II. LA QUALITÉ DE L'AIR : TENTATIVE DE CLARIFICATION D'UN DÉBAT SENSIBLE
• Les nombreuses alertes de pollution
atmosphérique qui ont été déclenchées tant
à Paris que dans certaines grandes villes de province pendant les
étés 1994 et 1995, et à nouveau cet automne sont à
l'origine d'une forte sensibilisation du public sur ce sujet.
Une telle préoccupation apparaît justifiée dans le mesure où, s'il existe un large débat sur les effets de cette pollution sur la santé, il est d'ores et déjà admis que celle-ci aggrave, voire provoque des maladies et allergies.
Potentiellement à l'origine d'un problème de santé publique, la pollution atmosphérique urbaine génère en conséquence une dépense médicale et hospitalière accrue.
Aussi, après une brève description de ce phénomène de pollution, présentera-t-on quelques remarques sur la politique conduite dans ce domaine dans l'attente d'un futur projet de loi sur l'air.
1. La description du phénomène
La pollution atmosphérique urbaine globale a nettement diminué en vingt ans grâce - notamment - à la loi du 2 août 1961 et à la loi du 19 juillet 1976. Cette réduction du niveau de pollution globale est cependant essentiellement due à la réduction de la pollution atmosphérique d'origine industrielle, car dans le même temps, les émissions de polluants dues aux transports ont augmenté de 25 % ; ce qui les rend responsables avec le chauffage de près de 75 % de la pollution atmosphérique urbaine actuelle.
Les efforts des constructeurs pour réduire l'émission unitaire de polluants par véhicule sont en effet plus que compensés par la forte croissance de l'usage de la voiture individuelle. Cet essor du parc automobile (un doublement en vingt ans pour atteindre actuellement 24 millions de véhicules) est largement à l'origine du problème des oxydants (dioxyde d'azote - N02 - et ozone - 03 -) ainsi que de celui des particules fines (dites "fumées noires"). Aussi, les efforts du gouvernement pour encourager le renouvellement du parc automobile, ainsi que ceux des constructeurs pour réduire le caractère polluant des véhicules qu'ils produisent doivent-ils être salués et poursuivis. À ces polluants liés à la circulation automobile peuvent s'ajouter - ce qui s'est produit le 8 novembre 1995 à Paris - le dioxyde de soufre. Ce polluant, qui a largement régressé depuis vingt ans, est émis notamment par les installations de chauffage au charbon ou au fioul, sa "production" peut en conséquence augmenter fortement lors d'une vague de froid.
Les dépassements des seuils d'alerte, qui suscitent l'émoi médiatique, sont en général liés à une conjoncture météorologique défavorable à la dispersion des polluants émis sur une agglomération.
Si la mesure de la pollution atmosphérique à l'échelle locale est aussi sensible c'est en raison de la perception immédiate qui peut être faite de ses inconvénients. Mais cette échelle locale de la pollution atmosphérique est complétée par des échelles régionales et planétaires. C'est un des éléments qui ressort du rapport de M. Philippe Richert, sénateur du Bas-Rhin, demandé par M. Edouard Balladur et de M. Michel Barnier en octobre 1994 sur "La surveillance de la qualité de l'air" et dont ce tableau est extrait :
Les diverses formes de la pollution atmosphérique
Le caractère global de ces problèmes ne doit cependant pas dissuader la volonté d'agir. Il faut en effet étendre les dispositifs de surveillance ainsi que les dispositifs d'alerte et d'information du public tel que celui qui existe en Ile de France (Airparif). La surveillance de la qualité de l'air et le constat de son éventuelle dégradation ne peuvent cependant tenir lieu de politique. Une action à la source constitue la seule solution véritable, mais dans un tel domaine, il s'agit à l'évidence d'une démarche techniquement complexe et financièrement onéreuse.
2. Les grandes lignes d'un futur projet de loi
À cet égard, il est intéressant de présenter les principaux éléments d'information recueillis par votre rapporteur auprès du ministère de l'environnement sur les grandes lignes d'un éventuel projet de loi sur l'air.
Dans le cadre juridique découlant de la loi adoptée en 1961, le principal objectif était de lutter contre certaines pollutions atmosphériques ayant un impact local. Pour l'essentiel, il s'agissait, à l'époque, de réduire les rejets des sources fixes de pollutions atmosphériques. La loi du 19 juillet 1967 sur les installations classées a permis de définir un cadre beaucoup plus complet et intégré pour l'ensemble des pollutions des installations fixes les plus importantes.
Le projet de loi a comme premier objectif de couvrir un champ plus large de pollution et de se doter des moyens adaptés pour les réduire : en particulier, il devrait concerner d'autres types de pollutions ou risques atmosphériques (pluies acides, effet de serre,...) et donc viser tout rejet dans l'atmosphère qui présente un risque à court terme ou à plus long terme. Il devrait permettre également de mieux prendre en compte les relations entre les politiques d'utilisation rationnelle de l'énergie et les politiques de lutte contre les différents types de pollution atmosphérique. II devrait, enfin, contenir plus de moyens de lutte contre ce qui est devenu la principale source de pollution atmosphérique : celle occasionnée par les transports.
Par ailleurs, le dispositif de surveillance actuel, sa structure et son financement privilégient surtout les pollutions d'origine industrielle. Le projet de loi devrait redéfinir les objectifs et la structure du réseau de surveillance par une meilleure prise en compte des pollutions urbaines.
Enfin, une autre orientation du projet de loi devrait être une clarification des compétences entre les acteurs locaux et les acteurs nationaux afin, à la fois, d'améliorer la qualité de l'air localement et de respecter les engagements nationaux de la France.