B. ...TANDIS QUE DES DÉPENSES EXCEPTIONNELLES ET DES SURCOÛTS ONT DU ÊTRE FINANCÉS DANS LE CADRE DE L'ENVELOPPE INITIALE...

Ces contraintes importantes en gestion liées aux annulations de crédits ont été fortement accentuées par la décision de financer sous le plafond de dépenses initial pour 2024 des dépenses exceptionnelles et des surcoûts qui sont apparus ou qui se sont alourdis en cours d'année. Il en va notamment ainsi des jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) et de la crise en Nouvelle-Calédonie.

1. Un coût de la sécurisation des JOP pour la police et la gendarmerie nationales à hauteur de plus d'un milliard d'euros et plus important qu'anticipé

La sécurisation du relai de la flamme Olympique et des JOP de 2024 a conduit à des dépenses d'un montant significatif pour la police et la gendarmerie nationales (les « forces de sécurité intérieure », FSI). L'estimation du niveau de dépenses, encore provisoire, est sans doute plus élevée qu'initialement prévue (notamment pour ce qui concerne l'année 2024) dans les budgets successifs, y compris celui de 202410(*). Le coût de cette sécurisation ne concerne en effet pas seulement l'année en cours mais inclut également les dépenses rendues nécessaires les années antérieures pour préparer spécifiquement l'évènement. Il couvre des dépenses de personnel et des crédits « hors titre 2 ».

Le coût est à ce jour estimé à 813,9 millions d'euros pour la police nationale, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial11(*). Il se décompose en 328,6 millions d'euros de dépenses de masse salariale, soit 40,4 %, et de 485,3 millions d'euros de dépenses de fonctionnement et d'investissement, soit 59,6 %. Il couvre les années 2020 à 2024, étant entendu que l'essentiel des crédits de paiement ont en réalité été payés en 2024 (la totalité pour la masse salariale et plus de 80 % pour le fonctionnement et l'investissement12(*)).

Ventilation de l'estimation du coût de la sécurisation des JOP en 2024
pour la police nationale
13(*)

(en CP, en %)

Note : les dépenses additionnelles de personnel regroupent des indemnités, des primes, le paiement d'heures supplémentaires et le surcoût lié à la mobilisation de la réserve opérationnelle, voir infra.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

« Hors titre 2 », ce sont les dépenses d'hébergement qui ont été les plus coûteuses (environ 230 millions d'euros), 1,2 millions de nuitées ayant notamment été réservées, loin devant les frais de fonctionnement des services (frais de mission, téléphonie, alimentation, etc.) et les systèmes d'information et de communication (modernisation des salles de commandement, lutte anti-drones, vidéoprotection, etc.).

S'agissant des dépenses de personnel, le coût de 328,6 millions d'euros se décompose en 203,2 millions d'euros au titre de la prime JOP versée aux agents, 81 millions d'euros pour l'indemnisation de près de 5 millions d'heures supplémentaires générées au cours de la période et 20,7 millions d'euros au titre de l'indemnité d'absence missionnelle. Le reste des dépenses s'explique par les sorties d'école anticipées de policiers, le surcroît de dépenses sur certaines indemnités (notamment l'indemnité journalière d'absence temporaire, pour les CRS), ou encore la mobilisation de la réserve opérationnelle (enveloppe spécifique de 7 millions d'euros pour les JOP 2024).

Pour la gendarmerie nationale, le coût est estimé à 327 millions d'euros sur la période de 2022 à 2025, selon les informations recueillies par le rapporteur spécial14(*), soit un niveau inférieur à la police nationale mais qui reste très significatif. Ce coût se décompose en 125,6 millions d'euros de dépenses de masse salariale, soit 38,4 %, et de 201,4 millions d'euros de dépenses « hors titre 2 », soit 61,6 %.

Ventilation de l'estimation du coût de la sécurisation des JOP en 2024
pour la gendarmerie nationale
15(*)

(en CP, en %)

Note : les dépenses additionnelles de personnel regroupent des indemnités, des primes et le surcoût lié à la mobilisation de la réserve opérationnelle, voir infra.

