ANNEXE IV - LOI D'ORIENTATION N° 95-115 DU 4 FÉVRIER 1995 POUR L'AMENAGEMENT ET LE DEVELOPPEMENT DU TERRITOIRE
DC n° 94-358 du 26 janvier 1995
Le Conseil constitutionnel.
Vu la Constitution ;
Vu le code des communes ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code général des impôts ;
Vu la loi n° 80-3 du 4 janvier 1980 relative à la Compagnie nationale du Rhône ;
Vu la loi n° 82-213 du 2 mars 1982 modifiée relative à la liberté des communes, des départements et des régions ;
Vu la loi n° 84-52 du 26 janvier 1984 modifiée sur l'enseignement supérieur, notamment son article 21 dans sa rédaction résultant de la loi n° 94-639 du 25 juillet 1994;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 modifiée relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État ;
Vu la loi d'orientation n° 92-125 du 6 février 1992 modifiée relative à l'administration territoriale de la République ;
Le rapporteur ayant été entendu ;
Considérant que les députés, auteurs de la saisine, défèrent au Conseil constitutionnel les articles 4, 6. 9, 12, 29, 36, 41, 42, 52, 63, 78-II, 80 et 83 de la loi d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ;
Sur les articles contestés :
En ce qui concerne l'article 4 :
Considérant qu'en vertu de l'article 4 de la loi déférée qui modifie la rédaction de l'article L. 111-1-1 du code de l'urbanisme, des directives territoriales d'aménagement peuvent fixer sur certaines parties du territoire les orientations fondamentales de l'État en matière d'aménagement et de développement, ainsi que ses principaux objectifs en matière de localisation des grandes infrastructures et des grands équipements, de préservation des espaces naturels, des sites et des paysages : que ces directives peuvent également préciser les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme adaptées aux particularités géographiques locales ; que les directives territoriales d'aménagement élaborées sous la responsabilité de l'État et à son initiative sont approuvées par décret en Conseil d'État : qu'il est prévu par ailleurs en premier lieu que les schémas directeurs et les schémas de secteur doivent être compatibles avec ces directives et en l'absence de ces directives avec les lois d'aménagement et d'urbanisme : en second lieu que les plans d'occupation des sols et les documents d'urbanisme en tenant lieu doivent être compatibles avec les orientations des schémas directeurs et des schémas de secteur, en l'absence de schémas avec les directives territoriales d'aménagement et en l'absence de ces dernières avec les lois d'aménagement et d'urbanisme ; qu'enfin cet article énonce que les dispositions des directives territoriales d'aménagement qui précisent les modalités d'application des articles L. 145-1 et suivants du code de l'urbanisme sur les zones de montagne et des articles L. 146-1 et suivants sur les zones littorales s'appliquent aux personnes et opérations qui y sont mentionnées ;
Considérant que les députés, auteurs de la saisine, font valoir en premier lieu que les directives territoriales d'aménagement méconnaissent les principes d'égalité et d'indivisibilité de la République en ce qu'elles conduisent à faire coexister des régimes juridiques différents sur le territoire selon que ce dernier se trouve ou non couvert par un régime législatif spécial ; qu'en deuxième lieu, le législateur a méconnu le principe de hiérarchie des normes juridiques faute d'indiquer si les directives ont une valeur juridique supérieure à celle des décrets en Conseil d'État faisant application des lois d'aménagement et d'urbanisme, et dès lors qu'il a prévu que chaque norme n'était soumise qu'à une obligation de compatibilité avec la norme immédiatement supérieure ; qu'en outre la loi laisse subsister une faculté de dérogation par lesdites directives aux lois d'aménagement et d'urbanisme ; Qu'enfin le principe de légalité des délits et des peines est méconnu dès lors que ces directives peuvent conduire à modifier la définition des délits réprimés par les articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme ;
Considérant en premier lieu que si les directives territoriales d'aménagement peuvent comporter des adaptations à des particularités géographiques locales, celles-ci qui ne concernent, selon les termes de la loi que : "les modalités d'application des lois d'aménagement et d'urbanisme" ne peuvent conduire à méconnaître les dispositions de ces dernières ; que, dans ces conditions, la circonstance que le législateur a indiqué que les schémas directeurs ou de secteur doivent être compatibles avec ces directives et en l'absence de ces dernières avec les lois d'aménagement et d'urbanisme ne saurait faire obstacle dans tous les cas prévus par ces lois à leur application ; que les conditions de compatibilité prescrites par le législateur ne mettent pas en elles-mêmes en cause la possibilité pour tout intéressé de faire prévaloir, le cas échéant, par le moyen de l'exception d'illégalité, des dispositions législatives sur des documents ayant valeur réglementaire ; que dès lors les griefs relatifs à la méconnaissance des dispositions combinées des articles 34 et 37 de la Constitution ne sauraient qu'être écartés :
