N° 492


ASSEMBLÉE NATIONALE

CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958

DIX-SEPTIÈME LÉGISLATURE

 

N° 85


SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence de l'Assemblée nationale
le 29 octobre 2024

 

Enregistré à la Présidence du Sénat le 28 octobre 2024

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission mixte paritaire(1) chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi
visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme
à l'
échelle locale,

PAR Mme Annaïg LE MEUR

et M. Inaki ECHANIZ,
Rapporteurs,

Députés

PAR Mme Sylviane NOËL
et M. Jean-François HUSSON,
Rapporteurs,

Sénateurs

(1) Cette commission est composée de : Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente ; Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente ; Mme Sylviane Noël, M. Jean-François Husson, sénateurs, Mme Annaïg Le Meur, M. Inaki Echaniz, députés, rapporteurs.

Membres titulaires : M. Yves Bleunven, Mmes Viviane Artigalas, Frédérique Espagnac, M. Bernard Buis, sénateurs ; MM. Frédéric Falcon, Alexis Jolly, Vincent Rolland, Mme Danielle Simonnet, députés.

Membres suppléants : Mme Martine Berthet, M. Jean-Baptiste Blanc, Mme Amel Gacquerre, M. Rémi Féraud,
Mme Marianne Margaté, M. Cédric Chevalier, Mme Antoinette Guhl, sénateurs ; MM. Hervé de Lépinau,
Pierre Cazeneuve, Mme Murielle Lepvraud, MM. Emmanuel Grégoire, Christophe Plassard, Paul Molac, députés.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (16e législ.) :

Première lecture : 1176, 1928 et T.A. 231

Sénat :

Première lecture : 292, 579, 586, 587 et T.A. 131 (2023-2024)
Commission mixte paritaire : 86 (2024-2025)

SOMMAIRE

Pages

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE 5

TABLEAU COMPARATIF 37

TRAVAUX DE LA COMMISSION MIXTE PARITAIRE

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Permettez-moi tout d'abord de souhaiter la bienvenue à nos collègues de l'Assemblée nationale, pour cette première commission mixte paritaire de la session, et plus particulièrement à la présidente Aurélie Trouvé.

Nous sommes réunis aujourd'hui afin de parvenir à un accord sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale. Huit articles sont encore en discussion tandis qu'un article a été adopté conforme par le Sénat, à savoir l'article 5.

En préambule, je tiens à souligner que cette proposition de loi est extrêmement attendue des élus locaux. Déposée en avril 2023, elle a été adoptée par l'Assemblée nationale en janvier 2024, puis par le Sénat le 21 mai 2024. Outre ce calendrier déjà étendu, la dissolution a conduit à reporter encore davantage nos travaux, si bien que cette commission mixte (CMP) se déroule aujourd'hui près d'un an après l'adoption du texte en commission à l'Assemblée nationale. Je me félicite donc que le Gouvernement ait choisi de convoquer une CMP, afin de permettre à ce texte d'initiative parlementaire d'aboutir rapidement, la lecture des conclusions étant prévue au Sénat le 5 novembre prochain puis, dans la foulée, à l'Assemblée nationale.

Je tiens aussi à saluer l'engagement de tous ceux qui ont permis à cette proposition de loi d'aboutir et à me féliciter de la qualité du travail parlementaire pour permettre la régulation des meublés de tourisme au plus près des territoires. La consultation menée par la commission des affaires économiques du Sénat en mai dernier a montré le besoin criant des élus locaux de disposer de plus d'outils de régulation et la nécessité de « faire dans la dentelle ». La location meublée touristique recouvre en effet des réalités très différentes selon les territoires : pour certains, elle peut être source de nuisances et de déséquilibres, tandis que, pour d'autres, elle est un levier indispensable de développement de l'activité économique et touristique.

Parce qu'elle offre aux élus locaux une « boîte à outils » de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale, cette proposition de loi a été largement soutenue par le Sénat.

En plus d'offrir un levier local d'action, elle inclut des mesures visant à limiter les effets d'éviction du logement permanent vers la location meublée touristique - je rappelle que notre pays connaît une crise du logement -, en raison notamment de l'attractivité du régime fiscal de la location meublée touristique et des exigences de décence énergétique applicables à la location nue.

Je me félicite que nos rapporteurs aient su trouver, sur la plupart des articles, des points d'accord qui démontrent, une nouvelle fois, la qualité du dialogue institutionnel entre nos deux assemblées. Des divergences persistent cependant sur quelques points ; je vous propose donc de réserver la discussion de l'article 1er pour l'aborder après l'article 4.

Je rappelle qu'il ne peut, bien entendu, y avoir d'accord partiel en CMP : notre accord final devra porter sur l'ensemble des articles afin que nous aboutissions à l'adoption d'un texte équilibré et utile.

Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Cette première commission mixte paritaire de la XVIIlégislature de l'Assemblée nationale est aussi ma première en tant que présidente de la commission des affaires économiques.

La proposition de loi a débuté son parcours à l'Assemblée nationale sous la précédente législature : elle a en effet été déposée le 28 avril 2023 par Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, avant d'être adoptée le 28 novembre par notre commission, puis le 29 janvier 2024 en séance. Ce texte est un exemple de travail transpartisan, et je me félicite qu'il ait été remis à l'ordre du jour de nos travaux pour achever, je l'espère, son parcours parlementaire.

L'enjeu est important : les plateformes de location d'hébergements touristiques par des particuliers ont connu une croissance continue ces dernières années, et près de 20 % des nuitées saisonnières réalisées en France le sont dans un meublé de tourisme de ce type. Dans de nombreuses villes, l'essor de ce mode de location peut favoriser la spéculation et compliquer encore l'accès au logement de nos concitoyens. Il est donc urgent de mieux réguler ces pratiques de location, en particulier lorsqu'elles s'apparentent à un véritable business qui peut porter préjudice au secteur touristique traditionnel.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Nous concluons ce soir nos travaux sur la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale. C'est un euphémisme de dire que ce texte est attendu : il donnera des outils concrets aux maires confrontés à une pénurie de logements dans certains territoires.

Il s'agit non pas d'interdire les meublés de tourisme, mais de réguler une activité nécessaire dans les zones touristiques, qui prend cependant aujourd'hui une ampleur incontrôlable. Cette proposition de loi ne réglera pas, à elle seule, la crise du logement que nous traversons, mais elle demeure indispensable face au phénomène de sortie des logements du parc des locations de longue durée.

Nous remercions les rapporteurs du Sénat pour la qualité de nos discussions.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La partie réglementaire n'est pas la plus médiatique, mais elle revêt une grande importance pour les élus locaux et nos territoires. Nous pouvons nous réjouir que les points de désaccord aient été peu nombreux sur cette partie.

Sur l'article 1er A, qui généralise la procédure d'enregistrement auprès d'un téléservice, un travail rédactionnel important a été réalisé en vue de la commission mixte paritaire, afin que le texte soit parfaitement conforme au droit européen.

En ce qui concerne l'article 1er bis, nous réintégrons la proposition de l'Assemblée nationale de donner aux collectivités la possibilité, si elles le souhaitent, de limiter à 90 le nombre de jours maximum de location en meublé de tourisme d'une résidence principale.

Sur l'article 2, des compromis pertinents ont été trouvés pour faciliter la recherche de la preuve de l'usage d'habitation du local - un véritable caillou dans la chaussure des collectivités locales face aux propriétaires qui n'ont pas demandé d'autorisation préalable de changement d'usage pour mettre en location leur logement en meublé de tourisme.

Nous avons également conservé la servitude de résidence principale - et je remercie Vincent Rolland, qui en est à l'initiative - et la possibilité de fixer des quotas dans certains quartiers, deux instruments auxquels nos élus locaux sont attachés.

S'agissant de l'article 2 bis, nous avons oeuvré ensemble pour renforcer le pouvoir de la copropriété lorsqu'elle souhaite interdire les locations en meublé de tourisme de logements qui ne constituent pas une résidence principale. Cela doit être possible quand une clause d'habitation bourgeoise est inscrite dans le règlement de copropriété. Nous avons pris soin de sécuriser juridiquement ce dispositif introduit par le Sénat.

Seul l'article 1er aura donné lieu à un débat avec des divergences de vues sur le rythme d'entrée en vigueur des obligations de performance énergétique pour les meublés de tourisme qui n'auront pas besoin à l'avenir d'une autorisation de changement d'usage. Nous réglerons ce point mineur tout à l'heure.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Sur la partie fiscale, les échanges avec le rapporteur Jean-François Husson, dont nous saluons la pugnacité, ont été francs. Nous prenons acte du désaccord qui nous oppose et du refus du rapporteur du Sénat d'harmoniser la fiscalité de la location de meublés touristiques avec la location nue, ce qui était l'objectif des travaux menés dans le cadre du rapport sur la fiscalité locative que j'ai remis au Premier ministre l'été dernier.

Nous proposerons donc une rédaction alternative de l'article 3 qui doit permettre de rehausser l'abattement et le plafond du micro-foncier, tout en diminuant l'abattement pour les meublés classés et les chambres d'hôtes.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - Cette proposition de loi est effectivement très attendue par les maires de nos communes et par nombre de nos concitoyens. Rappelons-le, 37 % des élus locaux consultés par le Sénat en mai dernier estimaient que les outils à leur disposition pour réguler la location meublée touristique n'étaient pas suffisants.

Sur le volet « boîte à outils » au service des maires, six articles restent en discussion à l'issue de l'examen du texte par nos deux chambres.

Mes échanges avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale ont montré notre engagement commun pour une régulation au plus près des besoins des territoires. Nos divergences, loin d'être irréconciliables, ont abouti à une solution équilibrée sur la plupart des articles restant en discussion, permettant de préserver de nombreux apports de nos assemblées respectives.

Les deux autres articles restant en discussion concernent le volet fiscal, que je laisserai M. Husson vous détailler.

