III. LES TRAVAUX DE LA COMMISSION DES LOIS : UNE VALIDATION NÉCESSAIRE, JUSTIFIÉE PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
A. UNE VALIDATION NÉCESSAIRE : UN DISPOSITIF CONTRACTUEL FRAGILISÉ
Il convient de relever que l'annulation prononcée par le tribunal administratif de Paris a porté non pas sur le contrat de concession lui-même mais sur la décision du Premier ministre de signer ce contrat.
Or, conformément à une jurisprudence traditionnelle (Conseil d'État section, 9 novembre 1934, Chambre de commerce, d'industrie et d'agriculture de Tamatave ; 7 février 1936, département de la Creuse ; 20 janvier 1978, syndicat national de l'enseignement technique agricole public), la décision de passer le contrat est un acte détachable de celui-ci.
En dépit de l'annulation prononcée, le contrat de concession en lui-même est toujours en vigueur.
Il n'en demeure pas moins que le contrat se trouve désormais exposé à une très grande insécurité juridique.
D'une part, des tiers pourraient demander au juge de tirer les conséquences de ce premier jugement et de prononcer l'annulation du contrat.
D'autre part, le concessionnaire pourrait lui-même, le cas échéant, saisir le juge aux mêmes fins.
Il paraît, dans ces conditions, difficilement envisageable que le contrat de concession -dont la durée est de trente ans- puisse être exécuté dans des conditions satisfaisantes.
Une annulation du contrat lui-même impliquerait une nouvelle procédure nécessairement longue et complexe, donc difficilement compatible avec l'urgence de la réalisation de ce grand équipement sportif.
B. UNE VALIDATION JUSTIFIÉE PAR DES MOTIFS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL
Votre Commission des Lois a examiné la mesure de validation soumise au Sénat avec le souci qu'elle soit conforme aux exigences constitutionnelles et qu'elle respecte en particulier l'indépendance des juridictions.
En effet, dans sa décision n° 80-119 du 22 juillet 1980, après avoir considéré qu'« qu'il résulte des dispositions de l'article 64 de la Constitution en ce qui concerne l'autorité judiciaire et des principes fondamentaux reconnus par les lois de la République en ce qui concerne, depuis la loi du 24 mai 1872, la juridiction administrative, que l'indépendance des juridictions est garantie ainsi que le caractère spécifique de leurs fonctions sur lesquelles ne peuvent empiéter ni le législateur, ni le Gouvernement » , le Conseil constitutionnel en a déduit qu'« il n'appartient ni au législateur ni au Gouvernement de censurer les décisions des juridictions, d'adresser à celles-ci des injonctions et de se substituer à elles dans le jugement des litiges relevant de leur compétence » .
Néanmoins, ces principes « ne s'opposent pas à ce que, dans l'exercice de sa compétence et au besoin, sauf en matière pénale, par la voie de dispositions rétroactives, le législateur modifie les règles que le juge a mission d'appliquer » .
Conformément à la jurisprudence du Conseil constitutionnel, l'intérêt général doit motiver une mesure de validation législative.
À lui seul, l'intérêt financier ne suffit pas à motiver une telle validation (Décisions n° 93-332 DC du 13 janvier 1994; n° 95-369 du 28 décembre 1995; n° 96-375 DC du 9 avril 1996).
En ce qui concerne la concession du Stade de France à Saint-Denis, la validation proposée repose sur des motifs d'intérêt général qui dépassent largement les seuls aspects financiers même si ceux-ci sont loin d'être négligeables.
En effet, faute d'une telle validation, l'engagement pris par l'État auprès de la Fédération internationale de football (FIFA) de construire un stade de 80 000 places serait compromis.
Rappelons que c'est sous cette condition que l'organisation de la prochaine coupe du monde de football a été confiée à la France.
Comment admettre le risque que notre pays ne soit pas en mesure de tenir cet engagement majeur devant la communauté internationale ?
C'est bien l'image même de la France dans le monde que l'accueil de cette manifestation sportive tend à promouvoir qui serait mise en cause. Conscient de cet enjeu et de la place qui serait celle du Stade de France dans l'ensemble des équipements sportifs de notre pays, le législateur a lui-même tenu à le qualifier d'équipement sportif d'intérêt national ( article premier de la loi du 31 décembre 1993 précitée).
Concrètement, suivant les précisions recueillies par votre rapporteur, l'insécurité juridique qui frappe le contrat de concession rend d'ores et déjà impossible la mobilisation des fonds bancaires nécessaires au financement privé et à la bonne conclusion des relations contractuelles que le concessionnaire doit établir avec les nombreux sous-traitants requis pour achever l'ouvrage.
Enfin, sur le plan financier, l'État devrait reprendre à son compte la partie de l'investissement à la charge du concessionnaire, soit 1,4 milliard de francs mobilisables en 1997. Il devrait, en outre, supporter les coûts générés par la désorganisation du chantier afin d'essayer d'assurer la construction du Stade de France dans les délais.
Au-delà donc des enjeux mentionnés ci-dessus, le risque économique et financier auquel l'État se trouverait exposé est donc considérable.
Après avoir analysé la proposition de loi au regard des exigences constitutionnelles, votre Commission des Lois a considéré que, fondée sur des motifs d'intérêt général, elle ne méconnaissait pas ces exigences telles qu'elles ont été précisées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Votre Commission des Lois vous propose néanmoins de compléter le texte qui vous est soumis afin, d'une part, de coordonner sa rédaction avec les dispositions de la loi du 31 décembre 1993 et, d'autre part, de faire réserve du droit éventuel à indemnisation des tiers.
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Sous le bénéfice de ces observations, votre Commission des Lois vous propose d'adopter la présente proposition de loi dans les conclusions qu'elle vous soumet.