Articles additionnels après l'article 10 - Conditions de retrait de l'agrément
Commentaire : les présents articles additionnels ont pour objet de prévoir les conditions de retrait de l'agrément délivré aux prestataires de services d'investissement.
L'article 10 bis que votre commission vous demande d'adopter a pour objet de prévoir le cas du retrait d'agrément lorsque celui-ci a été délivré par le Comité des établissements financiers.
L'article 10 ter que votre commission vous demande d'adopter a pour objet de prévoir le cas du retrait d'agrément lorsque celui-ci a été délivré par la Commission des opérations de bourse (Sociétés de gestion de portefeuille).
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter les articles additionnels ci-dessus mentionnés.
Article additionnel après l'article 10 - L'appellation de "maison de titres" et la dissociation de ce statut de la loi bancaire
Commentaire : le présent article prévoit de donner la possibilité aux entreprises d'investissement qui ont reçu l'agrément pour exercer ensemble des services principaux d'investissement de prendre appellation de "maisons de titre". Il prévoit également l'abrogation des dispositions relatives aux maisons de titre dans la loi bancaire.
Assurément, la question des maisons de titres est au coeur du débat ouvert par ce projet de loi entre les tenants de l'autonomie des métiers du titre et ceux de l'unicité titre-crédit.
En effet, les maisons de titres, qui jouent un rôle très important sur la place financière de Paris, constituent une catégorie juridique distincte des banques, mais incluse dans la catégorie plus large des établissements de crédit. Cependant, elles n'effectuent aucune opération de banque et ont pour "principale activité" d'exercer des services d'investissement. Elles représentent en quelque sorte, le prototype de ce que pourrait être une entreprise d'investissement "bancarisée".
La question est donc de savoir ce qui justifierait le maintien d'une catégorie juridique spécifique, distincte de la catégorie des banques, alors que le projet de loi soumis à votre examen autorise celles-ci à exercer directement l'ensemble des métiers du titre.
Dans cette perspective, il peut sembler nécessaire de rappeler l'origine de leur inclusion dans la catégorie des établissements de crédit, avant d'apprécier l'éventualité de leur maintien dans un environnement post-DSI.
1. L'origine de l'inclusion des maisons de titres dans la catégorie des établissements de crédit
Sous l'égide de la législation bancaire de 1941, les maisons de titres étaient enregistrées auprès du Conseil National du Crédit sous le statut établissement financier et leur activité consistait essentiellement à effectuer des opérations de placement de valeurs mobilières ou de gestion de portefeuille.
L'analyse des travaux parlementaires ayant abouti à la loi bancaire de 1984 montre, sans ambiguïté, que ces établissements n'exerçaient aucune opération de banque puisque leur rattachement pur et simple au statut des gérants de portefeuille, alors régis par la loi du 21 décembre 1972, avait même été envisagé par le projet initial du gouvernement.
Une raison essentielle a conduit à l'abandon de cette disposition : » était nécessaire, pour qu'elles puissent exercer leur activité de placement, de leur permettre d'accéder au marché interbancaire.
Par conséquent, les maisons de titres devaient être dotées d'un statut spécifique, distinct de celui des établissements de crédit, mais "permettant de réglementer leurs activités, de contrôler l'accès à cette profession et d'assurer le respect de la réglementation qui leur est applicable" ( ( * )13)
Ainsi, le ministre de l'économie de l'époque, M. Jacques Delors, avait-il admis "qu'en raison de la complexité de leur position et de leurs caractéristiques les maisons de titres posent un problème particulier". Il avait de ce fait accepté, devant le Sénat, de supprimer l'assimilation aux gérants de portefeuille et un régime spécifique pour les maisons de titres avait, ainsi, été instauré. ( ( * )14)
Ce régime dit "transitoire", qui s'est concrétisé par l'adoption du texte définitif de l'ancien article 99 de la loi bancaire, a été maintenu jusqu'en 1992. A cette date les maisons de titres ont retrouvé leur appellation d'origine et ont été définies parmi les sociétés financières à l'article 18 de la loi bancaire qui énumère les établissements de crédit.
Cette inclusion visait, d'une part, à consacrer une situation de fait préexistante dans la mesure où, sans avoir la qualité d'établissements de crédit, les maisons de titres étaient placées sous la tutelle des autorités bancaires, et d'autre part, à leur permettre de bénéficier du principe du passeport européen résultant de la deuxième directive bancaire.
Quel jugement porter aujourd'hui sur le maintien de ce statut ?
2. Appréciation des raisons du maintien des maisons de titres du fait du nouveau statut d'entreprise d'investissement
Deux types de prestations permettaient traditionnellement de justifier la distinction entre les maisons de titres et les sociétés de bourse : les Premières ne pouvaient pas faire de la négociation de valeurs mobilières (à l'exception, dans certaines conditions, de la négociation d'obligations), alors que le placement garanti ou avec prise ferme de valeurs mobilières était interdit aux sociétés de bourse.
La loi n° 96-109 du 14 février 1996 relative aux relations financières avec l'étranger en ce qui concerne les investissements étrangers en France a déjà mis fin au monopole des sociétés de bourse et permet désormais aux établissements de crédit, y compris les maisons de titres, d'effectuer la négociation de valeurs mobilières.
En sens inverse, l'adoption du présent projet de loi aurait pour conséquence de permettre aux sociétés de bourse, devenues entreprises d'investissement, d'effectuer le placement et la prise ferme à l'émission.
Par ailleurs, l'adoption du présent projet de loi aurait également pour effet de placer les maisons de titres et les entreprises d'investissement sous la tutelle des mêmes autorités. Ce point n'est pas contesté par votre commission.