Considérant en deuxième lieu que les directives territoriales d'aménagement doivent prendre en compte, ainsi que l'a précisé le législateur, les orientations générales du schéma national mentionné à l'article 2 de la loi ; que la circonstance que leur champ d'application soit limité à certaines parties du territoire national répond à la prise en compte de situations différentes et ne saurait par suite méconnaître le principe d'égalité non plus que porter atteinte au principe d'indivisibilité de la République ;
Considérant en troisième lieu que les dispositions de l'article en cause n'ont ni pour objet ni pour effet d'habiliter le pouvoir réglementaire à modifier les prescriptions des articles L. 160-1 et L. 480-4 du code de l'urbanisme : que dès lors le grief tiré d'une méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines manque en fait ;
En ce qui concerne l'article 6 :
Considérant que l'article 6 complète la section 1 du titre II de la loi du 7 janvier 1983 susvisée en y insérant notamment un article 34 ter aux termes duquel : " Une conférence régionale de l'aménagement et du développement du territoire est créée dans chaque région et dans la collectivité territoriale de Corse " ;
Considérant que les députés soutiennent que le législateur, en ne définissant pas les conditions dans lesquelles seront désignés les membres de cette conférence, notamment ceux qui doivent représenter les collectivités territoriales, a méconnu la compétence qu'il tient des articles 34 et 72 de la Constitution pour déterminer les garanties de la libre administration des collectivités territoriales :
Considérant que le deuxième alinéa de l'article 34 ter énonce que la conférence régionale " est composée de représentants de l'État et des exécutifs de la région, des départements, des communes et des groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme ainsi que du président du conseil économique et social régional " ; que s'agissant de la collectivité territoriale de Corse, il précise qu'"elle est composée du représentant de l'État en Corse, du président du conseil exécutif, des présidents des conseils généraux, des représentants des communes et groupements de communes compétents en matière d'aménagement ou d'urbanisme ainsi que du président du conseil économique, social et culturel de Corse" ; qu'alors qu'il s'agit d'organismes consultatifs, le renvoi à un décret en Conseil d'État des conditions dans lesquelles sont désignés les membres de ces conférences n'est pas entaché d'incompétence négative du législateur ;
En ce qui concerne l'article 9 :
Considérant que les auteurs de la saisine font, sur le fondement des mêmes articles 34 et 72 de la Constitution, grief à cette disposition qui crée un groupement d'intérêt public dont il précise les compétences en matière d'aménagement et de développement du territoire, d'avoir renvoyé à un décret en Conseil d'État la détermination des représentants des collectivités territoriales appelés à y prendre part :
Considérant que l'article 9, après avoir déterminé les missions d'information et d'évaluation incombant à ce groupement d'intérêt public, précise qu'il comprend "des représentants du Parlement, des collectivités territoriales, des groupements de communes, des administrations de l'État, des associations nationales techniquement compétentes et du comité des finances locales ainsi que des personnalités qualifiées" : que dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d'État la détermination de la représentation des collectivités locales dans les organes des groupements, il n'a pas porté atteinte au principe de la libre administration des collectivités locales et n'a pas non plus méconnu la compétence qu'il tient de l'article 34 en la matière ;
En ce qui concerne l'article 12 :
Considérant que l'article 12 de la loi dispose notamment que le schéma de l'enseignement supérieur et de la recherche, prévu par l'article 11, programme la "création d'universités thématiques", destinées à se développer dans des villes moyennes et dotées de contrats de recherche correspondant à leur spécialisation : que l'avant-dernier alinéa de cet article énonce que dans l'attente de la publication du schéma, deux universités répondant à ces conditions seront créées avant la fin de 1996 conformément aux dispositions de l'article 21 de la loi susvisée du 26 janvier 1984 :