Le texte duquel nous sommes partis est celui qui est issu des travaux du Sénat : je précise que cela résulte d'une logique purement institutionnelle et juridique, le Sénat étant la dernière assemblée à s'être prononcée sur ce texte.

L'article 1er A, introduit en commission à l'Assemblée nationale, vise à généraliser la procédure de déclaration avec enregistrement de la location d'un meublé de tourisme. Cela avait été approuvé, et même conforté au Sénat, puisque cet enregistrement est plébiscité par 80 % des élus locaux. Il leur permettra de disposer de données plus robustes sur la location meublée touristique dans leur territoire et de mener à bien leurs contrôles.

En ce qui concerne cet article, nous avons conservé les apports des deux chambres, notamment ceux du Sénat qui prévoyaient la fourniture de pièces justificatives lors de l'enregistrement comme preuve de la résidence principale, et à faciliter les contrôles des communes, notamment en dotant le maire d'un pouvoir de suspension des numéros de déclaration frauduleux ou en cas d'arrêté de péril. Avec Mme Le Meur et M. Echaniz, nous avions peu de divergences sur cet article. À la suite d'alertes du Gouvernement, nous avons néanmoins procédé à quelques ajustements afin d'éviter une longue procédure de notification à la Commission européenne, qui aurait suspendu l'adoption du texte pour trois mois. Or nous savons combien celui-ci est attendu.

Nous sommes également d'accord sur l'article 1er B, introduit par la commission des affaires économiques du Sénat. Il vise à appliquer aux meublés de tourisme l'impossibilité pour un propriétaire de toucher ne serait-ce qu'un euro si le meublé est visé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité, une mesure déjà en vigueur pour les locations nues.

L'article 1er est celui qui a suscité le plus de discussions : il concerne l'application aux meublés de tourisme d'exigences de performance énergétique, comme le fait la loi climat et résilience pour les locations nues. L'objet est triple : limiter l'éviction de la location nue vers la location meublée touristique des logements classés « passoires thermiques », soutenir la montée en gamme des hébergements touristiques et contribuer aux objectifs de transition écologique. Sur le principe, plus de 60 % des élus locaux y sont favorables, dès lors que les délais pour y parvenir sont réalistes.

Le Sénat avait apporté un certain nombre de modifications à cet article par rapport à la version adoptée par l'Assemblée nationale. Nous avons opéré une distinction entre le flux et le stock de meublés, afin d'éviter que des logements classés « passoires thermiques » ne basculent en meublés de tourisme - dès 2025 pour les logements classés G par exemple. Nous avons également voté une disposition en vertu de laquelle tous les meublés de tourisme devront répondre aux exigences issues de la loi climat et résilience, dans un délai réaliste de dix ans.

Nous avons des divergences sur cet article, mais qui sont d'ordre paramétrique et non de principe. J'espère que nous trouverons un accord.

L'article 1er bis concerne, quant à lui, principalement la possibilité donnée aux communes d'abaisser de 120 à 90 jours le nombre maximal de jours de location d'une résidence principale. Cette disposition avait été supprimée par le Sénat, car elle ne contribuait pas à favoriser le logement permanent : il s'agissait plutôt de lutter contre des effets de bord de la location meublée touristique, comme des centres-villes saturés.

Néanmoins, il s'agit d'une prérogative à la discrétion de la commune : elle sera mise en oeuvre non pas dans toutes les communes, mais seulement dans celles où elle est justifiée. D'après la consultation, c'est une mesure qui intéresse 43 % des élus locaux. Elle figure donc dans le texte de compromis que nous examinons aujourd'hui.

L'article 2 est celui qui concentre la plupart des mesures de la « boîte à outils » à disposition des élus locaux. Les quotas d'autorisations temporaires intéressaient notamment 44 % des répondants à la consultation du Sénat. Autre outil novateur offert par l'article 2 : les zones où les constructions nouvelles sont à usage exclusif de résidence principale. Là encore, c'est une faculté offerte aux élus locaux, dans les communes qui respectent certains critères précis : il s'agit d'assurer la constitutionnalité de la mesure. Nous étions globalement d'accord sur cet article ; nous vous proposons néanmoins quelques ajustements, principalement d'ordre technique ou juridique.

Enfin, l'article 2 bis, introduit en séance publique par le Sénat à la suite d'un amendement de Mme Gatel, vise à subordonner la location meublée touristique à un accord de la copropriété à la majorité simple. J'avais alors émis un avis défavorable, non pas parce que j'ignorais le besoin de régulation qu'il exprimait, mais parce qu'il était contraire à la jurisprudence constitutionnelle. En effet, à plusieurs reprises, le Conseil constitutionnel ou les tribunaux administratifs ont jugé qu'il s'agissait d'une atteinte disproportionnée au droit de propriété. Plutôt que de supprimer l'article, qui répond à des préoccupations légitimes de riverains dans certaines zones où la location meublée touristique a connu un développement incontrôlé, nous avons préféré le réécrire pour renforcer sa sécurité juridique.

J'espère que notre CMP aboutira à un accord global permettant de mettre en oeuvre très rapidement ces mesures tant attendues par les élus locaux. Je remercie les rapporteurs de l'Assemblée nationale, Annaïg Le Meur et Inaki Echaniz, pour la qualité de nos dialogues lors de la préparation de cette CMP.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Nous le savons, le texte que nous examinons aujourd'hui n'est qu'une partie de la réponse à la crise majeure que le secteur du logement connaît actuellement dans notre pays. Néanmoins, nous devons nous saisir de toutes les situations qui créent des difficultés supplémentaires. Ainsi, la location meublée touristique peut provoquer, dans certains territoires, lorsqu'elle se substitue à la location de longue durée, une attrition des logements disponibles en résidence principale.

Les réponses à cette situation me paraissent principalement de nature réglementaire et non de nature fiscale. En effet, c'est plutôt l'évolution de la réglementation et des pouvoirs donnés aux élus locaux pour réguler le marché localement qui favorisera véritablement le retour à la location de longue durée.

Néanmoins, les dispositions fiscales encore contenues dans le texte, si elles ne résoudront pas à elles seules tous les problèmes, devraient contribuer à rendre la fiscalité des meublés touristiques plus lisible, plus juste et plus équilibrée.

Ainsi, l'article 3 de la proposition de loi vise à réformer les paramètres fiscaux du régime micro-BIC (bénéfices industriels et commerciaux) applicable aux meublés de tourisme.

Le texte de cet article tel qu'il a été adopté par le Sénat en première lecture suit une ligne directrice claire : simplifier le régime fiscal applicable aux revenus des locations de meublés face à la tentation de créer des dispositifs toujours plus complexes et toujours moins lisibles.

L'objectif de lisibilité me semble d'autant plus essentiel que - ne l'oublions pas - le régime micro-BIC est censé être un régime simplifié. La fiscalité applicable aux meublés de tourisme doit être comprise par toute personne qui met son bien en location ; sinon, les propriétaires opteront massivement pour le régime réel, ce qui réduirait à néant l'effet de la réforme. C'est cet objectif qui a guidé le Sénat dans sa proposition de supprimer toute forme de zonage : il s'agissait, j'y insiste, de lutter contre une excessive complexité.

Pour ces mêmes raisons, le Sénat s'est prononcé contre la création d'un régime spécifique, défini par décret, pour les gîtes ruraux ou pour les stations de ski. Cette dernière option me semblerait encore plus insatisfaisante, car elle reviendrait à confier au Gouvernement le soin de définir librement un zonage fiscal.

Le Sénat a aussi cherché à harmoniser les taux d'abattement et les plafonds dans le texte adopté en première lecture, afin de rendre le dispositif accessible à tous.

À l'occasion de cette commission mixte paritaire, il me semble essentiel de maintenir la simplicité et la lisibilité du dispositif.

Pour finir, la pugnacité que vous avez évoquée, madame Le Meur, n'est que la traduction de mon souhait de faire appliquer les règles. En effet, il ne nous est pas possible de discuter de dispositions nouvelles en CMP, en particulier du régime fiscal du micro-foncier de la location nue ou de la prise en compte des amortissements dans les déductions pour charge du revenu imposable.

Le Sénat n'a pas eu l'occasion de se prononcer sur ces points, ce qui fragiliserait la légitimité politique d'une réforme. Mais, surtout, la règle de l'entonnoir, issue des règlements des assemblées et de la jurisprudence constitutionnelle, nous interdit d'inscrire en commission mixte paritaire une modification substantielle n'ayant pas été discutée auparavant durant la navette. Nous nous exposerions alors à un risque de censure constitutionnelle, qu'il me semble sage d'éviter.

L'article 4 visait à réintégrer au calcul de la plus-value de cession des loueurs de meublés touristiques non professionnels les amortissements déduits du revenu de la location de ces biens. Le Sénat avait décidé de le supprimer en première lecture. À l'époque, l'administration n'avait pas été en mesure d'apporter d'éléments précis sur les conséquences de la mise en oeuvre de ce dispositif. Par ailleurs, cet article figure dans le projet de loi de finances pour 2025, dans son article 24, et pourra faire l'objet d'un débat à cette occasion. Nous sommes donc d'accord avec les rapporteurs de l'Assemblée nationale pour maintenir la suppression de l'article 4.

En conclusion, je souhaite que l'équilibre auquel nous parvenons petit à petit soit de nature à faire converger les points de vue afin que nous réussissions à obtenir un texte satisfaisant.

Mme Viviane Artigalas, sénatrice. - Nous souhaitons que cette commission mixte paritaire soit conclusive. Les territoires attendent ce texte depuis longtemps.

EXAMEN DES DISPOSITIONS RESTANT EN DISCUSSION

Article 1er A

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 1 vise à éviter une longue procédure de notification à la Commission européenne, qui reporterait la promulgation de cette loi attendue par les élus locaux.

