N° 471

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SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 26 juin 1996

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur les projets de loi, adoptés par l'Assemblée nationale

- n° 458 (1995-1996) autorisant l' approbation du deuxième protocole en date du 6 octobre 1995 annexé à l' accord général sur le commerce des services (ensemble les listes d'engagements dont la traduction est annexée à la présente loi),

- n° 459 (1995-1996) autorisant l' approbation du troisième protocole en date du 6 octobre 1995 annexé à l' accord général sur le commerce des services (ensemble les listes d'engagements dont la traduction est annexée à la présente loi),

Par M. Xavier de VILLEPIN,

Sénateur

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart, Mme Monique ben Guiga, MM. Daniel Bernardet, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Gérard Gaud, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Yves Guéna, Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, Guy Robert, Michel Rocard, André Rouvière, Robert-Paul Vigouroux.

INTRODUCTION

Mesdames, Messieurs,

Nous sommes appelés à examiner deux projets de loi autorisant l'approbation de deux protocoles annexés à l'Accord général sur le Commerce des Services, qui constitue l'un des nombreux textes inclus dans le Traité portant institution de l'Organisation Mondiale du Commerce, conclu à Marrakech le 15 avril 1994, adopté par nos assemblées en décembre 1994 et entré en vigueur le ler janvier 1995.

Chacun de ces protocoles porte respectivement, d'une part, sur les services financiers - banques et assurances - et, d'autre part, sur le mouvement des personnes physiques induit par le commerce des services.

Le principe, apparemment complexe, comme l'ensemble des textes relatifs à l'OMC, est le suivant : chaque Etat avait déposé, au moment de la signature de l'accord de Marrakech, des listes d'engagements sur les services financiers, d'une part, et sur les mouvements de personnes physiques, d'autre part. Ces listes concrétisaient les "ouvertures" que chaque Etat était disposé à consentir dans ces domaines. Ces ouvertures étaient opérées sous deux aspects : l'accès au marché - soit la plus ou moins grande facilité concédée à un opérateur étranger pour exercer sur le territoire de l'Etat concerné - et le traitement national , c'est-à-dire la possibilité, pour l'opérateur étranger, d'être en mesure d'exercer de facto dans un Etat tiers son activité dans les mêmes conditions que celles réservées aux nationaux de cet Etat.

A Marrakech, dans le cadre de l'Accord général sur le Commerce des services, les deux domaines qui font l'objet des deux protocoles n'avaient pas bénéficié d'un niveau d'offres ou d'engagements satisfaisant. Il avait donc été décidé dès cette époque d'engager six mois de négociations supplémentaires à partir du ler janvier 1995, afin d'aboutir - avant le 30 juin 1995 -, à un niveau plus substantiel d'ouverture.

Cependant, le 30 juin 1995, les Etats Unis décidèrent de déposer une dérogation générale à la « clause de la Nation la plus favorisée ».

Pour éviter l'éclatement du dispositif, chaque Etat risquant de revenir sur ses concessions antérieures, il fut décidé - grâce à l'impulsion de l'Union européenne notamment-, de proroger d'un mois les négociations. Celles-ci aboutirent à la fin du mois de juillet 1995. Leur résultat s'est ensuite concrétisé dans les deux protocoles soumis à notre examen, adoptés définitivement par l'OMC, après vérification technique des listes, le 6 octobre 1995.

Une disposition des deux protocoles pose comme date limite d'acceptation par les Etats le 30 juin 1996. Ce délai impératif explique la très grande célérité demandée aux deux assemblées pour l'examen de ces deux textes conclus le 6 octobre 1995. Les deux projets de loi ont été adoptés par le Conseil des Ministres le 12 juin dernier, et examinés en première lecture par l'Assemblée nationale le 20 juin. La diligence des services concernés du ministère des Affaires étrangères, d'une part, et de ceux de la Direction des relations économiques extérieures d'autre part, a permis à votre rapporteur d'examiner ces deux textes dans un délai très court. On notera également que ce délai très court n'est pas sans incidence sur les procédures de consultation des Assemblées territoriales des Territoires d'outre-mer. Celles-ci ont été saisies le 3 juin (Polynésie française, avis non rendu à ce jour), et le 6 juin (Nouvelle-Calédonie, Wallis et Futuna, avis favorable).

