II. LE RÉGIME QUI SERAIT, À L'AVENIR, CELUI DES INVESTISSEMENTS ÉTRANGERS
Le dispositif projeté par le Gouvernement s'inscrit dans le cadre des engagements internationaux de notre pays. Il convient toutefois d'observer qu'il procède à une libéralisation qui va au-delà de ceux-ci.
A. LES ENGAGEMENTS INTERNATIONAUX DE LA FRANCE
Les engagements européens de la France ou ceux qui résultent de sa participation au sein de l'OCDE imposent un cadre contraignant aux réglementations nationales des investissements dès lors qu'elles sont fondées sur l'origine étrangère de ceux-ci.
1. Les engagements européens
Les engagements européen de la France résultent des stipulations du Traité de Rome complété par les traités ultérieurs et, notamment, par l'Acte unique européen, et de celles du Traité portant l'Union Économique et Monétaire.
L'article 73 B de ce dernier précise que "toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres et entre les États membres et les pays tiers sont interdites". Ce principe, entré en vigueur depuis le 1er janvier 1994, est toutefois tempéré par plusieurs normes.
Tout d'abord, l'article 73C. 1 réserve la possibilité d'appliquer "aux pays tiers les restrictions existant le 31 décembre 1993 en vertu du droit national ou du doit communautaire en ce qui concerne les mouvements de capitaux à destination ou en provenance de pays tiers lorsqu'ils impliquent des investissements directs..."
Cet article s'il empêche d'ajouter des restrictions qui n'auraient pas existées à la date du 31 décembre 1993 autorise les pays signataires du traité à maintenir à l'égard des pays tiers les règles existant à cette date.
On peut donc estimer que le projet de décret associé au projet de loi examiné va au-delà de nos engagements européens quand il supprime la déclaration préalable pour les investissements en provenance des pays tiers et l'autorisation préalable prévue pour les investissements qui dépassent une certaine importance, en provenance des pays tiers.
Rien pour autant n'indique que cette initiative soit inopportune au regard de l'intérêt qui s'attache à la promotion des investissements étrangers dans notre pays.
On peut d'ailleurs observer que les textes européens n'interdiraient pas un retour à la réglementation existant en 1993 en cas de besoin.
Au demeurant, le même article 73 du traité d'Union économique et monétaire ménage des possibilités d'évolution des règles communautaires applicables aux investissements en provenance des pays tiers.
En outre, l'article 73 D réserve le droit qu'ont les États membres :
"de prendre toutes les mesures indispensables pour faire échec aux infractions à leurs lois et règlements, ..., de prévoir des procédures de déclaration des mouvements de capitaux à des fins d'information administrative ou statistique, ou de prendre des mesures justifiées par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique".
Enfin, le 2 de l'article 73 D prévoit "la possibilité d'appliquer des restrictions en matière de droit d'établissement qui sont compatibles avec le présent traité".
Cet ensemble de règle peut d'abord être considéré comme comportant une obligation que remplissent les projets actuels du gouvernement : celle de supprimer le régime de la déclaration préalable dans tous les cas où l'investissement provient d'un État membre de l'Union européenne et où n'existent pas de motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique 1 ( * ) .
Mais, dans le même temps, ces règles autorisent les restrictions aux mouvements de capitaux dès lors qu'elles sont justifiées par des motifs d'ordre public ou tenant à la sécurité publique et qu'elles n'impliquent aucune discrimination arbitraire à l'égard des investisseurs étrangers à l'État qui les adopte.
Compte tenu de la nécessaire marge d'appréciation que suppose la référence aux notions d'ordre public et de sécurité publique, il paraît raisonnable de ne pas interpréter trop restrictivement cette dernière clause dès lors que la réserve de non discrimination est respectée.
En dernière analyse, le projet de loi examiné ainsi que le projet de décret transmis à votre rapporteur apparaissent entièrement conformes aux engagements européens de la France.
Il y a même lieu de souligner qu'à divers égards, les textes projetés vont au-delà de nos obligations européennes sans que cette observation soit de nature à remettre en cause le bien-fondé des initiatives du gouvernement.
2. Les engagements pris au sein de l'OCDE
Le Code de la libération des mouvements de capitaux adopté par le Conseil de l'OCDE pose le principe d'un engagement général des membres de l'OCDE de supprimer progressivement les restrictions aux mouvements de capitaux "dans la mesure nécessaire à une coopération économique efficace".
Utilisant la possibilité laissée aux États membres de formuler des réserves relatives à cette obligation, la France a fait accepter par le Conseil de l'Organisation son régime d'autorisation préalable pour les investissements de provenance non communautaire dépassant un certain volume.
Il convient à ce propos d'indiquer qu'il n'est désormais pas possible de formuler de nouvelles réserves en particulier pour ce qui concerne les investissements directs.
Cependant, l'article 3 de la décision du Conseil de l'OCDE concède aux États membres la capacité de prendre les mesures qu'ils estiment nécessaires "au maintien de l'ordre public ou à la protection de la santé, de la moralité et de la sécurité publique ; à la protection des intérêts essentiels de [leur] sécurité ; à l'exécution de [leurs] obligations concernant la paix et la sécurité nationale".
On le voit, les possibilités d'entorse au principe de liberté totale des investissements directs en provenance de l'étranger ménagées par les décisions du Conseil de l'OCDE ne sont pas mineures. Cela tient, à l'évidence, à une certaine hétérogénéité des "cultures" des membres de l'Organisation qui provient elle-même de leur grande variété.
Ce n'est pas à dire que les principes de libération des mouvements de capitaux posés par le code OCDE soient dénués de portée.
Mais, on ne peut guère y trouver le fondement des textes ici examinés.
* 1 Encore faut-il observer que le régime de la déclaration préalable pourrait être en lui-même considéré comme justifié par des motifs liés à l'ordre public ou à la sécurité publique