EXAMEN PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

En première lecture, l'Assemblée nationale n'ayant pas adopté la première partie du projet de loi, celui-ci est considéré comme rejeté en application du troisième alinéa de l'article 119 du Règlement de l'Assemblée nationale.

En conséquence, sont considérés comme rejetés les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et ceux du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 5 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a examiné le rapport de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel, rapporteurs spéciaux, sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

M. Claude Raynal, président. - Nous poursuivons avec le rapport de MM. Christian Klinger et Victorin Lurel sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural » (Casdar). Nous accueillons pour ce point à l'ordre du jour M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Nous le savons tous, la situation des agriculteurs français n'est pas réjouissante : réchauffement climatique, pluies massives depuis un an, possible concurrence économique déloyale du fait de l'ouverture potentielle au Mercosur, droits de douane chinois sur nos spiritueux, conséquences de l'élection présidentielle américaine sur les exportations de nos fromages et de nos vins, poids du conflit ukrainien sur le cours de notre blé et de nos volailles, manque d'attractivité d'une partie des professions agricoles, crises sanitaires successives, handicaps propres à la ruralité, vols de matériels, recul de notre souveraineté alimentaire, faiblesse de notre innovation dans ce secteur, défi assurantiel... J'en passe ! Je dois bien avouer que même l'optimisme alsacien pourrait en prendre un coup.

Il est difficile, dans ces conditions, de ne pas donner raison aux exploitants agricoles qui ont manifesté en début d'année. Leur situation est d'autant plus difficile du fait d'un contexte budgétaire particulièrement morose. L'endettement abyssal dont nous héritons et l'absence de marge de manoeuvre qui en résulte doivent, à mon sens, nous astreindre à une forme de modestie. Répondre aux attentes du secteur agricole dans un tel contexte est un véritable défi. Si une personne autour de la table a une solution miracle pour concilier les contraintes économiques, écologiques, sociales, concurrentielles et budgétaires, qu'elle n'hésite pas à la partager !

Je tiens néanmoins à mettre en avant un point de satisfaction, car il s'agit bel et bien d'une satisfaction que de voir le total des concours publics consacrés à l'agriculture être maintenu en 2025. Si l'on ajoute les crédits européens de la politique agricole commune (PAC), les dépenses sociales figurant au projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS), les mesures fiscales, les dépenses budgétaires que nous sommes en train de présenter, le compte d'affectation spéciale dont nous parlerons, les crédits, comme l'enseignement technique agricole, qui figurent sur d'autres missions, nous consacrerons en tout 25,6 milliards d'euros en 2025 à l'agriculture et à la forêt. Ce montant est très proche du total des concours publics de 2024, ce qui constitue un effort colossal au vu du contexte budgétaire

Notons toutefois que la répartition des sommes varie. Des crédits qui figuraient l'an dernier dans la mission sont déplacés et prennent une autre forme, pour soutenir d'autres priorités. Ces changements s'expliquent par les revendications des agriculteurs, qui se sont traduites par plus de 3 000 demandes lors du mouvement social du début d'année et ont abouti à soixante-dix engagements gouvernementaux.

Ces engagements débouchent sur des crédits d'urgence engagés sur l'exercice 2024, des mesures fiscales figurant dans la première partie du projet de loi de finances pour 2025 (PLF), des mesures sociales dans le PLFSS et, enfin, des dispositifs présents dans le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture, qui reviendra en janvier prochain devant le Parlement. S'y ajoutent quelques actions contenues dans la mission que nous examinons.

Dès lors, deux choix s'offraient à nous, en tant que rapporteurs spéciaux.

D'une part, nous pouvions nous restreindre aux crédits de la mission et comparer les seules années 2024 et 2025, comme pour tendre une loupe et nous focaliser ainsi sur une toute petite partie de la réalité. Cette option n'est pas celle que nous avons retenue.

D'autre part, nous pouvions prendre tous les critères en compte et nous poser la question sous un angle autre qu'une simple analyse comptable, en nous demandant si les crédits pour l'agriculture, dans leur ensemble, permettront de répondre aux principales attentes des professionnels du secteur, tout en ne dégradant pas notre souveraineté alimentaire. Nous avons adopté cette démarche, que nous considérons comme la plus honnête intellectuellement.

