III. ETABLIR DE NOUVELLES PRIORITÉS DANS LES POLITIQUES D'ENGAGEMENT DE LA JEUNESSE
Le tableau ci-après retrace l'évolution des crédits proposée en 2025 pour le programme 163 « Jeunesse et vie associative ».
Évolution des crédits du programme
163
« Jeunesse et vie associative »
(en millions d'euros)
LFI 2024 |
PLF 2025 |
Évolution 2024-2025 |
|
AE = CP |
AE = CP |
AE = CP |
|
Action 01 « Développement de la vie associative » |
57,9 |
55,6 |
- 4,0 % |
Action 02 « Actions en faveur de la jeunesse et de l'éducation populaire » |
164,3 |
153,5 |
- 6,6 % |
Action 04 « Développement du service civique » |
518,8 |
600,0 |
+ 15,7 % |
Action 06 « Service national universel » |
160,0 |
128,3 |
- 19,8 % |
Total |
901,1 |
937,3 |
+ 4,0 % |
Source : commission des finances du Sénat, à partir des documents budgétaires
A. LES DISPOSITIFS D'AIDE AU DÉVELOPPEMENT DE LA VIE ASSOCIATIVE ET DE L'ÉDUCATION POPULAIRE DOIVENT DAVANTAGE RÉPONDRE AUX BESOINS DES ASSOCIATIONS
Les associations ont toujours joué un rôle essentiel dans le maintien de la cohésion sociale, notamment dans les territoires ruraux. Il faut rappeler l'engagement des 20 millions de bénévoles, dont plus de 5 millions agissant quotidiennement, et des 1,8 million de salariés qui forment le tissu associatif.
Dans le même temps, la crise sanitaire puis l'inflation ont accentué les faiblesses du monde associatif. En effet, en raison de leur public cible, de nombreuses associations ont des réticences à augmenter le tarif des services proposés au public, ce qui aggrave leurs difficultés financières.
Face à cette situation, il est nécessaire d'évaluer l'efficacité et l'adéquation des dispositifs de soutien aux bénévoles et à la vie associative qui sont financés par le programme 163.
1. Le Compte d'engagement citoyen n'a pas encore atteint son potentiel
Pour 2025, les crédits du compte d'engagement citoyen (CEC) connaissent une nouvelle baisse de crédits de 3,1 millions d'euros, pour atteindre 2,9 millions d'euros. Depuis 2022, où le budget était de 14,4 millions d'euros, les moyens consacrés au CEC sont quasiment en diminution constante.
Le compte d'engagement citoyen
Le compte d'engagement citoyen (CEC) est un dispositif qui permet d'acquérir des droits à formation, inscrits sur le compte personnel de formation. Le CEC est ouvert pour toute personne âgée de 16 ans ou plus12(*), et il reste ouvert tout au long de la vie.
Les activités concernées sont les activités de bénévolat, qui sont réalisées dans les conditions suivantes :
- l'association est déclarée depuis au moins 1 an ;
- l'objet de l'association relève d'une des catégories énoncées au b) du 1 de l'article 200 du code général des impôts ;
- la personne siège dans l'organe d'administration ou de direction de l'association ou participe à l'encadrement d'autres bénévoles.
Le CEC permet de bénéficier de 240 euros par an pour 200 heures de bénévolat, et il est plafonné à 720 euros.
Le CEC a été créé par l'article 39 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels.
Le dispositif n'est utilisable par les bénéficiaires que depuis le début de l'année 2021, mais les droits sont pris en compte depuis 2017.
Source : commission des finances
Cette diminution des moyens s'explique par la sous-exécution chronique du dispositif, qui n'a jamais atteint l'ampleur initialement prévue. Alors que le nombre d'ayants droit fin 2021 était estimé à plus de 550 000, seuls 10 838 ont bénéficié du CEC. En conséquence, seuls 2,3 millions d'euros ont été exécutés sur 14,4 millions d'euros prévus.
Au 30 avril 2024, le nombre de dossiers validés par les usagers est de 37 588 depuis le lancement du CEC, dont 1 233 dossiers financés uniquement avec des droits CEC et 36 355 dossiers financés avec des droits CEC en complément d'autres droits (CPF, reste à charge, abondement...). Les dossiers validés depuis le lancement du dispositif représentent un montant de 7,7 millions d'euros. Le budget retenu pour 2025, c'est-à-dire 2,9 millions d'euros, est ainsi beaucoup plus proche de l'exécution réelle du dispositif que les prévisions précédentes.