Considérant que les députés, auteurs de la saisine, font valoir à l'encontre de ces dispositions en premier lieu que le législateur a décidé la création d'une nouvelle catégorie d'établissements publics sans en définir les règles constitutives, en méconnaissant sa compétence : qu'ils soutiennent en second lieu qu'en autorisant le Gouvernement à définir les orientations qui s'imposeront à ces universités d'un type nouveau, le législateur n'a pas assorti de garanties légales la libre expression et l'indépendance des enseignants-chercheurs ;
Considérant que le législateur n'a pas entendu créer des universités constituant une catégorie nouvelle d'établissements publics mais des établissements à caractère scientifique, culturel et professionnel dont les règles statutaires sont déterminées par la loi susvisée du 26 janvier 1984, notamment s'agissant des établissements qui doivent être créés avant la fin de 1996, conformément à l'article 21 de cette loi dans sa rédaction issue de l'article 1er de la loi du 25 juillet 1994 : que ce dernier article n'autorise pas de dérogations à la règle posée par l'article 20 selon laquelle les établissements doivent présenter un caractère pluridisciplinaire ; que l'article 21 assure explicitement l'indépendance des professeurs et des autres enseignants-chercheurs ; que dès lors les griefs invoqués ne sauraient qu'être écartés ;
En ce qui concerne l'article 29 :
Considérant que cet article définit les conditions dans lesquelles il est procédé par l'État au contrôle des décisions de réorganisation et de suppression des services aux usagers par les établissements et organismes publics ainsi que par les entreprises nationales sous tutelle chargés d'un service public ;
Considérant que les auteurs de la saisine allèguent que le législateur a méconnu sa compétence en renvoyant à un décret en Conseil d'État la détermination des règles permettant d'assurer l'équilibre entre les obligations des organismes concernés et la compensation par l'État des charges qui en résultent ainsi que la fixation des critères spécifiques que doit respecter la décision de l'autorité de l'État compétente lorsque le projet de suppression concerne une zone prioritaire de développement du territoire ; qu'ils soutiennent à cette fin que le législateur a ainsi privé de garanties légales le principe de continuité des services publics ; qu'en faisant référence à des zones prioritaires de développement du territoire dont l'existence détermine la fixation par voie réglementaire de critères spécifiques, il a abandonné au pouvoir réglementaire l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire et a méconnu le principe d'égalité devant la loi ;
Considérant que l'objet de l'article en cause est précisément de définir des garanties nouvelles de mise en oeuvre du principe de continuité des services publics ; que l'article 29 de la loi précise que doivent être pris en compte par les organismes concernés, pour l'égal accès de tous au service public, des objectifs "d'aménagement du territoire et de services rendus aux usagers" fixés dans des contrats de plan ou des contrats de service public conclus à cet effet ; que ces contrats doivent préciser les conditions dans lesquelles l'État compense au bénéfice de ces organismes les charges en résultant : que cet article dispose en outre que toute décision de réorganisation ou de suppression d'un service aux usagers, non conforme aux objectifs fixés, doit être précédée d'une étude d'impact ; que celle-ci est communiquée au représentant de l'État dans le département qui, au terme d'une procédure de concertation, peut saisir le ministre de tutelle en cas de désaccord : que cette saisine, qui a un effet suspensif de la décision de réorganisation ou de suppression du service, permet au ministre de statuer par une décision qui s'impose à l'organisme concerné ; que les zones prioritaires de développement sont définies par l'article 42 de la loi. leur détermination étant destinée à tenir compte de situations spécifiques ; que, dès lors, en renvoyant à un décret en Conseil d'État la fixation de critères propres à ces zones, le législateur n'a méconnu ni le principe d'égalité ni sa propre compétence ; qu'à défaut d'application des règles de compensation prévues par les contrats ci-dessus mentionnés, la définition par ce décret en Conseil d'État de dispositions permettant d'assurer un équilibre entre les obligations des organismes concernés et la compensation par l'État des charges en résultant pour lui ne concerne aucune des matières que réserve au législateur l'article 34 de la Constitution ;
Considérant dès lors qu'aucun des griefs invoqués par les auteurs de la saisine ne saurait être retenu ;
En ce qui concerne l'article 36 :