Ainsi, nous avons décidé de comparer le projet pour 2025 et les années 2023 - dernière année entièrement exécutée - et 2024.

Les pouvoirs publics, je l'ai dit, accomplissent un effort budgétaire réel en maintenant la somme totale des concours publics agricoles. Poser un tel constat pourrait sembler paradoxal parce que les autorisations d'engagement (AE) de la mission diminuent de 13,46 % et les crédits de paiement (CP) de 6,56 %. Le paradoxe n'est qu'apparent : le rapport retranscrit notre volonté de photographier l'ensemble de l'effort accompli envers le monde agricole, et non les seuls crédits transitant par la mission.

Le document qui vous a été distribué fait apparaître un graphique comparant les crédits de la mission pour 2025 avec ceux de l'exercice 2023 - ce rapprochement nous est apparu comme le plus révélateur. Ce graphique montre un effort globalement soutenu. Bien sûr, nous aimerions faire plus et je partage certaines des pistes d'amélioration que Victorin Lurel mettra en avant. Néanmoins, je considère que nous devons voter en faveur de ces crédits : ils répondent à l'essentiel des attentes des professionnels, dans un contexte objectivement difficile.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - Comme M. Klinger, je reconnais l'effort consenti par les pouvoirs publics. Nous percevons bien toute la difficulté de concilier le nécessaire redressement des finances publiques et le soutien à des politiques publiques aussi transversales que celles dont nous parlons. Le montant global des moyens alloués en 2025 me semble satisfaisant, à condition de prendre tous les paramètres en compte, au travers des articles 18, 19 et 20 de la première partie du PLF.

En revanche, il me semble difficile de faire abstraction de plusieurs caractéristiques de cette mission pour 2025. Il y a encore, selon moi, une marge de progression.

L'effort consenti en 2024 sur le plan écologique n'est pas reconduit. Certes, reconnaissons-le, la fibre en la matière du gouvernement Attal était largement fictive - proposer des crédits sans les avoir est une démarche spécieuse -, mais ce budget 2025 voit les moyens pour la planification écologique fondre de deux tiers... C'est encore plus rapide que la fonte des glaces !

Cette diminution, d'environ 600 millions d'euros en autorisations d'engagement, affecte les actions considérées comme pilotables, c'est-à-dire principalement la planification. L'action n° 29 « Planification écologique » du programme 149 perd 650 millions d'euros en AE et 300 millions d'euros en CP ; l'action n° 09 « Planification écologique - Stratégie de réduction de l'utilisation des produits phytosanitaires » du programme 206 voit son enveloppe réduite de 90 millions d'euros en AE et 45 millions d'euros en CP.

Cette importante diminution est à nuancer. Effectivement, par rapport à ce qui a été réellement dépensé en 2023, les crédits pour une agriculture écologique augmentent, ce pourquoi la répartition des crédits au sein du programme 149 me pose davantage problème que leur montant.

Aussi surprenant que cela puisse paraître, sept des dix sous-actions de l'action n° 29 affichent une ligne budgétaire nulle, alors même que cet état de fait ne correspondrait pas, pour partie, à l'intention gouvernementale. Le cabinet de la ministre nous a suggéré d'appréhender les crédits alloués à l'échelle de l'action n° 29 dans son ensemble, sans tenir compte des montants affichés dans le détail... Cette situation est particulièrement regrettable. Elle serait même intolérable dans un contexte d'examen plus classique, rendant la comparaison des sous-actions non pertinente. Certes, cette répartition a vocation à être rectifiée prochainement, mais nous attendons depuis des semaines...

J'insiste donc : à ce stade, c'est surtout la répartition qui est problématique. Un seul exemple, les fortes précipitations au cours de l'année écoulée ont contribué à gorger les arbres d'eau ; sans travaux forestiers, c'est-à-dire sans coupe de ce bois, celui-ci sera perdu ; une telle perte signifierait que les crédits engagés en 2024 pour planter de nouveaux arbres auraient été dépensés en vain. Par conséquent, investir 230 millions d'euros en 2025 pour le renouvellement forestier sans prévoir de crédits pour les travaux et sans soutenir le secteur des pépinières forestières afin d'envisager une replantation rapide n'a véritablement aucun sens.