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

« Hors titre 2 », ce sont les dépenses d'hébergement et de déplacement qui ont été les plus coûteuses (67,2 millions d'euros), devant les dépenses d'alimentation (28 millions d'euros), d'action sociale (13 millions d'euros), les travaux lourds de rénovation des cantonnements (8,0 millions d'euros) ou encore les besoins en matière numérique (3,9 millions d'euros).

S'agissant des dépenses de personnel, le coût de 201,4 millions d'euros se décompose en 130,0 millions d'euros au titre de la prime JOP, 28 millions d'euros pour l'indemnité d'absence missionnelle, 25,7 millions d'euros pour le financement de la réserve opérationnelle pour les JOP, et 18 millions d'euros au titre d'autres primes et indemnités.

Au total, il est possible d'estimer provisoirement que pour la police et la gendarmerie nationales, le coût pluriannuel de la sécurisation des JOP a représenté un coût d'environ 1,141 milliard d'euros, dont 39,8 % au titre de la masse salariale (454,2 millions d'euros) et 60,2 % au titre des autres types de dépenses (« hors titre 2 », 686,7 millions d'euros), en particulier en matière de crédits de fonctionnement et d'investissement. La police nationale a assumé 71,3 % du coût pour les FSI, et la gendarmerie nationale 28,7 %.

Ventilation du coût de la sécurisation des JOP en 2024
entre la police et la gendarmerie nationales

(en CP, en %)

Source : commission des finances, d'après les réponses aux questionnaires du rapporteur spécial

La dépense semble être supérieure à celle qui avait été anticipée, générant un surcoût en cours de gestion 2024. À titre d'illustration, il avait été indiqué l'année dernière au rapporteur spécial que le coût de la sécurité des JOP pour la gendarmerie nationale aurait pu être d'environ 61 millions d'euros pour 2024. Les montants présentés supra laissent penser que le coût réellement imputé sur 2024 sera finalement significativement supérieur. Il est très probable que les estimations actuelles du coût réel pour ce qui concerne la police nationale soient également supérieures à ce qui avait été initialement intégré dans le budget.

2. Des dépenses exceptionnelles liées à de multiples crises ont dû être financées dans le cadre de l'enveloppe initiale de crédits

Outre les JOP, l'année 2024 a également été marquée par une forme d'« empilement des crises »16(*) présentant des implications sécuritaires et un coût budgétaire associé pour les FSI. Il en a été ainsi notamment des manifestations du monde agricole, des contestations relatives à l'autoroute A69, de l'opération « place nette » à Mayotte, de protestations contre la vie chère dans les Antilles et, surtout, de la crise en Nouvelle-Calédonie.

Selon les informations recueillies par le rapporteur spécial17(*), le coût additionnel des mesures de rétablissement de l'ordre en Nouvelle-Calédonie pourrait être en 2024 de 125 millions d'euros pour la gendarmerie nationale et de 30 millions d'euros pour la police nationale.

Il a en outre été décidé que les dépenses afférentes à ces différentes crises seraient financées sous enveloppe initiale.


* 10 Le rapporteur spécial ne dispose pas des données concernant l'estimation initiale.

* 11 Réponses de la direction générale de la police nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 12 Sur la période de 2020 à 2023, ont été engagés 155,7 millions d'euros en AE et 73,3 millions d'euros en CP, ayant permis l'acquisition de 1 062 véhicules, d'armements et équipements spécialisés, d'une salle de commandement, d'investissements dans les systèmes d'information et de communication (notamment du plan de vidéoprotection de la ville de Paris), ou encore la réservation anticipée de chambres pour l'hébergement des personnels.

* 13 S'ajoutent à ces dépenses celles prises en charge de 2020 à 2023, voir supra.

* 14 Réponses de la direction générale de la gendarmerie nationale au questionnaire du rapporteur spécial.

* 15 S'ajoutent à ces dépenses celles prises en charge de 2020 à 2023, voir supra.

* 16 Selon les termes utilisés dans le projet annuel de performances de la mission « Sécurités ».

* 17 Auditions de la direction générale de la gendarmerie nationale et de la direction générale de la police nationale par le rapporteur spécial.

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