II. UNE CONTRIBUTION NÉCESSAIRE DES SOCIÉTÉS D'AUDIOVISUEL PUBLIC AUX EFFORTS DE REDRESSEMENT DES FINANCES PUBLIQUES
A. UNE STABILITÉ DES MOYENS PAR RAPPORT À 2024 QUI DOIT ÊTRE SALUÉE
1. Des moyens équivalents à ceux prévus en 2024 pour l'ensemble des sociétés
Le présent projet de loi de finances prévoit que les sociétés de l'audiovisuel public bénéficient en 2025 d'un montant de 4,029 milliards d'euros, bénéficiant pour près des deux-tiers à France Télévisions et pour 16,5 % à Radio France.
Répartition de la part du produit de TVA
affectée
aux sociétés de l'audiovisuel public
en 2025
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Une partie de ces crédits découle de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public. Celle-ci était soumise à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) depuis 1969. Cette taxation permettait d'exonérer les opérateurs du paiement de la taxe sur les salaires. Le remplacement de la CAP par une fraction de TVA a donc eu pour conséquence d'entraîner l'assujettissement des sociétés de l'audiovisuel public concernées à la taxe sur les salaires. En conséquence, la fraction de TVA accordée inclut en retour une part supplémentaire destinée à compenser la hausse des prélèvements des entreprises, que le Gouvernement s'est engagé à compenser lors de la fixation de la trajectoire financière du secteur.
Au total, le coût de la neutralisation des effets fiscaux devrait atteindre 122 millions d'euros, soit un montant équivalent à celui prévu en 2024 (120 millions d'euros) et correspondant à 3 % de la dotation totale accordée aux sociétés de l'audiovisuel public.
Décomposition de la compensation des effets fiscaux de la suppression de la CAP versée aux sociétés de l'audiovisuel public en 2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances d'après les documents budgétaires
Le Gouvernement a annoncé projeter de réduire au cours de l'examen parlementaire le montant de la mission de 50 millions d'euros, ce qui la porterait à 3,979 milliards d'euros. Cette réduction est justifiée par les documents par un « effort de maîtrise des dépenses de l'audiovisuel public, en particulier pour France Télévisions ». Une telle réduction semble absorbable.
2. Une stabilité à analyser au prisme des modifications en gestion des crédits accordés en 2024
Le montant demandé pour 2025 correspond à une stabilité complète (+ 3,9 millions d'euros et + 0,06 %) par rapport à la loi de finances initiale pour 2024.
Cette stabilité fait cependant suite à une importante augmentation en 2024 : entre 2023 et 2025, les crédits prévus pour l'audiovisuel public auront augmenté de 213,45 millions d'euros, soit une hausse de 6,4 %. Plus de la moitié (136 millions d'euros) de cette hausse a bénéficié à France Télévisions.
Évolution des dotations accordées
aux sociétés de l'audiovisuel public
entre 2023 et
2025
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Par rapport à l'exécution observée en 2024, les crédits prévus dans le PLF devraient augmenter de 59 millions d'euros, une partie des crédits prévus en 2024 ayant été annulés (à hauteur de 20 millions d'euros)19(*) et une autre ayant été gelée.
En tenant compte des montants effectivement versés aux sociétés d'audiovisuel public au titre de 2024, les crédits accordés à l'audiovisuel public devraient augmenter d'1,5 %.
Évolution des dotations accordées aux sociétés de l'audiovisuel public entre 2024 et 2025
(en millions d'euros)
|
2024 (LFI) |
2024 (prévision d'exécution) |
2025 (PLF) |
Écart exécution 2024/PLF 2025 en valeur |
Écart exécution 2024/ prévision 2025 (en %) |
France Télévisions |
2 568,11 |
2 535,5 |
2 567,07 |
31,57 |
1,25% |
ARTE France |
293 |
293,6 |
300,95 |
7,35 |
2,50% |
Radio France |
667,9 |
657,25 |
666,21 |
8,96 |
1,36% |
France Médias Monde |
304,2 |
295,55 |
304,91 |
9,36 |
3,17% |
Institut national de l'audiovisuel |
107,91 |
105 |
105,77 |
0,77 |
0,73% |
TV5 Monde |
83,45 |
83,45 |
84,24 |
0,79 |
0,95% |
Total |
4 025,23 |
3 970,35 |
4 029,16 |
58,81 |
1,48% |
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
3. Des moyens qui n'ont que marginalement évolué depuis 10 ans mis à part en 2024
Entre 2016 et 2023, les montants accordés à l'audiovisuel public n'avaient pas augmenté : ils s'élevaient à 3,80 milliards d'euros en 2023 contre 3,79 millions d'euros sept ans plus tôt. Le montant de la CAP avait en effet fait l'objet d'une diminution d'un euro en 2020, suivie de deux années de gel du montant de la contribution, pourtant théoriquement indexée sur l'inflation.
