N° 255

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1995-1996

Annexe au procès-verbal de la séance du 6 mars 1996.

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur la proposition de loi, ADOPTÉE PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE, améliorant le financement des associations concourant à l' action humanitaire en vue de leur permettre de participer plus efficacement à la lutte contre l'exclusion,

Par M. Jacques OUDIN,

Sénateur.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (10ème législ.) : 2476 2486 et TA. 451. Sénat : 179 (1995-1996).

Associations.

(1) Cette commission est composée de : MM. Christian Poncelet, président ; Jean Cluzel, Henri Collard, Roland du Luart, Jean-Pierre Masseret, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Philippe Marini, vice-présidents ; Emmanuel Hamel, René Régnault, Alain Richard, François Trucy, secrétaires ; Alain Lambert, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Bernard Barbier, Jacques Baudot, Claude Belot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Guy Cabanel, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Yvon Collin, Jacques Delong, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Marc Massion, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Oudin, Maurice Schumann, Michel Sergent, Henri Torre, René Trégouët.

Mesdames, Messieurs,

Les associations sont un élément essentiel de la vie démocratique de notre pays. Souvent proches des citoyens, les associations ont un caractère utile, vivant, dynamique qu'il faut préserver et encourager.

Le Premier ministre l'a confirmé avec force en annonçant le 15 janvier 1996, devant le Conseil national de la vie associative, une série de mesures en faveur des associations (1 ( * )) .

La proposition de loi de M. Péricard vient utilement compléter le plan gouvernemental. Elle a pour objet de renforcer les incitations fiscales existantes en faveur des dons aux associations effectués par les particuliers et les entreprises.

Votre commission en approuve pleinement le dispositif. Elle souhaite toutefois y ajouter des mesures améliorant le contrôle et la transparence des associations. Ces dispositions lui semblent être en effet la contrepartie nécessaire de l'octroi de nouveaux avantages fiscaux.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

I. LES ASSOCIATIONS RÉGIES PAR LA LOI DE 1901

Le monde associatif est difficile à appréhender dans son ensemble car il recouvre une grande diversité de situations et intervient dans des domaines variés avec des moyens de nature parfois très différente.

Cette difficulté est accrue par l'absence de données précises sur le secteur associatif, rendant l'analyse nécessairement approximative.

Toutefois, au-delà de cette difficulté initiale, certains problèmes se posent dans les mêmes termes. Le présent rapport insistera sur trois aspects : le financement, le régime fiscal et le contrôle des associations.

A. UN MONDE DIVERS ET MAL CONNU

L'image globale que l'on peut avoir du secteur associatif est floue, principalement du fait de l'absence de données complètes et fiables.

1. Un dénombrement incertain

Le nombre d'associations en activité n'est pas connu. Il est simplement estimé à 700.000. La difficulté résulte du caractère exceptionnel de l'enregistrement des cessations d'activités, ce qui conduit à évaluer par sondage le "stock" des associations en activité.

On sait que de 1975 à 1990 655.000 créations d'associations ont été enregistrées. Mais, au cours de cette période, c'est à une véritable "explosion" du phénomène associatif et du nombre de créations d'associations que l'on a assisté. Ainsi, en 1975, le rythme annuel de créations d'associations était inférieur à 30.000. Il est aujourd'hui supérieur à 60.000.

NOMBRE DE DÉCLARATIONS DE NOUVELLES ASSOCIATIONS

Les quatre grandes vagues du développement de la vie associative en France.

Les premières années du XXe siècle

Développement des associations caritatives confessionnelles, des "bonnes oeuvres", des hospices, des patronages, des associations de lutte contre les fléaux sociaux... La liberté offerte par la loi du 1er juillet 1901 est utilisée pour transformer les statuts de nombre d'organisations préexistantes.

Le Front populaire

Création d'associations d'éducation ouvrière, populaire et laïque. Développement des activités de jeunesse et de promotion collective. 9.000 associations sont créées en 1937.

La Libération

Avec le "boom" démographique de l'après-guerre, le monde associatif accompagne la modernisation du pays et le développement de l'État-providence : développement du monde rural, enseignement libre, activités sportives, associations de parents, de locataires, de consommateurs. 10 à 15.000 associations sont déclarées chaque année.

