points de passage
de moyenne importance, contrôle maintenu en l'état sur les 5
grands postes frontière jusqu'au 1er avril 1998). En contrepartie, les
deux ministres ont défini des mesures de compensation
générale : renforcement de la coopération
bilatérale notamment par l'affectation d'agents de liaison, surveillance
conjointe du trafic ferroviaire et fluvial sur le Danube, dispositif relatif
aux droits d'observation et de poursuite.
Les précautions prises par l'Allemagne sur sa frontière avec
l'Autriche ne sauraient laisser notre pays indifférent. En effet
même si la France n'a pas de frontières communes avec l'Autriche,
elle ne peut tenir pour négligeable le risque soulevé par
l'immigration clandestine en Autriche. En effet du fait même de la
concomitance probable entre l'application de l'accord de Schengen en Autriche
et en Italie, ces deux pays peuvent constituer les étapes successives de
filières clandestines dont la France serait l'aboutissement. Il est donc
indispensable
que parallèlement à la mise en vigueur de
l'accord de Schengen en Autriche, la France engage une coopération
étroite avec l'Italie pour la surveillance des frontières entre
nos deux pays. Votre rapporteur a fait part de ces préoccupations au
ministre des affaires étrangères qui lui a indiqué que la
France signerait avec l'Italie deux accords lors du Sommet franco-italien
à Chambéry des 2 et 3 octobre 1997 :
-
un accord de coopération policière et douanière
(prévoyant notamment l'institution de commissariats communs à
Vintimille et Modane) ;
-
un accord de réadmision des étrangers entrés
illégalement sur le territoire de l'autre partie.
En outre M. Hubert Védrine a précisé, lors d'une audition
devant notre commission, que la France participe depuis le 1er septembre au
groupe d'experts institué par l'Allemagne, l'Autriche et l'Italie.
b) Des forces encore modestes
En Autriche, les forces se répartissent principalement
entre la gendarmerie fédérale et la police
fédérale. Elles disposent l'une et l'autre, aux termes de
l'accord d'adhésion de l'Autriche (art. 2 et 3), des droits
d'observation et de poursuite.
La première, placée sous les ordres d'un commandement central
dépendant du ministère de l'intérieur, comprend quelque
12 000 hommes organisés sous la forme d'une force armée.
Elle a compétence sur la majeure partie du pays, et assure notamment le
contrôle frontalier entre le Tyrol et l'Italie. La police
fédérale, quant à elle, assume principalement le
contrôle dans les principaux aéroports du pays (Vienne-Schwechat,
Salzbourg, Innsbruck).
En outre, les services des douanes assistent les forces précitées
et surveillent la frontière avec la Suisse et le Liechtenstein.
L'armée fédérale peut prêter son concours au
ministère de l'Intérieur. C'est ainsi que plus de 1 500
soldats participent au contrôle des frontières de la Hongrie et de
la Slovaquie.
Le nombre de policiers rapporté à la population apparaît
l'un des plus faibles d'Europe
(1 policier pour 310 habitants
contre
1 pour 247
en France) mais il se compare au niveau allemand. En outre, les
effectifs devraient être renforcés à l'avenir.
2. Un effort conséquent
Les autorités autrichiennes ont pris la mesure de l'effort à accomplir pour répondre aux exigences de l'adhésion à Schengen : elles ont accru les moyens nécessaires au contrôle des frontières extérieures et décidé d'adapter leur législation.
a) L'intensification des moyens employés au contrôle des frontières extérieures
La loi du 20 août 1996 sur le contrôle des
personnes aux frontières a permis de renforcer l'ensemble du dispositif
de surveillance du territoire autrichien.
Ce renforcement revêt plusieurs formes :
- une
progression des effectifs affectés au contrôle des
frontières extérieures : de 4 566 agents au ler janvier
1997 à 5 551 agents au ler juillet 1997 (dont 1 950 militaires)
;
- l'augmentation et
l'adaptation des équipements
: à titre
d'exemple, des vedettes rapides devraient être acquises prochainement
pour assurer essentiellement la surveillance entre Vienne et la Slovaquie ; de
même des salles de contrôle équipées d'endoscopes et
de rayons X ont été installées aux points de passage
frontaliers identifiés comme points d'entrée majeurs de
stupéfiants ;
- une adaptation des
méthodes
: aux points de passage frontaliers
les plus sensibles, les effectifs de base de l'administration douanière
ont été renforcés par des équipes d'intervention en
matière de stupéfiants, ainsi que par des équipes mobiles
de surveillance.
