III. LE PROGRAMME 162 « INTERVENTIONS TERRITORIALES DE L'ÉTAT » : UN DISPOSITIF SOUPLE POUR SEPT ACTIONS TERRITORIALISÉES DONT LES CRÉDITS SONT GLOBALEMENT PRÉSERVÉS
Le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE), créé en 2006, est composé de sept actions territorialisées répondant à des enjeux divers.
En effet, pour 2025, son périmètre évolue avec la suppression, comme cela était prévu, de l'action 11 consacrée à la « Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire ». Il s'agit d'un programme qui, par définition, en ce qu'il a vocation à financer sur quelques exercices des dispositifs territorialisés et ponctuels, est assez mouvant. Cette nouvelle modification intervient après des évolutions qui ont affecté la maquette du programme au cours des années précédentes, du fait de la création d'une action concernant les services d'incendie et de secours à Wallis-et-Futuna, de la clôture de celle portant sur le Marais poitevin, de l'élargissement de l'action 04 dorénavant intitulée « plans d'investissement pour la Corse » afin de porter le plan de transformation et d'investissement pour la Corse (PTIC) ou encore, de la création, début 2023 d'une nouvelle action consacrée à la mise en oeuvre du plan de lutte contre les sargasses dans les Antilles.
Ce caractère fluctuant rend les comparaisons du programme dans son ensemble d'un exercice sur l'autre peu révélatrices et le rapporteur spécial s'attache principalement à vérifier que les crédits permettent, au sein de chaque action, d'exécuter les engagements pris par l'État sur une année. Toutefois, cet exercice s'est avéré plus ardu pour 2025 que les années précédentes en raison de l'annonce par le Gouvernement de 5 milliards d'euros supplémentaires d'économies à réaliser qui affecte le programme 162 à hauteur de 3 millions d'euros, en AE comme en CP.
Le montant des crédits alloués au programme 162 en PLF pour 2025 diminue de 4,12 % en autorisation d'engagements mais augmente de 134,07 % en crédits de paiement. Cet écart important s'explique par la spécificité de ce programme dont les actions sont étanches et dont les crédits de paiement au sein d'une même action peuvent être très variables d'une année sur l'autre. En l'espèce, les crédits de paiement alloués en 2025 au plan d'investissement pour la Corse passent de 3,8 millions d'euros à 49,6 millions d'euros (soit une hausse de 1 210,40 %) liés à des reports d'opération de 2024 sur 2025. Cet élément explique en valeur absolue la quasi totalité de la hausse des CP d'un exercice sur l'autre mais n'est pas particulièrement révélatrice et le rapporteur spécial ne s'étend pas sur ce point dans le rapport. Le tableau ci-après présente les moyens en AE et en CP pour 2025 par action.
Autorisations d'engagement et crédits de paiement du programme 162 par action (comparaison LFI 2024 - PLF 2025)
(en euros)
Action |
Intitulé |
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution LFI 2024-PLF 2025 (en %) |
|||
AE |
CP |
AE |
CP |
AE |
CP |
||
02 |
Eau - Agriculture en Bretagne |
1 885 122 |
1 866 265 |
1 721 215 |
1 714 336 |
- 8,69 % |
- 8,14 % |
04 |
Plans d'investissement en Corse |
47 907 005 |
3 787 563 |
46 663 124 |
49 632 370 |
- 2,66 % |
+ 1210,40 % |
08 |
Plan Chlordécone |
4 263 723 |
4 277 500 |
4 088 704 |
4 084 102 |
- 4,10 % |
- 3,39 % |
09 |
Plan littoral 21 |
8 000 000 |
4 205 454 |
8 233 063 |
5 516 942 |
+ 2,91 % |
+ 31,19 % |
10 |
Fonds interministériel transformation de la Guyane |
11 608 184 |
11 539 668 |
10 395 001 |
10 400 248 |
- 10,45 % |
- 9,87 % |
11 |
Reconquête de la qualité des cours d'eau en Pays de la Loire |
57 002 |
658 732 |
Action supprimée |
- 100 % |
- 100 % |
|
12 |
SIS Wallis-et-Futuna |
2 067 544 |
2 049 874 |
2 054 163 |
2 049 674 |
- 0,65 % |
- 0,01 % |
13 |
Plan Sargasses II |
4 857 770 |
4 816 500 |
4 200 000 |
4 200 000 |
- 13,54 % |
- 12,80 % |
Total |
80 646 350 |
33 151 556 |
77 597 672 |
77 597 672 |
- 4,12 % |
+ 134,07 % |
Source : réponse au questionnaire budgétaire du rapporteur spécial.