En effet, la déclaration avec enregistrement sera, dès 2026, encadrée par le règlement (UE) 2024/1028 du 11 avril 2024 concernant la collecte et le partage des données relatives aux services de location de logements de courte durée, dit règlement « short term renting » (STR). Il importe de ne pas imposer aux plateformes des obligations supplémentaires par rapport à ce règlement, car cela entraînerait une notification du texte par le Gouvernement à la Commission européenne et une période de « pause » de l'examen parlementaire de trois mois.

La proposition de rédaction conserve ainsi les apports votés à l'Assemblée nationale relatifs à la généralisation de la déclaration soumise à enregistrement, de même que ceux qui ont été votés au Sénat concernant la demande de pièces permettant de justifier de la qualité de résidence principale du bien loué, ainsi que du respect des règles de sécurité contre les risques d'incendie, d'autorisation de changement d'usage et de performance énergétique ; il en est de même pour la possibilité donnée au maire de suspendre, conformément au droit européen, les numéros de déclaration des meublés dont les déclarations sont erronées ou frauduleuses, ou encore lorsque le meublé est visé par un arrêté de péril.

Elle prévoit plusieurs ajustements.

D'une part, elle distingue les informations et pièces justificatives conditionnant la délivrance du numéro d'enregistrement des autres informations et pièces justificatives. Conformément au règlement STR, ces dernières peuvent être incluses dans la déclaration afin de permettre aux communes d'exercer leur contrôle a posteriori, mais leur absence ne peut empêcher la délivrance du numéro. Il s'agit des informations et justificatifs concernant notamment la sécurité incendie, l'interdiction de sous-louer un logement social ou la performance énergétique du logement.

D'autre part, elle supprime la mention de l'interdiction pour les plateformes de mettre en location des contenus dont le numéro a été suspendu, ainsi que l'astreinte en cas de non-communication par les plateformes d'informations aux communes : à la place, la formulation issue du règlement européen est reprise, afin de permettre au maire qui suspend la validation d'un numéro de déclaration « d'émettre une injonction demandant à la plateforme numérique de retirer ou de désactiver l'accès au référencement d'une annonce » dont le numéro a été suspendu. Les plateformes ne respectant pas cette injonction seront passibles d'une amende civile de 50 000 euros par meublé objet du manquement. La possibilité d'assortir les injonctions de transmission des informations d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard et par meublé de tourisme sera reprise dans une prochaine loi d'adaptation du droit national au droit européen en 2026.

Mme Danielle Simonnet, députée. - Dans la version du Sénat, n'était-ce pas dans cet article que figurait la mention de la production du dernier avis d'imposition pour justifier de la résidence principale ? Il s'agissait, à mes yeux, d'un élément essentiel.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous avons élargi le champ des pièces justificatives, qui sera précisé par un décret. L'avis d'imposition en fera partie.

Mme Danielle Simonnet, députée. - La formulation retenue par le Sénat permettait de prévoir la fourniture de l'avis d'imposition : elle était plus protectrice que cette version, qui s'en remet à un décret ultérieur. Avec la nouvelle rédaction proposée, le législateur n'aurait plus la main. La référence au dernier avis d'imposition devrait au contraire figurer dans le texte.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - L'administration fiscale déterminera quels seront les documents recevables pour apporter la preuve de la résidence principale.

Mme Danielle Simonnet, députée. - L'absence d'exigence de fourniture de l'avis d'imposition a conduit à de nombreuses fraudes et à de fausses déclarations de multipropriétaires.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction est ainsi rédigée : « Un décret détermine les informations et les pièces justificatives qui sont exigées pour l'enregistrement de la déclaration préalable, notamment celles de nature à attester du respect de l'exigence prévue au deuxième alinéa. »

Cette formulation me semble parfaitement répondre à votre demande, madame la députée.

Mme Marianne Margaté, sénatrice. - Je suis d'accord avec Mme Simonnet. Je le rappelle, un amendement porté par quatre groupes et adopté par le Sénat prévoyait que le dernier avis d'imposition devait être fourni comme pièce justificative pour attester de la preuve de la résidence principale.

Cette mesure permet de lutter contre la fraude, un sujet qui nous préoccupe tous. Il serait dommageable que nous perdions cette avancée votée par notre assemblée.

Mme Antoinette Guhl, sénatrice. - Je suis du même avis : ne perdons pas cet acquis du Sénat ! Cela nous évitera, par ailleurs, d'avoir à attendre un décret qui pourrait ne pas arriver, ce qui empêcherait les collectivités d'agir contre la fraude.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous sommes d'accord pour ajouter cette mention.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je vous propose de revenir à cet article ultérieurement, le temps de proposer une nouvelle rédaction.

Article 1er B (nouveau)

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - L'article 1er B, issu d'un amendement adopté en première lecture par la commission des affaires économiques du Sénat, prévoit le remboursement de la somme versée par un client de meublé de tourisme si l'immeuble du local concerné est ciblé par un arrêté de mise en sécurité ou de traitement de l'insalubrité.

Aucune modification autre que rédactionnelle n'est apportée à l'article tel qu'issu de l'adoption de la proposition de loi par le Sénat.

La proposition de rédaction n° 2 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er B est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Comme je vous l'ai indiqué dans mon propos introductif, je vous propose de réserver l'examen de l'article 1er.

L'examen de l'article 1er est réservé.

Article 1er bis

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 4 rétablit la possibilité donnée à la commune, supprimée au Sénat, d'abaisser à 90 jours le nombre maximal de jours de location d'un meublé de tourisme sur le territoire de la commune. Elle vise également à créer une amende civile spécifique aux plateformes ne se conformant pas à l'injonction du maire de retirer les annonces dont les numéros de déclaration ont été suspendus et procède à des corrections rédactionnelles concernant l'entrée en vigueur de cette mesure.

M. Frédéric Falcon, député. - Je suis favorable à faire passer de 90 à 60 le nombre maximum de nuitées.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition avait été faite à l'Assemblée nationale, mais nous avions déjà eu du mal à convaincre nos collègues de passer de 120 à 90 jours.

Par conséquent, je suis défavorable à cette demande.

Mme Danielle Simonnet, députée. - Je serais tout à fait favorable à une diminution de 90 jours à 60 jours, mais il me semble que le plus important est de laisser la main aux maires. Si nos travaux aboutissent à ne retenir que 90 jours, mais en laissant la possibilité aux communes de moduler la durée, il s'agira malgré tout d'une avancée.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Il est en effet essentiel que les élus locaux disposent de la possibilité de moduler cette durée.

M. Emmanuel Grégoire, député. - Le débat sur ce plafond est complexe et je fais confiance aux rapporteurs sur ce point. L'idée de donner aux élus locaux la capacité de moduler le nombre de jours est intéressante à deux égards : d'une part, elle leur permet de moduler la durée maximale de location en tenant compte des spécificités de leurs territoires - en systématisant les locations de résidences principales pendant les vacances scolaires, par exemple - ; d'autre part, compte tenu du rapport de forces déséquilibré entre les plateformes et les élus locaux qui s'est établi au fil des années, tout ce qui permet un rééquilibrage est bon à prendre.

Avec ces dispositions, les plateformes devraient être incitées à discuter avec les élus locaux et à leur demander leur aide au lieu de les piétiner. Il serait donc utile que les élus aient ce type de pouvoirs, afin de mener un dialogue constructif.

M. Vincent Rolland, député. - Je voterai bien évidemment cette proposition de rédaction, qui a le mérite de donner aux territoires une capacité d'adaptation et s'éloigne ainsi de la tentation de l'État central d'uniformiser les politiques. Je ne suis pas certain, pour autant, qu'elle rééquilibre le marché en faveur de la location permanente.

M. Frédéric Falcon, député. - Je me réjouis que les communes aient la possibilité d'adapter le nombre de nuitées, mais je maintiens ma proposition d'un abaissement à 60 jours.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'objectif de cette modulation de la durée consiste à contrecarrer une dérive que l'on constate dans les territoires qui encadrent déjà le changement d'usage. Pour prendre l'exemple de la communauté d'agglomération Pays basque, qui l'encadre assez strictement avec une compensation simple, des personnes basculent en résidence principale afin d'échapper à la réglementation et de pouvoir louer leur bien 120 jours.

Même si j'espère que nous arriverons à travailler, par la suite, à une redéfinition de la résidence principale et de la résidence secondaire, la proposition vise donc à éviter les biais constatés sur le terrain.

Mme Antoinette Guhl, sénatrice. - Nous étions partis de 120 jours, nombre ramené par l'Assemblée nationale à 90 jours ; mon groupe avait ensuite proposé 60 jours, avant que le nombre ne remonte à 120 jours. La formule des 90 jours me paraît donc être un juste compromis.

Par ailleurs, je ne partage pas votre avis, monsieur Rolland : il ne s'agit pas de la mesure phare de cette proposition de loi, mais uniquement d'un levier parmi d'autres à la disposition des collectivités locales. Mis bout à bout, ces leviers conféreront sa force au texte.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je n'étais pas favorable à une réduction du plafond de 120 jours, car je pensais qu'elle aboutirait à une redéfinition du statut de résidence principale. Tel n'est pas le cas. Le sondage effectué par le Sénat a permis de confirmer que cette requête était surtout portée par les maires, d'où mon acceptation de cette proposition d'une réduction du plafond à 90 jours.

M. Vincent Rolland, député. - J'entends les propos de M. Echaniz, qui prouvent que les territoires sont différents, dans la mesure où je n'observe pas nécessairement les mêmes phénomènes dans ma circonscription.

Concernant la remarque de Mme Guhl, j'aurais plutôt dû parler de dispositif médiatique plutôt que de dispositif phare, car nous savons tous que la proposition de loi vise les plateformes, notamment la plus célèbre d'entre elles, installée en Californie.

M. Frédéric Falcon, député. - Je demande un vote sur ma proposition de réduire le nombre maximal de jours de location d'un meublé de tourisme de 90 jours à 60 jours.

La modification proposée par M. Frédéric Falcon n'est pas adoptée.

