DEUXIÈME PARTIE - LE PROJET DE BUDGET POUR 1997 : UN NOUVEAU DÉPART ET UN DÉFI
La nouvelle programmation vise à une réforme de grande ampleur qu'il s'agisse de la professionnalisation et de la diminution du format de nos armées, de la profonde restructuration de notre industrie d'armement ou de l'ancrage européen de notre défense.
Elle repose sur des fondements rénovés : ne faisant plus appel qu'aux seuls crédits budgétaires et non plus à la notion de « crédits disponibles » agrégat dont l'expérience a montré l'inconsistance ; couvrant à la fois le titre III et le titre V, les autorisations de programme et les crédits de paiement, cette programmation globale s'inscrit dans une planification qui se situe dans la perspective d'un modèle d'armée à l'horizon de 2015. Elle relève d'une nouvelle logique, dictée par l'évolution du contexte géostratégique et plus soucieuse des contraintes financières
Ce « remodelage d'ensemble » suscite toutefois deux interrogations majeures : peut-elle faire abstraction du passé et du poids des engagements antérieurs ? À quelles conditions pourra-t-il se concrétiser ?
I. LE POIDS DU PASSÉ ET L'« ENTRÉE » EN PROGRAMMATION EN 1997
Ce poids est lourd.
En effet si les crédits inscrits et votés en lois de finances initiale marquaient un maintien de l'effort de défense à contre-courant de l'évolution constatée dans les autres pays occidentaux, qui réduisaient leur budget de défense (1/) chaque année ces crédits se trouvaient amputés par une régulation budgétaire génératrice de gels et d'annulations des dotations (2/) .
Ainsi un décalage s'est creusé entre les besoins de financement de nombreux et lourds programmes lancés précédemment et les ressources réellement affectées à leur couverture financière ; d'année en année, se trouvait reportée une « bulle financière » de plus en plus dense et volumineuse (3/).
1. Une évolution financière apparemment à contre-courant des autres pays occidentaux
Depuis 1985 et surtout depuis 1990, les budgets de défense des États-Unis, tout comme ceux du Royaume-Uni, de l'Allemagne ou de l'Italie ont décru proportionnellement beaucoup plus que le budget français.
En prélèvement sur la richesse nationale, la comparaison s'établit comme suit :
Le maintien de cet effort financier était, du reste, cohérent avec le lancement et la réalisation de programmes financièrement très lourds : RAFALE, SNLE-NG, LECLERC, en particulier. Ce d'autant plus que les marchés à l'exportation se rétrécissaient.
2. Une « régulation budgétaire » amputant, en réalité, les crédits initialement votés
La régulation budgétaire s'est toujours exercée dans le sens d'une réduction - en solde net - des crédits du budget de la Défense, surtout à partir de 1990. C'est, en fait, dans ces crédits qu'ont été recherchées des marges d'ajustement budgétaire dicté par la volonté de réduire le déficit.
Cette régulation s'est exercée :
• au moment de l'élaboration des budgets
annuels, provoquant ainsi une minoration des annuités prévues par
les programmations ;
• au moment de l'exécution des budgets par des
annulations et des gels de crédits provoquant des reports dont le
caractère tardif rendait la consommation impossible.
-ÉCARTS L.F.I. - CRÉDITS CONSOMMÉS
ÉCARTS PROGRAMMATIONS - L.F.I.
3. Un décalage entre les besoins de financement des programmes et leur financement effectif
Ce décalage provoque la formation d'une « bulle financière » grossissant d'année en année rejetant les échéances année après année. Il perturbe, en outre, profondément la gestion des programmes.
a) Une « bulle financière » qui va en grossissant
Elle trouve son origine dans les étalements de programme reportant d'année en année des besoins de financement de plus en plus importants.
En outre l'étalement des programmes en perturbant la gestion des programmes, engendre des surcoûts non négligeables qui viennent encore grossir les engagements financiers.
b) Une gestion des programmes de plus en plus perturbée
L'annulation de commandes, leur suspension ou leur maintien sans acquitter le prix des livraisons perturbe, évidemment, et parfois profondément, l'activité, le plan de charge et la trésorerie des industriels privés de toute certitude quant à leur « marché » à l'égard de son client militaire. Celui-ci subit les conséquences financières des reports de fabrication. Le coût unitaire des équipements s'accroît, les intérêts moratoires s'accumulent comme le montre le tableau ci-dessous.
De 1993 à 1996, le montant des intérêts moratoires a ainsi amputé les ressources destinées aux équipements de plus de 1 400 millions de francs !
4. L'exercice 1996
Poursuivant les errements antérieurs, l'exercice 1996 laisse mal augurer du début de réalisation de la programmation de 1997.
En effet, les mesures de régulation, déjà renforcées en 1995, on été renouvelées en 1996.
D'ores et déjà près de 8 500 millions de francs de crédits ont été annulés sur le titre V. La première annulation, au printemps, a servi à financer une première recapitalisation de GIAT-Industries (3 716 millions de francs), la deuxième, décidée en septembre, a encore réduit de 2 750 millions de francs les crédits d'équipement, la troisième, toute récente (arrêté du 13 novembre) a porté sur un montant supplémentaire de 2 040 millions de francs.
En outre il est prévu de prélever 2 milliards de francs sur les crédits de reports au profit de la recherche duale pour 1997.
S'agissant des reports de l'exercice 1995 sur l'exercice 1996, ils ont été évalués à 12 milliards de francs par la Cour des Comptes. Or la loi de programmation a été construite en prenant en compte environ 4 milliards de francs de reports de charges ainsi que l'annulation de crédits pratiquée au printemps (3 716 millions de francs).
Mais l'apurement des charges de 1996 risque de n'être que partiel et celles-ci vont se trouver en outre aggravées par l'annulation des crédits des mois de septembre et novembre.
Il est donc à craindre un report de charges non négligeable sur la gestion 1997, première annuité de la programmation.