N° 34

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2024-2025

Enregistré à la Présidence du Sénat le 16 octobre 2024

RAPPORT

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des finances (1) sur le projet de loi,
rejeté par l'Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée,
relative aux
résultats de la gestion et portant approbation des comptes
de l'année 2023,

Par M. Jean-François HUSSON,
Rapporteur général,

Sénateur

TOME II
CONTRIBUTION DES RAPPORTEURS SPÉCIAUX

ANNEXE N° 6a
Cohésion des territoires - Logement et ville

(Programmes 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », 109 « Aide à l'accès au logement », 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » et 147 « Politique de la ville »)

Rapporteur spécial : M. Jean-Baptiste BLANC

(1) Cette commission est composée de : M. Claude Raynal, président ; M. Jean-François Husson, rapporteur général ; MM. Bruno Belin, Christian Bilhac, Jean-Baptiste Blanc, Emmanuel Capus, Thierry Cozic, Bernard Delcros, Thomas Dossus, Albéric de Montgolfier, Didier Rambaud, Stéphane Sautarel, Pascal Savoldelli, vice-présidents ; M. Michel Canévet, Mmes Marie-Claire Carrère-Gée, Frédérique Espagnac, M. Marc Laménie, secrétaires ; MM. Arnaud Bazin, Grégory Blanc, Mme Florence Blatrix Contat, M. Éric Bocquet, Mme Isabelle Briquet, M. Vincent Capo-Canellas, Mme Marie-Carole Ciuntu, MM. Raphaël Daubet, Vincent Delahaye, Vincent Éblé, Rémi Féraud, Stéphane Fouassin, Mme Nathalie Goulet, MM. Jean-Raymond Hugonet, Éric Jeansannetas, Christian Klinger, Mme Christine Lavarde, MM. Antoine Lefèvre, Dominique de Legge, Victorin Lurel, Hervé Maurey, Jean-Marie Mizzon, Claude Nougein, Olivier Paccaud, Mme Vanina Paoli-Gagin, MM. Georges Patient, Jean-François Rapin, Mme Ghislaine Senée, MM. Laurent Somon, Christopher Szczurek, Mme Sylvie Vermeillet, M. Jean Pierre Vogel.

Voir les numéros :

Assemblée nationale (17ème législ.) : 3, 291 et T.A. 3

Sénat : 32 (2024-2025)

LES PRINCIPALES OBSERVATIONS
DU RAPPORTEUR SPÉCIAL

1. Sur les principales politiques conduites dans le cadre des programmes 177, 109, 135 et 147 relatifs au logement et à l'urbanisme (logement d'abord, logement social et intermédiaire, renouvellement urbain...), le Gouvernement issu des élections du printemps 2022 n'a pas véritablement défini les axes qu'il entendait donner à l'action de l'État. Après 2022, 2023 se présente ainsi comme une seconde « année blanche », bien que certains objectifs et financements commencent à être fixés. L'incertitude politique de 2024 risque néanmoins de faire regretter ce temps perdu.

2. En particulier, le nouveau cadre des relations entre l'État et les bailleurs sociaux, d'une part, et avec le groupe Action Logement, d'autre part, n'a été que tardivement défini. L'État y fait preuve d'un manque de vision de long terme et d'engagement.

3. Le nombre de places ouvertes pour l'hébergement d'urgence atteint un record en 2023. Dès lors, il est patent que le nouveau mode de pilotage de la politique d'hébergement d'urgence ne se conjugue ni avec une diminution de la taille du parc d'hébergement ni avec une maîtrise du coût de cette politique.

4. L'accueil des réfugiés d'Ukraine s'inscrit désormais dans le temps long et fait l'objet d'une action volontariste. Néanmoins, cette politique manque toujours de lisibilité budgétaire, ce qui empêche de tracer le coût de cette action.

5. La mise en place de réformes dans le calcul et le versement des aides au logement a rendu moins précise la budgétisation de cette politique, dont le circuit de financement devra être revu d'ici 2025, en lien avec l'impossibilité à partir de cette année d'affecter au Fonds national d'aide au logement (FNAL) les cotisations employeur qui lui reviennent actuellement.

