TITRE V - DISPOSITIONS DIVERSES
CHAPITRE PREMIER - DISPOSITIONS RELATIVES À LA COMMISSION DES OPÉRATIONS DE BOURSE
Article 52 - Modification de l'ordonnance de 1967 relative à la Commission des opérations de bourse
Commentaire : le présent article conforte l'indépendance de la COB, en lui reconnaissant la qualité d'autorité indépendante, compétente pour agir au nom de l'ÉTAT, et modifie significativement sa composition Par ailleurs, il établit une relation directe entre la COB et le Parlement, à l'image celle qui existe déjà entre celui-ci et la Banque de France, « prévoit également que la COB pourra établir des "ententes" avec les autorités étrangères exerçant des compétences analogues aux si ennes. Enfin, il clarifie utilement la compétence réglementaire de la COB en précisant la nature juridique des différentes catégories d'actes émanant de cette autorité.
I. LE DISPOSITIF PROPOSÉ
A. LA COB AUTORITÉ ADMINISTRATIVE DE LA PROTECTION DE L'ÉPARGNE PUBLIQUE
Le paragraphe I reconnaît expressément la qualité d'autorité administrative indépendante à la COB. Il à la COB. Il prévoit également que son Président, dans l'accomplissement des missions qui sont confiées à la COB, a qualité pour ester en justice, "au nom de l'ÉTAT", devant les juridictions administratives et civiles.
II s'agit là d'une consécration législative de la place occupée par la COB dans le paysage institutionnel financier français. Cette consécration, certes très importante dans sa signification symbolique, apparaît comme plus nuancée dans sa portée juridique, dans la mesure où la jurisprudence a depuis fort longtemps déjà reconnu cette qualité à la COB COB.
Votre commission accueille, avec satisfaction, cette évolution qui rejoint et, sur ce point, dépasse celle prônée par sa proposition de loi de juin 1995.
Elle observe, néanmoins, qu'il serait juridiquement souhaitable de modifier les deux premiers alinéas de l'article premier de l'ordonnance de 1967, afin, de tenir compte, d'une part, des nouvelles catégories juridiques dégagée par le présent projet de loi et, d'autre part, de l'émergence d'une autorité professionnelle ayant vocation à contrôler elle aussi les marchés réglementés.
En effet, cet article prévoit que :
" Il est institué une Commission des opérations de bourse, chargée de veiller à la protection de l'épargne investie en valeurs mobilières ou tous autres placements donnant lieu à appel public à l'éparg ne, à l'information des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières , de produits financiers cotés ou de contrats à terme négociables.
"Ne sont pas soumis au contrôle de la Commission les marchés d'instruments créés en représentation des opérations de banq ue ou de bons ou billets à co urt terme négociables visés par l'article 1 er de et le 4° de l'article 12 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 et les marchés , placés sous la survei llance de la Banque de France en application de la loi n° 73-7 du 3 janvier 1973 (...)".
Votre commission des finances a jugé préférable, en premier lieu, de substituer aux termes de "valeurs mobilières", "produits financiers cotés" on "contrats à terme négociables", ceux "d'instruments financiers".
En effet, il a semblé à votre commission que l'épargne publique ne devait pas être protégée dans toutes ses formes, au-delà des seules valeurs mobilières.
En outre, votre commission a considéré que l'intervention de la COB est d'autant plus nécessaire sur les marchés de gré à gré que ceux-ci n'offrent Pas, pour les investisseurs non professionnels, c'est à dire "l'épargne Publique", des garanties équivalentes à celles des marchés réglementés.
D'une façon générale, le champ de compétence de la COB ne semble pas devoir être défini, rationae materiae, c'est-à-dire marche financier par marché financier, mais au contraire de façon fonctionnelle, « 'est-à-dire au regard de sa mission qui est de protéger l'épargne Publique, partout où celle-ci est susceptible de s'investir.
Il se trouve que, jusqu'à présent, les deux critères se recoupaient largement. Les marchés de valeurs mobilières de la COB étaient, pour de multiples raisons, (accès juridique au marché, volume des transactions) es seuls sur lesquels l'épargne publique trouvait à s'investir. En revanche, les marchés visés au deuxième alinéa de l'article premier étaient des marches de Professionnels, sur lesquels l'intervention de la Banque de France était, et reste, déterminante.