La proposition de rédaction n° 4 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 5 apporte plusieurs ajustements, notamment en prévoyant que la preuve de l'usage d'habitation d'un local puisse être apportée à la fois au sein d'une période de référence entre 1970 et 1976 et au sein d'une période glissante de trente ans.

La proposition vise également à opérer une harmonisation rédactionnelle de la définition de la location meublée touristique, ainsi qu'à exclure du calcul des quotas d'autorisations temporaires les résidences-services.

En outre, elle prévoit la suppression des dispositions introduites par un amendement du Sénat tendant à inscrire dans la loi la possibilité pour la commune de subordonner la compensation d'un changement d'usage à l'achat de droits de commercialités auprès d'un organisme financeur du logement social. Nous souhaitons en effet assurer la réciprocité, en faisant en sorte que la compensation porte sur des logements de même nature et de même taille.

En ce qui concerne les zones exclusives de résidence principale, il est proposé de relever l'un des critères permettant de mettre en place la servitude, à savoir le taux de résidences secondaires sur le territoire de la commune, de 15 % à 20 %.

Enfin, l'entrée en vigueur différée de cet article, justifiée en mai dernier par les jeux Olympiques de Paris 2024, ne l'est plus aujourd'hui.

M. Vincent Rolland, député. - Si je me satisfais particulièrement du zonage de servitude d'habitation permanente, je m'interroge sur le bien-fondé de la définition d'un seuil. Dans ma circonscription, qui compte des communes extrêmement touristiques, la pression immobilière se décale progressivement sur les communes limitrophes : celles-ci ne comptent certes pas encore 15 % ou 20 % de résidences secondaires, mais le mouvement est rapide, et il pourrait être trop tard dans quelques années.

J'estime qu'il faudrait, à l'instar de l'article précédent, laisser la main aux maires pour décider d'un zonage de servitude d'habitation permanente. Il s'agit d'un simple bémol, l'actuelle rédaction étant un progrès.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je partage totalement les propos de Vincent Rolland. Toutefois, aller au-delà de ce seuil de 20 % nous exposerait à une censure du Conseil constitutionnel. Nous avons convenu de ce niveau avec les rapporteurs du Sénat, quitte à le modifier ultérieurement.

La proposition de rédaction n° 5 des rapporteurs est adoptée.

L'article 2 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 2 bis (nouveau)

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - La proposition de rédaction n° 6 vise à réécrire cet article, dont la formulation issue des travaux du Sénat paraît contraire à la jurisprudence du Conseil constitutionnel en conditionnant la possibilité de proposer un lot en location de meublé de tourisme à une décision à la majorité simple de l'assemblée générale de la copropriété.

Nous estimons toutefois nécessaire de faciliter la régulation des meublés de tourisme dans les copropriétés au-delà du droit existant, car si chacun est libre de jouir de ses parties privatives, cette liberté est bornée par celle des autres habitants à faire de même sans souffrir de nuisances anormales dans des immeubles d'habitation destinée à une vocation résidentielle. C'est d'ailleurs l'objet de clauses dites d'« habitation bourgeoise » ou « exclusivement bourgeoise » des règlements de copropriétés visant à interdire certains usages apportant des nuisances par le passage qu'ils créent dans l'immeuble.

Par ailleurs, le développement des meublés au détriment du logement permanent va à l'encontre de la possibilité pour toute personne de disposer d'un logement décent, ce qui est reconnu comme un objectif de valeur constitutionnelle.

Nous proposons donc de retenir deux dispositions.

La première vise à permettre la modification des règlements de copropriété pour interdire la location en meublés de tourisme de lot à la majorité de l'article 26 - majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix -, soit la plus sévère et protectrice après l'unanimité. Cette modification à la majorité des deux tiers, dérogatoire au principe général, ne serait possible que dans les copropriétés comportant déjà une clause dite « bourgeoise » n'autorisant que l'habitation et les activités libérales - médecin, avocat, etc. - et interdisant les activités commerciales en dehors des lots dédiés, par exemple en pied d'immeuble.

La seconde disposition oblige tout nouveau règlement de copropriété à se prononcer sur la possibilité ou non de louer en meublés de tourisme des lots d'habitation.

M. Vincent Rolland, député. - Je m'interroge sur la seconde disposition, qui risque de conduire, dans des copropriétés construites à destination de la résidence secondaire, des copropriétaires à refuser de louer leur bien. Nous produirions alors des « lits froids », phénomène qui décrit le comportement d'un résident secondaire d'une station de ski ou en bord de mer, par exemple à la Grande-Motte ou à La Plagne, sites qui ont bénéficié d'investissements massifs de l'État. Les propriétaires d'une résidence secondaire peuvent fort bien refuser de mettre leur bien en location, le « figeant » ainsi en dehors du marché, alors que nous souhaitons justement lutter contre ce type de phénomène.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je ne comprends guère votre position, dans la mesure où une majorité des deux tiers sera toujours requise pour refuser la location. S'il est question d'une résidence à vocation touristique, il me semble exclu de voir les deux tiers des propriétaires la refuser.

M. Vincent Rolland, député. - La situation est plus complexe, certaines résidences haut de gamme refusant de voir des énergumènes occuper tel ou tel appartement afin d'en préserver la tranquillité. Il me semble qu'il faudrait établir une distinction entre une promotion immobilière en ville et une promotion immobilière dans des stations telles que La Plagne ou la Grande-Motte. Dans des contextes de forte montée en gamme, nous risquons bien de créer des lits froids.

M. Frédéric Falcon, député. - Je défends la mission Racine et les stations du pourtour méditerranéen qui ne sont pas occupées toute l'année, ce qui n'est pas forcément compris par des collègues représentant d'autres territoires, avec d'autres réalités. Avec cette disposition, nous risquons d'avoir des problèmes : toute ma région vit du tourisme et de l'activité dans ces stations ; n'imposons donc pas à tout le territoire des mesures qui satisferont certains territoires, tels que ceux de mes collègues rapporteurs, mais risquent de créer un véritable désordre.

Nous nous opposons à cette proposition de rédaction, même si j'en comprends l'esprit.

Mme Frédérique Espagnac, sénatrice. - Le déploiement de cette nouvelle réglementation dans les zones tendues présente un intérêt majeur, mais il existe aussi des exceptions telles que certaines stations de ski très touristiques, le risque de créer une inaccessibilité étant encore plus élevé dans les plus onéreuses d'entre elles. C'est pourquoi j'avais attiré l'attention d'Inaki Echaniz sur la distinction à opérer entre les villages de montagne et les stations de ski, celles-ci ne comptant quasiment que des lits touristiques, inutilisés pendant l'été.

M. Christophe Plassard, député. - La proposition de rédaction fait référence à un nouveau règlement de copropriété, ce qui renvoie à la construction ou à la transformation d'un bâtiment. Certains hôtels sont parfois transformés en habitations destinées à la location, mais le promoteur soumet alors le règlement de copropriété en même temps que le contrat de vente.

Si ledit règlement mentionne le fait qu'il s'agit d'une résidence à vocation touristique, nous nous situons même en amont de la première assemblée générale des copropriétaires, et c'est donc le promoteur qui déterminera la destination - touristique ou non - du bâtiment. Je ne vois pas pourquoi cette vocation touristique créerait des lits froids.

M. Emmanuel Grégoire, député. - Je comprends l'inquiétude de nos collègues, mais je tiens à rappeler qu'il s'agit de donner aux membres d'une copropriété les moyens de s'opposer à des changements d'usage porteurs de « nuisances ». Ces dernières ne sont pas celles que l'on observe dans les zones très touristiques à la mer ou à la montagne, caractérisées par un modèle dans lequel la location sert à amortir l'achat d'un bien que l'on occupe très peu.

Le problème que vous évoquez ne sera pas donc réglé avec cette proposition de loi, même s'il faudra se pencher sur la limitation quantitative du nombre de résidences secondaires autorisant les lits froids à un autre moment. En revanche, les changements d'usage posent problème dans des immeubles qui n'ont pas été conçus pour accueillir des flux de touristes. Nous nous sommes saisis de ce problème à Paris grâce aux remontées des habitants qui se plaignaient du bruit occasionné par des départs tôt le matin ou par des fêtes nocturnes.

Les dispositions envisagées me semblent protéger les futurs changements d'usage, en s'assurant qu'au moins la moitié des occupants d'un immeuble est d'accord pour accueillir les meublés touristiques, avec les nuisances qui les accompagnent. De plus, je pense qu'aucun risque de création de lits froids n'en résultera dans les zones très touristiques.

M. Frédéric Falcon, député. - J'ai écouté vos objections, mais j'estime qu'il faut arrêter de tout réglementer. S'il existe un important lobby de la montagne à l'Assemblée nationale, ce n'est pas le cas pour les stations du Languedoc. Dans ma circonscription, les résidences secondaires se transforment de plus en plus en résidences principales et la cohabitation avec des locations saisonnières pourrait devenir de plus en plus difficile à l'avenir, mettant à mal un modèle qui nous permet de vivre.

Ce dispositif me semble donc abusif, et je ne vois pas en quoi ce nouveau règlement protégerait les résidences en question d'une menace soudaine de mettre fin à la location saisonnière, puisque rien n'empêche d'établir un règlement de copropriété modificatif. Faisons attention aux conséquences d'un alourdissement de la réglementation, qui pourraient être assez graves.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - L'intervention de Christophe Plassard vient lever toutes les difficultés, puisqu'il a justement souligné que le promoteur fera signer le règlement de copropriété. Il ne s'agira pas de lits froids, à La Plagne ou ailleurs.

Monsieur Falcon, il est également question de défendre les petits propriétaires qui décident de vivre en résidence principale là où ils le souhaitent, objectif que vous semblez partager tout en critiquant les dispositions proposées, ce qui me paraît difficile à entendre. Ce texte est au contraire équilibré.

