2. La gravité des peines
La gravité des peines encourues par les personnes mises en accusation est la première considération avancée par l'exposé des motifs du projet de loi en faveur de l'institution d'un appel des arrêts de la cour d'assises : " il paraît particulièrement anormal que pour les infractions moins graves que constituent les délits et certaines contraventions, il existe un double degré de jugement, alors que pour un crime, qui constitue par définition l'infraction la plus grave, on soit jugé en premier et dernier ressort ".
Ce sentiment fut également exprimé par le Haut comité, dès les premières lignes de son rapport : " la discrimination qui existe à cet égard entre les dossiers ordinaires et les procédures criminelles est particulièrement injustifiable. Comment admettre que celui qui commet une infraction bénigne jouisse de garanties supérieures à celui qui se voit reprocher les infractions les plus graves, punies d'une peine d'emprisonnement de dix années au moins ? ".
Cette critique de principe paraît d'autant plus justifiée que la tendance est, tout au moins depuis le début des années 1980 et en dépit d'une certaine stabilisation dans la période récente, à l'aggravation des peines prononcées par les cours d'assises : la part des réclusions criminelles dans l'ensemble des condamnations est ainsi passée de 60 % en 1984 à 71 % en 1990. Inversement, la part des peines d'emprisonnement a chuté de 60 % à 29 %.
Depuis 1991, les cours d'assises prononcent chaque année :
- environ 1 800 condamnations à la réclusion criminelle à temps pour une durée moyenne légèrement supérieure à dix ans ;
- environ 750 condamnations à l'emprisonnement ferme pour une durée moyenne en constante augmentation : près de 34 mois en 1993.
Le nombre de réclusions criminelles varie assez sensiblement d'une année sur l'autre : 86 en 1990, 99 en 1991, 86 en 1992 et 64 en 1993. La majorité de ces peines (51 en 1993) sont prononcées par contumace.
Ces peines sont, de par leur gravité, sans commune mesure avec celles prononcées par les tribunaux correctionnels (de l'ordre de six mois pour l'emprisonnement ferme) et, a fortiori , avec les amendes prononcées en matière contraventionnelle.