Considérant que le premier alinéa du 1° de l'article 2 de la loi susvisée du 4 janvier 1980 dans sa rédaction issue de l'article 36 de la loi déférée est ainsi libellé : "Le financement des travaux de construction prévus à l'article 1er est assuré,... par Électricité de France au titre de la mise à disposition dans les conditions contractuelles en vigueur, de l'énergie produite Par les installations de production hydroélectrique de la Compagnie nationale du Rhône. Ces conditions continueront à régir les relations entre Électricité de France et la Compagnie nationale du Rhône, jusqu'à l'expiration de la concession générale mentionnée à l'article 1er" ;
Considérant que les députés auteurs de la saisine font valoir que le législateur ne pouvait valider directement les stipulations d'un contrat intervenant dans un domaine régi par le principe de l'autonomie de la volonté alors que ces conditions font l'objet d'une procédure judiciaire pendante, sans méconnaître, d'une part, la séparation des pouvoirs et, d'autre part, la liberté contractuelle des collectivités locales, lesquelles détiennent l'essentiel du capital de la Compagnie nationale du Rhône ;
Considérant qu'il est loisible au législateur, dans un but d'intérêt général, de modifier, d'abroger ou de compléter des dispositions qu'il a antérieurement prises, dès lors qu'il ne méconnaît pas des principes ou des droits de valeur constitutionnelle ; que le fait que de telles modifications entraînent des conséquences sur des conventions en cours conclues en application de dispositions législatives antérieures n'est pas en lui-même de nature à entraîner une inconstitutionnalité :
Considérant que l'article 36 de la loi déférée donne une nouvelle rédaction à l'article 2 de la loi susvisée du 4 janvier 1980 ;
Considérant que les dispositions contestées du premier alinéa du 1° de cet article 2, telles qu'elles résultent de la loi déférée, modifient les conditions de financement de travaux qui étaient à la charge de la Compagnie nationale du Rhône ; que pour assurer le financement des ouvrages publics en cause, le législateur pouvait décider de proroger des conventions déjà passées entre la Compagnie et Électricité de France qui règlent les conditions de leurs missions respectives de service public : qu'une telle mesure ne doit pas être regardée comme faisant obstacle à ce que, par accord entre les cocontractants, des avenants aux conventions ainsi prorogées puissent être conclus :
Considérant enfin que la circonstance que le capital de la Compagnie nationale du Rhône soit majoritairement détenu par des collectivités locales n'est pas susceptible de conférer aux dispositions contestées une portée de nature à mettre en cause le principe de la libre administration des collectivités locales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les griefs invoqués doivent être écartés ;
En ce qui concerne l'article 41 :
Considérant que l'article 41 modifie les dispositions de l'article L. 510-1 du code de l'urbanisme ; qu'il dispose que la construction, la reconstruction, l'extension, le changement d'utilisateur ou d'utilisation de locaux servant à des activités professionnelles ne relevant pas de l'État peuvent être soumis à un agrément de l'autorité administrative ; que le IV de cet article L. 510-1 renvoie à un décret en Conseil d'État les conditions de sa mise en oeuvre ;
Considérant que les requérants soutiennent que par les dispositions ci-dessus mentionnées qui renvoient à un décret en Conseil d'État la fixation de l'autorité compétente pour prendre la décision d'agrément en l'absence de conventions avec les collectivités locales ou les établissements publics de coopération intercommunale intéressés ainsi que la détermination des zones et opérations concernées, le législateur a méconnu sa compétence : qu'en outre en prévoyant une multiplicité de régimes en fonction des conventions signées et des décisions prises, il a également méconnu le principe d'égalité ;
Considérant en premier lieu que le législateur pouvait renvoyer à un décret en Conseil d'État les dispositions ayant pour objet de désigner l'autorité administrative habilitée à exercer au nom de l'État des attributions qui relèvent de la compétence du pouvoir exécutif ;
Considérant en second lieu que le législateur a précisé que les décisions qu'il envisage doivent prendre en compte les orientations définies par la politique d'aménagement et de développement du territoire et par la politique de la ville ainsi que la nécessité d'un équilibre entre les constructions destinées à l'habitation et les activités soumises au régime de l'agrément ; qu'en prévoyant, dans le cadre de la législation qu'il a édictée relative à l'aménagement et au développement du territoire ainsi que de la législation relative à la politique de la ville, la passation de conventions locales et régionales destinées à tenir compte de la spécificité des situations territoriales, il a mis en place une procédure qui loin de méconnaître le principe d'égalité constitue un moyen d'en assurer la mise en oeuvre ; qu'il pouvait confier au pouvoir réglementaire, sous le contrôle du juge administratif, le soin de déterminer, dans le respect de ces législations, les zones et opérations concernées en fonction des appréciations concrètes que requiert une telle détermination ;
