2. Le projet de loi laisse ouvertes certaines interrogations
En dépit des précisions apportées par l'Assemblée nationale et proposées par le Sénat, le projet de loi encourage certains malentendus sur la signification de la réforme du service national, et n'apporte pas de réponse véritablement satisfaisante à la question posée par la définition des activités des futurs volontaires.
a) D'inévitables malentendus sur la signification de la réforme du service national
. Un risque de confusion sur le futur service national est dû au vocabulaire retenu par le projet de loi .
Certes, il aurait été difficile de privilégier d'autres termes que ceux de service national et de recensement. Le maintien de ce vocabulaire issu d'une longue tradition entretient néanmoins probablement un malentendu sur le caractère novateur de la réforme. Si, en effet, la future loi continue à prescrire le recensement des jeunes, celui-ci revêt une signification différente dans la perspective du rendez-vous citoyen.
De même, la référence persistante à l'institution du service national a conduit au paradoxe sur lequel repose le premier article du projet de loi : certes, on supprime le service national, mais les citoyens n'en sont pas moins soumis à une " obligation de contribuer à la défense du pays " notamment à l'occasion du service national. Or, le nouveau service national sera constitué, pour sa partie obligatoire, du rendez-vous citoyen, dont la contribution à la défense du pays se bornera à encourager les vocations militaires et à renforcer l'esprit de défense, sans jamais prendre la forme d'une quelconque instruction militaire. Par ailleurs, la partie facultative du service national, le volontariat, ne s'effectuera dans des formes militaires que pour un tiers à peine des effectifs de volontaires actuellement envisagés.
. Le long héritage historique sur lequel repose l'actuel service national ne doit donc pas conduire à considérer la présente réforme de manière nostalgique. Ni le rendez-vous citoyen, ni le volontariat ne sauraient être considérés à l'aune de l'actuel service national. Ni le rendez-vous citoyen, ni le volontariat ne relèvent de la conscription.
. Le rendez-vous citoyen se trouve, bien évidemment, au coeur du risque de confusion des genres qui sous-tend le présent projet de loi.
- D'une part, le choix du terme de " rendez-vous citoyen " n'est pas exempt d'un certain risque de malentendu sur la signification de l'institution. Certes, la dénomination de rendez-vous citoyen répond à la volonté de traduire les notions conjuguées de brassage social, d'accession solennelle à la citoyenneté et de rencontre conviviale des jeunes avec la Nation. Or, le présent projet de loi fait du rendez-vous citoyen, une obligation légale assortie de sanctions, ce que ne laisse pas entendre la notion de " rendez-vous " : celui qui n'honore pas un rendez-vous ne court pas d'autre risque que celui d'être considéré comme impoli. Le jeune qui ne satisferait pas à l'obligation légale d'assister au rendez-vous citoyen se priverait ipso facto de la possibilité de passer son permis de conduire, de souscrire à un contrat d'aide à l'emploi, ou de passer des concours d'accès à la fonction publique.
- D'autre part, la diversité des missions imparties au rendez-vous citoyen se trouve à l'origine d'un mélange des genres qui ne facilite pas la compréhension de cette institution, en raison des évolutions successives qui ont conduit de la logique des " trois jours " à celle d'une période pendant laquelle il serait tenté de réparer les défaillances de notre société en matière d'éducation et d'instruction.
Rappelons une nouvelle fois que, dans la logique proposée en avril 1996 par le Sénat, la formule qui succèderait aux trois jours devrait avoir pour objet :
- de maintenir le savoir-faire statistique de la Direction centrale du service national, dans la perspective d'une éventuelle remontée en puissance de la conscription,
- de rappeler les éléments de base de l'instruction civique,
- d'informer les jeunes des possibilités offertes par les différentes formes de volontariat,
- d'informer les jeunes des perspectives de carrière dans les armées et la gendarmerie, et des besoins des forces de réserves.
Ce dernier point était motivé par le souci de tirer parti de ces " trois jours " d'un type renouvelé pour maintenir un lien privilégié entre la jeunesse et les armées, afin de diversifier le plus possible le recrutement de celles-ci.
La conception du rendez-vous citoyen qui apparaît dans le projet de loi est beaucoup plus ambitieuse, puisqu'il s'agit désormais en outre, non seulement de prendre en charge les jeunes identifiés comme jeunes en difficulté, afin de faciliter leur insertion sociale et professionnelle, mais aussi de dispenser à la jeunesse un enseignement beaucoup plus étoffé que le simple rappel des connaissances de base en matière d'instruction civique initialement proposé (secourisme, institutions européennes, exercice du droit de vote, protection de l'environnement...).
De ce fait même apparaît un risque de malentendu sur la portée du rendez-vous citoyen, à la fois élément de l'obligation du service national, et ultime rattrapage des savoirs qui n'auront pas été acquis pendant la scolarité.
Il n'appartient certes pas au projet de loi de lever cette ambiguité. La préparation du rendez-vous citoyen à travers les programmes d'histoire et d'instruction civique, fort opportunément intégrée au projet de loi par l'Assemblée nationale, contribuera toutefois, du moins convient-il de l'espérer, à mieux faire comprendre la signification de ces quelques journées par les futurs appelés.