Après avoir rappelé le cadre général dans lequel s'inscrivent les deux protocoles, votre rapporteur en décrira le contenu et les enjeux.

A. L'ACCORD GÉNÉRAL SUR LE COMMERCE DES SERVICES (AGCS)

1. Les services : un domaine qui recèle un fort potentiel de croissance

Longtemps le commerce international a été associé au développement des seuls échanges de biens. De fait, la libéralisation progressive des échanges en ce domaine, la réduction des barrières douanières et des obstacles non tarifaires, ont été à l'origine d'un enrichissement mutuel considérable. A l'heure actuelle, l'OMC estime que le commerce mondial des marchandises représente quelque 3 600 milliards de dollars. L'économie mondiale des services n'en représente pour sa part pas moins de 900 milliards, voire 3 000 milliards si l'on y intègre les investissements directs, qui sont le véhicule privilégié des exportations et des importations de service.

La France est particulièrement sensible au secteur des services, qui concourent à hauteur de 60 % à son PIB et qui la classent au 2e rang mondial des exportateurs de services.

2. Les principales caractéristiques de l'AGCS

Ce sont les Etats-Unis qui les premiers, en 1982, avaient suggéré d'appliquer aux services les règles du GATT ; cette initiative, encouragée par les pays de la Communauté européenne mais accueillie avec réticence par les pays en développement et la plupart des pays émergents d'Asie ou d'Amérique latine, aboutit en 1986 à l'inclusion des services dans le cadre de négociation de l'Uruguay Round.

L'accord général sur le commerce des services a donc eu un triple objectif :

- échapper, par l'application aux services de la clause de la nation la plus favorisée à la logique discriminatoire des accords bilatéraux qui limitent les avantages consentis à un seul pays bénéficiaire ;

- éviter que les entreprises des services ne soient soumises, dans les pays tiers, à de nouvelles mesures discriminatoires, en recourant à la stabilisation (consolidation) des réglementations nationales, en particulier pour ce qui relève des règles de présence commerciale ;

- favoriser l'adoption de règles conformes au principe du traitement national et la diminution progressive des obstacles à l'accès aux marchés de services.

L'Accord général comporte trois éléments :

- un accord-cadre qui précise les règles générales : non-discrimination, traitement national et libéralisation progressive de l'accès au marché ;

- des annexes précisant les règles relatives aux télécommunications, aux services financiers et au mouvement des personnes physiques ;

- enfin des listes d'engagement des pays précisant les concessions faites par ceux-ci dans le domaine des services.

L'accord cadre définit quatre modes de fourniture de services :

- la transaction transfrontière , comparable à l'échange de marchandises ;

- la consommation à l'étranger : possibilité pour les nationaux d'un Etat d'acheter des services sur le territoire d'un autre (exemple du tourisme) ;

- la présence commerciale : possibilité pour les fournisseurs de services étrangers d'installer une filiale, une succursale ou une agence sur le territoire d'un autre membre ;

- la présence de personnes physiques enfin, où le producteur de services se rapproche du consommateur -exemple du cabinet d'audit envoyant à l'étranger ses experts auprès de son client. Cette dernière modalité fait l'objet du troisième protocole soumis à notre examen.

Il convient enfin de rappeler qu'au-delà de l'accord de Marrakech, il était prévu que des négociations se poursuivraient sur certains dossiers : les transports maritimes, les télécommunications de base, les services financiers et les mouvements des personnes physiques. Ce sont ces deux derniers domaines qui font l'objet des deux protocoles qui nous sont aujourd'hui soumis.