Enfin, l'administration des douanes a conclu plusieurs accords
bilatéraux d'assistance administrative.
Pendant la " montée en charge " de ce dispositif le
gouvernement autrichien a donné le témoignage de sa
volonté de vigilance. Ainsi les risques présentés par le
développement de l'immigration clandestine ont conduit le ministre de
l'intérieur à exiger un contrôle systématique des
véhicules de tourisme et des véhicules commerciaux, d'abord pour
le franchissement à l'entrée des frontières orientales et
ensuite, à la sortie de son territoire aux postes frontières avec
la Bavière.
b) Une harmonisation en cours avec les autres Etats Schengen
L'Autriche s'est également beaucoup rapprochée
de ses partenaires dans les autres domaines visés par les accords de
Schengen.
-
La délivrance des visas uniformes
. La déclaration
commune n° 2 annexée à l'accord d'adhésion de
l'Autriche contraint ce pays à adopter le régime de visa
appliqué après le 19 juin 1990 et partant, à tenir compte
des progrès intervenus pour harmoniser les procédures dans chacun
des Etats-membres. Par ailleurs, depuis l'entrée en vigueur, en
septembre 1996, du règlement communautaire (CE 1683/95) du 29 mai 1995
relatif au visa uniforme, les représentations diplomatiques et
consulaires autrichiennes délivrent la vignette-visa uniforme.
-
la
politique d'immigration et le traitement des demandes
d'asile
.
Le dispositif législatif a été modifié dans le
souci de favoriser l'intégration des étrangers déjà
résidents, tout en limitant toute immigration nouvelle à
l'exception des demandes d'asile examinées dans un esprit très
restrictif.
Le 11 juin dernier, le Parlement autrichien a adopté trois lois sur
l'entrée, le séjour et l'établissement des
étrangers, sur l'emploi des étrangers et sur le droit d'asile.
Ces textes entreront en vigueur le 1er janvier 1998.
Sur ce chapitre, il convient d'ajouter que l'accord de réadmission avec
la Hongrie a été aménagé en avril dernier afin de
rendre obligatoire la réadmission d'un citoyen d'un Etat tiers qui
aurait franchi la frontière illégalement.
-
réalisation du SIS
Le système informatique autrichien après avoir passé avec
succès les tests techniques et sous réserve des tests de
chargement de données actuellement en cours, sera bientôt
opérationnel.
Au 1er décembre 1997, les représentations autrichiennes seront
toutes équipées en terminaux d'interrogation du SIS.
En outre, la législation autrichienne répond aux principes
posés par Schengen pour la protection des données à
caractère personnel
3(
*
)
.
-
la lutte contre le trafic de drogue
Par sa situation géographique, l'Autriche peut devenir une plaque
tournante pour le trafic d'héroïne venant de Turquie via les pays
d'Europe centrale et orientale.
La législation autrichienne sanctionne sévèrement le
trafic de drogue (permis d'emprisonnement s'échelonnant de 5 ans -pour
les petits trafics- à 20 ans -direction d'un réseau de
trafiquants). La possession de petites quantités pour usage personnel ne
donne lieu qu'à une période probatoire de 2 ans. Si elle n'est
pas destinée à l'usage personnel, elle reste passible d'un
emprisonnement de 6 mois et même de 3 ans en cas de circonstances
aggravantes (mineurs, etc) ou pour des quantités plus importantes.
L'Autriche n'introduit aucune distinction entre le cannabis et les autres types
de drogues.
Dans la perspective de son adhésion à Schengen, Vienne a
procédé à l'aménagement de son dispositif
législatif. Le Parlement a adopté deux lois : la première
relative à la confiscation des revenus provenant du trafic illicite de
stupéfiants -entrée en vigueur le ler mars 1996-, la seconde en
faveur d'un recours plus large à la thérapie, à
l'assouplissement du régime répressif pour les consommateurs et
enfin de sanctions plus lourdes à l'encontre des revendeurs.
