2. L'évolution qualitative

a) Une délinquance juvénile de plus en plus marquée par la violence.

La principale forme de la délinquance des mineurs demeure constituée par l'ensemble vols-recels. Mais, alors que les jeunes poursuivis pour ces infractions représentaient 73,5 % de l'ensemble des mineurs mis en cause en 1988, ils ne représentaient plus que 66 % de cet ensemble en 1994.

Inversement, le nombre d'infractions contre les personnes n'a cessé de croître pour représenter en 1994 8,9 % des crimes et délits imputés aux mineurs contre 5,9 % en 1973. Le tableau suivant met d'ailleurs en avant une tendance inquiétante à l'accélération de ce phénomène au cours des dernières années

: Mineurs mis en cause par les services de police et de gendarmerie pour crimes et délits contre les personnes (en métropole)

Années

Nombre

% parmi l'ensemble
des mineurs mis en cause

1988

6 571

7,1

1989

7 195

7,6

1990

7 113

7,2

1991

8 012

7,9 %

1992

8 552

8,6

1993

8 972

8,4

1994

11 207

8,9

Au total, le ministère de l'Intérieur évalue à 57,56 % l'augmentation du nombre de crimes et délits contre les personnes commis par des mineurs sur la période 1988-1994.

b) Une délinquance juvénile de plus en plus difficile à appréhender.

Sur le plan qualitatif, l'évolution de la délinquance juvénile est marquée par quatre autres caractères qui la rende plus difficile à appréhender.

1.- Une délinquance plus précoce

Les graphiques figurant ci-après mettent en évidence la part croissante prise par les moins de seize ans dans l'ensemble de la délinquance juvénile, 1988 apparaissant à cet égard comme une année charnière. Qu'il s'agisse des crimes, des délits ou des contraventions, leur part parmi les mineurs condamnés à plus que doublé durant la période 1987-1993.

MINEURS CONDAMNÉS POUR CRIMES ET DÉLITS

RÉPARTITION PAR TRANCHE D'ÂGE ET PAR TYPE D'INFRACTION

Mineurs de moins de 16 ans (en % de l'ensemble des mineurs condamnés)

Mineurs de 16 à 18 ans (en % de l'ensemble des mineurs condamnés)

Ce rajeunissement de la délinquance des mineurs provient en fait de la tranche d'âge 13-16 ans, la seule à donner lieu à une augmentation du nombre de condamnations sur la période 1984-1994 (comme le démontre le tableau ci-après réalisé à partir des données du casier judiciaire national).

Nombre de mineurs condamnés

Âge

1984

1985

1986

1987

1988

1989

1990

1991

1992

1993

Moins de 13 ans

toutes infractions

3.343

3.170

2.743

1.981

768

1.144

1.353

1.342

1.350

1.402

dont délits

3.263

3.094

2.684

1.940

734

1.094

1.308

1.289

1.291

1.321

13-16 ans

toutes infractions

10.864

10.813

10.402

8.172

6.986

11.315

14.332

14.947

15.252

13.625

dont délits

10.487

10.370

9.978

7.885

6.678

10.758

13.590

14.205

14.556

12.880

16-18 ans

toutes infractions

44.642

47.799

44.851

34.199

9.953

18.356

22.829

24.054

24.120

17.691

dont délits

42.267

44.650

42.096

32.172

9.364

16.986

21.201

22.436

22.589

16.513

2.- Le développement d'une délinquance d'habitude

Aujourd'hui, la délinquance des mineurs est largement le fait de multirécidivistes ou -terme plus approprié pour ceux qui n'ont pas fait l'objet d'une condamnation- de « multi-réitérants ».

Bien entendu, il convient de noter que, comme l'ont rappelé plusieurs des personnes entendues par votre commission des Lois, dans 70 % des cas la décision du juge des enfants est suffisamment ressentie par le mineur pour l'empêcher de récidiver. Encore convient-il que cette décision intervienne, et dans des délais point trop éloignés de la commission de l'infraction. Par ailleurs, même s'ils sont peu nombreux, les mineurs multiréitérants représentent bien le « noyau dur » de la délinquance juvénile.

Cette situation ne laisse pas d'inquiéter dans la mesure où elle génère un phénomène de « caïdat », dans lequel la légitimité du chef de bande est proportionnelle à son « palmarès ».

3.- Une délinquance moins isolée

La délinquance juvénile est de moins en moins le fait d'individus isolés. Elle prend davantage la forme d'une délinquance commise en réunion, par des bandes organisées. Cette évolution rend plus difficile la connaissance du mineur, de sa personnalité.

4.- La multiplication des « incivilités »

Parallèlement aux actes de violence, des comportements moins graves (insultes, infractions à la circulation, fraudes aux transports, petites dégradations...) peuvent, par leur répétition, générer un sentiment d'insécurité. Or, ces comportements, appelés parfois « incivilités », tendent à se multiplier, même s'il est difficile de mesurer avec certitude l'ampleur de ce phénomène.

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