Cette situation a évolué, et selon la Banque de France les associations et les particuliers souscrivent régulièrement près de 10 % des émissions nouvelles de certificats de dépôts. Est-il légitime de les exclure de la protection de la COB ?
Au demeurant, on observera que l'émission de titres de créances négociables est, d'ores et déjà, soumise au visa de la COB.
Cette extension risquerait-elle d'aboutir à des chevauchements de compétence entre le contrôle de la COB et ceux des autres autorités.
S'agissant des marchés "placés sous la surveillance de la Banque de France", ce risque semble a priori inexistant compte tenu de la nature fondamentalement différente des missions et des moyens impartis par le législateur à chaque autorité : protection de l'épargne publique et information financière pour la COB, conduite de la politique monétaire et refinancement des banques pour la Banque de France.
En effet, l'article premier de la loi n°93-980 du 4 août 1993 relative au statut de la Banque de France et à l'activité et au contrôle des établissements de crédit assigne à la Banque de France le soin de définir et mettre en oeuvre la politique monétaire dans le but d'assurer la stabilité des prix . Par ailleurs, l'article 7 de cette même loi confère au Conseil de la Politique monétaire, tout pouvoir pour "surveiller l'évolution de la masse monétaire et des contreparties", ce qui lui permet, notamment, de définir les opérations auxquelles procède la Banque (...) les modalités d'achat ou de vente, de prêt ou d'emprunt, d'escompte, de prise en gage, de prise ou de mise en pension de créances et d'émission de bons portant intérêt (...) la nature et l'étendue des garanties dont sont assortis les prêts consentis par la Banaque dans le cadre de la conduite de la politique monétaire."
Dans ces conditions, la suppression du deuxième alinéa, rendu obsolète depuis l'intervention de la loi du 4 août 1993, peut être envisagée sans crainte pour l'indépendance de la Banque de France.
En revanche, la réponse est beaucoup plus délicate à donner s'agissant des relations de la COB et du CMF.
Sans rouvrir le débat sur la place de la COB et la hiérarchisation des autorités, il semble évident au pays de Descartes que mettre sur le même plan, une autorité publique chargée de veiller au bon fonctionnement des marchés de valeurs mobilières et une autorité professionnelle dont le titre même traduit sa compétence pour les "marchés financiers" risque de déboucher sur des conflits de compétence.
La définition d'une compétence de droit commun pour l'autorité publique et la reconnaissance d'une compétence d'attribution pour l'autorité professionnelle (on remarquer à l'absence d'un article définissant les compétences du CMF qui pourrait être le pendant de l'article premier de l'ordonnance de 1967) peut apporter une réponse juridique à ce chevauchement organisé des compétences.
Mais la sociologie administrative conduit à penser qu'il faudra sans doute beaucoup de bonne volonté de part et d'autre pour que ce schéma institutionnel fonctionne de manière harmonieuse.
C'est pourquoi, il peut apparaître opportun, à seule fin de s'assurer de la cohérence du dispositif mis en place, et sans entamer le pouvoir de la COB, de préciser que sa mission de surveillance des marchés impartie à celle-ci s'exerce au titre de la protection de l'épargne publique, étant entendu que le CMF a en charge le contrôle des intermédiaires et la définition des règles de bonne conduite qui s'imposent à eux (voir sur ce point l'exposé des motifs du projet de loi).
B. LA MODIFICATION DE LA COMPOSITION DE LA COB
Le paragraphe II du présent article procède à une modification significative du collège de la COB.
Actuellement, le collège de la COB est composé d'un président et de huit membres qui sont :
- un conseiller d'ÉTAT, désigné par le vice-président du conseil ;
- un conseiller à la Cour de cassation, désigné par le premier président de la Cour ;
- un conseiller-maître à la Cour des comptes, désigner par le premier président de la Cour ;
- un membre du Conseil des bourses de valeurs désigné par ce Conseil ; - un membre du Conseil du marché à terme, désigné par ce Conseil ;
- un représentant de la Banque de France, désigné par le gouverneur ;
- deux personnalités qualifiées en matière d'appel public à l'épargne, par les six membres désignés ci-dessus.