En outre, l'Autriche devrait bientôt ratifier l'ensemble des conventions
internationales relatives au renforcement de la coopération contre le
trafic des stupéfiants (convention relative aux substances psychotropes
de 1971, au trafic illicite de stupéfiants et substances psychotropes de
1988, au blanchiment, au dépistage, à la saisie et à la
confiscation des produits de délits de 1990).
-
régime de la circulation des personnes dans les
aéroports
.
Les aménagements nécessaires pour réparer et canaliser les
passages des vols intérieurs et des autres vols devraient s'achever le
26 octobre prochain.
B. LA GRÈCE : UNE ADHÉSION À RISQUES
La Grèce plus que l'Autriche encore, doit surmonter les handicaps d'une géographie délicate pour satisfaire aux exigences de son adhésion à Schengen. Dispose-t-elle des moyens nécessaires au contrôle des frontières extérieures ? Il n'est pas encore assuré que l'effort entrepris soit à la mesure des difficultés à vaincre.
1. Des moyens encore limités pour un contrôle aux frontières difficile
a) Une position géographique particulière
La Grèce présente une double
particularité :
-
le fait insulaire
: outre une côte de plus de 1600 km, les
autorités doivent assurer la surveillance de plus de 3000 îles ;
-
l'absence de frontière intérieure terrestre ou maritime
avec un autre Etat Schengen (à l'exception, bien sûr des
frontières aériennes au titre de la convention de Schengen).
En outre, la Grèce a des frontières communes avec la Turquie et
l'Albanie, deux pays sensibles pour le trafic illégal de
stupéfiants mais aussi pour les mouvements migratoires clandestins. A
cet égard, la situation albanaise n'est naturellement pas sans risque
pour la Grèce. Ce pays, terre d'émigration jusqu'au début
des années 80, est devenu un pôle d'attraction pour ses voisins
immédiats.
La Grèce a du rapidement tirer les conséquences de cette
évolution et renforce son dispositif affecté au contrôle
des frontières.
b) Une forte présence policière
Les autorités chargées des missions de
protection et de contrôle des frontières recouvrent trois forces
distinctes : la police hellénique, la police portuaire et les services
des douanes.
La police hellénique, placée sous l'autorité du
ministère de l'ordre public, comprend quelque 39.000 fonctionnaires. La
Grèce se range ainsi parmi les Etats les plus "policés" d'Europe
avec un ratio d'un policier pour 265 habitants. La surveillance des
frontières terrestres et la lutte contre l'immigration clandestine
mobilisent 12.000 personnes. Les effectifs des services de contrôle des
passeports sont renforcés de 30 à 40 % chaque année au
cours de la période estivale.
La protection et le contrôle des "frontières bleues" (maritimes)
relèvent de la police portuaire forte de 470 hommes employés
à bord, de 127 vedettes de police dont la taille comme la
capacité opérationnelle apparaissent très disparates. La
police portuaire dispose en outre de quatre avions et bénéficie
du renfort de 600 membres de la police hellénique. Ces moyens demeurent
insuffisants au regard de la longueur des côtes, de la dispersion des
territoires à contrôler (en particulier en mer Egée) et en
l'absence de coopération avec la Turquie.
Les effectifs des douaniers chargés notamment de missions dans le
domaine de la lutte contre le trafic de stupéfiants ou d'armes, restent
notablement insuffisants.
La Grèce a certes pris la mesure des adaptations à entreprendre
mais ses efforts semblent encore insuffisants.
2. Une mobilisation réelle dont les résultats mériteront un examen vigilant
La Grèce a d'abord aménagé son dispositif juridique et renforcé les moyens humains et matériels indispensables au contrôle des frontières extérieures.
a) Un renforcement des moyens de contrôle
Au chapitre des aménagements juridiques, il convient
sans doute de mentionner en premier lieu l'effort consenti par la Grèce
dans le cadre de son adhésion à Schengen pour revenir sur
plusieurs des réserves apportées aux conventions internationales
qu'elle avait signées. Ainsi la Grèce a renoncé aux
réserves qu'elle avait formulées au moment de son adhésion
à la convention européenne d'extradition du 13 décembre
1957 (capacité de s'opposer à l'extradition quand l'infraction a
été commise en tout ou partie sur le territoire grec notamment)
et à la convention européenne d'entraide judiciaire en
matière pénale du 20 avril 1959 (impossibilité d'une part
pour la partie requérante d'assister à l'exécution des
diligences sollicitées dans sa demande d'entraide et d'autre part
d'obtenir le transfèrement d'une personne détenue sur le
territoire de la partie requérante aux fins d'audition comme
témoin ou de confrontation).