En ce qui concerne l'article 42 :
Considérant que l'article 42 de la loi déférée prévoit que sont mises en oeuvre des politiques renforcées et différenciées de développement dans des zones prioritaires caractérisées par des handicaps géographiques, économiques ou sociaux ;
Considérant que les députés font valoir qu'en ne définissant pas avec suffisamment de précision ces zones prioritaires, le législateur a non seulement méconnu sa compétence mais aussi le principe d'égalité devant la loi et le principe de libre administration des collectivités locales ;
Considérant que le législateur a distingué trois zones prioritaires du développement économique, les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones urbaines sensibles lesquelles comprennent des zones dites de "redynamisation urbaine" ; qu'aux 1, 2 et 3 de l'article, il a défini ce qu'il entendait par les zones en question ; qu'en outre, l'article 43 de la loi déférée précise que les zones d'aménagement du territoire, les territoires ruraux de développement prioritaire et les zones de redynamisation urbaine sont ceux qui sont définis au premier alinéa de l'article 1465 du code général des impôts dans sa nouvelle rédaction issue de l'article 46 et au I bis de l'article 1466 A du même code dans sa rédaction issue du II de l'article 52 ; qu'enfin, l'article 1465 A du code général des impôts dans sa rédaction issue du même article 52 de la loi fixe des critères quantitatifs pour la définition des zones de revitalisation rurale ;
Considérant en premier lieu que dans ces conditions le législateur pouvait renvoyer au pouvoir réglementaire la délimitation du périmètre de ces zones prioritaires sans méconnaître sa compétence ;
Considérant en second lieu que le principe d'égalité ne fait pas obstacle à ce que le législateur édicté, par l'octroi d'avantages fiscaux, des mesures d'incitation au développement et à l'aménagement de certaines parties du territoire national dans un but d'intérêt général ; que de telles mesures ne constituent pas en elles-mêmes une atteinte à la libre administration des collectivités locales ;
En ce qui concerne l'article 52 :
Considérant que l'article 52 de la loi déférée dispose notamment, dans les cas et conditions auxquels il fait référence, qu'à compter du 1er janvier 1995 certaines entreprises sont exonérées de taxe professionnelle sauf délibération contraire de la collectivité territoriale ou du groupement de collectivités territoriales concernés ;
Considérant que les auteurs de la saisine allèguent que par cette mesure, le législateur a porté atteinte à la libre administration des collectivités territoriales ;
Considérant que si. en vertu de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus", chacune d'elles le fait "dans les conditions prévues par la loi" ; que l'article 34 de la Constitution réserve au législateur la détermination des principes fondamentaux de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ainsi que la fixation des règles concernant l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toute nature ; que sur le fondement de ces dispositions, le législateur qui a prévu au III de l'article 52 un mécanisme de compensation financière à la perte de recettes résultant des exonérations fiscales envisagées, pouvait édicter les règles ci-dessus analysées sans qu'elles aient pour effet de restreindre les ressources des collectivités territoriales au point d'entraver leur libre administration ; qu'en tout état de cause les collectivités et établissements concernés conservent la faculté de faire obstacle, par leurs délibérations, à l'application de ces mesures ;
En ce qui concerne l'article 63 :
Considérant que les députés, auteurs de la saisine, font valoir qu'en prévoyant que des contrats conclus entre l'État et certaines collectivités puissent s'insérer dans les contrats de plan État-région prévus par l'article 11 de la loi susvisée du 29 juillet 1982, la loi porte atteinte à la liberté contractuelle des régions garantie par le principe de leur libre administration ;
Considérant que si. en vertu de l'article en cause, l'État Peut conclure avec les collectivités territoriales compétentes des contrats particuliers ayant "pour objet de renforcer l'action publique dans les territoires ruraux les plus défavorisés en assurant la convergence des interventions publiques, en accroissant l'engagement des partenaires publics, et en adaptant des actions à la spécificité des actions locales", il ne résulte de ces dispositions ni une obligation de contracter à la charge des collectivités concernées, ni de quelque manière que ce soit une remise en cause des engagements susceptibles d'être pris dans le cadre des contrats État-région : que dès lors le moyen invoqué manque en fait ;