1975-1995 : l'explosion

En 15 ans, 655.000 associations sont créées, le rythme annuel de créations étant passé de 20.000 à plus de 60.000.

Les réalités nouvelles de la société sont concernées : femmes, patrimoine, culture, musique, immigration, environnement, écologie, humanitaire, santé, sida...

Enfin, la décentralisation et la médiatisation de la société contribuent à modifier le paysage associatif qui voit émerger environ 5.000 grandes associations subventionnées.

D'après "Associations lucratives sans but" de PP. Kaltenbach aux Editions Denoël.

Parmi l'ensemble des associations créées, certaines sont recensées dans le répertoire des entreprises et des établissements (fichier SIRÈNE). Sur ces 270.000 associations, 120.000 sont employeurs.

2. Des sommes en jeu considérables

Les montants des budgets, des chiffres d'affaires, des cotisations, des dons et des sommes transitant par les associations sont tout aussi mal connus.

Une étude menée par le Laboratoire d'Économie Sociale de l'Université Paris I a évalué le montant total des budgets agrégés des associations, tous secteurs confondus, à 217 milliards de francs pour l'exercice 1990.

Ces ressources seraient réparties de la manière suivante :

(en milliards de francs)

Ressources d'origine publique 129

-État 59

- Collectivités locales 32

- Sécurité sociale 38

Ressources d'origine privée 88

- recettes privées (cotisations, 73 participations des usagers, ventes de services, revenus)

- dons privés (ménages, entreprises, 15 fondations)

Les ressources d'origine publique représenteraient donc environ 60 % du budget des associations qui, pour plus d'un quart, serait alimenté par des subventions de l'Etat.

Les quelques autres chiffres disponibles montrent la forte concentration des ressources financières des associations. En effet, sur les 700.000 associations en activité, on estime que :

- 62,2 % ont un budget inférieur à 50.000 francs

- 32,0 % ont un budget compris entre 50.000 et 1 million de francs

- 4,8 % ont un budget compris entre 1 million et 5 millions de francs

- 1 % ont un budget supérieur à 5 millions de francs.

Les associations sans salariés, c'est-à-dire 85 % des associations, ont un budget moyen annuel peu élevé, soit 59.000 francs, 28 fois inférieur au budget moyen des associations employeurs, soit 1.675.000 francs.

Par ailleurs, les associations sans salariés ont une structure de budget dont l'origine est plus nettement "privée" et plus "locale" ou de proximité que les associations employeurs.

Ainsi, les cotisations entrent pour 22,3 % dans les recettes des associations sans salariés, au lieu de 10,3% seulement dans le budget des associations employeurs.

De même, les dons des particuliers représentent 3 % des recettes des premières contre 0,8 % seulement du budget des secondes.

Enfin, les subventions nationales représentent 2,5 % du budget des associations sans salariés, mais 8,9 % du budget des associations employeurs.

On remarquera le faible montant des dons par rapport aux subventions. A la lecture des chiffres estimatifs de l'étude du Laboratoire d'économie sociale de Paris I, le rapport est pratiquement de 1 à 10, de 13 à 130 milliards de francs.

3. Un poids économique et social important

Le secteur associatif touche de façon directe ou indirecte une très large partie de la population, comme donateurs, bénévoles ou salariés.

En effet, on estime que plus de 20 millions de personnes effectuent au moins un don chaque année, ce qui signifie qu'un français sur deux est donateur.

En matière de bénévolat, on estime qu'un français sur six est bénévole, ce qui représente environ 7 millions de personnes et près de 600.000 "équivalents temps plein", soit un apport en nature évalué à 100 ou 120 milliards de francs.

On observera que les associations sans salariés emploient 75 % des bénévoles tandis que les associations employeurs en emploient 25 % seulement.

Pour votre rapporteur, le nombre relatif d'adhérents et de membres bénévoles des associations constitue une bonne mesure du degré de civisme et de participation à la vie démocratique et locale d'un pays. L'engagement associatif et le bénévolat doivent donc être promus et encouragés.

L'emploi salarié au sein des 120.000 associations employeurs s'élève à 1.300.000, soit 850.000 "équivalents temps plein".