La seule réelle spécificité obtenue par la Grèce
dans l'application de l'accord de Schengen n'est guère contestable :
elle permet de tenir compte du statut spécial du Mont Athos
(Déclaration commune relative au Mont Athos annexée à
l'Acte final). Le Mont Athos dispose en effet d'un statut particulier -reconnu
du reste dans l'acte d'adhésion de la Grèce à la
Communauté européenne - : régime d'auto-administration par
la Sainte Communauté, organe collégial où sont
représentés les 20 monastères de la presqu'île, dont
le fonctionnement est directement inspiré des règles
fixées en 1060 par Constantin Monomaque.
La mise en oeuvre de Schengen devra dès lors tenir compte de la
délivrance par les autorités religieuses du Mont Athos d'un visa
particulier.
Si les moines du Mont Athos se sont émus de l'adhésion de la
Grèce à Schengen, ce n'est donc pas parce que leur statut aurait
été méconnu mais plutôt en raison des risques
présentés, d'après eux, par la mise en place du SIS sur la
liberté individuelle. La hiérarchie orthodoxe faisait
connaître, de son côté, en mai dernier son opposition
à l'utilisation du chiffre "666" symbole de l'Antéchrist selon
l'Apocalypse de Saint-Jean, dans les codages informatiques liés à
l'entrée de la Grèce dans l'espace Schengen.
Par ailleurs, la Grèce a adapté son dispositif législatif
pour satisfaire aux exigences posées par Schengen. Ainsi la même
année où elle signait l'accord de Schengen, la Grèce
renforçait la loi sur l'entrée et le séjour des
étrangers sur son territoire (1991).
Afin d'assurer un
contrôle efficace aux frontières
et
donner ainsi toute sa portée à une législation plus
rigoureuse, les autorités helléniques ont mis également en
place
quarante six équipes de police mobiles spéciales
disponibles, en principe, 24 h sur 24 pour la surveillance d'une bande de
territoire de 20 km à partir de la frontière, et capables
d'effectuer, le cas échéant, des interventions ciblées.
Ces équipes sont doublées d'une "seconde ligne" constituée
de 500 agents répartis en équipes de 20 qui interviennent sur une
zone de 50 kilomètres à partir de la frontière. Enfin des
contrôles ponctuels sont effectués sur l'ensemble du territoire.
En outre, afin d'atteindre le niveau de contrôle et de surveillance
conforme aux dispositions, les autorités ont décidé de
renforcer les effectifs chargés du contrôle des points de passage
frontalier (400 personnes), des "frontières vertes" (800) et des
"frontières bleues" (800).
Enfin, le Parlement hellénique a adopté les mesures
nécessaires à l'harmonisation des
dispositions relatives au
droit d'asile
(loi du 31 décembre 1996) -demandes d'asiles
manifestement infondées, garanties des procédures minimales en
matière d'asile...-.
Longtemps la Grèce est restée peu concernée par la
question du droit d'asile (près d'un millier de demandes par an en
moyenne). Toutefois le nombre de demandeurs s'est considérablement accru
au cours des années 80 même si le nombre de ceux qui ont obtenu ce
statut n'a pas, en fait, dépassé 5000.
Dans le domaine de la lutte contre le
trafic des drogues
, la
Grèce est signataire de l'ensemble des conventions internationales des
Nations unies consacrée au sujet. La législation
intérieure présente la rigueur nécessaire : l'usage de
drogue est interdit et passible d'un emprisonnement de 10 à 15 jours -la
possession de petites quantités pour la consommation personnelle est
assimilable à l'usage.
La possession de quantités plus importantes pour un consommateur
habituel peut entraîner des peines d'emprisonnement de 3 à 10 ans
et de 10 à 20 ans si le possesseur n'est pas un usager. Le trafic de
stupéfiants reste passible quant à lui de peines pouvant aller
jusqu'à la réclusion criminelle à perpétuité.
