A. PRÉSENTATION RAPIDE DU NOUVEAU MARCHE
Dans son rapport relatif aux sociétés de développement régional 3 ( * ) , votre commission a émis le souhait de voir naître un marché européen du financement en fonds propres des PME en croissance. Tel est le but du nouveau marché, dont votre rapporteur souhaite rappeler l'utilité, avant de faire un bref panorama de ses structures et de son fonctionnement.
1. L'utilité du nouveau marché
Votre commission avait qualifié l'absence de marché financier des PME de "chaînon manquant" des systèmes financiers français et européen. Certes, il existe en France un Second marché qui avait eu la vocation d'occuper ce chaînon, mais il n'a pas eu le rôle espéré d'accompagnateur du développement des PME. Le Second marché est davantage conçu comme la porte d'entrée de la bourse pour des sociétés qui souhaitent être cotées, et qui ont vocation à terme, si leur taille le permet, d'accéder à la cote officielle (marché au comptant et règlement mensuel).
Le Nouveau marché n'est pas conçu comme une antichambre de la cote officielle, mais plutôt comme un levier de fonds propres pour les PME en croissance rapide, et qui manquent de ce type de financement.
Le rapport de M. Robert Chabbal, remis au ministre des entreprises en 1994, avait mis en évidence les difficultés que rencontrent les entreprises à se financer lorsqu'elles passent le cap des 100 millions de francs de chiffre d'affaires. Elles ont alors besoin d'importants fonds propres : l'épargne de proximité ne suffit plus, et les sociétés de capital-risque (SCR) ou fonds communs de placement à risque (FCPR) ne peuvent y prendre de participations trop importantes, pour des raisons prudentielles. Elles peuvent alors recourir au crédit, mais celui-ci déséquilibre leur structure financière et ce surendettement compromet leur pérennité. Dès lors, leur croissance risque fort d'être interrompue.
Pour les entreprises les plus performantes, la solution est alors de demander une introduction sur le marché hors cote ("over the counter") de New-York, tenu par l'association nationale des négociateurs de valeurs mobilières, le NASDAQ 1 ( * ) . A l'occasion de cette introduction, elles peuvent lever plusieurs millions de francs de capitaux.
Le nouveau marché aura vocation à jouer ce rôle, et à cet égard pourra être utile à deux titres : d'une part, il permettra le financement des PME en fonds propres par appel public à l'épargne ; d'autre part, il favorisera le capital-risque par la perspective pour les investisseurs qui prennent des risques au sein de SCR ou de FCPR de pouvoir revendre leurs titres à terme.
Le rapport Chabbal préconisait trois solutions possibles : la création d'un marché national, d'un marché européen, ou l'implantation d'une antenne du NASDAQ. Votre commission avait émis une préférence pour un marché européen pour des raisons de taille et du fait de la perspective d'unification des marchés financiers en Europe.
Le nouveau marché est un marché national, mais bénéficiant d'une certaine avance en Europe, il pourrait devenir le noyau d'un futur marché européen des PME innovantes.
2. Structures et fonctionnement
Votre commission a déjà eu l'occasion de se pencher sur les structures et le fonctionnement du Nouveau marché à propos des avantages fiscaux dont il fait l'objet, et qui ont été votés dans la seconde loi de finances rectificative pour 1995 1 ( * ) .
Le nouveau marché sera géré par une entreprise de marché, la société du nouveau marché (SNM), filiale à quasiment 100 % de la société des bourses françaises (SBF).
Les membres du marché seront des intermédiaires financiers installés en Europe, prestataires de services d'investissement. Actuellement, le nouveau marché compte 36 membres, dont 12 établissements de crédit.
Les membres peuvent pourront adopter trois statuts possibles.
• Le premier statut, qui fait l'originalité
du nouveau marché, est celui d'introducteur - teneur de marché
(ITM). Le rôle de l'ITM est triple :
- assister la société souhaitant être cotée lors de son introduction afin d'assurer la réussite formelle et financière de celle-ci ;
- assurer pendant trois ans la tenue du marché des titres, ce qui implique des obligations d'animation de ce marché en produisant des prix d'offre et de demande ;
- publier pendant trois ans l'analyse financière de la société.
Cette prestation de service particulière est destinée à pallier l'un des principaux défauts du Second marché, à savoir l'abandon à elles-mêmes des sociétés qui y sont cotées et qui bien souvent, faute d'une capitalisation suffisante, souffrent d'une liquidité très faible et partant, d'une incapacité à lever des fonds propres. La cotation portera donc non seulement sur des prix de transaction, mais aussi sur des prix d'offre et de demande.
ï Le deuxième statut, plus ordinaire, est celui de négociateur-courtier, qui exécute des ordres pour compte propre ou pour compte de tiers.
ï Enfin, le dernier statut est celui de compensateur, qui consiste à assurer le dénouement des opérations.
Les sociétés souhaitant être introduites devront faire acte de candidature auprès du Comité des admissions. L'objectif est d'atteindre une trentaine d'émetteurs cotés d'ici fin 1996, avec un rythme d'introductions hebdomadaire.
Les conditions d'admission sont relativement légères et au nombre de quatre : un total de bilan d'au moins 20 millions de francs dont au moins 8 millions de francs de fonds propres, un nombre de titres d'au moins 100.000 unités représentant une capitalisation initiale d'au moins 10 millions de francs. L'introduction des entreprises âgées de moins de deux ans se fera nécessairement par augmentation de capital. Cette dernière originalité correspond bien au rôle de ce marché.
Les admissions se feront par préplacement, offre à prix minimal, ou offre à prix fixe.
Les transactions s'opéreront par des moyens électroniques, de sorte que le marché pourra figurer sur des écrans décentralisés. Un carnet d'ordre central, ouvert de 8 h 00 à 20 h 00 concentrera les ordres auxquels seuls les membres auront accès. Par ailleurs, deux confrontations quotidiennes des ordres par "fixing" auront lieu, à 11 h 00 et à 17 h 00. Les ITM assureront la garantie de bonne fin des ordres dont ils auront la charge pour les marchés tenus par eux. Pour les opérations effectuées au fixing, c'est la SNM qui assurera la bonne fin, la chambre de compensation étant dans ce cas celle de la SBF-bourse de Paris.
* 3 "Les paradoxes du développement régional" - n° 44 - 1994-1995 - Jean Arthuis, Paul Loridant, Philippe Marini - p. 88
* 1 National Association of securites dealers by automated quotation
* 1 Rapport n° 132 (1995-1996) - Alain Lambert -rattaché au procès-verbal de la séance du 13 décembre 1995-pages 109 à 146