EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La révision du Règlement du Sénat qui s'engage a pour principal objet de mettre en oeuvre la loi constitutionnelle du 4 août 1995.

Cette loi constitutionnelle a étendu le champ du référendum, a institué la session de neuf mois et modifié sensiblement le régime de l'inviolabilité parlementaire.

Parmi ces trois mesures, l'instauration de la session unique est bien le volet le plus important de la révision, d'autant que nul ne sait l'usage qui sera réellement fait du référendum.

Chacun se souvient des réserves exprimées par votre commission des Lois en juillet dernier, lors de la première lecture de ce texte.

Elle souhaitait notamment laisser au parlementaire la possibilité d'être présent en fin de semaine dans son département, car l'activité d'un sénateur ou d'un député ne saurait se résumer à sa présence en séance publique ou, plus largement, dans l'enceinte des Palais législatifs. L'institution d'une session unique de neuf mois ne devait donc pas empêcher un parlementaire d'exercer un mandat local, voire une activité professionnelle. Il ne serait pas en effet souhaitable que le Parlement ne comprenne plus que des retraités, des fonctionnaires en disponibilité ou des hommes d'appareil.

Votre commission des Lois considérait également que l'allongement de la session ne remédierait pas -bien au contraire- à la désorganisation du travail parlementaire, marquée notamment par l'absence de programmation, la surcharge de l'ordre du jour et la multiplication des séances de nuit.

Elle n'a donc accepté le passage à la session unique que sous la condition que la révision constitutionnelle donne à chaque assemblée son autonomie dans l'organisation du travail parlementaire. Il fallait notamment qu'elle permette de recentrer sur trois jours la semaine de travail parlementaire et de supprimer les séances de nuit, en dehors de la période budgétaire, tout au moins.

Le Sénat a ainsi obtenu que le nombre de séances durant la session unique soit limité à 120 jours, avec toutefois la possibilité de décider des jours supplémentaires de séance pour faire face, le cas échéant, à des situations exceptionnelles.

De même, chaque assemblée fixerait librement ses semaines de séance, de façon à ce que les parlementaires ne soient pas tenus de siéger sans désemparer du premier jour ouvrable d'octobre au dernier jour ouvrable de juin.

Sur la proposition du Sénat, il a enfin été admis que les jours et les horaires des séances de chaque assemblée seraient déterminés par son Règlement.

Ce système constitutionnalise en quelque sorte l'autonomie que le Sénat tenait de l'article 32 alinéa 4 de son Règlement, selon lequel la tenue de séances en dehors des jours réglementaires -jusqu'à présent, les mardi, jeudi et vendredi- relevait uniquement de sa décision propre.

Le Sénat a également entendu élargir l'autonomie des assemblées sur le choix des sujets dont elles souhaitaient débattre.

A cette fin, indépendamment des séances de questions dont le nombre hebdomadaire n'est plus limité, le Sénat a obtenu qu'une séance par mois soit désormais réservée par priorité à l'ordre du jour fixé par chaque assemblée. Comme l'établissent les travaux préparatoires, le troisième alinéa de l'article 48 de la Constitution institue une « super-priorité », l'ordre du jour librement fixé par le Sénat une fois par mois s'imposant à tout autre.

Cet ordre du jour pourra comporter des propositions de loi, mais aussi des propositions de résolution, des questions, des débats et toutes les autres affaires relevant de la compétence du Sénat.

Toutes ces nouvelles dispositions constitutionnelles ne concernent cependant que la séance publique.

Or, la séance publique et le travail en commission constituent deux facettes indissociables de l'activité des parlementaires, notamment en ce qui concerne le contrôle de l'action du Gouvernement.

Avec la suppression de l'intersession d'hiver, ce contrôle trouvera à s'exercer d'une façon plus continue tout au long des neuf mois de la session unique, ce qui constituait un des objectifs essentiels de la révision. Mais dans la perspective du recentrage sur trois jours de la semaine parlementaire, une des principales difficultés de la révision du Règlement va probablement résider dans la détermination du rapport entre le temps consacré à la séance publique et les travaux des commissions.

Jusqu'à présent, en effet, la semaine parlementaire s'étendait sur quatre jours, dont trois consacrés à la séance publique et une journée -le mercredi- réservée au travail des commissions. Le recentrage sur trois jours conduit donc à s'interroger sur la disparition de cette journée réservée aux commissions, dont les travaux se verraient restreints au seul mercredi matin.

Les commissions peuvent certes se réunir à d'autres moments, mais cela pose le problème de la simultanéité des réunions de commission et de la séance publique, avec toutes les difficultés qui en résultent puisque les parlementaires n'ont pas le don d'ubiquité.

Il est vrai que la présence en séance publique n'est pas obligatoire, contrairement à la participation aux travaux des commissions permanentes, où l'assiduité est généralement importante.

