Article
L.121-55 du code de la consommation -
Conditions d'exercice de
l'activité de mandataire en automobile
Au même titre que la proposition de loi initiale de M. Gérard Larrat, le texte adopté par l'Assemblée nationale conditionne le caractère licite de l'activité de mandataire (s'agissant tant de sa rémunération pour ses activités de recherche ou d'achat que pour le fait d'être dépositaire de fonds destinés à l'achat du véhicule neuf) à deux conditions :
- il doit présenter des garanties " financières " ;
- il doit présenter des garanties " judiciaires ".
Avant de préciser la nature des garanties exigées du mandataire par la proposition de loi, signalons qu'une discussion s'est engagée sur le point de savoir si l'ensemble des opérations effectuées par le mandataire (recherche, négociation, achat, livraison du véhicule) pourrait donner lieu à un ou plusieurs contrats écrits.
Le Conseil national de la consommation, dans son avis rendu le 19 mars 1996,a proposé plusieurs contrats-type :
- contrat de recherche et de livraison du véhicule neuf ;
- confirmation du contrat de mandat ;
- avenant au contrat de mandat ;
- compte rendu de mandat.
Dès lors que seules les opérations consécutives au mandat d'achat et de livraison (à l'inverse de celles qui sont relatives à la recherche ou à la négociation) nécessitent la remise de fonds du mandant au mandataire, c'est à ce stade qu'il a pu paraître nécessaire de mettre en place les garanties. Telle est la solution retenue par l'Assemblée nationale qui, dans le nouvel article L.121-56 du code de la consommation, n'impose le contrat de mandat écrit que pour les opérations d'achat visées à l'article L.121-54 précité.
Les garanties " financières " , proposées par l'auteur de la proposition de loi et reprises par le texte adopté par l'Assemblée nationale, consistent dans la justification d'un compte séquestre ou la constitution d'une caution bancaire.
Ces deux garanties sont apparues à l'Assemblée nationale comme de nature à protéger le consommateur et d'éviter le détournement des fonds par le mandataire.
Ouvert par une convention conclue entre le mandataire, le mandant et la banque, le compte séquestre permet de bloquer les fonds sur un compte ouvert dans une banque jusqu'à la remise du véhicule à l'utilisateur final. Dans la pratique, l'antériorité de la réalisation de la vente par rapport à la livraison effective du véhicule impliquerait, pour le mandataire, l'obligation d'avancer à l'établissement vendeur le montant du prix de l'acquisition. En effet, le banquier ne lèvera le séquestre qu'à la réception de la facture originale qui ne sera, elle-même, délivrée par l'établissement-vendeur qu'après réception des fonds.
Si le mandataire n'est pas en mesure d'avancer les fonds, il faut prévoir dans la convention que le séquestre pourra être levé à la réalisation de la vente, mais alors le consommateur final n'a plus véritablement de garanties entre la vente et la livraison du véhicule.
L'autre garantie retenue par l'Assemblée nationale est la caution bancaire, qui constitue incontestablement -si elle est accordée- pour le consommateur un facteur de sécurité maximale.
En ce qui concerne les garanties " judiciaires " , l'Assemblée nationale a souhaité, le Gouvernement manifestant sa réserve sur ce point, renforcer la sévérité du dispositif qui sanctionne les commerçants c'est-à-dire la loi n° 47-1635 du 30 août 1947 relative à l'assainissement des professions commerciales et industrielles. Celle-ci a institué un régime d'interdictions et d'incapacités en cas de condamnation à un certain nombre de peines d'emprisonnement sans sursis (en particulier, la condamnation définitive à trois mois d'emprisonnement sans sursis par application des lois sur les sociétés).
Le texte adopté interdit ainsi au mandataire de percevoir une rémunération ou de recevoir des fonds s'il a été frappé des incapacités ou des interdictions d'exercer en raison d'une condamnation à trois mois d'emprisonnement au moins avec ou sans sursis , définitive ou non, pour l'une des infractions suivantes :
- faux et usage de faux en écriture privée de commerce ou de banque ;
- vol, recel, escroquerie, abus de confiance, banqueroute, extorsion de fonds, valeurs ou signatures, délits punis de peines de l'escroquerie, de l'abus de confiance ou de banqueroute ;
- émission de chèques sans provision et délits relatifs à l'usure aux prêts d'argent ;
- délits prévus par la loi du 24 juillet 1966 sur les sociétés commerciales.
A l'initiative de la commission de la Production et des Échanges, l'Assemblée nationale a complété le dispositif de la proposition initiale par la référence aux infractions visées à l'article 13 de la loi du 29 décembre 1977 accordant des garanties de procédure aux contribuables en matière fiscale et douanière. Aux termes de cette loi, le tribunal peut interdire, pour trois ans au maximum, l'exercice de toutes professions industrielles, commerciales ou libérales, au condamné pour des délits en matière d'impôts directs, de TVA et autres taxes sur le chiffre d'affaires, de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière et de droit de timbre, ainsi que pour certaines infractions en matière de contribution indirecte ou douanière.