Des sections spéciales de lutte contre les stupéfiants ont
été ou seront mises en place dans plusieurs régimes
frontaliers ainsi que les ports ou aéroports (actuellement Patras,
Héraklion, Rhodes) qui accueillent un grand nombre de voyageurs.
Les autres volets visés par la convention de Schengen ont fait
également l'objet d'un effort d'adaptation de la Grèce :
- harmonisation nécessaire à la délivrance du visa
uniforme ;
- réalisation en cours du SIS : sous réserve du chargement
effectif des données, le N. SIS grec pourra être
déclaré opérationnel ;
- adoption, le 10 avril 1997, d'une loi relative à la protection des
données ;
- l'aménagement des structures aéroportuaires : accomplie pour
les deux aéroports d'Athènes et celui de Thessalonique, la mise
en place du dispositif des flux Schengen et non Schengen devrait en principe
être achevée pour les trois autres aéroports internationaux
que compte la Grèce (Rhodes, Corfou, Héraklion) avant le 26
octobre 1997.
b) Les problèmes en suspens
Quelle que soit la bonne volonté des pouvoirs publics,
la situation géographique de la Grèce pose des problèmes
redoutables pour la surveillance des frontières. Les moyens humains et
matériels malgré les efforts indéniables consentis ne
paraissent pas à la mesure des difficultés rencontrées.
En outre, il existe souvent une distance importante entre les ambitions
affichées et la réalité. En 1993, la "commission
d'évaluation des contrôles Schengen" dressait ainsi quelques
constats préoccupants. A titre d'exemple, seules sept équipes de
police mobiles sur les quarante six prévues avaient été
mises en place et pouvaient effectivement fonctionner. S'agissant des
contrôles des documents, la Grèce ne dispose que de quatre
appareils de contrôle d'authenticité de type simple
aux
points de passage frontaliers les plus fréquentés, alors que le
double au moins, de l'aveu même des autorités hellènes,
serait nécessaire. En 1995, une nouvelle commission de visite,
constatait cependant des progrès importants.
Il n'en reste pas moins que le comité exécutif de Schengen devra
se livrer à un
contrôle extrêmement attentif
de la
situation grecque
avant de se prononcer sur la mise en vigueur de la
convention.
Par ailleurs, au regard du contrôle des frontières
extérieures, la Grèce supporte un handicap lié à
l'état de ses relations avec la Turquie. En effet, alors qu'elle est
liée à l'Albanie par un accord de coopération
policière qui comprend une clause de réadmission, elle n'a
signé aucun accord de cette nature avec Ankara. En conséquence,
la Turquie ne réadmet pas des étrangers ressortissants d'Etats
tiers dont il est prouvé qu'ils proviennent de son territoire.
Sans doute les partenaires de la Grèce au sein de Schengen doivent-ils
s'efforcer de rapprocher les positions d'Athènes et d'Ankara.
L'entreprise est difficile et la vanité des efforts entrepris sur ce
chapitre au nom de l'Union européenne invite au scepticisme.
CONCLUSION
Le processus de Schengen reposait dans son principe sur une
logique simple : la suppression des contrôles aux frontières
intérieures devait s'accompagner d'un renforcement de la protection des
frontières communes de l'espace Schengen.
Force est de constater, deux ans après la mise en oeuvre de la
convention d'application de l'accord de Schengen, que la disparition des postes
aux frontières intérieures a été organisée
avec célérité tandis que la coopération,
également indispensable pour la surveillance des frontières
intérieures et extérieures, piétine.
Cette situation apparaît encore plus préoccupante au moment
où les nouvelles adhésions élargissent l'"espace Schengen"
et le placent désormais au contact immédiat des pays d'Europe
centrale et orientale au risque d'accroître la pression migratoire aux
frontières extérieures.
C'est dans ce contexte qu'il convient d'apprécier l'adhésion de
l'Autriche et de la Grèce.
Malgré les risques que présente l'adhésion de l'Autriche,
en particulier du fait de la concomitance entre l'application de l'accord de
Schengen dans ce pays et en Italie, les efforts importants engagés par
le gouvernement de Vienne et le renforcement de la coopération
transfrontalière entre la France et l'Italie constituent des
éléments décisifs en faveur d'une ratification de l'accord
d'adhésion de l'Autriche par la France.