Que dire, aussi, de la baisse des crédits de la politique consacrée à la sécurité et à la qualité sanitaires de l'alimentation au sein du programme 206 ? Leur réduction de 30 millions d'euros dans un contexte sanitaire pourtant loin d'être optimal n'a rien de rassurant. Nous avons donc demandé des garanties sur ce point. L'essentiel m'apparaît préservé dès lors que le nombre d'agents travaillant sur la sécurité alimentaire et sanitaire augmente : il passe de 2 299 équivalents temps-plein travaillés à la fin de 2023 à 2 351  au début de 2025. Une fois encore, il faut prendre tous les paramètres en compte.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Permettez-moi de signaler d'autres points très positifs dans ce budget.

En premier lieu, les crédits budgétaires consacrés au renouvellement des générations sont sanctuarisés. L'action n° 23 du programme 149 passe de 123 millions à 126 millions d'euros. Ces crédits viennent compléter ceux du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), lesquels passent par les régions.

En ajoutant à cela l'effort réalisé à travers l'article 19 de la première partie du PLF, que le rapporteur général nous présentera en commission le 13 novembre prochain, nous nous donnons enfin les moyens d'inverser la tendance en matière de transmission d'exploitations et de renouvellement des générations. Le fait que le montant du programme d'accompagnement à l'installation et la transmission en agriculture (AITA) pour 2025 reste en discussion, puisque 13 millions d'euros sont proposés à ce stade, alors que 20 millions d'euros seraient nécessaires en année pleine pour tenir l'engagement, n'efface pas toutes les avancées.

En second lieu, certains dispositifs favorables aux travailleurs se voient consolidés. L'agriculture est un secteur très concurrentiel. Sans adaptation de nos règles, nous favorisons une certaine précarisation. L'exonération de plusieurs charges ou cotisations dont bénéficient environ 71 000 entreprises, soit à peu près la moitié des structures agricoles employant un salarié, assure le maintien de 31 % du volume global des heures salariées dans le secteur agricole tout en donnant lieu à compensation par la Mutualité sociale agricole (MSA). C'est un des moyens de lutter contre le travail illégal et les conséquences de ce dernier, en particulier sur les emplois à faible valeur ajoutée.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Je prête également une attention particulière à ce sujet, en raison de la situation dans les outre-mer, où le salariat agricole joue un rôle central. Je vois donc des avancées dans l'augmentation des crédits de protection sociale du programme 149, mais également dans celle des crédits consacrés aux fameux travailleurs occasionnels-demandeurs d'emploi (TO-DE) au sein du programme 381. Cette évolution vise à anticiper les conséquences de deux mesures du PLFSS très attendues par les agriculteurs : la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des pensions de retraite et le rehaussement de 1,2 à 1,25 Smic du seuil de dégressivité du dispositif TO-DE.

Nous évoquons aussi, dans le rapport, le rôle crucial des dix opérateurs rattachés à la mission, qui, pour la plupart, voient leurs moyens pérennisés ou renforcés. Au-delà de la question des crédits budgétaires, nous veillerons néanmoins au maintien du plafond d'emploi des opérateurs forestiers, en particulier de l'Office national des forêts (ONF). Celui-ci verrait son schéma d'emplois diminuer de 95 équivalents temps-plein (ETP) en 2025.

Je signale, au passage, que nous aurons un échange avec l'Agence de services et de paiement (ASP) en début d'année prochaine, afin de vérifier les capacités de l'organisme à accélérer les versements d'aides. Malgré les progrès, de nombreux retards nous sont encore signalés.

Vous l'aurez compris, je considère que ce budget retranscrit un effort réel de l'État. Dès lors, voter contre ces crédits n'aurait pas de sens. Toutefois, le Gouvernement doit revoir sa copie sur plusieurs points, notamment sur la répartition des crédits entre les sous-actions du programme 149. Je pense aussi à un aspect que nous développons dans le rapport, mais que nous vous épargnons en raison de sa technicité, à savoir la question du différentiel entre recettes et dépenses au sein du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le solde comptable s'établit à 134,24 millions d'euros à la fin de 2023 et devrait atteindre environ 141 millions d'euros à la fin de l`année.