Comme en matière de ressources financières, cet emploi est très concentré :

- 80 % des effectifs salariés sont répertoriés dans un peu moins de 20.000 associations qui emploient 10 salariés ou plus,

- 50 % des effectifs salariés sont répertoriés dans moins de 4.000 associations ayant 50 salariés ou plus.

Les associations employant plus de 200 salariés sont au nombre de 413 (à la fin de 1992). L'effectif salarial moyen des associations employeurs est de 10.

4. Des secteurs d'intervention variés

La forme associative est utilisée pour de très nombreux types d'activités dans des domaines variés, allant des clubs sportifs aux partis politiques, des chorales amateurs à l'Agence nationale pour l'emploi, des associations d'insertion aux groupements professionnels, de l'intervention humanitaire d'urgence à la défense d'un quartier ou au sauvetage en mer.

Quelques grands secteurs d'intervention peuvent néanmoins être définis et notamment quatre qui regroupent environ 85 % des dépenses associatives et la même proportion des effectifs salariés.

Dans certains secteurs, le mode d'intervention associatif est dominant. Il en est par exemple ainsi dans le domaine culturel où la plupart des initiatives publiques, de l'Etat comme des collectivités locales, sont relayées par des associations. Celles-ci ont généralement peu d'adhérents ou de donateurs et ne vivent que des subventions publiques qui leur sont versées.

Dans d'autres cas, le montant des dons reçus par simple appel à la générosité publique est tel qu'il confère aux associations concernées un poids particulier face aux pouvoirs publics qui, de ce fait, peuvent avoir la tentation de se défausser de certaines interventions (aide aux plus démunis, recherche médicale).

Sur 14,5 milliards de francs de dons en 1994, 3,5 sont gérés par dix associations :

Secours catholique 718 millions de francs

ARC 600 millions de francs

Ligue nationale contre le cancer 400 millions de francs

AFM 400 millions de francs

Médecins sans frontières 342 millions de francs

UNICEF 315 millions de francs

Médecins du Monde 230 millions de francs

Les Restos du Coeur 191 millions de francs

Équilibre 176 millions de francs

Handicap International 123 millions de francs

Un équilibre doit donc être recherché entre les interventions de l'État et celles des associations, ce qui suppose une réflexion approfondie sur ce que doivent être les missions de l'État.

La dérive des associations para-administratives et para-publiques

(Les "faux-nez" de l'État) sont un autre aspect du problème, aggravé avec la mise en oeuvre de la décentralisation. Les chambres régionales des comptes s'en sont souvent fait l'écho, dénonçant l'utilisation de la forme associative pour contourner les règles de la comptabilité publique.

Devant l'urgence d'une remise en ordre de ce secteur, le Premier ministre a mis en place un groupe de travail chargé d'étudier les conditions dans lesquelles l'État a recours aux associations. Ce groupe de travail, dont la présidence a été confiée à M. Théry, doit remettre son rapport avant le mois de septembre 1996. Votre rapporteur approuve la volonté ainsi manifestée par le gouvernement de dresser le bilan des associations para-publiques et de susciter des propositions pour en améliorer le fonctionnement.

D'une façon générale, il apparaît clairement que le monde associatif est une nébuleuse d'organismes extrêmement divers et mal connus.

Devant cet "Azincourt (2 ( * )) statistique" un travail de recensement complet du monde associatif apparaît indispensable.

C'est pourquoi votre rapporteur se félicite de la décision annoncée par le Premier ministre le 15 janvier 1996 :

"En matière de connaissance du tissu associatif qui ne fait actuellement l'objet d'aucun recensement et suivi organisé, j'ai décidé de confier à l'INSEE le soin de fonder un groupe de réflexion comprenant des représentants des associations et des différents organismes concernés sur les moyens propices à améliorer la connaissance et le suivi statistique du monde associatif et de m'adresser, avant la fin de l'année, des propositions pour la mise en place d'un dispositif d'observation permanent."

* 1 Le plan Juppé en faveur du monde associatif figure en annexe du présent rapport.

* 2 . P.P. Kaltenbach in "Associations lucratives sans but"

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