L'adhésion de la Grèce soulève davantage de
réserves. Certes, ce pays a accompli des progrès pour
répondre aux conditions préalables à l'intégration
à l'espace Schengen. Cependant ces efforts demeurent inachevés.
C'est pourquoi votre rapporteur, avant de se prononcer sur l'accord avec la
Grèce, a souhaité demander à notre gouvernement des
garanties sur les conditions d'adhésion de la Grèce. A cet
égard, il estime avoir obtenu du gouvernement français trois
engagements dont il demandera naturellement qu'ils soient confirmés par
le ministre en séance publique :
- d'une part, que la France observerait à l'égard de la
Grèce une attitude au moins aussi vigilante que l'Allemagne qui a
exprimé plusieurs réserves sur la mise en application de l'accord
avec la Grèce ;
- d'autre part, que la France ne donnerait son consentement à la
levée des contrôles (aériens et maritimes) avec la
Grèce que lorsque toutes les conditions fixées par la convention
d'application de l'accord de Schengen auront été réunies
et vérifiées ;
- et qu'enfin, elle n'accepterait pas en tout état de cause une
levée des contrôles aux frontières avant un délai
minimal d'un an.
Compte tenu de ces engagements, la ratification de l'accord avec la
Grèce permettra de prendre acte des efforts accomplis par ce pays tout
en disposant d'un moyen de pression pour obtenir de la Grèce qu'elle
poursuive dans la voie fixée par la convention de Schengen.
*
La surveillance des frontières a toujours
représenté une gageure pour les gouvernements. L'accord de
Schengen, malgré les difficultés de mise en oeuvre, a pour
principal mérite de fixer le cadre d'une coopération dont le
renforcement demeure sans doute à terme la meilleure garantie pour la
constitution, à l'échelle de l'Union européenne, d'un
espace de liberté et de sécurité.
C'est dans cet esprit et compte tenu également des engagements du
gouvernement français que votre rapporteur vous invite à donner
un avis favorable à l'adoption des deux présents projets de loi.
EXAMEN EN COMMISSION
La commission des affaires étrangères, de la
défense et des forces armées a examiné le présent
projet de loi lors de sa séance du mercredi 24 septembre 1997.
A l'issue de l'exposé du rapporteur, M. Jacques Genton a d'abord
souhaité souligner le travail considérable accompli par la
délégation du Sénat pour l'Union européenne sur
l'accord de Schengen et l'influence exercée par la Haute
Assemblée sur la position de notre gouvernement et, notamment, la mise
en oeuvre de la clause de sauvegarde pour le maintien des contrôles aux
frontières avec certains pays. Il a également insisté sur
les efforts considérables accomplis par l'Italie pour intégrer
dans des conditions satisfaisantes l'espace Schengen. Enfin, il a
observé que l'accord de Schengen relevait de la coopération
intergouvernementale et ne se confondait pas avec le traité sur l'Union
européenne.
M. André Rouvière, après avoir rappelé la
distinction entre entrée en vigueur juridique de l'accord et mise en
vigueur opérationnelle, a souligné la nécessité
d'établir des relations de confiance entre les membres de l'Union
européenne. Il a estimé que la ratification française des
deux accords d'adhésion porterait témoignage de cette confiance,
tout en indiquant que le Comité exécutif de Schengen donnerait un
accord définitif lorsque les mesures de compensation nécessaires
à la levée des contrôles aux frontières communes
auront été adoptées.
M. Jean Clouet s'est interrogé sur les raisons justifiant le maintien
des contrôles aux frontières intérieures dans le cadre de
l'accord de Schengen.
M. Nicolas About a alors observé que les contrôles aux
frontières communes se justifiaient pendant la période
transitoire liée à la levée échelonnée des
contrôles aux frontières intérieures, et qu'ils devaient,
en tout état de cause, laisser place à une coopération
policière renforcée. Il a précisé, par ailleurs,
que si la décision de mise en vigueur des accords d'adhésion
relevait du Comité exécutif de Schengen, le Parlement, dans le
cadre de la procédure de ratification des accords d'adhésion,
devait exercer un rôle vigilant. Il a également ajouté que
l'acquis de Schengen avait été intégré par un
protocole annexé au projet de traité d'Amsterdam.