Le CEC est un outil intéressant dans son principe pour valoriser le bénévolat, en particulier pour les personnes qui exercent des responsabilités au sein des associations. Toutefois, le dispositif souffre d'un manque de communication.
En outre, il existe un écart important entre la déclaration des bénévoles et la validation des droits, alors que les individus peuvent avoir besoin rapidement d'accéder à leur CEC. La direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative (DJEPVA) a identifié ce problème, et a déclaré qu'elle travaillait à réduire les délais et à simplifier le fonctionnement du dispositif.
La loi n° 2024-344 du 15 avril 2024 visant à soutenir l'engagement bénévole et à simplifier la vie associative a ouvert plus largement ce dispositif aux bénévoles qui s'engagent auprès d'associations déclarées depuis au moins une année contre trois précédemment. En outre, dès 2025 les personnes en situation de détention réalisant des activités bénévoles au sein des prisons devraient être rendues éligibles au CEC. Ces dispositions vont dans le bon sens, et il conviendra d'examiner leur application.
2. La lisibilité du Fonds de développement de la vie associative peut encore être améliorée
Le Fonds de développement de la vie associative est composé de deux volets : le premier est destiné à la formation des bénévoles (FDVA 1), et le second est consacré au financement du « fonctionnement et de l'innovation » des petites associations (FDVA 2). Ce second volet a remplacé la dotation parlementaire, supprimée en 2017.
Le FDVA est destiné principalement à financer les petites associations, c'est-à-dire les associations non-employeuses ou qui possèdent au plus deux ETPT. Les subventions sont de l'ordre de quelques milliers d'euros. En 2024, 1 640 associations ont bénéficié d'une subvention au titre du FDVA 1, et 16 138 associations ont obtenu un financement par le FDVA 2.
Avec respectivement 8,1 millions d'euros et 25 millions d'euros inscrits pour 2025, le montant des crédits inscrits respectivement pour le FDVA 1 et le FDVA 2 sur le programme 163 est similaire à celui des années précédentes. Ces sommes donnent cependant une vision incomplète des fonds consacrés au FDVA, car il faut y ajouter le fléchage des comptes inactifs de l'État, effectif depuis 2021.
L'article 272 de la loi n° 2019-1479 du 28 décembre 2019 de finances pour 2020 a en effet mis en place un mécanisme de fléchage des avoirs inactifs récupérés par l'État vers le fonds pour le développement de la vie associative. Ce mécanisme est une demande ancienne du Mouvement associatif, qui a été soutenu par le rapporteur spécial.
Il prévoit qu'une quote-part des sommes acquises à l'État provenant des comptes bancaires inactifs et des contrats d'assurance-vie en déshérence, est affectée au FDVA. La loi de finances pour 2020 prévoyait initialement que 20 % de ces sommes bénéficient chaque année au FDVA13(*). Le taux de quote-part a été réhaussé à 40 % par l'article 258 de la loi de finances pour 202414(*).
Les premières prévisions de la direction générale de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative prévoient un complément de financement de 35 millions d'euros pour 2024, ce qui porterait le total des sommes dévolues au FDVA à 70 millions d'euros. Les financements permis par le mécanisme de fléchage des comptes inactifs viennent ainsi doubler ceux inscrits en loi de finance.
Financements du FDVA depuis 2017
(en million d'euros)
2017 |
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
FDVA 1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
8,1 |
FDVA 2 |
25 |
25 |
25 |
25 |
25 |
25 |
25 |
25 |
25 |
Comptes inactifs |
- |
- |
- |
- |
19,2 |
20,9 |
17,6 |
35 |
35 |
Total |
33,1 |
33,1 |
33,1 |
33,1 |
52,3 |
54 |
50,7 |
68,1 |
68,1 |
Note : les chiffres donnés pour 2025 sont prévisionnels.
Source : commission des finances
Le développement de ce financement est bien entendu une bonne nouvelle. Pendant les premières années d'existence du FDVA 2, les crédits destinés au dispositif étaient en effet insuffisants pour offrir un véritable soutien aux petites associations, sachant qu'ils ne représentaient que la moitié de l'ancienne dotation parlementaire. Il était urgent que le soutien à la vie associative soit dotée de moyens au moins équivalents à celui qu'il était au moment de la réserve parlementaire.