Dans ces conditions, les raisons qui pourraient justifier le maintien de la catégorie des maisons de titre ne sont pas d'ordre fonctionnel, - elles font 'es mêmes métiers - mais s'expliquent par des différences statutaires. Ces différences sont, pour l'essentiel, au nombre de trois.
La première tient au fait qu'en tant qu'établissements de crédit, les m aisons de titre sont soumises à l'article 52 de la loi bancaire qui prévoit l'appel en comblement de passif, par le gouverneur de la Banque de France, des actionnaires d'un établissement défaillant et permet, le cas échéant, le recours à la solidarité de place. De fait, depuis 1992, les créateurs de maisons de titre sont soumis à l'obligation de fournir une lettre d'engagement de la part de leurs actionnaires détenant au moins 5 % du capital, d'assurer le soutien de l'établissement si nécessaire. C'est la théorie dite de l'actionnaire de référence.
Il est donc tout à fait concevable que les maisons de titre puissent se Prévaloir, vis à vis de leurs clients, de garanties plus fortes que celles des entreprises d'investissement, non soumises à l'article 52 de la loi bancaire (on rappelle que la proposition de loi de votre commission prévoyait un article homothétique de l'article 52 pour les entreprises d'investissement). Mais il est vrai que cette disposition a aussi son prix, et qu'il n'est peut-être pas forcément très intéressant d'être actionnaire d'une maison de titre dans ces conditions.
La seconde différence, statutaire elle aussi, réside dans le fait que les entreprises d'investissement n'auraient pas, si le projet de loi du gouvernement était adopté en l'état, accès au marché interbancaire. (On rappelle que la proposition de loi prévoyait de donner aux entreprises d'investissement, accès au marché interbancaire) Dans ces conditions, il est évident que les droits accordés à celles-ci d'effectuer du placement ou de la prise ferme risquent de se révéler purement virtuels.
Enfin, il convient de signaler qu'en tant qu'établissement de crédit, les maisons de titre bénéficient d'une pondération du risque considérablement allégée. Ce bénéfice se traduit, notamment, par une pondération moindre du risque porté par l'établissement de crédit prêteur au titre du ratio de solvabilité (20 % au lieu de 100 % pour une entreprise quelconque).
On comprend que, dans ces conditions, les actuelles maisons de titres n'aient aucune envie d'intégrer un statut dégradé de l'entreprise d'investissement mais au contraire tout intérêt à conserver leurs avantages statutaires à leur seul profit.
Le problème est que, dans ces conditions, quasiment aucun professionnel du titre, et en particulier les sociétés de bourse, n'aurait intérêt a intégrer le statut d'entreprise d'investissement, tant les distorsions de concurrence avec les maisons de titre seraient fortes et tant il lui serait difficile d'exercer l'ensemble des métiers du titre sans avoir accès au marché interbancaire.
En d'autres termes, le Parlement serait en train d'examiner un projet de loi, dont la plus grande partie de ses dispositions se révéleraient, en fin de compte, dépourvues de sujets d'application.
La seule solution à ce problème est d'aligner le statut des entreprises d'investissement sur celui des maisons de titre.
S'agissant de l'accès au marché interbancaire, votre commission, fidèle en cela à sa position antérieure, vous demandera d'ouvrir son accès aux entreprises d'investissement en insérant un article additionnel après l'article 33, dans des conditions qu'il appartiendra au comité de la réglementation financière de définir.
S'agissant de la pondération des risques, le problème qui se pose n'est pas spécifiquement français, mais concerne l'ensemble des Etats membres : quelle pondération affecter aux entreprises d'investissement. Il est clair en effet qu'une réglementation dans laquelle seuls les risques pris sur les établissements de crédit pourraient être pondérés à 20 % ne serait conforme ni à l'esprit, ni à la lettre de la directive. Elle imposerait des discriminations de concurrence, dont il est douteux que nos amis et concurrents britanniques se satisfassent. Précisément, d'après les informations fournies à votre rapporteur, la banque d'Angleterre pondère d'ores et déjà les futures entreprises d'investissement au même niveau que les banques (20 %). Dans ces conditions, on imagine mal notre Banque centrale pénalisant nos propres intermédiaires financiers.
S'agissant enfin, de la protection de l'article 52 de la loi bancaire, dont on rappelle qu'il fait actuellement l'objet de travaux de réflexion tant de la part du gouvernement que des commissions des finances de chaque assemblée, la question peut être résumée ainsi : est-il nécessaire à une banque de disposer du statut de maison de titres pour exercer, en tant que banque, les services d'investissement ? La réponse est non.
Dans ces conditions, votre commission vous demande de supprimer le statut juridique des maisons de titre et d'en réserver l'appellation aux Prestataires de services d'investissement (entreprises d'investissement ou banques) qui seront agréées pour exercer l'ensemble des métiers du titre.
Votre commission vous demandera néanmoins de modifier l'article 61 afin de prévoir un régime transitoire nécessaire pour ne pas gêner l'évolution de la place.
Ce régime est le suivant : les actuelles maisons de titre recevront, de Par la loi, l'agrément pour exercer l'ensemble des métiers du titre (y compris la négociation, pour laquelle elles devraient normalement solliciter un agrément).
Toutefois, elles conservent la possibilité d'opter, jusqu'à une date qu'il vous conviendra de définir, et que votre commission vous propose de fixer au 30 juin 1997, pour le statut d'établissement de crédit. Dans ce cas, elles devront satisfaire à l'ensemble des conditions requises pour recevoir l'agrément de banque.
Décision de la commission : votre commission vous demande d'adopter le Présent article additionnel.
* (13) JO débats Assemblée Nationale p. 6225 8 décembre 1983.
* (14) JO débats Sénat p 2659 4 novembre 1983.