L'innovation consiste à :
- remplacer les deux sièges occupés par les délégués du Conseil des bourses de valeur et du Conseil des marchés à terme, par un siège attribue au Conseil des marchés financiers et un autre au Conseil national de la comptabilité ;
- augmenter le nombre des personnes qualifiées de deux à trois et à confier leur nomination au Premier ministre qui les choisirait sur une liste établie par les Présidents des deux assemblées et par le Président du Conseil économique et social.
Par ailleurs, le texte prévoit que seuls les membres du collège ont le Pouvoir de rapporter une décision susceptible d'aboutir à une injonction (article 9-1 de l'ordonnance) ou à une sanction (article 9-2).
Enfin, la présence d'un représentant du ministre de l'économie et des finances est réintroduite sans que celui-ci porte le nom de commissaire du Gouvernement ni ne dispose de son principal pouvoir, celui de demander une deuxième délibération. Il a la possibilité de se faire entendre, sauf dans les délibérations susceptibles d'aboutir à une injonction, une sanction ou consistant à délivrer un visa.
Ce paragraphe appelle les observations suivantes :
1) La modification du collège de la COB va incontestablement dans le bon sens et recueille l'assentiment de votre commission. Toutefois, la Procédure de nomination des membres désignés par les Présidents des Assemblées doit être revue afin de leur accorder la fonction de nomination directe reconnue aux Présidents des grands corps de 1 ÉTAT et aux présidents d'autorités publiques ou professionnelles.
Certes, il est loisible d'observer que le mode de désignation par présentation de listes, retenu par la proposition de loi et repris par le présent article, pourrait présenter l'avantage de permettre une certaine cohérence des choix en faisant intervenir une autorité unique (le Premier ministre) » susceptible d'assurer une égale représentation des investisseurs, des émetteurs et des intermédiaires (négociateurs et gestionnaires).
Toutefois, votre commission des finances a considéré, d'une part, qu'une représentation tripartite de la COB ne constituait qu'un "objectif et, d'autre part, qu'il ne fallait pas exclure une concertation préalable des présidents des assemblées et du président du Conseil économique et social pour coordonner leurs choix.
En conséquence, votre commission vous proposera, par un amendement cosigné par le président et le rapporteur général de la commission des finances, d'instituer un pouvoir de nomination directe des membres de la COB, choisis respectivement par le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale et le président du Conseil économique et social.
2) La présence d'un représentant du Gouvernement ne doit pas être interprété comme un "retour en arrière".
En effet, il convient de rappeler que les règlements de la COB sont homologués par le ministre de l'économie et des finances. Or, l'expérience montre que l'homologation place souvent celui-ci devant une décision binaire : accord ou refus. Il n'est donc pas inutile d'introduire un peu de souplesse dans cette procédure et de permettre une communication en amont entre les différentes autorités.
En second lieu, on observera que la présence d'un représentant du ministre de l'économie est également la règle au Conseil de la politique monétaire, sans pour autant que la participation de ce représentant fasse planer un doute sur l'indépendance de la Banque de France.
Enfin, il convient de souligner que le collège de la COB adopte des avis et des recommandations, qui s'analysent en droit comme des circulaires interprétatives. Or il se peut, comme dans toute administration, que ces circulaires aillent au-delà de la simple interprétation et posent des règles nouvelles. La présence d'un représentant du ministre de l'économie permettrait d'appeler l'attention du collège de la COB sur le caractère interprétatif ou réglementaire de leurs avis et recommandations, et de ce point de vue, d'assurer un meilleur respect de la procédure d'homologation et de la compétence réglementaire de la COB.
B. LES AUTRES DISPOSITIONS
Le paragraphe III propose d'insérer deux articles additionnels après l'article 2 de l'ordonnance de 1967.
L'article 2 bis fait apparaître, de façon explicite, le règlement intérieur de la COB, dont l'objet est de prévoir les règles relatives aux délibérations, les conditions dans lesquelles les affaires sont rapportées, l'organisation des services et les conditions de fonctionnement.
On observera que l'homologation du règlement intérieur en fait un acte réglementaire avec tous les effets de droit y afférents et notamment en ce qui concerne la publicité, l'opposabilité et les recours contentieux dont il est susceptible de faire l'objet.
Votre commission a approuvé cette évolution.