La gestion de ces 7 actions repose sur un outil comptable spécifique, le programme des interventions territoriales de l'État (PITE), lequel regroupe des actions régionales de nature interministérielle et territorialisée, caractérisées par la nécessité d'une action rapide et concentrée de l'État. Il permet la mise à disposition des acteurs locaux d'une enveloppe budgétaire unique, elle-même financée par plusieurs programmes ministériels, qui ont vocation à concourir à la mise en oeuvre de l'action. Ce choix permet de bénéficier à la fois d'une souplesse dans la gestion de l'enveloppe budgétaire dédiée à chaque action et d'une réactivité accrue pour affecter, en cours d'année, les crédits aux priorités opérationnelles constatées en fonction de l'avancée des différentes mesures.
La contrepartie à cette souplesse est le caractère très volatile des crédits. Pour mesurer l'importance de ces mouvements de crédits qui ne s'amenuisent pas d'un exercice sur l'autre, le rapporteur a consulté59(*) les mouvements de crédits sur le programme 162 pour l'exercice 2024 en cours. Malgré 33,1 millions d'euros de CP ouverts en 2024, ce sont en tout 243,6 millions d'euros de CP qui apparaissent sur le programme 162 en 2024 : en raison d'ouvertures de fonds de concours (104,7 millions), de reports de fonds de concours de 2023 à 2024 (46,2 millions d'euros) ou tout simplement de reports de crédits de paiement de 2023 sur 2024.
A. LE PITE, UN OUTIL BUDGÉTAIRE EFFICACE
1. Un programme permettant de mettre en avant des politiques publiques interministérielles et territorialisées
Le PITE présente deux caractéristiques qui le distinguent des autres programmes budgétaires :
- il se compose d'actions répondant à des enjeux locaux spécifiques, dont la mise en oeuvre est limitée à un périmètre géographique donné et non à une politique publique nationale ;
- il est financé par des contributions issues de programmes de différents ministères, rendus fongibles au niveau de chaque action. Le PITE a ainsi vocation à mutualiser des moyens consacrés par chaque ministère à la réalisation de l'action.
Ce programme représente un faible enjeu budgétaire en termes de montants de crédits. Il est toutefois pertinent pour répondre à certaines problématiques locales complexes, sur lesquelles l'État souhaite mettre l'accent.
En outre, le PITE présente l'avantage de constituer un effet levier pour les partenaires de l'État sur les politiques publiques concernées, la mobilisation financière de l'État entraînant généralement celle d'un certain nombre de co-financeurs.
Enfin, le PITE présente des avantages notables pour les gestionnaires, en leur offrant une grande souplesse de gestion, tandis qu'il garantit aux acteurs locaux une meilleure visibilité de l'engagement de l'État sur leur territoire, en complément de crédits de droit commun des ministères concernés par la politique publique en question.
2. Une programmation initiale généralement peu révélatrice, du fait du financement des principales actions par des transferts en cours de gestion
Comme chaque année, il faut souligner que la principale difficulté concernant l'exécution du programme 162 est l'importance des mouvements de crédits pour certaines actions, qui limitent la portée de la prévision en loi de finances initiale et aboutit à des sur ou sous-consommations artificielles.
Les modalités de gestion liées à ces transferts en gestion sont difficilement compréhensibles. Elles n'apportent aucune garantie quant au montant qui sera in fine transféré en faveur du plan ou quant au calendrier de ce versement. Le rapporteur spécial en appelle depuis des années à un rebasage des crédits, ce qui permettrait de clarifier la gestion et de restaurer l'autorisation budgétaire donnée par le Parlement, qui ne se prononce actuellement en loi de finances initiale que sur une minorité des crédits.
L'année 2025 confirmera malheureusement de nouveau cette interprétation compte tenu de l'extrême volatilité d'une année sur l'autre des moyens ci-après commentés.
* 59 Le 13 novembre 2024, via Chorus, pour des chiffres arrêtés au 6 novembre 2024.