6. Les agréments de logements sociaux atteignent un niveau bas record hors crise sanitaire, démontrant la mise en place d'une tendance qui renforce encore la crise du logement. Cela est d'autant plus problématique que le financement du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP) n'est pas assuré après 2025.

7. Face aux lourds engagements liés à la mise en oeuvre du nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU), la participation de l'État est à nouveau repoussée aux années futures.

I. L'EXÉCUTION DES PROGRAMMES DE LA MISSION

La mission « Cohésion des territoires » est composée de six programmes portant des politiques de natures diverses1(*), allant de la politique du logement à celle de l'aménagement du territoire :

- le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » vise à répondre aux situations d'hébergement d'urgence et à permettre l'accès au logement ;

- le programme 109 « Aide à l'accès au logement » porte principalement les crédits des aides personnelles au logement ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat » finance, via des fonds de concours, les aides à la pierre et, au moyen de crédits budgétaires, d'autres actions relatives au logement, à la construction, à l'urbanisme et à l'aménagement ;

- le programme 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » comprend le Fonds national d'aménagement et de développement du territoire (FNADT), qui finance une partie des contrats de plan État-régions ainsi que divers dispositifs, dont les maisons France Services ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État » (PITE) portait en 2023 huit actions spécifiques de portée régionale ou interrégionale ;

- le programme 147 « Politique de la ville » porte les moyens de l'État consacrés aux quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) et au nouveau programme de renouvellement urbain (NPNRU).

A. LA MISSION « COHÉSION DES TERRITOIRES » REGROUPE DES POLITIQUES VARIÉES POUR UN MONTANT DE CRÉDITS TOTAL DE PRÈS DE 18 MILLIARDS D'EUROS

Les crédits exécutés de la mission « Cohésion des territoires » se sont élevés en 2023 à 18,8 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 18,5 milliards d'euros en crédits de paiement, ce qui représente une augmentation de 554,6 millions d'euros, soit + 3,0 %, en autorisations d'engagement, et de 626,6 millions d'euros, soit + 3,5 %, en crédits de paiement par rapport à 2022.

Évolution des crédits de la mission « Cohésion des territoires » en 2023

(en millions d'euros et en pourcentage)

   

2022

2023

Exécution / LFI 2023

Exécution

   