L'article 2 ter est destiné à prévenir d'éventuels conflits d'intérêts dans les affaires dont les membres de la COB délibèrent. Il prévoit, pour ce faire, que tout membre du collège informe le Président des intérêts qu'il détient dans une activité économique ou financière. Il précise également que les membres du collège ne peuvent délibérer dans une affaire dans laquelle ils ont un intérêt.
Force est de constater que la proposition de loi, adoptée par votre commission des finances, allait beaucoup plus loin en prévoyant un régime strict d'incompatibilités, calqué sur celui du Conseil de la politique monétaire.
Néanmoins, l'évolution proposée va dans le bon sens, sous réserve toutefois, de préciser que le Président est, lui aussi, tenu de déclarer au collège les intérêts qu'il détient.
Le paragraphe IV prévoit que le rapport annuel de la COB sera communiqué non seulement au Président de la République, mais aussi au Parlement. Il prévoit surtout qu'à l'instar de ce qui existe déjà pour la Banque de France, le Président de la COB est entendu, sur leur demande, par les Commissions des finances des deux assemblées.
On rappellera que la proposition de loi prévoyait une disposition identique dans ses effets.
Le paragraphe V précise que les instructions et les recommandations de la COB (ou rescrits) seront publiées dans un délai de quinze jours après leur transmission au ministre chargé de l'économie.
Il s'agit vraisemblablement de préciser que ces décisions ont le caractère de décision individuelle.
Le paragraphe VI du projet prévoit que la COB puisse conclure des ententes organisant ses relations avec les autorités étrangères exerçant des compétences analogues aux siennes.
Le terme "entente" doit être interprété dans son acception diplomatique. Dans la mesure où la COB représente l'ÉTAT français, cette précision permet de s'assurer du caractère nécessairement limité de ces accords.
Néanmoins, il convient de souligner que peu d'autorités étrangères disposent de compétences équivalentes à celles de la COB. En effet, dans la majorité des autres pays disposant d'une tradition financière solidement établie, la mission de protection des investisseurs et celle de contrôle des intermédiaires est fusionnée au sein d'une même autorité (SEC américaine, SIB britannique, Commission bancaire et financière belge). Si bien que l'on peut imaginer, a priori, que ces ententes se réduiront à des échanges d'informations ou à des accords relatifs à l'information des investisseurs et au contrôle des émetteurs.
Enfin, le paragraphe VII prévoit que la COB établit une instruction énonçant les droits et obligations des personnes faisant l'objet d'une procédure de sanction.
Il s'agit d'assurer de façon plus claire, le respect des droits de la défense dans les procédures disciplinaires engagées par la COB.
II. LA POSITION DE LA COMMISSION
Votre commission vous demande d'adopter le présent article qui constitue, indéniablement, un progrès significatif par rapport au statu quo ante.
Elle vous demande néanmoins de procéder à une modification du processus de nomination des personnalités nommées par les présidents des assemblées et du président du Conseil économique et social afin de permettre à ceux-ci de nommer directement les candidats de leurs choix.
Elle souhaiterait également qu'il soit procédé à certaines coordinations juridiques entre la terminologie utilisée dans le présent projet de loi et l'ordonnance de 1967.
Enfin, au bénéfice des observations formulées dans l'expose général du présent rapport, votre commission tient à rappeler À l'attention de la Haute assemblée les risques inhérents à un schéma d'organisation qui place sur un pied d'égalité l'autorité professionnelle et l'autorité publique et la difficulté conceptuelle à dissocier la protection des investisseurs du contrôle des intermédiaires.
Le projet de loi s'efforce de prendre en compte ces risques en assurant une communication entre l'autorité publique et l'autorité Professionnelle (présence du Président du CMF au sein du collège de a COB). Votre commission vous propose, par ailleurs, de renforcer la concertation de ces autorités en ménageant une présence permanente, mais sans voix délibérative, d'un représentant de la COB au sein du CMF.
En dépit de ces précautions, il ne peut être garanti que l'autorité Publique et l'autorité professionnelle marcheront toujours de concert et que le Parlement ne soit conduit, un jour prochain, à réexaminer cette question.
Décision de la commission : votre commission vous demande de modifier les paragraphes I et II de cet article afin, d'une part, de procéder a certaines coordinations juridiques et, d'autre part, d'accorder aux présidents des assemblées un pouvoir de nomination directe des candidats de leur choix.