Je m'abstiendrai donc, à ce stade, sur le vote des crédits de cette mission essentielle, avec l'espoir que des améliorations interviendront d'ici à la séance publique. Je ne suis pas totalement rassuré sur ces améliorations puisque nous avons appris hier soir que le Gouvernement était sur le point de déposer à l'Assemblée nationale des amendements visant à réduire le déficit à 5 % du PIB en 2025, ce qui se traduirait, pour notre mission, par une réduction de 98,3 millions d'euros des autorisations d'engagement et de 97,3 millions d'euros de crédits de paiement

M. Laurent Duplomb, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et le compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ». - J'irai dans le sens des conclusions des deux rapporteurs spéciaux. De nombreuses mesures correspondent à des engagements précis, visant à ne pas détériorer - contrairement à nos malheureuses habitudes - la compétitivité de la ferme France, engagements que le gouvernement précédent avait pris à la suite des manifestations des agriculteurs.

La suppression de la hausse de la fiscalité appliquée au gazole non routier (GNR) et l'exonération de la taxe additionnelle à la taxe sur le foncier non bâti (TATFNB) sont des bonnes nouvelles.

Nous pourrions par ailleurs nous pencher sur l'ouverture de la déduction pour épargne de précaution (DEP) aux aléas économiques, en plus des aléas climatiques et sanitaires. Cette ouverture en ferait un véritable instrument financier permettant aux agriculteurs d'affronter les différentes crises.

Trois mesures du PLFSS me paraissent essentielles.

La première mesure est la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul des retraites agricoles, même si le problème de la durée de mise en place de la réforme se pose. De fait, seuls 10 % des agriculteurs, c'est-à-dire ceux qui disposent d'une carrière complète à ce titre, seront alignés sur ce mode de calcul. Les 90 % restants sont les multipensionnés, lesquels devront attendre jusqu'à 2028 pour voir l'amélioration de leur régime de retraite devenir réalité. Au moins, nous n'aurons pas la surprise de voir des retraités agricoles victimes d'une diminution de leur pension, étant donné le travail que le Sénat a fourni en ce sens.

La deuxième mesure dont je me félicite touche aux TO-DE. Il faut toutefois faire attention : l'article 8 améliore et pérennise le dispositif, tandis que l'article 6 plafonne les exonérations. Si les discussions budgétaires à l'Assemblée nationale n'allaient pas à leur terme, comme il semble que ce soit le cas, nous devrions nous pencher sur ce paradoxe et reprendre les éléments de l'amendement proposé aux députés par le Gouvernement pour résoudre le problème. Un article ne peut pas doucher les espoirs suscités par un autre !

La troisième mesure, enfin, concerne l'exonération sur les cotisations maladie et famille en faveur des jeunes agriculteurs. Cet amendement, que je porte depuis sept ans au Sénat, trouve enfin sa traduction dans le PLFSS. Il permettra de corriger une injustice flagrante, à savoir le fait que sur certaines exploitations, par exemple sur les groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec), les jeunes agriculteurs paient plus de charges sociales que les agriculteurs ayant vingt ou trente ans d'expérience dans la profession, et ce malgré les exonérations.

Je rejoins le rapporteur spécial Christian Klinger sur la question de l'AITA, sur lequel un problème demeure. Nous attendions 20 millions d'euros ; on en annonce 13 millions... Nous aurons donc des propositions à formuler.

Ma vision est également très claire sur l'ONF. Si, au départ, je n'étais pas totalement opposé à la diminution de 95  ETP, cette évolution m'apparaît à présent comme un mauvais signal.

Cet organisme, passé de plus de 12 000 à 7 500 salariés, a consenti à un effort colossal, bien que nécessaire, sur sa structure. Depuis deux ou trois ans, il se retrouve, grâce à une gestion bien plus rigoureuse, à déclarer un bénéfice de plus de 60 millions d'euros par an, induisant un surcroît d'impôt de plus de 5 millions d'euros. En outre, ces nouveaux bénéfices - ils auraient pu être partagés avec les salariés, mais ceux-ci l'ont refusé - ont été intégralement mis à contribution pour le désendettement de l'ONF, dont la dette est passée de plus de 400 millions d'euros à 270 millions d'euros environ. Compte tenu de l'ensemble de ces réalisations, ne vaudrait-il pas mieux, plutôt que des coupes budgétaires transversales, maintenir les effectifs et encourager l'État à suivre ce modèle ?