B. LA GENÈSE ET LES ENJEUX DES DEUX PROTOCOLES

1. La mise en oeuvre de la clause de rendez-vous pour les services financiers et les mouvements des personnes physiques

Tant en ce qui concerne les services financiers (deuxième protocole), que les mouvements des personnes physiques (troisième protocole), les ministres des Etats membres de l'OMC avaient adopté à Marrakech une « décision » spécifique à chacun de ces deux dossiers.

Ces décisions prévoyaient qu'au cours des six mois suivant l'entrée en vigueur de l'accord instituant l'OMC -soit jusqu'au 30 juin 1995, l'accord de Marrakech étant en vigueur depuis le 1er janvier 1995-, les membres de l'Organisation pouvaient améliorer, modifier ou retirer, en tout ou partie, les engagements de libéralisation qu'ils avaient pris et inscrits dans leurs « listes d'engagements ».

Ainsi, durant six mois, des négociations furent conduites sur chacun des deux dossiers afin d'obtenir, de la part d'un plus grand nombre d'Etats, un niveau d'engagement plus élevé.

A la veille de l'expiration de ce délai, le 30 juin 1995, les Etats-Unis décidèrent une dérogation générale à la clause de la nation la plus favorisée sur les services financiers, dont l'application est précisément l'un des éléments essentiels de l'AGCS et de l'OMC en général.

Les Etats-Unis ont justifié leur démarche en arguant du refus de certains pays émergents d'Asie d'ouvrir leur marché. En réalité, cette attitude est justifiée par la préférence constante des Etats-Unis pour des accords préférentiels bilatéraux conclus sous condition de réciprocité, au détriment du cadre multilatéral .

Devant le risque qu'aucun accord ne soit signé, il fut décidé de prolonger d'un mois les négociations -jusqu'au 31 juillet 1995-. Ce n'est que le 21 juillet 1995 que le Conseil du commerce des services de l'OMC adopta le deuxième protocole sur les services financiers et le troisième protocole sur le mouvement des personnes physiques, l'adoption de ce dernier -souhaité notamment par les pays en développement- conditionnant l'adoption du deuxième.

2. Le mouvement des personnes physiques

Dans le domaine du commerce des services, les pays en développement disposent d'un seul véritable avantage comparatif : le faible coût de leur main-d'oeuvre. D'où leur intérêt pour un accord qui valoriserait cet atout, en particulier dans le cadre de l'un des modes de fournitures de services contenus dans l'AGCS : celui qui est réalisé par le déplacement du fournisseur de services sur le territoire d'un autre Etat. L'amélioration des engagements des pays développés en ce domaine a été la revendication prioritaire des pays en développement en particulier de la part de l'Inde, des Philippines et de l'Egypte.

Pour leur part, les pays développés ne souhaitaient pas s'engager outre mesure dans cette direction compte tenu des incidences des mouvements des personnes sur les législations relatives à l'entrée et au séjour des étrangers. L'accord général sur les services prévoit d'ailleurs que « rien n'empêche dans l'accord d'appliquer des mesures pour règlementer l'admission et le séjour temporaire des personnes physiques sur son territoire ».

Dans ce contexte, et afin de ne pas risquer de compromettre la négociation sur les services financiers, la France, dans le cadre de l'offre européenne, a proposé des dispositions relatives à la délivrance d'autorisations temporaires de travail aux catégories de personnels salariés suivantes : chercheurs, techniciens du secteur des services de construction, techniciens monteurs du secteur des services liés à la vente de matériel ou à la cession d'un brevet, professeurs de l'enseignement supérieur et artistes du spectacle .

Cette offre ne fait que « consolider » 1 ( * ) la réglementation existante (articles R 341 - 1 à R 341-8 du code du travail). La délivrance de ces autorisations est d'ailleurs subordonnée à un test dit de « besoin économique », selon lequel les autorisations sont accordées ou refusées en regard de la situation économique ou de celle du marché du travail. En tout état de cause, ces engagements n'entraînent pas de modifications de la législation applicable à l'entrée et au séjour des étrangers en France.