En ce qui concerne l'article 78-11 :
Considérant que les auteurs de la saisine soutiennent que le législateur, en permettant qu'une commune soit représentée au sein des conseils des communautés de communes par un habitant d'une autre commune adhérente, aurait méconnu un principe de représentation des communes au sein des organismes de coopération intercommunale ; qu'en tout état de cause, cette disposition résultant d'un amendement parlementaire méconnaîtrait, faute de lien avec le texte soumis aux assemblées, les articles 39 et 44 de la Constitution ; Quant à la procédure :
Considérant qu'il résulte des dispositions combinées des articles 39. 44 et 45 de la Constitution que le droit d'amendement, qui est le corollaire de l'initiative législative, peut, sous réserve des limitations posées aux troisième et quatrième alinéas de l'article 45, s'exercer à chaque stade de la procédure législative ; que toutefois, les adjonctions ou modifications apportées au texte en cours de discussion ne sauraient, sans méconnaître les articles 39, alinéa 1, et 44, alinéa 1, de la Constitution, ni être sans lien avec ce dernier, ni dépasser par leur objet et leur portée les limites inhérentes à l'exercice du droit d'amendement qui relève d'une procédure spécifique ;
Considérant qu'a été déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale le 15 juin 1994 un projet de loi d'orientation pour le développement du territoire : que son titre V intitulé "Des collectivités territoriales et du développement local" comprenait au III de l'article 24 de ce titre des dispositions relatives à la composition des conseils de communautés de communes et au mode d'élection des délégués qui y représentent les communes : que la disposition contestée ne saurait par suite être regardée comme sans lien avec ce texte : Quant au fond :
Considérant qu'en vertu du deuxième alinéa de l'article 72 de la Constitution, les collectivités territoriales "s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; que selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution, "le suffrage est toujours universel, égal et secret" : qu'il ne résulte pas de ces dispositions non plus que de tout autre règle ou principe à valeur constitutionnelle que les délégués de chaque commune ne puissent être choisis "parmi les citoyens éligibles au sein du conseil d'une des communes de la communauté de communes" dès lors qu'ils sont, comme c'est le cas, élus par l'organe délibérant de la commune qu'ils sont appelés à représenter ;
En ce qui concerne l'article 80 :
Considérant que les dispositions de l'article 80 ont pour objet de modifier des articles du code des communes fixant les règles de désignation des délégués des communes au sein des conseils des communautés urbaines et établissent les modalités de répartition des sièges ;
Considérant que les auteurs de la saisine allèguent en premier lieu que ces dispositions, adoptées par voie d'amendement au Sénat, qui selon eux auraient pour seul objet de modifier des équilibres politiques au sein de l'une des communautés urbaines existantes, sont dépourvues de lien avec le texte soumis aux assemblées ; qu'ils font valoir en second lieu qu'elles méconnaissent le principe constitutionnel d'égalité du suffrage ; Quant à la procédure :
Considérant que cet article n'est pas sans lien avec les dispositions ci-dessus mentionnées du titre V du texte soumis aux assemblées ; Quant au fond :
Considérant qu'aux termes du premier alinéa de l'article 72 de la Constitution "les collectivités territoriales de la République sont les communes, les départements, les territoires d'outre-mer. Toute autre collectivité territoriale est créée par la loi" ; que le deuxième alinéa du même article dispose que ces collectivités "s'administrent librement par des conseils élus et dans les conditions prévues par la loi" ; que selon le troisième alinéa de l'article 3 de la Constitution "le suffrage est toujours universel, égal et secret" ;
Considérant qu'il résulte de ces dispositions que dès lors que des établissements publics de coopération entre les collectivités locales exercent en lieu et place de ces dernières des compétences qui leur auraient été sinon dévolues, leurs organes délibérants doivent être élus sur des bases essentiellement démographiques : que s'il s'ensuit que la répartition des sièges doit respecter un principe général de proportionnalité par rapport à la population de chaque collectivité locale participante, il peut être toutefois tenu compte dans une mesure limitée d'autres considérations d'intérêt général et notamment de la possibilité qui serait laissée à chacune de ces collectivités de disposer d'au moins un représentant au sein du conseil concerné :
