C. LA FORTE HAUSSE DU REPORT DE CHARGES, UNE ÉVOLUTION REGRETTABLE

Le problème d'un usage généralisé des reports de charge, correspondant aux paiements comptabilisés sur l'exercice pour lesquels le service fait a été constaté, mais dont la facture n'a pas été réglée, a déjà été soulignée par le rapporteur spécial dans ses derniers rapports budgétaires10(*).

La trajectoire de la LPM 2019-2025 fixait un objectif de report de charge de 10 % du budget total de la mission « Défense » hors dépenses de personnel. Cette cible aura été très largement dépassée en 2023, année pour laquelle les reports de charge s'élèvent, selon les chiffres de la Cour des comptes11(*), à 6,09 milliards d'euros, soit un taux de 19,8 % (contre 3,89 milliards d'euros, soit un taux de 13,7 %, en 2022).

Ce très fort niveau de dépassement, associé à une forte hausse par rapport à 2022, s'explique par le fait que la Première ministre a rendu en 2023 un arbitrage12(*) relevant nettement le plafond de report de charge en le fixant à 20 %. Cette évolution doit être interprétée à la lumière du fait que la nouvelle LPM pour les années 2024 à 2030 ne prévoit pas, contrairement à la précédente, d'objectifs ou de trajectoire en matière de reports de charges.

Ce constat interroge, d'autant que la mission était parvenue à respecter le plafond de report de charges prévu encore récemment, en 2021.

Évolution du report de charge sur la mission

(en % et millions d'euros)

 

Prévision (en %) - LPM 2019-2025

Exécuté (en %)

Exécution

2019

16

16

3 888

2020

15

15

3 764

2021

14

14,4

3 878

2022

12

13,7

3 878

2023

12

19,8

6 085

Source : commission des finances, d'après les réponses au questionnaire budgétaire et les chiffres de la Cour des comptes13(*).

Le report de charges, dérogatoire au principe d'annualité budgétaire, constitue une dépense obligatoire14(*) qui doit être couverte par les crédits de paiement de l'exercice suivant, réduisant d'autant la disponibilité de ceux-ci pour la couverture des dépenses relatives aux engagements programmés de l'année. Il conduit également à faire peser sur la trésorerie des industriels les choix de gestion du ministère, alors que la réduction des impayés constitue un enjeu de crédibilité vis-à-vis des fournisseurs des armées.

En outre, un report de charges suppose le versement d'intérêts moratoires au titre des factures impayées, pour un montant de 18,4 millions d'euros à l'échelle de la mission en 2023, contre 12,7 millions d'euros en 2022.

Le rapporteur spécial a déjà émis des réserves sur l'utilisation des reports de charge qui ne peuvent constituer un mode de gestion par défaut et rappelle que la maîtrise du niveau de ces reports est un enjeu essentiel. En outre, il constate que l'augmentation des reports de charges semble s'accompagner d'une hausse des reports de crédits sur l'année suivante, constituant ainsi, une sorte de « fonds de roulement », selon l'expression de la Cour des comptes15(*), clairement contraire au vote annuel des crédits par le Parlement.


* 10 Rapport général n° 128 (2023-2024), tome III, annexe 9 sur la mission « Défense » de M. Dominique de LEGGE, déposé le 23 novembre 2023.

* 11 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

* 12 Courrier n° 08792 du 22 février 2023.

* 13 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

* 14 Article 95 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique.

* 15 Analyse de l'exécution budgétaire 2023, Mission « Défense », avril 2024, Cour des comptes.

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