Au total, les pays suivants ont souscrit au troisième protocole sur les mouvements des personnes physiques : la Communauté et ses Etats membres, l'Australie, le Canada, le Chili, l'Inde, la Norvège et la Suisse.

3. Les services financiers

L'objectif des négociations dans ce domaine était d'aboutir à des ouvertures plus substantielles, de la part de certains pays, en direction des opérateurs financiers d'autres Etats dans les secteurs de la banque et des assurances . Plus précisément, deux domaines importants sont couverts par l'AGCS :

- les échanges transfrontaliers de services financiers : par exemple la possibilité de souscrire un contrat d'assurance auprès d'une compagnie non résidente ;

- les conditions d'établissement des entreprises étrangères (présence commerciale) plus ou moins contraignantes selon les législations relatives à l'investissement étranger ou selon les restrictions apportées à l'activité d'entreprises bancaires ou d'assurances par rapport aux entreprises nationales.

Pour la France , l'enjeu n'est pas négligeable. Ainsi pour des exportations globales de services dont le montant s'élevait en 1994 à 451 milliards de francs -dégageant un solde positif de 76 milliards- l'exportation des services d'assurance représentait 40 milliards de francs et un solde positif de 2,7 milliards.

S'agissant des investissements réalisés à l'étranger, ils s'élevaient en 1994 pour les banques à 3,6 milliards et pour les assurances à 8,1 milliards .

De fortes potentialités existent encore, dont la réalisation est tributaire des ouvertures consenties par les autres pays, singulièrement des pays émergents d'Asie ou d'Amérique latine.

L'accord de juillet 1995, formalisé dans le deuxième protocole, ne comporte pas d'offres améliorées de la part des pays développés qui ont repris -c'est en particulier le cas de la France intégrée dans l'offre européenne-, leurs listes d'engagements d'avril 1994. L'Europe est l'une des zones où le marché est d'ores et déjà très ouvert dans ce secteur. En réalité, l'offre européenne ne se distingue véritablement de celle qu'elle avait déposée en avril 1994 qu'en ce qu'elle intègre celles de l'Autriche, de la Suède et de la Finlande, qui n'étaient pas encore, à l'époque, membres de l'Union européenne.

En revanche, trois pays émergents ont formulé des propositions positives : la Corée, le Brésil et la Thaïlande. Ces deux derniers pays ont consolidé leurs récentes législations en matière d'investissements étrangers dans le secteur des banques et des assurances ; la Corée s'est engagée pour sa part à consolider les réformes intervenues sur la réglementation de son marché financier.

En sens inverse, le Canada, l'Inde, l'Indonésie et la Malaisie devraient, lors de la future négociation qui s'engagera en 1997, améliorer leur offre.

L'accord, qui fait l'objet du deuxième protocole, a un caractère intérimaire et permet donc, en dépit de la position américaine, de confirmer les engagements de libéralisation annoncés par divers partenaires importants et d'attendre, dans des conditions favorables, la reprise des négociations, sachant que, globalement, les avancées de juillet 1995 sont, en tout état de cause, plus satisfaisantes que celles obtenues en avril 1994.

Au total, outre la Communauté et ses Etats-membres, ce sont 28 pays qui ont signé le deuxième protocole sur les services financiers. Parmi ceux-ci, le Japon a joué un rôle essentiel . Ce pays s'est, en effet, engagé à étendre, sur la base de la clause de la nation la plus favorisée, ses accords bilatéraux passés avec les Etats-Unis en mars 1995, ouvrant ainsi de façon significative son maché aux opérateurs européens. Par ailleurs, les autres signataires n'ayant recouru que très partiellement aux possibilités d'exemption à la clause de la nation la plus favorisée (NPF), les Etats-Unis ne trouveront pas en face d'eux beaucoup d'opportunités pour conclure des accords bilatéraux préférentiels.

* 1 terme signifiant que le pays, en l'occurrence la France, s'engage à ne pas « durcir » sa législation dans le domaine concerné.

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