B. L'ANALYSE DE VOTRE COMMISSION
Celle-ci, compte tenu des espoirs soulevés par ce texte et de certains de ses aspects, résolument positifs, a considéré qu'il était pertinent de légiférer, même si elle aurait souhaité que soit mieux appréhendée l'influence de l'ordonnance n°96-346 du 24 avril 1996 remplaçant les DRASS par des agences sur la politique menée en matière d'autisme et que l'on ait assez de recul pour juger des effets de la circulaire d'avril 1995. Pour autant, elle a également souhaité mener son analyse avec réalisme et humanité, dans un climat qu'elle espère serein et lucide.
Votre commission a, notamment, voulu entendre la voix des autres handicapés dont les difficultés sont tout aussi dignes d'intérêt ainsi que celle des collectivités territoriales comme des Conseils généraux, dont on ne peut accroître les charges, déjà très lourdes, par le biais d'un texte particulier, sans qu'ils aient été consultés et alors même qu'un texte sur la réforme des compétences doit être élaboré, conformément à l'article 65 de la loi du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire. De plus, il n'est pas acceptable que, par le biais du schéma départemental, les départements aient une quelconque autorité sur les communes. De même, ce n'est pas parce que les établissements accueillant des handicapés doivent être adaptés aux populations qu'ils hébergent, que le schéma départemental ne doit plus mentionner les établissements relatifs aux autres populations dont les personnes âgées.
Elle a souhaité, enfin, que les parents d'enfants autistes, qu'ils appartiennent ou non à des associations, ne sentent pas « payés de mots » et qu'une fois ce texte définitivement adopté le silence retombe sur leur souffrance et leurs difficultés à trouver une prise en charge adaptée. Elle estime, à cet égard, que la collectivité doit mener un effort de longue haleine et qu'il appartient au Parlement de vérifier la constance de ce dernier.
Compte tenu de ces remarques, votre commission a dégagé cinq principes autour desquels elle a articulé ses propositions.
1. Conserver les apports importants de cette proposition de loi
Pour votre commission, ils sont au nombre de deux et correspondent véritablement, votre rapporteur a pu le vérifier au cours de ses auditions, à un souhait des familles. Il s'agit, d'une part, de la reconnaissance des conséquences du syndrome autistique comme handicap qui permettra à chaque autiste, et, en particulier, à chaque enfant de pouvoir bénéficier des prestations ouvertes aux handicapés et de rendre homogène, sur ce point, la jurisprudence des CDES. Certaines ont encore très récemment refusé des dossiers d'enfants autistes qualifiant leur affection de « maladie mentale ». Il s'agit, d'autre part, de la mention d'une prise en charge pluridisciplinaire, à la fois éducative, pédagogique, thérapeutique et sociale.
2. Ne pas remettre en cause la politique globale du handicap telle qu'elle a été définie depuis 20 ans
En effet, l'un des apports essentiels de la loi d'orientation relative aux handicapés du 30 juin 1975 a été de s'adresser à tous les handicapés, quelles que soient l'ampleur et la nature de leur handicap. Pour votre commission, il n'est pas ici question de revenir en arrière, d'instaurer des textes particuliers pour chaque type de handicap ou de privilégier un handicap par rapport à un autre, en créant une priorité. Tous les handicaps sont également dignes d'intérêt selon votre commission. De la même façon, inscrire dans la loi un plan d'action régional uniquement dédié à l'autisme et pérenniser un plan mis en oeuvre à la fin de l'année passée pour résorber un retard d'équipement transitoire, au moins faut-il l'espérer, participe, selon votre commission, de cette discrimination en faveur d'un handicap, non voulue certainement par ses promoteurs mais de nature à provoquer le même type de demandes par d'autres personnes atteintes de handicaps différents. C'est pourquoi votre commission a souhaité ôter tant le terme de priorité que la mention du plan d'action régional pour lequel, de plus, aucune articulation n'était prévue avec le schéma départemental.
3. Ne pas, à l'occasion d'un texte particulier, accepter de contrevenir aux principes de la décentralisation
Votre commission ne peut admettre, en effet, que, dans le cadre du schéma départemental, les départements puissent obliger d'autres collectivités territoriales à collaborer, non seulement dans le domaine des handicapés, mais aussi dans celui de toutes les populations concernées par ce schéma comme les personnes âgées. Par ailleurs, il convient de laisser toute souplesse aux conseils généraux pour établir ces schémas qu'ils ne sont que deux tiers à avoir élaboré. Les contraindre fortement concernant le contenu de ceux-ci aboutirait au résultat inverse de celui souhaité. En effet, les conseils généraux qui ne les ont pas élaborés seront d'autant plus réticents à les établir.
4. Ne pas limiter le contenu des schémas départementaux
En effet, selon la rédaction de l'Assemblée nationale, les établissements que ces schémas évoquent semblent désormais ne concerner que les handicapés, dans la mesure où ils sont adaptés à la diversité et à la spécificité des handicaps et que les autres populations mentionnées par l'article premier de la loi de 1975 ne sont plus prises en compte dans ce cadre. Afin de lever toute ambiguïté, votre commission vous propose donc une nouvelle rédaction où les établissements à destination des handicapés ne sont qu'une possibilité parmi d'autres. Par ailleurs, concernant la possibilité de collaboration entre collectivités territoriales, elle a souhaité également mentionner celle-ci vis-à-vis de l'État et des organismes de sécurité sociale dans la mesure où, s'agissant du handicap, par exemple, l'assurance maladie est un partenaire important.
5. Disposer à terme d'un outil statistique fiable et d'une évaluation des dispositifs mis en oeuvre depuis 1995
Votre commission a remarqué, à de nombreuses reprises, l'insuffisance des données statistiques en matière d'autisme qui fait que l'on doit se contenter d'extrapolations pour tenter d'appréhender l'ampleur du problème. Ceci n'est pas acceptable si l'on veut conduire une politique de programmation des équipements rigoureuse et efficace, dans un contexte budgétaire plus que jamais contraint. De plus, si l'on légifère maintenant, il apparaît nécessaire d'évaluer les dispositifs mis en oeuvre à partir de l'entrée en vigueur de la circulaire du 25 avril 1995. Certains diront que cela est un rapport de plus. Cependant, selon votre commission, c'est un rapport nécessaire, d'une part, vu l'état extrêmement lacunaire des connaissances statistiques en ce domaine et l'importance de disposer d'outils de référence fiables, pour avoir une vision claire des progrès enregistrés et des besoins non satisfaits, et, d'autre part, afin d'instaurer un suivi de l'action législative et de démontrer aux parents d'enfants autistes que l'intérêt de la représentation nationale pour leurs problèmes n'est pas passager mais constant sur les moyen et long termes.
Souhaitant tenir compte, tant de la souffrance des parents des enfants autistes que des remarques fondées des autres associations de handicapés et de la nécessité de ne pas, par le biais d'un texte particulier, remettre en cause les compétences des différentes collectivités territoriales et les principes de la décentralisation, votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi sous réserve des observations qu'elle vient de faire et des amendements qu'elle vous propose maintenant d'examiner.