Considérant que le législateur a accru le nombre des délégués des communes aux conseils de certaines communautés pour tenir compte de l'attribution qu'il a prévue d'un siège à chaque commune membre de la communauté dans le but d'assurer une représentation minimale des petites communes ; qu'il a déterminé la répartition des sièges restant à pourvoir entre les seules communes dont la population est supérieure à un certain quotient ; qu'il ressort de la combinaison des dispositions du code des communes ainsi modifiées, que la prise en compte du nombre de collectivités concernées n'intervient que dans une mesure limitée par rapport à la détermination de la répartition des sièges en fonction de la population calculée selon le mécanisme de la répartition proportionnelle avec application de la règle de la plus forte moyenne ; qu'ainsi les écarts de représentation entre les communes selon l'importance respective de leur population telle qu'elle ressort du dernier recensement ne sont ni manifestement injustifiables ni disproportionnés de manière excessive ; que dès lors le grief invoqué ne peut être accueilli ;
En ce qui concerne l'article 83 :
Considérant que l'article 83 insère deux articles. 133-1 et 133-2 dans la loi susvisée du 6 février 1992 permettant aux collectivités territoriales et à leurs groupements d'adhérer à un organisme public de droit étranger ou de participer au capital d'une personne morale de droit étranger dans les cas et conditions que cet article énumère ;
Considérant que les requérants allèguent que ces dispositions conduisent à soumettre les personnes publiques concernées à des dispositions de droit étranger en méconnaissance du principe de la souveraineté nationale et de la libre administration des collectivités territoriales ; que cette disposition méconnaîtrait en outre, compte tenu des conditions dans lesquelles cette participation est autorisée par décret en Conseil d'État, la compétence que le législateur tient de l'article 34 de la Constitution ;
Considérant en premier lieu que cette possibilité ouverte aux collectivités territoriales a pour objet exclusif, dans le cadre de la coopération transfrontalière, l'exploitation d'un service public ou la réalisation d'un équipement local intéressant toutes les personnes publiques participantes : que cette coopération entre collectivités territoriales doit s'effectuer dans le respect des engagements internationaux de la France ; que l'adhésion à un organisme public de droit étranger ou la participation au capital d'une personne morale de droit étranger, qui doit être autorisée par décret en Conseil d'État, fait l'objet d'une convention avec les collectivités territoriales étrangères adhérentes ou participantes ; que cette convention, qui détermine la durée, les conditions, les modalités financières et de contrôle de cette adhésion ou participation ne doit pas comporter une participation au capital ou aux charges d'une même personne morale de droit étranger des collectivités territoriales et de leurs groupements supérieure à 50 p. 100 de ce capital ou de ces charges : qu'elle entre en vigueur seulement à compter de sa transmission au représentant de l'État dans le département qui exerce le contrôle de légalité dans les conditions prévues par la loi susvisée du 2 mars 1982 : que le législateur a institué des dispositions assurant le contrôle et la publicité des comptes : qu'enfin aux termes de l'article 133-2 : "Aucune convention, de quelque nature que ce soit, ne peut être passée entre une collectivité territoriale ou un groupement et un État étranger" ; que dans ces conditions, de telles adhésions à un organisme de droit public étranger ou de telles participations au capital d'une personne morale de droit étranger ne sont pas de nature à porter atteinte aux conditions essentielles de l'exercice de la souveraineté ; que le législateur ne saurait être regardé comme ayant méconnu sa propre compétence en édictant les dispositions ci-dessus analysées ;
Considérant par ailleurs que l'article 133-1 ouvre seulement aux collectivités territoriales et à leurs groupements une faculté dont elles ne sont nullement contraintes d'user ; que par suite, l'article en cause ne saurait porter atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales ; Sur les autres articles de la loi :
En ce qui concerne l'article 32-11 :