Mme Antoinette Guhl, sénatrice. - L'objectif de cette proposition de loi est bien de donner la priorité aux résidents permanents afin que nos villes et nos villages soient habités à l'année. Aussi, toute mesure qui permettra aux élus de s'exprimer davantage sur la manière dont doit évoluer la location de meublés de tourisme est bienvenue.

Le risque que vous évoquez, monsieur Rolland, me paraît assez faible. Nous n'obligerons pas un propriétaire de résidence secondaire à louer son bien à un résident permanent s'il le refuse. Si la majorité des deux tiers des copropriétaires sont de cet avis, c'est qu'ils souhaitent proposer un modèle de résidence haut de gamme. Ce type de situation n'est pas l'objet de cette proposition de loi.

En revanche, la proposition de rédaction n° 6 donne la priorité aux résidents permanents. J'y suis très favorable, car c'est précisément l'esprit de la proposition de loi.

M. Vincent Rolland, député. - J'ai d'abord été séduit par les propos de M. Plassard. Si des propriétaires se retrouvent parfois contraints à louer leur bien sur le marché touristique, c'est généralement au travers des résidences de tourisme, grâce à de nombreux dispositifs, tels que les amortissements ou d'autres avantages fiscaux.

Aujourd'hui, ces cas ne posent pas de problème. Il s'agit de sites purement touristiques. Or, si votre proposition est adoptée, il suffirait que les deux tiers des copropriétaires se mettent d'accord pour empêcher une poignée de propriétaires de mettre leur bien sur le marché de la location saisonnière. Finalement, ces logements resteront aux mains de leurs propriétaires, avec un taux d'occupation très faible. Je suis opposé à la philosophie de ce type de promotion immobilière. Elle produira des lits froids à grands frais pour des gens qui ont des moyens importants.

N'oublions donc pas qu'un règlement de copropriété pourra empêcher des propriétaires de mettre leur bien en location. Je comprends l'esprit de la proposition n° 6, mais elle présente, pour certains territoires, d'importants risques contre lesquels nous tentons précisément de lutter au quotidien, sans avoir encore trouvé de solution satisfaisante...

M. Frédéric Falcon, député. - Il ne semble pas qu'une majorité se dégage pour revoir la rédaction de cette proposition au sein de cette commission mixte paritaire. Pourtant, si elle est adoptée, dès que le texte sera promulgué, les tribunaux ne tarderont pas à être saisis par des propriétaires qui ne pourront plus faire usage de leur bien comme ils l'entendent. Cela risque de poser problème.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - La deuxième disposition permet de donner une classification juridique claire, en amont du règlement de copropriété, au moment de la phase de promotion. Cela revient à inscrire une clause d'habitation bourgeoise, afin que les futurs propriétaires puissent faire usage de leur bien comme ils l'entendent.

Mme Danielle Simonnet, députée. - Je ne suis pas certaine d'avoir saisi tous les enjeux de ce débat. Ce texte ne résoudra pas l'ensemble des problèmes liés au logement, en particulier celui de la vacance des résidences secondaires d'ultra-riches qui ne sont occupées qu'un week-end par an - voire encore moins fréquemment. Pour cela, travaillons sur un autre texte de loi sur la vacance, et soutenons les amendements au projet de loi de finances qui viseront à rehausser plus fortement les taxes sur les résidences secondaires.

En l'état, ce texte vise à empêcher des propriétaires de transformer des biens résidentiels en un commerce de meublés à l'année. La copropriété doit pouvoir donner son avis. Par ailleurs, il est aussi important que la collectivité locale puisse s'exprimer sur le changement d'usage, et s'y opposer dans certaines zones, ou fixer des droits de compensation dissuasifs. Actuellement, dans certaines communes, le propriétaire qui souhaite louer son bien en tant que meublé de tourisme doit s'acquitter de titres permettant de transformer un local professionnel ou commercial en un nouveau logement. Il serait possible de modifier ce ratio. La commune pourrait aussi refuser simplement la demande de changement d'usage, au motif que le quartier en question est de nature résidentielle.

En effet, je ne suis pas favorable à l'idée que les copropriétaires seuls puissent prendre des décisions sur l'évolution du cadre de vie résidentiel, car les locataires sont les premiers à subir les conséquences d'un changement d'usage.

Mme Amel Gacquerre, sénatrice. - Je suis favorable à l'expression des copropriétaires sur l'usage du bien.

En revanche, je m'interroge sur la rédaction de la deuxième disposition. Qu'entend-on par « tout nouveau règlement de copropriété » ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Dans le dispositif, il est précisé qu'il s'agit des règlements de copropriété établis à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

M. Vincent Rolland, député. - Ne pourrions-nous pas préciser, dans le texte, que seules sont visées les constructions destinées à l'habitat permanent ? Nous contournerions le risque que j'ai évoqué pour les résidences secondaires, en limitant le champ d'application de la mesure.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Il s'agirait alors de reprendre le principe de servitude d'habitation permanente que nous venons d'adopter à l'article 2...

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Le règlement de copropriété a précisément pour objectif de définir la vocation de l'immeuble.

M. Emmanuel Grégoire, député. - Je ne vois pas comment une telle mesure serait juridiquement possible. Cela signifierait que, dans un immeuble, les appartements ne peuvent être que des résidences principales.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - C'est le règlement de copropriété qui définit la destination de l'immeuble.

M. Emmanuel Grégoire, député. - Mais le règlement de copropriété ne peut pas s'opposer à la loi !

M. Alexis Jolly, député. - Un règlement de copropriété révisé sera-t-il considéré comme un nouveau règlement de copropriété ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Non. Les nouveaux règlements de copropriété désignent ceux qui seront rédigés à compter de l'entrée en vigueur de la loi. La seconde disposition ne concerne pas la révision des règlements existants.

M. Alexis Jolly, député. - On crée donc deux catégories de règlements de copropriété. Cela me paraît compliqué. Ne pourrions-nous pas simplifier les choses ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Il s'agit simplement de distinguer les règlements de copropriété qui seront modifiés et ceux qui seront établis après l'entrée en vigueur de la loi.

M. Frédéric Falcon, député. - Cela me paraît aussi compliqué... Mettons-nous à la place des Français !

M. Christophe Plassard, député. - Soit un règlement existe, et il peut être modifié ; soit un règlement est créé, parce qu'il n'y en avait pas auparavant.

La proposition de rédaction n° 6 des rapporteurs est adoptée.

L'article 2 bis est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Article 1er A (suite)

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente - Par souci de lisibilité, permettez-moi de vous donner lecture de l'alinéa modifié à la proposition de rédaction n° 1 des rapporteurs : « Un décret détermine les informations et les pièces justificatives qui sont exigées pour l'enregistrement de la déclaration préalable, notamment la production d'un avis d'imposition sur le revenu établi au nom du loueur, incluant l'adresse du meublé de tourisme mis en location comme lieu d'imposition, afin d'attester du respect de l'exigence prévue au deuxième alinéa. »

Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Cette rédaction est bienvenue, car elle exige la production, non seulement d'un avis d'imposition, mais aussi d'autres pièces, dont la liste serait fixée par décret.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - C'est l'esprit de la version qu'avait retenue le Sénat.

La proposition de rédaction n° 1 des rapporteurs, ainsi modifiée, est adoptée.

L'article 1er A est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Je demande une suspension de séance.

La réunion, suspendue à 18 h 30, est reprise à 19 h 50.

Article 3

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Cette proposition de loi vise non seulement à venir en aide aux communes, grâce à son volet réglementaire, mais également à assurer une plus grande justice fiscale en alignant le régime d'abattement fiscal des locations de courte et de longue durées. Actuellement, l'abattement s'élève à 71 % ou 50 % pour les locations de courte durée, selon leur type, quand il n'est que de 30 % pour les locations de longue durée.

L'Assemblée nationale a adopté un alignement prévoyant 30 % d'abattement pour les meublés de tourisme, avec un plafond à 15 000 euros pour les biens non classés et à 30 000 pour les biens classés, de façon à préserver un avantage pour ceux-ci.

Les sénateurs ont décidé de maintenir l'abattement à 30 % pour les meublés de tourisme non classés, avec un plafond à 23 000 euros. En revanche, nous sommes en désaccord sur le taux d'abattement des meublés de tourisme classés, fixé à 50 % par le Sénat.

Or, lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2024 au Sénat, un amendement visant à aligner le taux d'abattement des biens classés et non classés à 30 % a été adopté. Celui-ci s'applique aux entreprises soumises au régime défini par l'article 50-0 du code général des impôts, après les rebondissements que nous avons connus auprès du Conseil d'État.

Par la suite, le rapport d'Annaïg Le Meur sur la réforme de la fiscalité locative, qui a été réalisé au cours de l'année 2024, et l'examen du projet de loi de finances pour 2025 à l'Assemblée nationale ont montré que nous pourrions rehausser le taux d'abattement pour la location nue. Toutefois, la règle dite de l'entonnoir nous empêche d'inscrire une telle mesure dans cette proposition de loi.

La semaine dernière, nous avons adopté, en séance sur le projet de loi de finances, un amendement portant à 50 % le taux d'abattement sur la location nue. Au cours du débat, le ministre Laurent Saint-Martin s'est dit prêt, pour sa part, à accepter un abattement à 40 %, à condition que le taux soit aligné sur celui des meublés classés.

C'est dans cette perspective que notre proposition de rédaction n° 9 vise à baisser le taux d'abattement sur les meublés classés à 40 %. Nous pourrions ainsi, une fois le PLF pour 2025 adopté, faire respecter la vocation initiale de ce texte, à savoir, réinstaurer un équilibre entre la fiscalité sur les locations de longue et de courte durées.

Toutefois, nous restons sensibles à la position des rapporteurs du Sénat et du monde du tourisme sur l'importance du classement. Aussi, au travers de la proposition de repli n° 10, nous acceptons une différence de plafond à 77 700 euros et un taux d'abattement à 50 % sur les meublés de tourisme classés trois étoiles ou plus.