Pour être complet, votre rapporteur rappellera qu'aux termes des articles 41 à 43 du décret n° 84-406 du 30 mai 1984, relatif au registre du commerce et des sociétés, un commerçant se trouve d'office radié du registre dans les cas suivants :
- interdiction d'exercer une activité commerciale en vertu d'une décision judiciaire passée en force de chose jugée ou d'une décision administrative exécutoire ;
- faillite ou liquidation judiciaire pour insuffisance d'actifs à la clôture de la procédure ;
- règlement judiciaire par concordat avec abandon total d'actif à la clôture de la procédure ;
- cessation totale d'activités au terme d'un délai d'un an ;
- dissolution de la personne morale au terme d'un délai de trois ans ;
- absence de communication au greffier du titre de jouissance des locaux au terme d'un délai de deux ans suivant la notification.
Au cours de ses auditions, il est apparu à votre rapporteur que les garanties " financières " retenues par l'Assemblée nationale présentaient des inconvénients.
La " caution bancaire ", mécanisme très lourd, a souvent été présentée comme " hors de portée ", en pratique, pour les mandataires qui débuteraient leur activité. Cette garantie de la banque ne sera accordée qu'aux mandataires disposant d'ores et déjà d'une " surface " importante et il existe donc un risque de discrimination.
L'existence d'un " compte séquestre ", n'offre pas au consommateur une garantie assurée dès lors que le moment de la levée du séquestre (c'est-à-dire le transfert des fonds du mandant au mandataire) demeure contractuel et n'empêche pas un consommateur naïf de se laisser abuser par un mandataire malhonnête. Des cas d'entente entre mandataires malhonnêtes et responsables d'agences de banque auraient par ailleurs été relevés.
Votre commission a donc préféré que les fonds correspondant à la provision versée par le mandant au mandataire au moment de la confirmation écrite du mandat soient garantis par une assurance de responsabilité souscrite par le mandataire automobile au même titre, par exemple, que les autres professionnels dépositaires de fonds.
Cette assurance de responsabilité ne " couvrira " que les fonds correspondant à la provision d'un montant maximum de 10 % du coût total d'acquisition prévue à l'article L.121 57 du code de la consommation.
Ainsi qu'on le verra à l'article suivant, la commission propose pour les fonds correspondant au " principal ", c'est-à-dire au prix (hors taxes) du véhicule, un autre mécanisme qui ne nécessite pas de garanties de cet ordre.
S'agissant des garanties " judiciaires ", votre commission n'a pas jugé souhaitable de montrer ainsi du doigt, voire de " stigmatiser " une activité qui, comme toute autre, est exercée surtout par des professionnels consciencieux qui respectent les règles du jeu.
Il lui est donc apparu injustifié de viser les condamnations pour un certain nombre de délits dès lors que le mandataire, comme tout commerçant, relève de la loi n° 47-1635 du 30 août 1947 relative à l'assainissement des professions commerciales et industrielles et peut être radié d'office du registre du commerce et des sociétés dans les conditions prévues aux articles 41 à 43 du décret n° 84-406 du 30 mars 1984 relatif audit registre, les infractions à ces dispositions étant punies, en cas de récidive, des peines de six mois d'emprisonnement et de 25.000 francs d'amende.
Sans doute redondant et sûrement vexatoire, cet " affichage " a, d'ailleurs, suscité, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, les réserves du Gouvernement qui n'a pas jugé utile " d'introduire pour l'activité de mandataire automobile un traitement différent de celui du dispositif général que le législateur a retenu pour l'assainissement des professions commerciales et industrielles ".
En revanche, plus opérante pourrait être une disposition telle que l'obligation faite au mandataire de consigner sur un registre spécial les transactions qu'il effectue comme tout concessionnaire, d'ailleurs, qui tient un registre pour ses transactions sur des véhicules d'occasion.
Cette obligation faciliterait considérablement les opérations de contrôle de l'activité des mandataires automobiles par les services de l'Etat.
La protection du consommateur exige ensuite, selon votre commission, que le mandataire contracte une assurance contre les conséquences pécuniaires de sa responsabilité civile et soit en mesure de justifier qu'il est à jour de ses cotisations.
La commission a enfin jugé souhaitable d'interdire aux mandataires de diffuser, par quelque moyen que ce soit, toute publicité sur les prix ou les écarts de prix sont il serait susceptible de faire bénéficier sa clientèle.
Cette dernière disposition visant à éliminer les publicités comparatives souvent trompeuses, apparaît comme découlant logiquement de la situation juridique du mandataire qui négocie au nom et pour le compte de son client le meilleur tarif pour le véhicule recherché.
Telles sont les motifs de la rédaction proposée par votre commission pour le nouvel article L. 121-55 du code de la consommation.