Le signal serait tout aussi mauvais pour le Centre national de la propriété forestière (CNPF). Celui-ci ne dispose que de 374 ETP. Aurions-nous accepté, l'an dernier, une augmentation de 21 ETP pour mieux décider, cette année, d'une diminution de 13 ? Quel est le sens d'une telle politique, si ce n'est faire deux pas en avant, puis trois pas en arrière ?

Je termine par une proposition sur le plan sanitaire. La France s'est peu à peu habituée à un moindre nombre de crises sanitaires - souvenons-nous des problématiques de prophylaxie qu'ont connues nos prédécesseurs du fait de maladies comme la fièvre aphteuse ou la tuberculose. Nous nous sommes pensés un petit paradis. Or les maladies endémiques touchant les troupeaux reviennent : fièvre catarrhale ovine (FCO), maladie hémorragique épizootique (MHE), etc. Il nous faut donc refondre entièrement le système sanitaire, en repensant cette politique et les capacités financières mises au profit de la profession vétérinaire. Sans action de notre part, la population des vétérinaires ruraux, seules sentinelles de notre pays, ne fera que baisser, et nous n'aurons plus aucune possibilité de faire de la prévention face aux pandémies. À titre d'exemple, la France et le Royaume-Uni ont connu en l'an 2000 des cas de fièvre aphteuse : par son système sanitaire fondé, encore à cette époque, sur une répartition harmonieuse des vétérinaires, la France a limité le nombre de cas à trois, quand le Royaume-Uni en a connu des dizaines de milliers !

Même si cela fera grincer des dents, j'écrirai une proposition pour appeler à une fusion des groupements de défense sanitaire (GDS) avec les chambres d'agriculture. L'objectif sera d'avoir, à la fois, des opérateurs capables d'une veille sanitaire plus précise et un lien direct avec les vétérinaires, notamment par l'intermédiaire d'un véritable financement. Je proposerai même une contribution volontaire obligatoire, peut-être cofinancée par l'État, pour atteindre un budget de 60 millions d'euros environ et avoir ainsi les moyens de faire évoluer positivement le nombre de vétérinaires ruraux. Si nous n'y prenons pas garde, les crises que nous connaissons ne feront qu'empirer et leur traitement nécessitera de plus en plus d'argent.

M. Michel Canévet. - Je ne suis pas de ceux qui apprécient la valeur d'une mission à l'aune de l'augmentation de ses crédits. Il ne faudrait pas que la situation financière de l'ONF s'inverse en réintroduisant des effectifs.

Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture offrira-t-il les moyens d'accompagner la transmission des exploitations agricoles ? Des procédures de simplification, sources d'économies, y figurent-elles ?

Par ailleurs, de nombreux agriculteurs ont dénoncé la lenteur de l'ASP. Peut-on améliorer les délais en termes de paiements, notamment pour accompagner les personnes qui se sont engagées de manière pluriannuelle dans des mesures agroenvironnementales et climatiques (Maec) ?

Les rapporteurs spéciaux voient-ils des possibilités de regroupements au sein des dix opérateurs ?

M. Éric Jeansannetas. - Concernant le programme 206 et l'action n° 09, l'appel à projets du ministère de l'agriculture pour financer la recherche et la mise en oeuvre de solutions de substitution à l'utilisation des pesticides - ceux-ci sont un danger pour la santé publique et pour la santé des agriculteurs eux-mêmes - serait-il affecté par la diminution importante des crédits ?

M. Jean Pierre Vogel. - À la lecture du rapport spécial, j'ai été assez rassuré par la préservation sur le plan budgétaire des dix opérateurs - ils jouent un rôle clé - malgré la diminution de crédits qui frappe deux d'entre eux. Je suis notamment inquiet pour l'Institut français du cheval et de l'équitation, organisme incontournable pour la filière hippique. Quel est le montant exact des crédits supprimés, en montant et en pourcentage ? Le périmètre des actions de cet organisme sera-t-il revu pour lui permettre de réaliser des économies ? Les conséquences d'une telle diminution ont-elles été évaluées ?