Si nous sortons de cette commission mixte paritaire sans avoir résolu le déséquilibre entre les bénéfices fiscaux de la location de courte et de longue durées, nous serons passés à côté de l'objectif principal de ce texte et de notre ambition politique, à savoir, envoyer un signal aux propriétaires.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Il est vrai que mon rapport sur la réforme de la fiscalité locative a été publié tardivement - au mois de juillet dernier -, mais il m'avait été commandé en vue de la commission mixte paritaire. Chacun a pu, néanmoins, le consulter.

Dans ce rapport, nous avons notamment fait des projections sur la location nue. En effet, celle-ci ne peut être dissociée de l'objet de cette proposition de loi, dont l'objectif est bien de favoriser la location de longue durée, ou, du moins, d'aligner les différents types de location afin d'améliorer la lisibilité des taux et de les simplifier.

Nous préférerions aligner l'ensemble des taux à 40 %. Cela permettra en outre de trouver un équilibre budgétaire au sein du PLF.

L'ensemble du dispositif vous a été exposé. La discussion doit désormais porter sur le taux - 50 % ou 40 %. Si certains estiment qu'un taux différencié doit être appliqué, nous pourrons adopter la proposition de repli n° 10, qui s'appuie sur les spécificités liées à la qualité du logement, et non au territoire.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Je le redis, la vocation de ce texte n'est pas de nature fiscale, contrairement aux projets de loi de finances.

Les informations que nous avons reçues du Gouvernement ne sont pas tout à fait les mêmes que les vôtres. D'ailleurs, les propos du ministre en séance publique ne devraient peut-être pas être pris pour une vérité absolue. Nous attendons de voir de quelle manière l'examen se termine à l'Assemblée nationale pour faire des propositions.

Concernant les meublés non classés, nous avions proposé de ramener le plafond de 23 000 euros à 15 000 euros. Pour les meublés classés, le taux d'abattement s'élevait à 71 %, avec un plafond de 188 700 euros. Nous avons accédé à la demande des députés en portant ce taux à 50 % et le plafond à 77 700 euros.

Nous sommes en désaccord sur le taux d'abattement appliqué aux meublés de tourisme classés. Je propose d'en rester à 50 %, le plafond étant fixé à 77 700 euros. J'ai proposé de le baisser à 50 000 euros, dans une forme de médiation, mais mes collègues députés ont refusé cette offre. Rappelons que le taux d'abattement actuel, pour les meublés de tourisme classés, est de 71 %. Ces meublés, une, deux ou trois étoiles, appartiennent non pas à des chaînes, mais souvent à des propriétaires qui ont des revenus modestes. Le ressaut, de 71 % à 50 %, n'est pas insignifiant. Vous proposez un taux de 30 %. Nous veillons à protéger la France qui travaille, ceux qui ont investi pour faire monter en gamme leur bien, en espérant pouvoir mieux le vendre, et pour qui cela représente parfois l'engagement d'une vie. Soyons vigilants.

Par ailleurs, je le répète, les sujets de fiscalité seront abordés lors de l'examen du projet de loi de finances. Vu l'état du logement et du tourisme en France, il faudra un texte plus ambitieux que cette proposition de loi. Il importe de s'assurer de la sécurité juridique des mesures : envoyons un premier signe, mais les modifications les plus substantielles ne peuvent se faire qu'en loi de finances.

J'ai entendu que le rapport demandé à Mme Le Meur devait éclairer la CMP. Mais il était établi depuis un certain temps, et pourtant ne nous avait pas été communiqué, lorsque nous avons examiné la proposition de loi au Sénat. Replaçons les choses dans leur contexte.

M. Vincent Rolland, député. - Je suis toujours embarrassé lorsque l'on change les règles pour des investisseurs, qu'ils soient petits ou gros - en l'espèce, petits -, qui ont acheté un bien après avoir intégré un certain taux d'abattement dans leur plan d'investissement. Cela revient à leur dire de se débrouiller avec les nouvelles règles. Or, certains seront obligés de céder leur bien.

Je préfère ce qui pénalise le moins les investisseurs du passé. Ne faut-il pas appliquer les nouvelles règles au flux et épargner le stock ? Je sais que l'on risquerait de créer une belle usine à gaz, mais ce changement de règles du jeu est embarrassant.

Un plafond à 188 700 euros par an n'avait plus rien à voir avec la location non professionnelle. Aussi, qu'il diminue ne me dérange pas. Mais que le taux change dans des proportions importantes me gêne bien davantage.

Mme Danielle Simonnet, députée. - Je ne comprends pas bien l'intervention de M. Rolland, car le texte a pour objet d'encourager la location à l'année.

Certes, cette proposition de loi n'était pas, au départ, un texte fiscal, mais la fiscalité est à ce point avantageuse qu'elle fait de la location saisonnière un placement très rentable. C'est pourquoi il fallait bien inverser la fiscalité, afin qu'il soit plus avantageux fiscalement de louer à l'année.

Oui, les règles changent pour les investisseurs, mais la mission des députés est bel et bien de modifier les règles quand ils estiment qu'elles ne vont pas dans le bon sens !

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Et cela reste toujours rentable pour les investisseurs de louer sur une courte durée !

Mme Danielle Simonnet, députée. - Toutes ces propositions restent très modérées. Considérant la crise actuelle du logement, alors que 2 000 enfants vivent dans la rue, il est très choquant que le logement ne soit considéré que comme un produit de plus sur l'étal du banquier. Nous devons rompre avec cette logique-là et assumer complètement que nous voulons qu'il soit bien plus avantageux fiscalement de louer sur du long terme.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Ce n'est pas cette proposition de loi qui résoudra la crise du logement, malheureusement. Elle n'apporte qu'une petite pierre à l'édifice.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Les rapports démontrent que cet article n'aura aucune incidence sur la réalité que Mme Simonnet estime choquante, parce qu'il n'aura pas d'effet de fond sur le phénomène Airbnb. Ceux qui possèdent un certain nombre de biens ont opté pour le régime réel, et ne sont donc pas du tout concernés par cette réforme du régime micro.

Vous allez ennuyer - pour ne pas dire plus - des gens de la classe moyenne, ceux qui nous envoient régulièrement des messages pour réclamer plus de simplicité.

M. Frédéric Falcon, député. - Nous ne sommes pas du tout à l'aise avec la révision de la fiscalité.

Je rejoins les propos du rapporteur Husson : tout cela s'inscrit dans une vision beaucoup plus globale et n'a pas forcément sa place dans cette proposition de loi, même si je comprends l'intention de mes collègues rapporteurs, dont les circonscriptions font face à une véritable complexité en la matière. Nous sommes clairement opposés à la baisse du taux de l'abattement, qui est une hausse de fiscalité pour nos concitoyens. Après les dingueries de création de taxes dont nous avons été témoins ces derniers jours à l'Assemblée nationale, j'ai envie de dire : « Stop ! » Arrêtons d'augmenter la fiscalité sur l'immobilier !

Nous sommes en revanche plutôt d'accord sur la première partie du texte, qui renforce la réglementation.

Chers collègues, je vous alerte : des modèles économiques sont bâtis sur ces dispositifs fiscaux et certains, dans les stations par exemple, verront du jour au lendemain leur fiscalité augmenter. Vous allez alimenter la grogne sociale et la défiance à l'égard de l'impôt.

Nous voterons contre toute modification de la fiscalité en l'état. Nous sommes favorables à une grande réflexion sur la fiscalité immobilière, afin de favoriser la location longue durée, mais les taux doivent être maniés avec une grande attention.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - On parle de revenus de location bien plus intéressants à la journée, au week-end ou au mois qu'à l'année. Même avec un abattement de 40 %, 30 %, 20 %, voire sans abattement, louer par Airbnb, Booking ou toute autre plateforme restera extrêmement rentable. Celui qui verra son abattement passer de 71 % à 40 % ne verra pas son plan d'investissement remis en question. Changer les draps et préparer des dosettes de café ne justifient pas un taux d'abattement de 50 %.

Je rappelle que le Sénat a voté en loi de finances un taux d'abattement de 30 % pour les meublés classés - des sénateurs LR, centristes, socialistes l'ont défendu.

Nous proposons une voie médiane qui ne ruinera pas ceux qui louent leur bien sur Airbnb. Ces locations continueront à être rentables.

Pourquoi le petit propriétaire qui loue à une famille sur une longue durée n'aurait-il pas droit aux mêmes avantages que celui qui loue à la semaine ? Pourquoi ce dernier a-t-il droit à plus d'avantages que celui qui loue à ceux qui font vivre nos territoires, nos entreprises, nos commerces de proximité, nos écoles, et même notre tourisme, car des saisonniers n'arrivent pas à se loger, à La Baule ou à la Plagne ? Que l'on choisisse la longue ou la courte durée, on doit être logé à la même enseigne.

Mme Amel Gacquerre, sénatrice. - Merci pour ce débat très sain.

Encore aujourd'hui, notre pays souffre d'une instabilité fiscale terrible. Oui, nous sommes parlementaires pour changer les règles qui ne vont pas dans le bon sens. Mais nous manquons ici de vision et de stabilité. Il est très compliqué de donner confiance aux investisseurs dans ces conditions.

En l'espèce, les rapporteurs vont tous dans le même sens : réduire les avantages liés à la location de courte durée. L'objectif visé par cette proposition de loi est donc partiellement atteint.

N'omettons pas de notre réflexion les territoires ruraux qui ont besoin d'investissements dans les meublés de tourisme parce qu'ils ont des corps de ferme vacants. Les élus locaux nous demandent de ne pas aller trop loin, car ils doivent pouvoir faire venir des investisseurs.

Après réflexion, je soutiens le taux à 50 % parce qu'il ne faut pas perdre de vue l'importance de ceux qui investissent dans les territoires.

M. Vincent Rolland, député. - L'investissement dans l'hébergement touristique est nécessaire dans les territoires ruraux. Souvent, on y trouve des gîtes. Sont-ils concernés par la proposition de rédaction n° 10 s'ils sont classés trois épis ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les gîtes ne sont pas définis. Nous attendons la signature du décret qui se trouve actuellement sur le bureau de Mme Marina Ferrari.