LFI

Exécution

LFI

Exécution

en volume

en %

en volume

en %

177 - Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables

AE

2 785,8

2 976,4

+ 6,8 %

2 825,8

3 068,7

+ 242,9

+ 8,6 %

+ 92,3

+ 3,1 %

CP

2 677,5

2 885,4

+ 7,8 %

2 850,6

3 076,5

+ 225,9

+ 7,9 %

+ 191,1

+ 6,6 %

109 - Aide à l'accès au logement

AE

13 079,4

13 078,5

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 212,3

+ 1,6 %

CP

13 079,4

13 079,4

- 0,0 %

13 371,3

13 290,8

- 80,5

- 0,6 %

+ 211,4

+ 1,6 %

135 - Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat

AE

1 064,5

962,1

- 9,6 %

1 567,1

1 395,6

- 171,5

- 10,9 %

+ 433,5

+ 45,1 %

CP

1 064,5

891,7

- 16,2 %

1 145,8

1 089,2

- 56,6

- 4,9 %

+ 197,5

+ 22,1 %

112 - Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire

AE

282,2

382,5

+ 35,6 %

380,8

396,8

+ 16,1

+ 4,2 %

+ 14,3

+ 3,7 %

CP

284,9

338,0

+ 18,6 %

313,8

340,1

+ 26,3

+ 8,4 %

+ 2,1

+ 0,6 %

147 - Politique de la ville

AE

558,3

551,5

- 1,2 %

597,9

565,4

- 32,5

- 5,4 %

+ 13,9

+ 2,5 %

CP

558,3

551,8

- 1,2 %

597,9

565,5

- 32,4

- 5,4 %

+ 13,7

+ 2,5 %

162 - Interventions territoriales de l'État

AE

147,1

328,1

+ 123,0 %

158,0

116,4

- 41,6

- 26,4 %

- 211,7

- 64,5 %

CP

176,4

137,7

- 21,9 %

104,5

148,5

+ 44,0

+ 42,1 %

+ 10,8

+ 7,8 %

Total mission

AE

17 917,4

18 279,1

+ 2,0 %

18 900,9

18 833,7

- 67,1

- 0,4 %

+ 554,6

+ 3,0 %

CP

17 841,1

17 884,0

+ 0,2 %

18 383,8

18 510,6

+ 126,8

+ 0,7 %

+ 626,6

+ 3,5 %

Note : AE : autorisations d'engagement. CP : crédits de paiement. LFI : budgétisation en loi de finances initiale, y compris les prévisions de fonds de concours (FDC) et attributions de produits (ADP). Exécution : consommation constatée dans le projet de loi de règlement ou de résultats de la gestion.

Source : commission des finances du Sénat, d'après les documents budgétaires

Cette augmentation résulte d'une augmentation en volume des crédits consommés dans tous les programmes :

- les crédits du programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables » poursuivent leur augmentation (+ 191,1 millions d'euros en crédits de paiement, après une augmentation de 207,9 millions d'euros en 2022) ;

- de même les crédits des programmes 147 « Politique de la ville », 109 « Aide à l'accès au logement » et 112 « Impulsion et coordination de la politique d'aménagement du territoire » sont en augmentation en volume, respectivement de 2,5 %, 1,6 % et 0,6 %. Cela correspond néanmoins à une réduction en euros constants, dans la mesure où l'inflation2(*) atteignait en 2023 4,9% ;

- le programme 135 « Urbanisme, territoires et amélioration de l'habitat », après une diminution en 2022, connaît une augmentation importante en lien notamment avec l'augmentation de la subvention allouée à l'Agence nationale d'amélioration de l'habitat (ANAH) ;

- le programme 162 « Interventions territoriales de l'État », bien que connaissant une diminution importante des autorisations d'engagement ouvertes, voit les crédits consommés progresser de 7,8 % (+ 10,8 millions d'euros), en raison d'une structure de crédits constituée en grande partie par des reports, des transferts en gestion et des crédits de fonds de concours.

La très grande majorité des crédits de la mission correspondent à des dépenses largement contraintes : dépenses de guichet (aides au logement du programme 109, qui représentent 75 % des crédits de la mission en 2023), ou fortement déterminées par l'évolution de la situation économique et sociale (dépenses d'hébergement et de veille sociale portées par le programme 177) et donc difficilement pilotables.

La mission comporte très peu de dépenses de personnel. Le montant des crédits de paiement de titre 2 exécuté en 2023 est de 1,4 million d'euros, exclusivement imputés sur le programme 147 « Politique de la ville » au titre de la masse salariale des délégués du préfet pour 275 équivalents temps plein travaillés (ETPT).

Comme chaque année, le programme 135 est celui qui a été le plus concerné par les mouvements de crédits en cours d'année, en raison du financement par fonds de concours des projets relevant du Fonds national d'aide à la pierre (FNAP, voir infra), des transferts en provenance de la mission « Plan de relance » et de la nature pluriannuelle des projets qui a pour conséquence un niveau élevé de reports de crédits d'année en année.

Enfin, la loi de finances de fin de gestion (LFG), promulguée le 30 novembre 2023, a annulé les crédits de la réserve n'ayant pas connu de dégel pour les programmes 109, 162 et 135. En revanche, elle a permis d'ouvrir 218,74 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement dans le programme 177 « Hébergement, parcours vers le logement et insertion des personnes vulnérables », afin d'accroître le nombre de places d'hébergement d'urgence - passé de 200 000 en 2022 à 203 000. En outre, cela a permis d'ouvrir des places pour les femmes victimes de violence, de financer le soutien aux réfugiés ukrainiens et de compenser une partie des effets de l'inflation.


* 1 Après une présentation générale des crédits de l'ensemble de la mission, ce rapport spécial portera spécifiquement sur les observations du rapporteur spécial sur l'exécution des programmes 177, 109, 135 et 147 relatifs au logement et à l'urbanisme.

* 2 Indice des prix à la consommation, mesuré par l'Insee.

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