Au-delà de la question des montants qui lui sont attribués, le FDVA 2 possède plusieurs faiblesses. Dans son enquête sur le FDVA 215(*), la Cour des comptes a souligné une baisse de l'ordre d'un tiers du nombre de demandes de financement entre 2018 et 2020 (de 22 800 à 15 300). De plus, tandis que le taux d'acceptation des demandes est bon (supérieur à 80 %), le montant des subventions accordées est nettement inférieur aux demandes.
Ces résultats montrent que la lisibilité des critères du financement du FDVA 2 doit être améliorée. Le rapporteur spécial a formulé des recommandations à ce sujet dans son rapport d'information, « Pour un financement des petites associations à la hauteur : rénover le Fonds pour le développement de la vie associative ».
Le rapporteur spécial souhaite par ailleurs souligner la qualité du fonctionnement des collèges départementaux, qui cherchent réellement à définir des stratégies de financement adaptées aux territoires dans lesquelles exercent les associations. Ils montrent que l'échelon départemental reste l'échelon le plus pertinent pour piloter le FDVA 2.
Cinq exemples d'associations financées par le FDVA en 2024 ; présentation par la direction de la jeunesse, de l'éducation populaire et de la vie associative
Dans les Alpes-de-Haute-Provence, La Claire Fontaine est une association ancienne créée au début des années 50 rassemblant des personnes qui pratiquent le chant choral en milieu rural. Elle a reçu une subvention de 2 000 euros pour organiser un spectacle sur les célèbres Carmina Burana, oeuvre phare de Carl Orff créée en 1937, avec un chef de choeur de renommée internationale, des solistes et un choeur de 30 enfants.
En Charente-Maritime, l'association Parler Français a pour objectif principal d'apprendre le français aux personnes étrangères, première étape essentielle dans la démarche d'intégration. Pour ce faire, Parler Français organise et anime des ateliers sociolinguistiques d'apprentissage du Français. Ils concernent les étrangers en situation vulnérable (réfugiés, demandeurs d'asiles, autres...), n'ayant aucune connaissance de la langue, certains analphabètes, résidents des quartiers de La Rochelle (Mireuil, Port Neuf, La Pallice) ou en attente d'y être résidents (présence provisoire au foyer de l'Escale). Elle bénéficie de 2 000 euros du fonds.
Dans le Cantal, le Carladés cantalien est un territoire de langue et de culture occitane où le patrimoine immatériel est encore fortement présent chez les habitants les plus âgés. La faiblesse de la transmission familiale est telle depuis 50 ans que ce patrimoine qui paraissait plus préservé qu'ailleurs est en réel danger d'extinction comme le souligne en général l'UNESCO pour les langues de France. L'Association Carladés Abans s'attache à collecter les personnes détentrices de savoirs afin de sauvegarder ce patrimoine et de le transmettre aux jeunes générations, aux nouveaux venus dans le territoire. L'association bénéficie de 4 000 euros pour réaliser des vidéos qui sont en ligne sur sa chaine You Tube.
Dans l'Oise, l'association ChezNous Mareuil bénéficie d'une subvention de 1 750 euros pour animer son tiers-lieu numérique et sa ludothèque en lien avec les cinq collèges proches.
À La Réunion, l'association Pti Colibri bénéficie d'une subvention de 4 000 euros pour proposer par et pour les habitants des quartiers du Bas-de-la-Rivière et de la Colline une pratique douce de la rivière et de ses abords en lien avec l'école Reydellet. Chaque culture du quartier pourra s'exprimer et montrer sa richesse au grand public lors d'un festival.
Source : réponses au questionnaire budgétaire
* 12 15 ans si la personne dispose d'un contrat d'apprentissage.
* 13 La première rédaction de l'article prévoyait que cette quote-part soit fixée chaque année en loi de finances, mais l'article 205 de la loi n° 2021-1900 du 30 décembre 2021 de finances initiale pour 2022 a fixé ce montant à 20 %, ce qui est le montant qui était systématiquement retenu.
* 14 Loi n° 2023-1322 du 29 décembre 2023 de finances initiale pour 2024.
* 15 « Le Fonds pour le développement de la vie associative. Volet fonctionnement et innovation », Septembre 2021. Enquête menée à la demande de la commission des finances du Sénat dans le cadre de l'article 58-2 de la loi organique relative aux lois de finance.