M. Vincent Rolland, député. - Est-ce la même chose pour les chambres d'hôtes ? La qualité sous-tend-elle une prime sous forme d'abattement ?

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Les gîtes n'ont pas d'existence juridique et les chambres d'hôtes sont incluses dans la réforme des meublés de tourisme classés, sans spécificités supplémentaires.

Mme Frédérique Espagnac, sénatrice. - Un problème se pose pour les gîtes. Dans le milieu agricole, le gîte rural constitue souvent un complément de salaire, généralement pour la femme. Le taux d'abattement passerait de 71 % à 50 %, voire à 40 %. Mais il ne faut pas oublier que ces revenus sont ensuite imposés par la Mutualité sociale agricole (MSA). Le propriétaire d'une ferme qui loue un gîte paie l'impôt - dont l'abattement baisse - auquel s'ajoute l'imposition de la MSA. C'est donc une double perte de revenus.

Le décret qui attendait sur le bureau d'Olivia Grégoire est désormais sur celui de Marina Ferrari. Je l'ai d'ailleurs évoqué avec elle lors du congrès de l'Association nationale des élus de la montagne. Les gîtes, à ce jour, ne sont pas définis. Je n'étais pas complètement d'accord avec la proposition de Jean-François Husson qui considère tout le monde pareillement, car il y a des différences entre la personne qui loue un seul gîte et celle qui en loue cinq ou six.

Je partage les propos de Mme Simonnet, mais je veux vous alerter sur la situation de certains territoires où les prix ont fortement augmenté. Le seul modèle économique qui fonctionne pour des jeunes couples ou des personnes âgées qui réussissent enfin à acheter leur logement principal est de partir dans leur famille pendant les vacances pour louer leur logement. C'est la seule solution qu'ils ont trouvée pour mettre un toit au-dessus de leur tête.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - C'est l'Assemblée nationale qui a proposé de conserver le taux de 71 % pour les gîtes ruraux, avec un plafond très élevé à 77 700 euros, et c'est le Sénat qui est revenu sur cet avantage. J'ai du mal à entendre, venant du Sénat, que la proposition de passer ce taux à 50 % leur serait bénéfique.

M. Frédéric Falcon, député. - Quand arrêtera-t-on de tout taxer dans ce pays et d'augmenter sans cesse les impôts ? Les gens continueront à pratiquer la location saisonnière. La fiscalité n'aura aucune incidence.

Selon une étude, la location saisonnière ne concerne que 24 000 logements à Paris. Tout le reste, ce sont des propriétaires qui louent ponctuellement leur résidence principale pour payer leurs charges et faire face aux aléas de la vie.

Mme Frédérique Espagnac, sénatrice. - À Paris, c'est bien davantage ! Il y a 24 000 logements classés, mais le nombre de logements non classés est bien plus élevé. L'étude que vous citez est fausse.

La proposition de rédaction n° 9 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale n'est pas adoptée, non plus que la proposition de rédaction n° 10 des rapporteurs pour l'Assemblée nationale.

La proposition de rédaction n° 8 du rapporteur pour le Sénat est adoptée.

L'article 3 est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous venons de fournir un effort considérable, car si nous avions voté contre cette proposition de rédaction, l'article aurait été supprimé et nous serions revenus à un abattement de 30 % pour tout le monde, qui a force de loi après l'interprétation du Conseil d'État.

Les propos de certains ont été excessifs. Les rapporteurs du Sénat devront expliquer qu'ils privilégient toujours la location de courte durée à la location de longue durée.

Je suis déçu, car l'objet de cette proposition de loi était d'envoyer un signal fort de rétablissement de l'égalité entre les deux schémas. C'est un coup d'épée dans l'eau.

Nous aurions pu faire échec à la proposition de rédaction de M. Husson. Certains lobbies ont agi efficacement, mais d'autres risquent d'attaquer cette décision, notamment l'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie (Umih), qui a annoncé qu'elle n'accepterait pas que l'avis du Conseil d'État soit remis en question.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Je suis moi aussi déçue. Cependant, réjouissons-nous que des baisses de taux réduisent l'inégalité, dans une moindre mesure. Je reste convaincue qu'il faudra à terme appliquer la même fiscalité aux locations de longue durée et de courte durée.

Oui, l'abattement favorise le tourisme, mais il affaiblit le vivre ensemble et le bon fonctionnement des services publics. Les écoles ferment de plus en plus, et je le déplore. Je sais que cela ne relève pas seulement de la fiscalité, mais aussi des changements de comportement.

Nous avons choisi de nous abstenir sur la proposition de rédaction de M. Husson pour que la CMP soit conclusive.

Il reste le projet de loi de finances. Il peut être dommage de modifier constamment les taux, mais ce peut être l'occasion de revaloriser la location nue. Malheureusement, notre marge de négociation est bien plus basse que si nous avions adopté un taux de 40 %. Je suis consciente que l'on demande déjà un effort, avec la baisse du taux, mais nous voulons vraiment inciter les investisseurs à préférer un autre modèle, tourné vers l'intérêt général et non l'intérêt personnel.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Nous avons joué le jeu. J'espère que les sénateurs feront de même en adoptant un amendement au PLF pour fixer le taux d'abattement de la location nue à 50 %, afin qu'il soit maintenu dans le texte après son examen par l'Assemblée nationale et la possible utilisation par le Gouvernement de l'article 49.3 de la Constitution. Sinon, nous perdrons le peu de confiance qu'il nous reste.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - On ne peut pas préjuger des débats, mais nous serons mobilisés.

M. Frédéric Falcon, député. - J'ai entendu la petite musique... Nous n'avons pas de lobbies derrière nous. Sinon, citez-les, monsieur Echaniz ! J'ai été pris à partie plusieurs fois, mais je n'ai pas de lien avec Airbnb. Mon seul lobby, c'est ma circonscription.

Je comprends parfaitement votre combat, mais je vous mets en garde : votre recette n'est pas duplicable à l'ensemble des territoires.

L'Umih est aussi un lobby. Je sais que vous l'avez rencontrée. Faites attention quand vous maniez le concept de lobby, surtout dans ce climat de suspicion généralisée vis-à-vis de la classe politique. Ce n'est pas très honnête.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - Merci à nos collègues pour leur vote.

Réduire le débat sur l'éviction du logement permanent au profit de la location touristique à une question de fiscalité, c'est méconnaître les motivations des propriétaires. La location saisonnière demande du temps et implique de lourdes charges. Autour de moi, beaucoup de personnes la privilégient non pour des raisons fiscales, mais en raison du statut du propriétaire bailleur, qui peut faire face à des locataires indélicats. Si nous protégions mieux les propriétaires, nous ferions un grand pas vers plus de location de longue durée. Ce n'est pas un taux à 30 %, 40 % ou 50 % qui changera le cours des choses.

M. Jean-François Husson, rapporteur pour le Sénat. - Je remercie les rapporteurs. La proposition de rédaction n° 8, qui a été adoptée, n'a été soutenue que par une minorité des membres de la CMP, ce qui me fait dire que nous ne nous sommes pas parvenus à nous comprendre. Nous l'avons dit à maintes reprises : pourquoi aller chercher dans la fiscalité le prétendu remède à tous nos maux ? La France a le niveau de dépenses publiques le plus élevé de l'OCDE et a le niveau de fiscalité le plus élevé d'Europe, ce qui pourrait en théorie conduire le pays à afficher de bons résultats, mais nous conviendrons tous que ce n'est pas vraiment le cas.

Prenons garde aux conséquences de la réduction ou de la suppression d'avantages fiscaux, dont on ne mesure pas forcément les conséquences. Frédérique Espagnac a soulevé l'enjeu d'une éventuelle double imposition, sujet sur lequel nous devrons nous pencher afin de corriger une éventuelle anomalie, d'autant plus si elle affecte des agriculteurs dont la trésorerie est fragile, avec des revenus peu élevés, quelles que soient les productions.

Une fois encore, ne réglons pas tout par la fiscalité, ce qui crispe inutilement le débat. La principale demande des territoires est bien de disposer d'outils réglementaires et juridiques adéquats pour freiner certaines tendances et revenir progressivement à la normale. Attention à ne pas se faire plaisir en attaquant les « ultra-riches » ou d'autres catégories, et veillons à rester modérés et objectifs.

En conclusion, il ne s'agit pas d'une victoire puisque nous aurons encore à convaincre au moment du PLF, de votre côté comme du nôtre. Vous pouvez compter sur nous pour continuer à avancer.

Mme Frédérique Espagnac, sénatrice. - Je tiens à rétablir un élément de fond : dans les territoires sous tension, les demandes des élus ne sont plus seulement réglementaires, mais également fiscales, même si le volet réglementaire a permis d'amorcer la pompe. Comme l'a dit Mme Simonnet, il existe une urgence majeure sur l'attractivité du logement à l'année, à la fois sous l'angle fiscal et sous celui de la protection du propriétaire, puisque nous connaissons tous des cas de propriétaires ne louant plus après avoir retrouvé leur logement dans un état dégradé.

Je tiens à lancer une alerte collective : ce vote nous engage, quelle que soit notre appartenance politique, et j'espère que nous serons à l'unisson pour le défendre au moment du PLF.

Nous nous devons d'assurer la justice sociale et fiscale, non pas en créant des impôts à tour de bras, mais en apportant de la régulation et de l'équilibre. Certaines personnes, véritables championnes de la location, parviennent à ne pas payer d'impôt, ce qui doit nous interpeller. Je m'engage à être au rendez-vous pour le PLF.

Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Je remercie les rapporteurs, les députés ayant fait un pas important afin d'aboutir à un accord. Je pense cependant qu'une série de réglages sera nécessaire, notamment pour les gîtes ruraux, qui mériteraient d'être considérés à part.