Considérant qu'aux termes du II de l'article 32 de la loi soumise à l'examen du Conseil constitutionnel : "Le document prévu à l'article 132 de la loi de finances pour 1992 (n° 91-1322 du 30 décembre 1991) sera accompagné d'un document récapitulatif des dépenses de l'État pour l'ensemble des titres et des ministères, effectuées dans chaque région, ainsi que des dépenses et des prélèvements sur recettes de l'État qui constituent des affectations aux collectivités territoriales. Un état des crédits affectés à l'effort public d'aménagement est annexé au projet de loi de finances de l'année. Cet état récapitule les dépenses d'investissement direct et les subventions d'équipement de l'État ainsi que les dépenses d'équipement des organismes, quel que soit leur statut, accomplissant une mission de service public, consacrées à la mise en oeuvre du schéma national d'aménagement et de développement du territoire, des schémas sectoriels, des contrats de plan et des lois de programme. Un état des actions conduites en France depuis 1989 avec le financement des fonds structurels communautaires est annexé, chaque année, au projet de loi de finances. Cet état retrace notamment, au moyen des états de rattachement de crédits et de dotation effective à chaque personne morale concernée, les flux financiers réels à destination de la France. Il distingue les rattachements au budget de l'État pour chaque ministère, les délégations au préfet, le cas échéant, et les dotations aux destinataires finaux" ;
Considérant que l'ordonnance n° 59-2 du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances réserve, dans son article 1er, alinéa 2, à un texte de loi de finances l'édiction des " dispositions législatives destinées à organiser l'information et le contrôle du Parlement sur la gestion des finances publiques " ; que ces exigences sont méconnues par les dispositions précitées du paragraphe II de l'article 32 de la loi qui fixe des règles ayant pour objet d'organiser l'information du Parlement sur la gestion des finances publiques ; que dès lors ces dispositions qui empiètent sur le domaine exclusif d'intervention des lois de finances doivent être déclarées contraires à la Constitution ;
En ce qui concerne l'article 65 :
Considérant que l'article 65 annonce l'intervention, dans le délai d'un an, d'une loi portant révision de la loi susvisée du 7 janvier 1983 afin de clarifier la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'État et de déterminer les conditions dans lesquelles une collectivité territoriale pourra à sa demande se voir confier une compétence susceptible d'être exercée pour le compte d'une autre collectivité territoriale ; que le premier alinéa du II de cet article précise également que cette loi définira " les conditions dans lesquelles une collectivité pourra assurer le rôle de chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales " ; que ces dispositions qui ne sauraient lier le législateur, sont dépourvues de tout effet juridique et ne peuvent limiter en rien le droit d'initiative du Gouvernement et des membres du Parlement ;
Considérant en revanche que le deuxième alinéa du II de cet article dispose que "jusqu'à la date d'entrée en vigueur de cette loi, les collectivités territoriales pourront par convention, désigner l'une d'entre elles comme chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant de plusieurs collectivités territoriales" ; qu'il appartient au législateur en vertu de l'article 34 de la Constitution de déterminer les principes fondamentaux de la libre administration des collectivités territoriales de leurs compétences et de leurs ressources ; que par suite, il ne saurait renvoyer à une convention conclue entre des collectivités territoriales le soin de désigner l'une d'entre elles comme chef de file pour l'exercice d'une compétence ou d'un groupe de compétences relevant des autres sans définir les pouvoirs et les responsabilités afférents a cette fonction ; que dès lors, le législateur a méconnu la compétence qu'il tient des articles précités de la Constitution ; que par suite le second alinéa du II de l'article 65 est contraire à celle-ci ;
En ce qui concerne l'article 68-VI :
Considérant que le VI de l'article 68 dispose que : "À compter de 1998, un rapport rendant compte des résultats obtenus au titre de la réduction des écarts de ressources entre les collectivités territoriales est annexé au projet de loi de finances de l'année" ; que pour le motif ci-dessus énoncé à propos de l'article 32-11, une telle disposition empiète sur le domaine exclusif d'intervention des lois de finances ; qu'elle doit par suite être déclarée contraire à la Constitution ;
Considérant qu'il n'y a lieu pour le Conseil constitutionnel de soulever d'office aucune autre question de conformité à la Constitution de la loi qui lui est soumise,
Décide :
Art. 1er, -Sont déclarés contraires à la Constitution : - le II de l'article 32 ; - le second alinéa du II de l'article 65 ; - le VI de l'article 68.
Art. 2, -La présente décision sera publiée au Journal officiel de la République française.
Délibéré par le Conseil constitutionnel dans sa séance du 26 janvier 1995.