C. L'AIDE MULTILATÉRALE : UN ASPECT PEU VISIBLE DE L'AIDE FRANÇAISE
Même si la France privilégie plus que d'autres l'aide bilatérale, sa contribution au titre de l'aide multilatérale est très importante
(11,2 milliards de francs en 1995 et 12 milliards de francs prévus en 1996) et surtout, elle tend à s'accroître d'année en année, sous l'effet notamment de la contribution au budget communautaire et au FED. On a vu par ailleurs que le "bouclage" du Ville FED n'a été obtenu, après de laborieuses négociations, qu'au prix d'une augmentation très significative de la contribution française qui dépassera pour la première fois celle de l'Allemagne, faisant de la France le premier contributeur au FED.
Ce mouvement de renforcement de l'aide multilatérale pose un double problème :
• le contrôle et l'évaluation des
actions multilatérales et leur cohérence avec les politiques
nationales ;
• la minoration, de fait, de l'impact visible de
l'effort de la France qui, aux yeux des bénéficiaires,
disparaît derrière une entité plus lointaine et plus
anonyme.
Sur le premier point, on ne peut que constater la multiplicité des structures de gestion de l'aide internationale et les risques de contradictions dans les politiques menées, qu'elle engendre. Il importerait de renforcer, au niveau régional, la concertation entre bailleurs de fonds nationaux, l'Union européenne, les institutions financières internationales et certaines institutions spécialisées des Nations Unies.
Sur le second point, votre rapporteur a souvent été frappé, lors de ses missions sur le terrain, par la publicité donnée aux opérations financées par l'aide multilatérale sans qu'aucun lien ne soit fait entre ces opérations et les pays qui, par leurs contributions, les financent, au rang desquels la France figure en bonne place. On pourrait dire qu'il en est de l'aide multilatérale comme de l'aide sociale départementale : pour le bénéficiaire, l'aide est une réalité mais elle n'a pas de visage. Il ne s'agit pas seulement ici de souligner la part prise par la France dans l'aide multilatérale mais également de regretter que celle-ci possède trop souvent un caractère lointain et manque de prise directe sur le terrain.
En ce qui concerne les contributions françaises aux institutions internationales d'aide au développement, elles se monteront en 1996 à 5,76 milliards de francs, soit un niveau équivalent à celui de 1995, et se répartissent comme suit :
- contributions aux banques et fonds de développement : 3,909 milliards de francs, dont 2,408 milliards de francs à l'Association internationale de développement, maître d'oeuvre de l'aide au développement pour la Banque mondiale ;
- institutions des Nations Unies : 851 millions de francs ;
- contribution à la facilité d'ajustement structurel renforcée du FMI : 1 milliard de francs. Il s'agit d'une contribution volontaire, sous forme de bonification ou de prêt au FMI afin que celui-ci puisse fournir des ressources à des conditions très concessionnelles aux pays à faibles revenus. Au cours de l'exercice 1995, la France a été. après le Japon, le principal contributeur au titre de la FASR du FMI.
Quant à l'aide communautaire, elle se montera en 1996 à 6,288 milliards de francs contre 5,5 milliards de francs en 1995. Axée en priorité sur les pays ACP dans le cadre de la convention de Lomé, elle transite par deux canaux distincts : le Fonds européen de développement (FED) et le budget communautaire.
La contribution française au FED s'établit pour 1996 à 2,408 milliards de francs. Le FED accorde dans les pays ACP des subventions non remboursables pour des projets de développement, en particulier dans le domaine des infrastructures et de l'agriculture. Il accorde également des concours d'ajustement structurel et met en oeuvre les mécanismes de soutien aux cours des produits de base (Stabex, Sysmin). L'impact du FED dans les pays d'Afrique subsaharienne est très important car s'il reste inférieur à l'aide bilatérale française, il représente, dans cette région du monde, deux fois l'aide américaine et trois fois l'aide britannique.
Par ailleurs, la France contribue, selon une clef de répartition inférieure à celle du FED, pour les actions de développement financées par le budget communautaire et qui touchent notamment à l'aide alimentaire, l'aide d'urgence, l'aide aux projets des ONG et les contributions aux pays non couverts par la convention de Lomé.
Souvent mise en cause, notamment par la Cour des Comptes européenne, pour sa lenteur d'exécution, le caractère complexe des procédures, le suivi de sa gestion financière, l'aide européenne est également contestée par certains pays qui reprochent l'attention privilégiée apportée aux pays ACP et qui plaident en faveur d'une réorientation vers d'autres régions du monde.
Il est clair cependant que si de la spécificité des pays ACP au sein de l'aide communautaire venait à disparaître, la complémentarité de celle-ci avec notre propre politique de coopération s'en trouverait fortement diminuée. La banalisation des pays ACP et la mondialisation de l'aide communautaire ne pourrait conduire qu'à la dispersion et à la dilution des actions au détriment des projets de développement axés sur le long terme.