Quant à la double fiscalité qui a été évoquée, il est plutôt question d'un mode de calcul des cotisations de la MSA en fonction des revenus. De fait, les revenus issus des gîtes ruraux sont intégrés dans le calcul, alors qu'environ 40 % des revenus agricoles sont affectés aux cotisations à la MSA. Cette question me paraît relever de la discussion sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS).

Le problème réside dans le fait que la diversification des activités est découragée à un moment où elle devrait être développée, compte tenu des risques pesant sur la production agricole. Outre la nécessaire révision du mode de calcul des cotisations à la MSA, qui avantage fortement l'investissement matériel plutôt que la diversification des activités, d'autres outils que la fiscalité peuvent être mobilisés. Par exemple, les aides prévues dans le programme européen LEADER pour aider à la diversification pourraient être revues à la hausse. Des choix différents pourraient, à cet égard, être effectués dans les modalités de mise en oeuvre de la politique agricole commune (PAC).

Article 4 (supprimé)

L'article 4 est supprimé.

Article 1er (précédemment réservé)

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - La proposition de rédaction n° 3 vise à soumettre les meublés de tourisme au diagnostic de performance énergétique (DPE), pour éviter un phénomène d'éviction du logement locatif permanent au profit de la location meublée touristique, qui échappe actuellement à ces règles.

Sur ce point, le Sénat avait revu le dispositif proposé par l'Assemblée nationale tout en conservant son esprit. Le DPE reste adossé au régime de changement d'usage, tout en rendant la disposition plus lisible, réaliste et opérationnelle.

L'Assemblée nationale avait souhaité différencier les autorisations de changement d'usage temporaire et permanent. La distinction que nous avons retenue porte sur le flux et le stock de meublés.

Pour le flux, nous proposons donc de mettre une barrière à l'entrée des passoires énergétiques, c'est-à-dire les meublés classés F et G.

Pour le stock, nous donnons un délai de dix ans aux meublés de tourisme pour être mis en conformité avec la loi climat et résilience. Nos auditions ont en effet montré que les cinq ans proposés par l'Assemblée nationale étaient insuffisants.

En effet, dans les territoires littoraux ou de montagne, beaucoup de locations touristiques datent des années 1970 et sont considérées comme des passoires énergétiques. Un délai de mise en conformité trop court risquerait de fortement déstabiliser ce parc.

En outre, il n'existe pas d'aides d'État pour ce type de logements, considérés comme des résidences secondaires. Cela complexifiera le financement des travaux.

Enfin, il est souvent très difficile d'obtenir les autorisations nécessaires pour réaliser ces travaux en copropriété.

C'est pourquoi un délai de dix ans nous paraît beaucoup plus réaliste. L'an dernier, les travaux de rénovation des résidences principales ont chuté de près de 15 %, et l'on parle déjà de revoir le calendrier de la loi climat et résilience pour les résidences principales. Certes, nous pourrions afficher un délai plus ambitieux, mais nous savons pertinemment qu'il ne sera pas tenable. Aussi, autant inscrire un objectif raisonnable.

M. Inaki Echaniz, rapporteur pour l'Assemblée nationale. - Concernant le stock, l'Assemblée nationale avait proposé un délai de cinq ans. Vous proposez dix ans. Nous avons fait une contre-proposition fixant un délai de sept ans, pour une mise en conformité en 2031. Cela nous paraîtrait raisonnable.

M. Frédéric Falcon, député. - Je lutte depuis longtemps contre l'injustice des contraintes du DPE. Cette semaine, d'ailleurs, à l'occasion de la niche parlementaire de mon groupe, une proposition de loi sera présentée pour amoindrir ces contraintes, fondées sur un outil qui n'est absolument pas fiable. C'est une folie de plus !

N'oublions pas que, dans les stations balnéaires du sud de la France, le parc résidentiel de locations saisonnières a été construit dans les années 1970.

Nous sommes totalement opposés aux contraintes qu'imposerait cet article. Que ce soit pour la location saisonnière ou de longue durée, nous devons nous pencher sur cet outil défaillant. On constate des écarts de note qui vont jusqu'à trois classes ! Nous y voyons une atteinte grave au droit de propriété.

M. Vincent Rolland, député. - Je remercie Sylviane Noël pour cette proposition, qui est frappée du sceau du bon sens.

Sur le stock, il est indispensable de donner du temps à celles et ceux qui possèdent un meublé de tourisme. D'ailleurs, si nous leur avions imposé le même calendrier qu'aux propriétaires de biens destinés à la location de longue durée, il leur aurait été impossible de trouver des artisans capables de réaliser ces travaux - ils sont déjà surchargés ! Nous sommes tous d'accord sur l'objectif de limiter les passoires thermiques. Mais donnons du temps aux propriétaires.

Je partage le point de vue de M. Falcon sur les conditions de réalisation des DPE, en particulier sur les diagnostics rendus, qui, d'une société à l'autre, peuvent varier jusqu'à deux lettres, ce qui est invraisemblable. Certaines incohérences devraient être gommées. Un bien de petite surface, situé sous les toits, mais chauffé à l'électricité - soit une énergie largement décarbonée, dans notre pays ! - se retrouve parfois avec une note lamentable.

Mme Annaïg Le Meur, rapporteure pour l'Assemblée nationale. - Certes, les propriétaires des meublés touristiques n'ont pas droit aux aides de l'État pour la rénovation, mais ils ont bénéficié, pendant des années, d'avantages fiscaux qui auraient pu leur permettre de réaliser ces travaux. Pourquoi n'ont-ils pas investi ? Le feront-ils davantage à l'avenir, en profitant du taux d'abattement fiscal à 50 % ? Je n'en suis pas convaincue.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - On ne peut pas en vouloir aux propriétaires de ne pas engager ces travaux, dès lors qu'ils ne sont pas obligatoires. Il ne faut pas réduire ce débat à une question purement financière.

Votre proposition de seuil à 2031 ne paraît pas très opérationnelle. Elle ajoute une nouvelle date à un calendrier déjà chargé. Notre proposition a le mérite d'aligner la sortie des logements classés E en 2034 et l'obligation de mise en conformité des meublés de tourisme. En 2031, les logements classés E seront encore admis à la location d'une résidence principale, alors qu'en 2034, les propriétaires seront passés à la marche supérieure.

M. Vincent Rolland, député. - Dans certains cas, il faut, en outre, obtenir l'accord de la copropriété, ce qui n'est pas une mince affaire. Nous avons déjà débattu de la difficulté des décisions adoptées en assemblée générale à la majorité des deux tiers : c'est la même chose dans ce cas précis. Or, les propriétaires sont rarement enclins à voter en faveur de telles mesures.

M. Frédéric Falcon, député. - Je ne vais pas refaire le procès des DPE. Notez tout de même que, selon la Cour des comptes, 40 % des logements rénovés restent des passoires thermiques. Que vont devenir tous ces biens ?

La gestion du stock et des logements entrants me paraît kafkaïenne. Comment tout cela sera-t-il contrôlé ? J'espère qu'il ne s'agit pas de créer une nouvelle administration de contrôle...

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - Cette gestion sera assurée au travers des autorisations de changement d'usage.

Mme Danielle Simonnet, députée. -Si nous imposons le DPE à ces biens, c'est précisément pour éviter que des propriétaires ne cherchent à échapper à cette contrainte en transformant leur location de longue durée en meublé de tourisme.

Dans votre proposition de rédaction, en revanche, vous ménagez le stock de biens de tourisme, en laissant à leurs propriétaires davantage de temps pour se mettre aux normes. Personnellement, j'en suis choquée ! Les mêmes obligations devraient s'imposer à tous les biens.

Quoiqu'il en soit, il serait incompréhensible de s'opposer à cet article, puisqu'il empêche la formation d'une niche.

Mme Aurélie Trouvé, députée, vice-présidente. - Pour le stock, le Sénat propose de laisser dix ans aux propriétaires pour se mettre en conformité. L'Assemblée nationale aurait souhaité fixer le délai à 2028, ou, par compromis, à 2031.

Mme Danielle Simonnet, députée. - Nous avons déjà fait d'énormes concessions ! Cinq ans, c'est déjà beaucoup.

Mme Sylviane Noël, rapporteure pour le Sénat. - Je rappelle que la proposition de rédaction que je vous propose est plus ambitieuse que le texte initialement adopté par l'Assemblée nationale, puisque tous les meublés de tourisme seraient concernés à partir de 2034 : ce n'était pas le cas dans la rédaction adoptée par les députés.

En outre, les propriétaires de meublés de tourisme ne bénéficient pas d'aides de l'État. Or on sait que les travaux de rénovation énergétique sont coûteux.

Nous faisons déjà face à une crise du logement. Évitons, en outre, de déstabiliser l'offre de logements touristiques dans certains territoires.

La proposition de rédaction n° 3 des rapporteurs est adoptée.

L'article 1er est adopté dans la rédaction issue des travaux de la commission mixte paritaire.

Intitulé de la proposition de loi

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Nous vous proposons de retenir l'intitulé adopté par le Sénat : « Proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale. »

L'intitulé de la proposition de loi est adopté dans la rédaction du Sénat.

La commission mixte paritaire adopte, ainsi rédigées, l'ensemble des dispositions restant en discussion de la proposition de loi visant à renforcer les outils de régulation des meublés de tourisme à l'échelle locale.

Mme Dominique Estrosi Sassone, sénateur, présidente. - Je vous remercie. Cette proposition de loi donne aux maires des outils pour mieux réguler les meublés de tourisme, tout en tenant compte de la diversité des territoires. L'examen du projet de loi de finances sera l'occasion de se pencher à nouveau sur les aménagements que nous avons votés sur le volet fiscal. Enfin, grâce à ce texte, les meublés de tourisme seront eux aussi concernés par les règles de décence énergétique : j'y vois une avancée.

TABLEAU COMPARATIF

https://www.senat.fr/rap/l24-085/l24-085.pdf

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