M. Jean-François Husson, rapporteur général. - Le sujet des opérateurs est récurrent dans notre assemblée : nombre, efficacité non optimale...

Concernant l'ASP, la situation s'améliore-t-elle ? Le cas échéant, de quelle manière ?

Même si le Casdar est moins critiqué que par le passé, bénéficie-t-il d'une attention suffisante ? Faudrait-il réorienter ses moyens, par exemple vers le budget du ministère ?

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Comme cela a été dit, nous avons tâché de faire une revue générale de la politique agricole, sans nous limiter à la mission présente : les promesses qui avaient été faites aux agriculteurs ont, pour beaucoup, été respectées.

D'abord, grâce à des simplifications administratives figurant à l'article 20 du projet de loi de finances, les agriculteurs paieront moins cher le GNR en n'avançant pas les fonds susceptibles d'être remboursés.

Ensuite, des exonérations et déductions de charges s'appliqueront au secteur agricole, comme la DEP. La déduction pour les stocks de vaches laitières se transformera en provision comptable dans une limite de 15 000 euros. La reprise de cette provision sera exonérée si le cheptel augmente en valeur au cours des six dernières années. Par ailleurs, le taux relevé d'exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties passera de 20 % à 30 %. Les pertes de recettes des communes et intercommunalités à la suite de prises à bail seront compensées.

Enfin, l'article 19 vise à faciliter les transmissions. Des mesures sont prises concernant les plus-values de cession d'une exploitation à un jeune. Ainsi, le seuil d'exonération totale connaîtra une augmentation de 100 000 euros, pour s'établir à 450 000 euros, tandis que l'exonération partielle passera de 450 000 à 550 000 euros. Les plus-values de cession en cas de départ à la retraite bénéficieront d'un étalement sur soixante-douze mois tout en donnant droit à une exonération sur l'impôt sur le revenu. Le chiffre d'affaires des Gaec éligible à ce dispositif passera de 500 000 à 600 000 euros.

Reste à savoir si ces mesures seront pérennisées. Par ailleurs, je ne peux pas vous répondre sur la prise en compte des aléas économiques dans le cadre de la DEP, ne disposant de l'impact budgétaire de cette proposition qui ne peut pas être formulée sans qu'on dispose d'un chiffrage.

Nous attendons tous le vote, dans le PLFSS, de la prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la retraite. Nous cherchons une égalité de traitement au sein du secteur privé. Il faut éviter qu'une part importante d'agriculteurs n'ait pas une carrière complète et s'assurer que ces derniers disposent du nombre d'annuités suffisantes pour obtenir une pension minimale, en nous penchant sur les 90 % d'entre eux qui pourraient être affectés très sévèrement par la réforme.

Ce problème prend une acuité considérable dans les outre-mer. Les personnes que nous avons auditionnées nous ont assuré clairement ne pas être techniquement prêtes pour cette réforme au regard de spécificités locales  : bénéfices imposés à l'hectare, retraites forfaitaires, exonérations... Une refonte pourrait passer par ordonnance. Je suis inquiet que la représentation parlementaire puisse être écartée.

Plusieurs améliorations concernent les TO-DE. Le projet de loi d'orientation pour la souveraineté alimentaire et agricole et le renouvellement des générations en agriculture permettra d'améliorer les transmissions non seulement en individuel, mais aussi en société, comme dans le cas des Gaec.

Les mesures concernant l'AITA suscitent la déception. Je suis partisan de trouver un juste milieu entre les 13 millions d'euros proposés en PLF et les 20 millions d'euros nécessaires en année pleine. Nous en débattrons au travers d'amendements en séance publique.

L'ONF a fait savoir qu'elle pourrait prendre en charge les 95 ETP sur ses fonds propres, il faut donc s'interroger sur la nécessité de toucher au plafond d'emplois.

Quant au CNPF je n'apprécie pas vraiment les fluctuations d'effectifs contradictoires qu'il connaît d'un exercice sur l'autre et je partage la position du rapporteur pour avis sur ce point.