Evoquant le constat, largement partagé, d'une Europe aux
frontières mal contrôlées, M. Jacques Habert a
souhaité que l'on ne se résigne pas à cette situation et
que l'on renforce, au contraire, les moyens de surveillance aux
frontières extérieures.
S'il a reconnu que la mise en application des accords de Schengen soulevait
beaucoup de questions, M. Michel Caldaguès a toutefois estimé
qu'il convenait de ratifier les deux accords proposés et que la France
devait se préoccuper avant tout de ses frontières nationales, en
évitant de reporter les responsabilités sur ses partenaires.
M. Nicolas About a souligné que le dispositif mis en place dans le cadre
de la convention d'application de l'accord de Schengen devait permettre de
mieux contrôler les flux aux frontières extérieures et de
favoriser la coopération, tout en donnant à la France la
possibilité de faire pression sur ses partenaires par le recours
à la clause de sauvegarde prévue à l'article 2,
paragraphe 2, de la convention.
M. Xavier de Villepin, président, a relevé que si, dans le
cadre de la mise en oeuvre de l'accord de Schengen, les contrôles
devaient en principe être reportés aux frontières
extérieures de l'espace Schengen, la pratique avait montré la
nécessité de préserver des contrôles aux
frontières intérieures, et notamment, pour la France, aux
frontières avec les pays du Benelux, compte tenu de la position
particulière des Pays-Bas en matière de drogue. Après
avoir rappelé le refus du Royaume-Uni et de l'Irlande d'adhérer
à l'accord de Schengen, M. Xavier de Villepin, président, a
estimé que les Etats européens ne pouvaient pas s'enfermer
à l'intérieur de leurs propres frontières, mais qu'ils
devaient, en contrepartie de l'ouverture de ces frontières, favoriser,
en particulier sur un plan bilatéral, la signature d'accords de
coopération transfrontalière et de réadmission. Enfin, il
s'est félicité que le rapporteur ait pris l'initiative de
demander au Gouvernement tous les éclaircissements nécessaires
sur un sujet particulièrement délicat, et estimé que le
Sénat avait ainsi exercé pleinement son devoir de vigilance sur
une question que la Haute Assemblée suivait déjà avec la
plus grande attention depuis la signature de la convention d'application de
l'accord de Schengen.
La commission a alors, suivant l'avis de son rapporteur, approuvé les
deux projets de loi qui lui étaient soumis.
PROJET DE LOI
(Texte adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord d'adhésion de la République hellénique, signé à Madrid le 6 novembre 1992, à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne le 27 novembre 1990 et le Royaume d'Espagne et la République portugaise le 25 juin 1991, et dont le texte est annexé à la présente loi 4( * ) .
PROJET DE LOI
(Texte adopté par l'Assemblée nationale)
Article unique
Est autorisée l'approbation de l'accord d'adhésion de la république d'Autriche à la convention d'application de l'accord de Schengen du 14 juin 1985 entre les Gouvernements des Etats de l'Union économique Benelux, de la République fédérale d'Allemagne et de la République française relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières communes, signée à Schengen le 19 juin 1990, à laquelle ont adhéré la République italienne, le Royaume d'Espagne et la République portugaise, et la République hellénique par les accords signés respectivement le 27 novembre 1990, le 25 juin 1991 et le 6 novembre 1992, signé à Bruxelles le 28 avril 1995, et dont le texte est annexé à la présente loi 5( * ) .
1 Paul Masson, Faut-il proroger la phase transitoire de Schengen ? Rapport de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, n° 316 (1994-1995)
2 N. About, L'Evolution de la politique néerlandaise en matière de stupéfiants , Rapport de la Délégation du Sénat pour l'Union européenne, n° 357 (1996-1997).
3 Loi adoptée en 1978 et modifiée en 1994 relative à la protection des données à caractère personnel, loi adoptée en 1991 amendée en 1996 relative à l'organisation de l'administration de la sécurité et de l'exercice de la police pour l'utilisation des données à caractère personnel dans le domaine policier.
4
Voir le texte annexé au document
Sénat n° 427.
5
Voir le texte annexé au document Sénat n° 428.