DEUXIÈME PARTIE
LA
MISSION
« AUDIOVISUEL PUBLIC » ET
LE COMPTE DE
CONCOURS FINANCIERS
« AVANCES À L'AUDIOVISUEL
PUBLIC »
La mission « Audiovisuel public » retrace, comme c'était le cas les années précédentes du compte de concours financiers « Avances à l'audiovisuel public », l'intégralité des crédits destinés aux organismes de l'audiovisuel public.
La mission est composée de six programmes, correspondant aux différentes sociétés de l'audiovisuel public (372 - France Télévisions, 373 - ARTE France, 374 - Radio France, 375 - France Médias Monde, 376 - l'Institut national de l'audiovisuel (INA) et 377 - TV5 Monde). S'y ajoute, comme sur le compte de concours financiers en 2024, un programme spécifique, intitulé « programme de transformation » - 383, dont les montants, très marginaux, sont destinés à financer des projets de transformation prioritaires.
La mission regroupe l'ensemble des financements de l'État à l'audiovisuel public, à l'exception de ceux accordés à France Médias Monde. La mission « Aide publique au développement » contribue en 2025 au financement de cette société à hauteur de 4,25 millions d'euros, contre 10 millions en 2024. Ces financements sont ciblés pour financer quatre projets spécifiques destinés à lutter contre la désinformation. Ce montant ne répond qu'imparfaitement aux critiques de la mission conjointe de contrôle du Sénat sur le financement de l'audiovisuel17(*), considérant qu'une part nettement supérieure des activités de France Médias Monde relevait du champ de l'aide publique au développement et devait donc être portée par la mission correspondante.
I. UNE NOUVELLE MISSION BUDGÉTAIRE N'AYANT VOCATION À ÊTRE QUE TEMPORAIRE DANS L'ATTENTE DU VOTE DE LA PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE ADOPTÉE PAR LE SÉNAT
La création d'une mission budgétaire en PLF 2025 reflète une budgétisation par défaut, dans la mesure où il s'agit du seul mode de financement qui ne nécessite pas de modification législative de niveau organique.
Acquittée par près de 23 millions de foyers et 80 000 entreprises, le montant de la contribution à l'audiovisuel public - CAP (138 euros en métropole et 88 euros en outre-mer), en principe indexé sur l'inflation, était gelé depuis 2018. Prélèvement peu dynamique - le nombre de foyers l'acquittant se réduisant chaque année - et ne reflétant plus les nouveaux usages en matière de consommation audiovisuelle, la CAP était appelée à être profondément modifiée afin de tenir compte de la suppression de la taxe d'habitation sur les résidences principales en 2023, sur laquelle elle était adossée.
L'article 6 de la loi de finances rectificative pour 2022 modifiant le 2° du 1 du VI de l'article 46 de la loi de finances pour 2006 prévoyait donc que la CAP était supprimée. Ce même article prévoyait que la dotation affectée par l'État à l'audiovisuel public était constituée jusqu'au 31 décembre 2025 d'une fraction du produit de la TVA déterminée chaque année en loi de finances.
À législation constante, ce système ne pouvait perdurer. Le premier alinéa du II de l'article 2 de la loi organique relative aux lois de finances (LOLF) limite à compter du dépôt du PLF pour 2025 les possibilités de recourir à un financement par une taxe affectée pour d'autres organismes publics : l'affectation d'une ressource à un tiers autre que les collectivités territoriales et les organismes de sécurité sociale « ne peut être maintenue que si ce tiers est doté de la personnalité morale et si ces impositions sont en lien avec les missions de service public qui lui sont confiées ».
Or, l'affectation d'une fraction de TVA aux organismes de l'audiovisuel public ne satisfait pas la condition de lien entre la ressource publique affectée et la mission de service public assurée par ces mêmes organismes. La TVA est un impôt sur la consommation acquitté par l'ensemble des consommateurs, sans rapport avec les missions du service public audiovisuel.
La solution d'un financement des sociétés d'audiovisuel public par des crédits budgétaires ne paraît pas adaptée.
Certes, la solution de la budgétisation n'emporterait pas nécessairement de risque de revenir sur les garanties d'indépendance de l'audiovisuel public, comme le notait le rapport de l'inspection générale des finances et de l'inspection générale des affaires culturelles préalable à la suppression de la CAP18(*).
La mise en place d'une dotation spéciale aurait pu par exemple être imaginée. Le système de la dotation est utilisé pour de nombreuses institutions, notamment pour les crédits des assemblées parlementaires ou du Conseil constitutionnel. Le mécanisme de la dotation aux pouvoirs publics est prévu à l'article 7 de la LOLF. Dans la pratique, le Gouvernement exclut toute régulation budgétaire en cours d'année car les fonds sont versés à l'organisme attributaire en début d'année, tout en garantissant le maintien de l'information du Parlement par les documents budgétaires.
Il serait cependant nécessaire de mettre en place d'autres garde-fous, parmi lesquels la mission identifiait la création d'une instance indépendante chargée de l'évaluation des crédits nécessaires au bon fonctionnement du service public de l'audiovisuel, l'inscription dans la LOLF du principe d'exonération de régulation infra-annuelle et l'inscription dans la loi de programmation des finances publiques d'une trajectoire financière pour les sociétés d'audiovisuel public.
Les sociétés d'audiovisuel public perçoivent le système de financement par crédits budgétaires comme moins protecteur et soulèvent des inquiétudes sur les enjeux symboliques qui en découleraient, notamment sur le plan international. Au vu de l'urgence à trouver un mode de financement pouvant prendre le relais du système actuel, le temps manque pour mettre en place les précautions qui pourraient rendre un financement par crédits budgétaires plus acceptable par les sociétés d'audiovisuel public.
Alors que la commission des finances du Sénat avait soulevé cette difficulté dès le vote dans l'urgence de la suppression de la contribution à l'audiovisuel public (CAP) à l'été 2022, il est regrettable qu'aucune mesure n'ait été prise au cours des deux dernières années afin d'anticiper cette échéance.
La préservation de l'indépendance budgétaire des services publics audiovisuels, notamment protégée par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, impose cependant de trouver rapidement un mode de financement pérenne, à deux mois de la caducité du mécanisme actuel.
Le Sénat a donc adopté le 23 octobre 2024 une proposition de loi organique portant réforme du financement de l'audiovisuel public. Celle-ci vise à modifier l'article 2 de la LOLF afin de permettre aux sociétés d'audiovisuel public de bénéficier de l'affectation d'un montant d'impôt d'État, ce qui permettra de maintenir le système antérieur de financement par une part de TVA affectée.
En conséquence, la création de la mission « Audiovisuel public » est réversible, dans l'hypothèse où la proposition de loi organique serait adoptée avant la fin de l'examen du projet de loi de finances. Les documents budgétaires sont ainsi explicites : « Cette solution ne préempte pas d'éventuelles modifications du cadre organique visant à définir un mode de financement alternatif pour le secteur qui serait décidé par le Parlement ».
Si la proposition de loi organique était adoptée suffisamment à temps pour que soit adopté un montant de TVA affectée lors du vote de la première partie du PLF pour 2025, la mission serait vraisemblablement de nouveau transformée en compte de concours financiers.
* 17 Changer de cap pour renforcer la spécificité, l'efficacité et la puissance du service public, rapport d'information n° 651 (2021 2022) de MM. Roger Karoutchi et Jean-Raymond Hugonet, fait au nom de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication et de la commission des finance - 8 juin 2022.
* 18 Réforme du financement de l'audiovisuel public, rapport de mission IGAC-IGF, juin 2022.