Cette stabilité des moyens s'inscrivait dans un contexte d'une trajectoire d'économies demandées aux sociétés de l'audiovisuel public, définie en juillet 2018 par le Gouvernement. Celle-ci prévoyait une réduction des dotations accordées de 190 millions d'euros entre 2018 et 2022.
La loi de finances pour 2019 prévoyait par ailleurs la suppression de l'affectation à France Télévisions d'une part de la taxe sur les communications électroniques (TOCE). Le montant de cette fraction s'élevait à 85,5 millions d'euros en loi de finances pour 2018.
Évolution des montants accordés
à l'audiovisuel public
en loi de finances initiales depuis
2016
(en millions d'euros)
Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires
Rapportée à l'inflation, l'évolution observable depuis 2017 revient à des économies de près de 500 millions d'euros.
Évolution des moyens accordés à l'audiovisuel public depuis 2017 hors inflation
(en millions d'euros et en %)
2018 |
2019 |
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
2024 |
2025 |
|
Montant en valeur |
3 853,20 |
3 816,50 |
3 780,50 |
3 711,20 |
3 695,60 |
3 796,00 |
4 025,20 |
4 029,20 |
Taux d'évolution en valeur |
1079,16 % |
-0,95 % |
-0,94 % |
-1,83 % |
-0,42 % |
2,72 % |
6,04 % |
0,10 % |
Taux d'évolution hors inflation |
1060,44 % |
-1,86 % |
-1,15 % |
-3,34 % |
-5,47 % |
-2,01 % |
3,86 % |
-1,67 % |
Montant en euros 2024 |
4 461,77 |
4 378,78 |
4 328,50 |
4 184,14 |
3 955,15 |
3 875,72 |
4 025,20 |
3 957,96 |
Source : commission des finances du Sénat
Le rapporteur spécial considère cependant qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter de cette trajectoire.
D'une part, les montants présentés plus haut n'intègrent pas les efforts consentis par ailleurs par l'État pour amortir les conséquences de la crise sanitaire. Une dotation de 73 millions d'euros, prévue sur la mission « Plan de relance » a été répartie sur les exercices 2021 et 2022 (45,5 millions d'euros en 2021 et 27,5 millions d'euros en 2022).
Par ailleurs, plusieurs sociétés ont fait l'objet d'une augmentation de la dotation en capital de l'État, pour un total de 138 millions d'euros sur la période 2020-2023.
Dotations en capital accordées par l'État aux sociétés d'audiovisuel public
(en millions d'euros)
2020 |
2021 |
2022 |
2023 |
Total |
|
France Télévisions |
17 |
15,2 |
14,9 |
31,5 |
78,6 |
Radio France |
17,7 |
18,5 |
15,6 |
6,5 |
58,3 |
France Médias Monde |
1,6 |
Source : commission des finances du Sénat d'après les données transmises au rapporteur spécial
La forte hausse accordée en 2024 était motivée par trois éléments :
- en premier lieu, la neutralisation - pour la première fois en année pleine - des effets fiscaux induits par le remplacement de la CAP par une fraction du produit de la TVA ;
- en deuxième lieu, la mise en place de recettes conditionnées à l'atteinte des objectifs fixés par les contrats d'objectifs et de moyens (COM) 2024-2028 conclus par les entreprises d'audiovisuel public20(*) ;
- enfin, la prise en compte des effets de la hausse des prix sur l'activité des entreprises.
La relative baisse en exécution 2024 n'est demeurée que marginale eu égard aux 209 millions d'euros supplémentaires prévus.
Considérant que ces moyens nouveaux n'étaient pas justifiés au regard de la situation budgétaire, le rapporteur spécial avait déposé un amendement visant à stabiliser les moyens au niveau de 2022. Par conséquent, il ne peut que saluer l'absence de révision à la hausse des montants prévus pour 2025, qui prolonge la stratégie d'économies au cours des dernières années.
* 19 Décret n° 2024-124 du 21 février 2024 portant annulation de crédits.
* 20 Cf. infra.