A titre d'exemple, la commission des Lois, qui a siégé 208 heures au cours de 91 réunions en 1994 peut se féliciter d'un taux de participation régulièrement supérieur à 50 %.

Les commissions et leurs différentes émanations ont tenu l'année dernière 647 réunions pour un total de 1 213 heures, soit beaucoup plus que la séance publique.

Or, le travail en commission revêt une importance fondamentale car plus le travail préparatoire des textes aura été approfondi en commission, mieux la séance publique pourra se consacrer à l'essentiel, ce qui répond au souhait d'un très grand nombre de nos collègues.

Ce rappel étant fait, le Sénat est aujourd'hui saisi de la proposition de résolution (n° 66) issue des travaux du groupe de travail créé à l'initiative du Président du Sénat, M. René Monory, par le Bureau du Sénat lors de sa réunion du 5 octobre 1995. Composé des six vice-présidents du Sénat, du Questeur délégué et des Présidents des six groupes politiques, ce groupe de travail était présidé par notre excellent collègue, M. Yves Guéna, vice-président du Sénat.

Par ailleurs, le président Jacques Larché a consulté tous les Présidents de commission permanente qui ont eu l'amabilité de lui répondre dans des délais très brefs, ce qui a permis à votre rapporteur d'étudier leurs observations avec la plus grande attention.

Le nombre et la qualité des signataires sont de nature à garantir que cette proposition de résolution reflète le sentiment de tous les groupes sur les règles rendues strictement nécessaires par la mise en oeuvre des dispositions constitutionnelles nouvelles. Si elle a pu recueillir l'accord des six groupes, c'est d'ailleurs parce que son objectif était de mettre le Règlement en harmonie avec ces dispositions constitutionnelles et qu'elle ne comporte, pour l'essentiel, qu'un ensemble de dispositions d'ordre technique.

Mais, par-delà les incidences directes de la révision, on ne saurait éluder ses conséquences indirectes mais non moins certaines sur le travail parlementaire, tant pour la séance publique que pour les commissions et les délégations.

Soucieuse qu'elle était de ne pas différer la mise en oeuvre des nouvelles règles constitutionnelles, et en dépit des délais très brefs qui lui étaient impartis, votre commission des Lois n'a pas été en mesure d'engager immédiatement cette réflexion.

En effet, la proposition de résolution, déposée le 9 novembre 1995, a été distribuée le 10 novembre, ce qui a conduit votre commission des Lois à l'examiner dès le 16 novembre pour permettre son passage en séance publique le 21 novembre.

Elle s'en est donc tenue aux dispositions proposées.

La précision de l'exposé des motifs de la proposition de résolution a simplifié la tâche de votre rapporteur, le dispensant de longs commentaires, tout au moins au niveau de l'exposé général.

Tout au plus, votre commission des Lois propose-t-elle au Sénat, outre quelques améliorations rédactionnelles, quelques aménagements techniques supplémentaires comme, par exemple, de porter de quatre à six le nombre des vice-présidents des commissions permanentes, de s'inspirer de dispositions votées par l'Assemblée nationale pour assurer l'application des nouvelles dispositions constitutionnelles, de combler une lacune relative à la notion de jours supplémentaires de séance, ou de rendre le texte de la résolution plus conforme au texte actuel de la Constitution.

Dans un souci de préserver les droits de la minorité, et à la suite d'une suggestion de M. Michel Dreyfus-Schmidt, la commission des Lois vous propose par ailleurs que l'ordre du jour de la séance mensuelle réservée en priorité à l'ordre du jour fixé par le Sénat soit établi par la Conférence des Présidents « en tenant compte de l'équilibre entre tous les groupes ». Cette disposition permet ainsi de consacrer dans le Règlement le principe selon lequel le Sénat sera appelé, suivant des modalités arrêtées par la Conférence des Présidents, à examiner des textes émanant de l'opposition.

Mais au-delà de la présente révision du Règlement, il y a lieu de se demander s'il ne serait pas souhaitable d'introduire dans notre Règlement d'autres mesures qui permettraient d'améliorer encore le débat en séance publique et le contrôle parlementaire. Aussi votre commission des Lois a-t-elle demandé à son Président, M. Jacques Larché, d'engager une réflexion dans ce sens.

D'ores-et-déjà, certaines pistes paraissent ouvertes.

En ce qui concerne la séance publique, on peut par exemple s'interroger sur les procédures dites « allégées » (vote sans débat et vote après débat restreint) car elles se révèlent d'un recours très malaisé, ce qui explique sans doute qu'elles n'aient pratiquement jamais été mises en oeuvre depuis leur création en 1990. De même serait-il concevable d'envisager la faculté de fixer un délai limite pour le dépôt des sous-amendements ou de réfléchir aux moyens de renforcer les capacités de contrôle des assemblées.

Pour le moment, sans préjuger du résultat de cette réflexion et sous réserve des amendements qu'elle vous présente, votre commission des Lois a conclu à l'adoption de la présente proposition de résolution.

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