2. Le recrutement des jurés : une progressive démocratisation
Le recrutement des jurés soulève tout d'abord la question de la détermination des personnes aptes à exercer de telles fonctions. En effet, si l'épithète " populaire " paraît inexorablement liée à la notion de jury au point que la locution " jury populaire " est parfois considérée comme pléonastique, la notion de peuple varie sensiblement selon les Etats et les périodes.
En second lieu, une fois déterminées les conditions d'aptitude, le mode de recrutement peut également varier, allant de la désignation par les autorités au tirage au sort, en passant par l'élection.
Sur ces deux points, l'évolution du jury en France depuis les débuts du code d'instruction criminelle fut marquée par une progressive démocratisation, achevée en 1980.
a) Les conditions d'aptitude aux fonctions de juré
Dès 1790, les débats de l'Assemblée constituante ont mis en avant deux conceptions du rôle du juré, à chacune desquelles correspondent des conditions d'aptitude spécifiques:
- selon la première thèse, défendue par Robespierre, tout citoyen peut être juré : c'est la conception du juré-citoyen qui correspond dans le domaine judiciaire à ce que Max Weber appellera la légitimité démocratique ;
- selon la seconde thèse, défendue par Sieyès, les jurés doivent être pris parmi les " gens de la loi " : c'est la conception du juré-magistrat qui correspond à une légitimité fondée sur le savoir, sur la compétence.
En 1791, sera retenue une position intermédiaire, préconisée par le Comité de constitution, réservant la faculté d'exercer les fonctions de juré aux citoyens actifs qui, payant le cens, sont éligibles à l'administration de district et de département. Ces citoyens, essentiellement des propriétaires terriens, composent ce que Duport appelle la " classe moyenne ", celle qui a fait la Révolution.
Cette conception fondée sur la richesse perdurera officiellement jusqu'à l'établissement du suffrage universel. En effet, sous le régime du code d'instruction criminelle, les fonctions de juré sont réservées aux électeurs, c'est-à-dire, jusqu'en 1848, aux personnes qui acquittent le cens.
Aujourd'hui, l'article 255 du code de procédure pénale confère aux citoyens, sans condition de fortune, la vocation à devenir jurés. Toutefois, seuls les citoyens remplissant certaines conditions d'aptitude peuvent effectivement exercer ces fonctions.
1.- La condition tenant à l'âge
Alors que, depuis 1974, la majorité civile est fixée à dix-huit ans, l'article 255 du code de procédure pénale exige, depuis la loi du 29 décembre 1972, que tout juré soit âgé de plus de vingt-trois ans.
En 1791, l'âge minimal fut fixé à vingt-cinq ans ; ramené à vingt-et-un ans en 1793, il fut porté à trente ans par la Constitution de l'an VIII, condition qui demeurera jusqu'en 1972.
A la différence de plusieurs autres démocraties occidentales, le droit français ne fixe pas une limite d'âge maximale. Toutefois, l'article 258 du code de procédure pénale permet aux personnes âgées de plus de soixante-dix ans d'être dispensées à leur demande.
Le tableau suivant permet de comparer la solution retenue par la France par rapport à d'autres Etats :
Eléments de droit comparé sur la condition tenant à l'âge des jurés
Age minimal |
Age maximal |
Possibilité d'être dispensé | ||
Angleterre | 18 ans | 70 ans | + de 65 ans | |
Etats-Unis | 18 ans | |||
France | 23 ans | + de 70 ans | ||
Allemagne | 25 ans | 70 ans | + de 65 ans | |
Italie | 30 ans | 65 ans | ||
Belgique | 30 ans | 60 ans |