IV.
ARTICLE 4
(ARTICLE 15 DE LA LOI DU 30 SEPTEMBRE 1986) -
RÔLE DU
CSA EN MATIÈRE D'ÉTHIQUE DES PROGRAMMES
I. Commentaire du texte du projet de loi
Cet article modifie l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 qui confie au CSA le soin de veiller à la protection de l'enfance et de l'adolescence dans les programmes des services de communication audiovisuelle. Il élargit cette mission au respect du pluralisme et de l'honnêteté de l'information, au respect de la vie privée, à la protection des consommateurs.
Il convient, pour apprécier la portée de cet article, de rappeler que la possibilité d'intervention du CSA est actuellement très inégale dans ces différents domaines (1°), de mesurer la portée de son action (2°), et celle de la nouvelle rédaction de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986 (3°).
1° Le CSA dispose à l'heure actuelle de compétences très inégales dans ces différents domaines :
· La loi du 30 septembre 1986 ne lui a, jusqu'à présent, attribué aucun pouvoir spécifique en matière de protection de la vie privée, et ses compétences en matière de protection des consommateurs se réduisent au contrôle des émissions de téléachat, que la loi n° 88-21 du 6 janvier 1988 lui confie.
· En ce qui concerne le respect du pluralisme et de l'honnêteté de l'information, le CSA peut déjà s'appuyer sur un certain nombre de dispositions de la loi.
L'article 1er de la loi mentionne le respect du caractère pluraliste de l'expression des courants de pensée et d'opinion parmi les motifs permettant de limiter la liberté de la communication audiovisuelle. Le troisième alinéa du même article charge le CSA de garantir l'indépendance et l'impartialité du secteur public de l'audiovisuel.
D'autres dispositions de la loi de 1986 précisent les moyens dont le CSA dispose afin d'assurer le pluralisme :
- art. 13 : le CSA assure le respect de l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion dans les programmes des sociétés nationales ;
- art. 16 : le CSA organise les campagnes électorales officielles sur les chaînes publiques et adresse des recommandations aux chaînes privées sur le traitement de l'information en période électorale ;
- art. 55 : le CSA organise les modalités de fonctionnement des émissions d'expression directe qui donnent aux formations politiques et aux organisations syndicales représentatives l'accès à l'antenne des sociétés nationales de programme ;
- art. 28 : les conventions conclues avec les services autorisés de radio ou de télévision diffusés par voie hertzienne doivent être élaborées dans le respect de l'honnêteté et du pluralisme de l'information.
Quant au principe d'honnêteté de l'information , il ne figure explicitement dans la loi de 1986 qu'à l'article 28 et dans l'article 62 qui prévoit la fixation par décret d'un cahier des charges de TF1 contenant des obligations minimales concernant l'honnêteté et le pluralisme de l'information.
En fait, l'essentiel des obligations incombant aux chaînes en matière d'honnêteté de l'information figure dans des textes d'application :
- le décret n° 47-43 du 30 janvier 1987 fixant le cahier des charges de TF1 lors de sa privatisation fait obligation à la chaîne d'assurer l'honnêteté de l'information et lui impose de réaliser les émissions d'information dans un esprit de stricte objectivité ;
- les cahiers des charges de France 2 et France 3, approuvés par le décret n° 94-813 du 16 septembre 1994, prévoient (art. 2) pour chaque chaîne l'obligation d'assurer l'honnêteté, l'indépendance, le pluralisme de l'information ;
- la décision n° 87-13 du 26 février 1987 de la CNCL autorisant M6 prévoit que la société assure l'honnêteté et le pluralisme de l'information (art. 16).
2° Le CSA a tenté d'élaborer, sur ces fondements législatifs disparates, une éthique des programmes qui tend à s'affirmer dans le domaine de la protection de l'enfance et de l'adolescence et sur le plan de l'honnêteté de l'information.
· S'appuyant sur la mission que l'article 15 de la loi de 1986 lui confie actuellement en matière de protection de l'enfance et de l'adolescence, le CSA a depuis plusieurs années mis en cause l'étalage excessif de violence dans les émissions. Après la parution, à la fin de 1995, d'un rapport mettant en évidence la fréquence et l'intensité des scènes violentes dans les programmes, il a engagé avec les diffuseurs une concertation qui a permis l'élaboration d'un ensemble de dispositions, prévoyant en particulier la signalisation des fictions, mise en oeuvre en novembre dernier par l'ensemble des chaînes généralistes nationales à l'exception de Canal Plus.
· En ce qui concerne l'honnêteté de l'information, le CSA s'est estimé pleinement compétent pour veiller à son respect et, le cas échéant, pour sanctionner les manquements des chaînes (cf. 3° rapport annuel, p. 221) à cet égard. Faute de disposition législative lui attribuant expressément une compétence en la matière, sa marge de manoeuvre est cependant incertaine face aux diffuseurs.
3° La portée de la nouvelle rédaction de l'article 15 de la loi du 30 septembre 1986
La nouvelle rédaction de l'article 15, en confiant au CSA une mission de veille à l'égard des impératifs essentiels que sont le respect du pluralisme et de l'honnêteté de l'information, le respect de la vie privée et la protection des consommateurs, donnera un fondement plus sûr à l'action déjà entreprise dans ces différents domaines.
On peut en attendre l'élaboration progressive et pragmatique d'une série de règles au respect desquelles les diffuseurs seront astreints. En effet, les articles 14 et 20 du projet de loi permettent au CSA de mettre en demeure les diffuseurs privés et publics en cas de manquement aux principes énoncés dans l'article 15. Observons aussi que la procédure de sanction peut être déclenchée contre un diffuseur ne se conformant pas aux mises en demeure qui lui sont adressées.
Par ailleurs, les règles dégagées par le CSA en matière d'éthique des programmes devraient se traduire dans les conventions conclues avec les opérateurs de services de radio et de télévision.
Le dispositif ainsi mis en place renforce donc de façon très significative les pouvoirs dont le CSA dispose afin d'assurer l'éthique des programmes.
II. Position de la commission
Votre commission a adopté à cet article un amendement rédactionnel supprimant la référence à la " déontologie applicable aux programmes ", expression qui paraît redondante et qui n'ajoute rien à la définition de la mission de " veille " confiée au CSA à l'égard des intérêts énumérés dans l'article 4.
Il faut observer en outre que si la mission confiée au CSA par cet article était seulement de veiller " à la déontologie applicable " aux programmes, à la protection de l'enfance, etc., son action serait très limitée, cette déontologie restant largement à élaborer.
Tout l'intérêt de la mission " de veille " confiée au CSA est précisément de lui permettre de favoriser l'émergence de règles éthiques, de contribuer, à travers son pouvoir de régulation, à la définition de ces règles et à leur respect.