M. Christian Klinger, rapporteur spécial. - Le plafond d'emploi de l'ONF pour 2025 prend en compte un transfert d'effectifs de 154 ETP vers une filiale créée au sein de l'établissement en 2023, ainsi qu'un transfert de 43 ETP, correspondant à des emplois vacants, vers l'ASP au sein du même programme. Il est vrai que l'ONF propose de prendre en charge les 95 ETP susceptibles d'être supprimés pour 2025. Nous en débattrons en séance.

Les crédits de l'Institut français du cheval et de l'équitation figurent sur le programme 149. La baisse de 600 000 euros émanant du programme 149 est partiellement compensée par 150 000 euros supplémentaires alloués au travers du programme 219 « Sport ». Au total, le financement public apporté à l'opérateur passe donc de 45,2 millions d'euros à 44,7 millions d'euros.

M. Victorin Lurel, rapporteur spécial. - Face à la diminution des crédits relatifs aux questions sanitaires, des réorientations doivent être réalisées, notamment à l'égard des vétérinaires.

Concernant les transmissions agricoles, je le répète, les mesures qui figurent dans le projet de loi de finances me paraissent aller dans le bon sens.

L'ASP a suscité des critiques puisqu'on nous signale que, dans certains départements, 30 % des agriculteurs ont touché des aides pourtant débloquées avec un retard conséquent : la lenteur des processus crée des problèmes de trésorerie grave. Certains professionnels et la plupart des syndicats ont reconnu des améliorations sur les délais de paiement, mais il reste beaucoup à faire.

Faut-il regrouper les opérateurs ? La question est récurrente. Dans l'absolu, e un rapprochement entre l'ONF et le CNPF semblerait possible, mais un tel rapprochement reste politiquement compliqué et je ne suis pas sûr qu'il se fera. Quant à rapprocher FranceAgriMer et l'Office de développement de l'économie agricole d'outre-mer (Odéadom), on ne l'a jamais voulu dans les outre-mer, pour des raisons d'autonomie et de liberté, et cela serait également complexe à réaliser.

Le budget de l'action n° 09 du programme 206 passe, par rapport à la loi de finances pour 2024, de 250 à 161 millions d'euros en AE, soit une baisse de 35,73 %, et de 150 à 105 millions d'euros en CP, soit une diminution de 29,42 %. Peut-être la chute de ces autorisations et crédits est-elle davantage lissée par rapport à 2023, mais elle demeure forte.

S'agissant du Casdar, son solde pose effectivement un problème. Il faut à mon sens augmenter le plafond de dépenses du compte, qui a enfin été augmenté l'an dernier. Il s'établit dorénavant à 146 millions d'euros, contre 126 millions d'euros précédemment.

Faut-il rebudgétiser le compte ? Les professionnels n'y sont pas favorables et il s'agit de l'argent des agriculteurs. Sans y être clairement opposé, je suis plutôt sceptique quant à une rebudgétisation dont les modalités leur échapperaient.

M. Christian Klinger, rapporteur. - Les groupements départementaux sanitaires évoqués par M. Duplomb relèvent indirectement de la présente mission ; c'est un débat que nous aurons plutôt lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole. Il convient peut-être aussi d'attendre le renouvellement des chambres d'agriculture en janvier prochain, pour voir si les prochains organismes consulaires y seront ouverts.

Au sujet du Casdar, je comprends le point de vue du rapporteur général en faveur d'une rebudgétisation, au vu du solde comptable de quelque 140 millions d'euros. Mais il existe une volonté et un attachement de la profession agricole à laisser l'affectation des recettes dans ce compte et à essayer d'en relever le plafond des dépenses.

La commission a décidé de proposer au Sénat d'adopter, sans modification, les crédits de la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

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Réunie à nouveau le jeudi 21 novembre 2024, sous la présidence de M. Claude Raynal, président, la commission a confirmé définitivement ses votes émis sur toutes les missions, tous les budgets annexes, tous les comptes spéciaux et les articles rattachés aux missions, ainsi que les amendements qu'elle a adoptés, à l'exception des votes émis pour les missions « Culture », « Direction de l'action du Gouvernement », « Enseignement scolaire », « Médias, livre et industries culturelles », « Audiovisuel public », « Recherche et enseignement supérieur », ainsi que des comptes spéciaux qui s'y rattachent.

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